- Détails
- Création : 25 mars 2015
- Mis à jour : 8 septembre 2019
- Publication : 25 mars 2015
SAINT-AMAND-MONTROND
Jean-Claude SEGUIN
Saint-Amand-Montrond, commune du département du Cher (France), compte 8,571 habitants (1894).
1896
Le cinématographe Lumière de Charles Goux (Théâtre, 5-13 décembre 1896)
En provenance de Montluçon, Charles Goux organise des séances de cinématographie à Saint-Amand-Montrond :
Nous sommes très heureux d'apprendre à nos concitoyens que nous aurons sous peu la bonne fortune d'avoir le Cinématographe Lumière. Ce merveilleux appareil, qui donne aux projections photographiques l'illusion absolue de la vie et du mouvement, sera installé au théâtre de Saint-Amand, et restera parmi nous du samedi 5 au jeudi 10 décembre.
Le Nouvelliste de Saint-Amand, Saint-Amand-Montrond, dimanche 29 novembre 1896.
Une semaine plus tard, l'inauguration a lieu dans le théâtre le 6 décembre 1896 :
Le Cinématographe Lumière est installé à Saint-Amand. C'est aujourd'hui samedi qu'il s'ouvre au public. Pendant 6 jours seulement il fonctionnera au théâtre à partir de 4 h jusqu'à 10 h du soir, et demain dimanche à partir de 2 h. Nous sommes persuadés d'avance que le public Saint-Amandois lui fera un accueil aussi chaleureux que les Montluçonnais qui, tous, ont tenu à voir cette incroyable application de la science. Le prix d'entrée est fixé à 50 c. et le programme sera renouvelé chaque jour.
Le Nouvelliste de Saint-Amand, Saint-Amand-Montrond, dimanche 6 décembre 1896.
Cher - 64 - St-Amand-Mont-Rond, le Théâtre et le Kiosque (c.1904)
Grâce un nouvel article du dimanche suivant, nous connaissons quelques titres du répertoire de Charles Goux :
Le Cinématographe Lumière donnera aujourd'hui dimanche, à 3 h ½, une séance extraordinaire comprenant 20 tableaux choisis parmi les plus appréciés du public. La Fanfare de Saint-Amand prêtera son gracieux concours à cette petite solennité locale et se fera entendre dans les entractes. - Programme: Ouverture par la Fanfare.- première partie : six tableaux. – Entracte : Fanfare de Saint-Amand.- Deuxième partie : huit tableaux.- Entracte : Fanfare de Saint-Amand.- Troisième partie : six tableaux.Finale : Grande marche des Tsars, par la Fanfare.- Pour cette séance extraordinaire, le prix des places est fixé comme suit : Première Galerie (places réservées), 50 c. ; Parterre, 1 f. La location est ouverte depuis samedi matin 10 h, au Café du Théâtre. Indépendamment de cette matinée de gala et pour faciliter les personnes qui n'auront pas pu y assister, le Cinématographe donne pour les adieux 10 tableaux choisis : 1. "Infanterie espagnole : la danse au bivouac" ; 2. "Les tigres au Jardin Zoologique (Londres)" ; 3. "Le dais du tsar aux fêtes du Couronnement" ; 4. "Charcuterie mécanique" ; 5. "Barque sortant du port" ; 6. "Cuirassiers en fourrageurs" ; 7. "Inondations à Lyon (quai de l'Archevêché)" ; 8. "Arrivée d'un train en gare" ; 9. "Saut à la couverture" ; 10. "Bains froids à Milan". Ce programme sera exécuté de 2 h ½ à 3 h ½ et de 4 h ½ à 10 h du soir. Prix d'entrée : 50 c. Dernier jour d'ouverture.
L'Avenir du Cher, Bourges, dimanche 13 décembre 1896.
Un autre article local complète l'information en évoquant la programmation du mercredi 9 décembre et offre une estampe de la réaction du public face à cette nouvelle invention :
Depuis 8 jours, nous avons au théâtre le Cinématographe Lumière, dont le succès a été si grand à Montluçon il y a quelques semaines. Au début, notre population, difficile à s'enflammer, semblait accueillir cette bonne aubaine avec une certaine froideur qui est un peu dans le caractère berrichon. Depuis mardi damier, le succès a été complet et toutes les personnes qui ont assisté à une première représentation sont revenues à une seconde, puis à une troisième. Mercredi dernier, notre salle de spectacle était comble. Le personnel de la bijouterie a eu sa représentation spéciale, grâce à l'initiative de M. Cuzot, le sympathique directeur de cet établissement qui, d'accord avec la direction du Cinématographe, avait organisé une vraie fête de famille. Dans cette séance, 19 tableaux ont été mis sous les yeux des spectateurs. Ce sont : "Le train" ; "Le déchargement d'un paquebot" ; "L'arroseur" (scène comique) ; "Une charge de cuirassiers" ; "L'arrivée des gondoles à Venise" ; "La pêche à l'épervier" ; "Le défilé des chasseurs d'Afrique" ; "Paris aux fêtes du tsar" ; "Les joueurs de cartes"; "Un prêté pour un rendu" ; "Les baigneurs à Milan" ; "Une course en sacs" ; "Les bébés s'amusent" ; "L'artillerie" ; "Baigneurs en mer" ; "Tempête en mer" ; "Le jury de peinture" ; "Les dragons traversant la Saône". Ces différents tableaux sont superbes, et l'action en est réelle. Aujourd'hui 13, à 3 h ½, aura lieu une séance extraordinaire comprenant 20 tableaux. La Fanfare prêtera son concours. Les personnes qui n'ont encore assisté à aucune représentation sont invitées à se hâter, car le départ du cinématographe aura lieu très prochainement.
Le Nouvelliste de Saint-Amand, Saint-Amand-Montrond, dimanche 13 décembre 1896.
Le texte le plus savoureux parmi les articles publiés est celui du journaliste "Fidèle" qui retranscrivant l'accent local rend compte d'une des séances du cinématographe :
Le Cimatographe.- Mes eumis, si vous cétes pas aller vouère çà, vous avez pardu ; minquendi dergnié, j'montais euvec trois vou quatre bons citoyins d'fonblain, du petit Marçois et pis du monde le là ville, au café de la place, et yavait du monde qui parlin qu'il avin été vouère c'te machine là comme j'ai mis en haut, et qu'saleté si gentil, qui voulaient y r’tomer. Nous ont dit, si ça vous ginne pas, j'vous aller anque vous autes. Il ont répond : ya d'la place amenez-vous en si vous v'lez. J'ons donc entrer dans l'tiâtre, nous ont douné chacun 10 sous, pasque du monde en blouses, s'mettons pas aux grousses places et pis ont voit si bin, et ma foué nous ont vu des affaires pas ordinéres, coume j'en ont pas encore vu pour les foires d'Orval, mais ça vinra. Pour 7 ou 8 z'images que j'ons vu, j'peus dire que cé suparbe. Dame çà s'arsembe pu envec les points de vue. Là, les chevals les écomotifes marchent, l'monde aussi, coume des parsonnes néturelles. Cé imaginant !! Faut-y que l'monde soye fin pour éventer des machines coume ça ? Disez vouère. ll ont comme une espàce de lorgnette dans qui qui r'gardons, et pis su un bout d'toile à chemise, qué bin encore pas mal grand, çà s'coumunique tout ensemble par l'aluctrique et pis dames les images, çà les fait voueres grousses. Dans l'coup d"'Labervouère aux zhussards" ya des chevaux, pu grous que la bourique a Maginiant, y s'tornons, y marchons, y boivons coume des cheval naturels. Nous ont vu aussi la "Pêche à l'éparvier", mon pauve vieux, des carbots qu'sautin pire que des guernouilles. Et "L'arrousoué" : l'gas, qu'fait une niche au jardigné et pis que s'trouve pris ensuite. Fame y s'tourons, y s’basculons. C'est-y chic çà ! J'avons enmené deux ou trois voisines anvec nous, dame alle riyin d'vouère çà. Faurait trop d'temps pour citer tout c'que ya. Et pis c'est tout gentil, les "Petits enfants d'bergois qui s’battons", la "Mer à zantibes", liou alle saute pu d'quatre mètres de z'haut. Cé néturel, tout c'que ya d'pu néturel. Moué, j'sais ben que j'veux envoyer toutes les femmes de Rouzère pour vouère çà et pis j'garantis qu'alle s'amuseront ardiment A vous r'voir.
Fidèle.
Le Nouvelliste de Saint-Amand, Saint-Amand-Montrond, dimanche 13 décembre 1896.
C'est finalement le 13 décembre qu'a lieu la dernière séance du cinématographe :
La dernière soirée du Cinématographe.- Le Cinématographe est parti, non sans avoir fait passer quelques heures agréables. Dimanche dernier a eu lieu au théâtre une très jolie matinée, avec le concours de la Fanfare, matinée qui a été organisée rapidement et sans frais. Le Cinématographe a fait défiler, sous les yeux des spectateurs émerveillés, 22 tableaux, tous plus vivants les uns que les autres, tandis que la Fanfare alternait avec quelques morceaux de musique. Le lendemain, il partait pour un département voisin, où le succès le suivra certainement. L'électricité n'a pas dit son dernier mot, dit-on. À quand les photographies coloriées animées, exemptes absolument de toute trépidation, et mille autres nouveautés.
Le Nouvelliste de Saint-Amand, Saint-Amand-Montrond, dimanche 20 décembre 1896.
1897
Le nouveau cinématographe (Théâtre, 11 avril 1897)
C'est un cinématographe combiné avec un phonographe qui est présente, pour une seule séance, le dimanche 11 avril 1897 au Théâtre :
Dimanche 11 avril, à 8 h ½ du soir, par la tournée du Cinématographe qui remporte les plus éclatants succès dans tous les principaux théâtres, une seule représentation extraordinaire : photographie animée et vivante, avec une addition du nouveau phonographe haut-parleur. Innovation. - Le spectacle laisse bien en arrière tout ce qui avait été rêvé, c'est l'impossible réalisé. Voir en un instant sous vos yeux, nombre de scènes vivantes telles qu'elles se sont déroulées à des centaines de lieues, les voir absolument naturelles avec tous leurs mouvements de personnes, chevaux, voitures, trains, bateaux ; des fêtes, cortèges, défilés, etc. ; c'est merveilleux, cela tient du prodige et mérite bien le plus immense succès. Est-il une personne qui hésite à débourser une somme aussi minime pour voir en un instant ce qu'il lui faudrait un mois de voyages pour aller voir sur place. Profitez tous de cette occasion unique. Après avoir vu des scènes réelles, naturelles, la représentation sera terminée par une scène tout aussi vivante, mais surnaturelle, miraculeuse. Appréciation générale du public. C'est le plus merveilleux spectacle qui existe au monde ; en quelques jours, il a provoqué plus d'admiration que tous les autres spectacles réunis depuis des siècles. Allez voir, quittez tout s'il le faut, mais allez-y. Allez admirer cette merveilleuse invention. Vues d’actualité : fêtes russes à Paris. Pour que tous puissent y aller, le prix des places est très réduit. Grandes réductions pour MM. les militaires et enfants. Séances particulières sur demande.
Le Nouvelliste de Saint-Amand, Saint-Amand-Montrond, 11 avril1897.
Malgré le ton enthousiaste de l'article, la réalité l'est moins. Cette séance est en réalité un fiasco comme le commente la presse locale :
Si le public a été volé une fois au théâtre, c'est assurément dimanche dernier à la représentation du cinématographe, qui n'était nullement comparable à celui de l'inventeur Lumière de Lyon, que nous avons vu ici, il y a quelques mois. La trépidation est beaucoup trop accentuée et les clichés sont quelque peu usés ; de plus ils ne sont pas assez variés et nullement en rapport avec le prix des places. Le public s'est retiré mécontent et ne s'est pas gêné pour le montrer.
Le Nouvelliste de Saint-Amand, Saint-Amand-Montrond, 18 avril 1897.