REIMS

Jean-Claude SEGUIN

Reims, ville du département de la Marne (France), compte 104.186 habitants (1894)

1896

Le Cinématographe Lumière de la Ligue de l'enseignement (Cirque, mars 1896)

La ligue de l'enseignement rémoise organise une série de conférences dont celle de clôture est consacrée aux inventions technologiques nouvelles comme le cinématographe, les rayons X et la photographe des couleurs. Cette séance exceptionnelle est donnée par M. Gouttolenc, conférencier et professeur de l'Ecole professionnelle : 

Le Cinématographe
La Ligue de l’Enseignement a voulu terminer la série de ses conférences de cette saison par une soirée à la fois instructive et curieuse, digne au plus haut point d’intéresser nos concitoyens. Nous avons annoncé déjà que cette réunion serait consacrée à ces trois merveilles :
La photographie à travers les corps opaques, du professeur Rœntgen ;
La photographie coloriée ;
Et surtout, cette découverte véritablement admirable, le Cinématographe, ou autrement dit la Photographie animée.
Ceux qui n’ont pas assisté à une séance de projections du Cinématographe no peuvent pas se faire une idée de l’ingéniosité de cet appareil extraordinaire. Le Cinématographe, de création toute récente, fait actuellement courir tout Paris. Ce sont tous les jours des stationnements énormes de curieux qui attendent, devant l’établissement où fonctionne cet ingénieux appareil, le moment d’assister à une séance.
C’est donc une véritable bonne fortune pour Reims de pouvoir assister, au Cirque, à la soirée à laquelle nous convie la Ligue de l’Enseignement.
Pour donner à nos lecteurs une faible idée de ces séances, la description d’un tableau, entre autres, suffira.
Que l’on se figure, par exemple, une gare quelconque. Aux allées et venues des employés, des hommes d’équipe, aux mouvements précipités des voyageurs qui sortent des salles d’attente, nous devinons qu’un train est signalé. En effet, voici que le lourd convoi fait soudain son apparition et stoppe. Les employés ouvrent les portières, les voyageurs descendent, d’autres montent ; sur le quai, ce sont des embrassades, des poignées de main ; des groupes se forment. Puis, au signal du chef de gare, le train repart et les voyageurs qui viennent de descendre se dirigent qui vers la sortie, qui vers le buffet.
Et toute cette scène, photographiée à la gare de Lyon, mouvementée à souhait, se déroule sous nos yeux, sur un immense écran ; nous en distinguons admirablement les détails. Vraiment, on croit rêver en assistant à de pareilles choses. C’est bien là le dernier mot de la photographie
Le succès qu’obtiendra à Reims le Cinématographe sera certainement très grand, et il y a tout lieu d’en féliciter la Ligue de l’Enseignement à qui nous devons de passer d’aussi instructives et agréables soirées.
Nous rappelons qu’on peut retenir ses places chez M. Bournier, rue du Cloître.


L'Indépendant rémois, Reims, 23 mars 1896, p. 2.

Si les frère Lumière prête leur cinématographe pour cette séance de conférences, ils le font aussi par esprit commercial, en sachant que l'appareil de leur invention peut à la fois contenter le public d'un cirque - c'est d'ailleurs là que les projections ont lieu - comme celui, sans doute plus instruit, qui a pour habitude de suivre les conférences de la Ligue de l'enseignement. La première séance va donc avoir lieu le 28 mars. Lors des premières présentations du cinématographe, il est fréquent que la presse se fende de quelques explications plus ou moins scientifiques, mais qui visent à faire comprendre au lecteur de qui il en retourne. C'est un peu le propos du journaliste E. Arlot qui rend compte de cette soirée exceptionnelle : 

Ligue de l'Enseignement.
Pour clôturer la série des intéressantes conférences qu’il a organisées cet hiver, le Comité rémois de la Ligue de l’Enseignement avait prié M. Couttolenc, le distingué professeur de l’École professionnelle, de parler de la photographie et, pour compléter les démonstrations scientifiques du professeur il avait fait venir le cinématographe de la maison Lumière qui en ce moment fait courir « Tout Paris ».
La valeur scientifique du conférencier, l’attrait de l’entendre démontrer les récentes découvertes de la photographie en couleur et des rayons X ; enfin le désir de connaître ce cinématographe dont on parle tant depuis quelques semaines, avaient attiré au Cirque, malgré un temps épouvantable, une foule très empressée.
M. Couttolenc a fait un rapide historique de la photographie Après avoir rappelé que la première chambre noire avait été découverte en 1550 par Porta, il a rapidement décrit les procédés de Niepce et de Daguerre, deux Français, qui ont été les vrais Inventeurs de la photographie, puis il est arrivé à la découverte de la photographie en couleur trouvée par un autre Français, Lipmann et aux fameux rayons X découverts par Rœntgœn.
M. Couttolenc a accompagné ses données scientifiques d’expériences fort intéressantes et de projections extrêmement curieuses.
Malheureusement, le conférencier est un homme de laboratoire ; sa voix, quoi que très nette, est faible et le moindre murmure de la foule la couvre complètement, au grand détriment des auditeurs, qui perdent ainsi une partie du plaisir qu’ils étaient venus chercher.
Après la conférence de M. Couttolenc ont commencé les expériences du cinématographe. C’était encore de la science, mais de la science amusante cette fois.
Qu’on nous passe la vulgarité de la comparaison, le cinématographe est une lanterne magique où les personnages vont et viennent, où la mer moutonne, la fumée monte, la poussière se répand, les trains de chemins de for arrivent sur vous, les voitures, les vélocipèdes courent, les hommes marchent comme dans la vie ordinaire.
Deux éléments manquent encore pour parfaire la réalité de ces tableaux vivants : la couleur et le son. Dans peu de temps, sans doute, grâce à la photographie colorée et au phonographe, ces lacunes seront comblées et plus heureux que nous, nos descendants n’auront qu’une manivelle à tourner pour voir et entendre causer leurs aïeux, ainsi devenus véritablement immortels.
E. ARLOT.
***
En présence du succès obtenu par la soirée d’hier, la Ligue va donner ce soir dimanche une deuxième séance populaire à prix réduits du grand succès du jour, le merveilleux appareil des frères Lumière : le Cinématographe.
Prix des places : Stalles et Parquet, 1 fr. ; Premières, 0 fr. 50 ; Secondes, 0 fr. 25.


L'Indépendant rémois, Reims, 29 mars 1896, p. 2.

Les explications, parfois approximatives, permettent au moins d'avoir une idée de l'appareil cinématographique. En revanche L'Indépendant rémois est avare d'informations relatives aux opérateurs et à la programmation prévue. Le Patriote est plus disert et complète le compte rendu de la soirée :

[...] M. Couttolenc cède la place aux opérateurs de MM. Lumière, venus de Paris tout exprès pour produire devant le public rémois leurs curieuses projections. Le succès qu'elles obtiennent en ce moment à Paris est, disons-le tout de suite, parfaitement justifié. Malgré les petits inconvénients d'une installation provisoire et un peu défectueuse, le succès n'a pas été moins grand ici qu'à Paris. Chaque scène était accueillie par des bravos frénétiques, des applaudissements enthousiastes et mêmes par des bans battus avec autant de frénésie que peu d'ensemble. Avec une complaisance dont on les a remerciés par de nouveaux applaudissements, les opérateurs ont recommencé plusieurs scènes à la demande générale. 12 scènes des plus variées et des plus pittoresques se sont succédées sur l'écran, nous disons scènes, à dessein, et non tableaux, car ce sont de véritables scènes, avec toutes l'illusion de la réalité, que reproduit le cinématographe. Citons parmi les plus remarquables : " La sortie de l'usine ", avec son fourmillement d'ouvrières qui sortent, les unes en courant, les autres en causant, ses employés qui enfourchent leurs bicyclettes et s'éloignent en pédalant, son omnibus, attelé de deux chevaux, qui sort au pas d'abord pour ne pas écraser les retardataires et prend ensuite une allure plus rapide. " Le jardinier " victime d'une mauvaise farce d'un gamin à qui il administre une correction méritée. " L'arrivée d'un train en gare " avec son mouvement de voyageurs qui montent et descendent. " L'arrivée à quai d'un paquebot " dont les passagers touchent terre avec bonheur : l'un de ces aimables personnages pousse même l'amabilité jusqu'à saluer gaiement les spectateurs. " Le bain de mer ", etc., etc., il nous faudrait du reste, citer les 12 projections qui se sont succédées, admirablement réussies.
V.M.


Le Patriote, Reims, 30 mars 1896

Malgré quelques problèmes - qui viennent confirmer ce que dit en partie l'article de L'Indépendant rémois - le succès est au rendez-vous. Le journaliste insiste bien sur le terme " scène " - provenant du monde du théâtre - et écarte celui de  "tableau " trop pictural et statique à son goût. S'il ne fait pas de doute que les vues présentées sont effectivement des photographies animées qui appartiennent au catalogue Lumière, leur identification reste parfois délicate puisque la propre maison de Monplaisir tourne plusieurs versions de ses " classiques ". Le succès aidant, une seconde séance est organisée le dimanche 30 mars 1896. Ces deux séances de démonstration ont pour vocation avant tout de faire connaître la nouveauté des frères Lumière, même si l'objectif commercial n'est jamais très loin.

Répertoire (autres films) : Enfant aux poissonsRepas, Joueurs, Le ChapeauForgerons, Place de LyonLe Mur (Le Patriote, Reims, 30 mars 1896).

Le Cinématographe Lumière d'Abel Bordéria (Casino, avril-mai 1896)

Abel Bordéria, qui a obtenu la concession d'exploitation du cinématographe Lumière pour quelques villes de l'Est de la France, va commencer par la ville où il exerce son métier de photographe. Même si l'appareil est déjà connu des Rémois grâce aux deux soirées organisées, en mars, par la Ligue de l'Enseignement, il s'agit maintenant d'une installation commerciale, au théâtre du Casino, dont l'inauguration a lieu le 23 avril 1896 :

Le Cinématographe.
Hier ont commencé, dans la jolie salle du Casino de la rue de l’Etape, très étonnée de voir les pères de famille et les mamans accompagnés de leurs enfants sur ses fauteuils, les séances du Cinématographe des frères Lumière, de Lyon, qui obtient depuis quelques mois tant de succès à Paris et à Londres.
La Ligue de l’Enseignement avait déjà réussi à donner aux Rémois la primeur de ce spectacle vraiment curieux, duquel, plus que de tout autre, on peut dire qu’il instruit en amusant; mais, malgré deux séances données au Cirque, bien des spectateurs n’avaient pu satisfaire leur curiosité, aussi sommes-nous heureux de leur annoncer que, pendant quelques jours, deux séances auront lieu au Casino : l’après-midi et deux le soir.
Notons encore que fréquemment les vues offertes au public seront variées, afin de permettre aux spectateurs de revenir plusieurs fois, sans être fatigués par la même exhibition.


L'Indépendant rémois, Reims, 24 avril 1896, p. 2.

reims casino
Phototypie A. Rep et Filliette à Château-Thierry-Collection R. F.
Reims, le Casino et la Brasserie (c. 1910)

Grâce au journaliste du Courrier de la Champagne nous disposons d'informations plus précises, en particulier, sur la programmation de la soirée inaugurale :

[...] Et voici qu'un photographe rémois, M. Bordéria, s'en est rendu acquéreur [cinématographe], pour en donner des séances publiques, au joli petit théâtre du Casino. Nous avons assisté hier à la première séance et bien que déjà nous ayons vu fonctionner l'appareil et que nous en connaissions le mécanisme, nous n'avons pu nous défendre d'une vive admiration à la vue de toutes ces scènes qui semblent des pages détachées de la vie humaine, non pas racontée ou photographiée, mais toute vivante et agissante. Ainsi, voici d'abord apparaître " Une lourde diligence " qui traverse la place, puis s'arrête. Les portières s'ouvrent, les voyageurs se précipitent ; surviennent les amis, les parents : on se serre la main, on s'embrasse ; les facteurs descendent et transportent les bagages ; l'un des arrivants s'étire bras et jambes, cet autre allume et fume un cigare. Et pour compléter l'illusion, nous ajouterons que les personnages sont de grandeur naturelle. Le second tableau projeté sur l'écran nous montre " Des ouvriers démolissant un mur " qui, à la fin, s'effondre sous leurs coups de maillets, en produisant un épais nuage de poussière. C'est ensuite " La sortie du personnel de l'usine Lumière " : plus de 200 ouvriers et ouvrières, chacun d'une physionomie différente, quelques uns enfourchent la bicyclette ; les derniers se rangent pour laisser sortir la voiture du patron. Succède une délicieuse scène enfantine, " Un bébé caressant un gros chien " qui se prête complaisamment à tous ses caprices. Voici la grande " Avenue des Champs-Élysées ", avec tous ses équipages qui vont, reviennent, s'entrecroisent, pendant que sous l'œil plus ou moins vigilant des bonnes, les enfants se gaudissent dans les allées latérales. Ici des paysans brûlent dans les champs les " Mauvaises herbes " ; là, dans un salon, une " Partie de tric-trac ". Plus loin, une " Discussion politique " se termine par un violent pugilat. Enfin le public assiste aux péripéties d'une " Partie de boules ". Nous en passons et des meilleures, notamment un " Gros temps en mer " et " Barque sortant du port ", où l'on voit la vague qui se brise en flots d'écume sur les récifs. Voilà certes un spectacle que tout le monde voudra voir. À la sortie, on peut entendre, à la brasserie, le charmant orchestre de Mlle Marguerite Lussay.


Le Courrier de la Champagne, Reims, 24 avril 1896.

Comme d'habitude, les annonces se font plus rares et moins complètes jusqu'au dernier jour de spectacle, le 7 mai 1896. Le journaliste de L'Indépendant rémois y va de son couplet sur la morosité de la ville, après le départ du cinématographe, à peine brisée par les rythmes de l'orchestre de Mlle de Luçay :

Le Cinématographe.
Les dernières séances du cinématographe Lumière, qui a eu tant de succès et a fait courir tout Reims depuis quinze jours, ont eu lieu hier soir au Casino. La foule était considérable et les spectateurs n’ont cessé d’applaudir et de bisser les tableaux animés si envieusement reproduits devant leurs yeux.
Demain, le matériel sera emballé et expédié à Nancy où un succès pareil si ce n’est plus grand que celui obtenu à Reims, attend sans doute la merveilleuse invention de MM. Lumière, les habiles photographes lyonnais.
Cet accueil favorable sera évidemment le même dans toutes les villes de l’Est de la France et de la Belgique où le matériel et les vues qui ont fonctionné à Reims, vont être successivement livrés à la curiosité publique.
Cette attraction disparue de Reims, notre ville redevient morte ; plus la moindre distraction agréable, pas encore de sérénades le soir, plus de théâtre, plus de casino, si ce n’est une fois par hasard, plus do concerts, plus rien. Si, une branche de salut nous reste heureusement. C’est l’excellent petit orchestre de Mlle Marguerite de Luçay, que tout le monde connaît à Reims. Il est revenu depuis quelques temps à la Brasserie de Strasbourg où, chaque après-midi et chaque soir, il fait les délices des connaisseurs qu’il attire en grand nombre et qui lui restent toujours fidèles Sans cet aimable sextuor il faudrait nous coucher à la même heure que les poules de Cormontreuil. Nous croyons pouvoir annoncer que l’hiver prochain, le cinématographe Lumière, perfectionné et avec des vues d’un puissant intérêt, fera sa réapparition à Reims. Nous pouvons lui prédire qu’il retrouvera ici, un succès éclatant. E. A.


L'Indépendant rémois, Reims, 8 mai 1896, p. 2.

Abel Bordéria, qui reviendra quelque temps plus tard pour de nouvelles séances de projections animées, quitte Reims pour Nancy.

Répertoire (autres titres) : AcrobatesLe régiment qui passeAquariumCignes, Baignade en merCharcuterie mécaniqueLe Train, Querelle politiqueLe MurLes Brûleurs d'herbes, Le Jardinier (L'Indépendant rémois, Reims, 30 avril 1896, p. 3). 

Le Cinématographe Lumière d'Abel Bordéria (Casino, juillet-septembre 1896)

De retour d'ÉpinalAbel Bordéria va organiser de nouvelles séances de cinématographie au Casino, comme il l'avait fait quelques semaines plus tôt. La presse rémoise annonce bien entendu le retour du photographe :

Le Cinématographe Lumière au Casino.
Nous apprenons l’arrivée à Reims du Cinématographe Lumière. Les premières séances seront données le samedi 11 juillet, à 3 heures et à 5 heures après midi. Le soir et les jours suivants, elles auront lieu à 8 h. 1/2 et 9 h. 1/2 du soir.
Nos lecteurs trouveront en troisième page le programme des divers numéros du Cinématographe.


 L'Indépendant rémois, Reims, 10 juillet 1896, p. 2.

L'inauguration a lieu le samedi 11 juillet dans l'après-midi et le clou du spectacle ce sont les fêtes du couronne du tsar à Moscou qui ont eu lieu quelques semaines plutôt et que Charles Moisson a filmé pour la maison Lumière. L'Indépendant rémois nous offre le programme complet de cette première journée :

CASINO
LES FÊTES DU COURONNEMENT DU CZAR À MOSCOU PAR LE CINÉMATOGRAPHE LUMIÈRE
Premières séances le Samedi 11 juillet, à 3 heures et à 5 heures après-midi, le soir à 8 h 1/2, les jours suivants aux mêmes heures.
___
1. Le Carrosse de la Czarine et de la Grande-Duchesse Eugénie.
2. Chefs asiatiques.
3. Le  Czar et la Czarine se rendant à l'Eglise de l'Assomption.
4. Dames d'honneur se rendant au Sacre.
5. Czar et Czarine après le Sacre.
6. Ambassade coréenne.
7. Députations asiatiques.
8. Cuirassiers fourrageurs.
9. Charges de Cuirassiers.
10. La Mêlée.
11. Cyclistes et Cavaliers.
12. Ecriture à l'envers.
___
PRIX DES PLACES
Fauteuils, 1 fr. ; Parterre, 0 fr. 75 ; Premières galeries, 0 fr. 50.


L'Indépendant rémois, Reims, 10 juillet 1896, p. 3.

De façon régulière, le programme va être publié dans la presse régionale au cours des semaines sans modification sensible jusqu'au début du mois d'août où le nombre de films passent de 12 à 16 vues (L'Indépendant rémois, Reims, 3 août 1896, p. 3). Le cinématographe va annoncer son prochain départ, Abel Bordéria devant se rendre dans d'autres villes pour organiser des séances : 

Le Cinématographe. Le succès du Cinématographe-Lumière s’affirme tous les jours, et il n’est aucune des séances données l’après midi et le soir au Casino de la rue de l’Etape qui n'obtienne un vif succès. Pourtant, le Cinématographe va bien tôt disparaître, son concessionnaire, M. Bordéria, est impatiemment attendu dans d’autres villes où il a pris l’engage ment d’aller, et dans quelques jours il donnera ses dernières séances. Aujourd’hui, le programme a été complètement remanié. Il est composé des superbes vues du couronnement du tsar depuis longtemps redemandées par les spectateurs, et d’une série de scènes tout à fait nouvelles et d’un intérêt vraiment remarquable. Nous citerons parmi ces dernières: l’alerte des pompiers à Londres, qui est saisissante ; le bain à Milan ; la danse des troupiers espagnols ; une cavalcade d’anciens Germains à Budapesth ; les danseuses des rues de Londres, etc., qui sont autant de tableaux de genre inédits et originaux. Les curieux qui n’ont pas encore vu le Cinématographe n’auront rien perdu pour attendre, et ceux qui l’ont déjà applaudi voudront le revoir encore, mais il faut qu’ils se pressent. Dans huit jours, il serait trop tard.


L'Indépendant rémois, Reims, 23 août 1896, p 2.

Quelques jours plus tard, au début du mois de septembre, ce sont 20 vues qui sont offertes au public (L'Indépendant rémois, Reims, 9 septembre 1896, p. 3). Face au succès rencontré par le cinématographe, Abel Bordéria décide de prolonger ses projections pendant encore quelques jours :

Le Cinématographe. Le Cinématographe, qui devait cesser ses représentations à Reims dans les premiers jours de ce mois, a été tellement couru, que M. Bordéria, qui en est le concessionnaire pour la région, cédant aux demandes réitérées qui lui ont été faites, a pu, en reculant d’autres engagements, prolonger son séjour à Reims jusqu’au 24 septembre, dernier délai. Pour cette nouvelle période, il a en grande partie renouvelé sa collection de vues, ne gardant des, anciennes que celles qui ont obtenu et ont encore en ce moment un grand succès. Les nouveaux tableaux sont d’une grande originalité et très nets. Ajoutons que grâce à de sérieux perfectionnements qu’il a apportés dans l’installation, le mode d’éclairage et dans le fonctionnement de l’appareil, la trépidation qui se produit pendant les projections et qui était si fatigante pour les spectateurs, a presque complètement disparu. C’est presque la continuité absolue des images, c’est presque la perfection.


L'Indépendant rémois, Reims, 10 septembre 1896, p. 2.

Finalement, c'est le 24 septembre 1896 que le photographe donne sa dernière séance de cinématographie, avec le projet de continuer ses projections ailleurs... 

Répertoire (autres titres) : Cyclistes militaires-MadridRochers de la Vierge-BiarritzLe Comte de Montebello et le général de Boisdeffre se rendant au KremlinCosaques de l'escorte du CzarExercices de tir par l'artillerie espagnoleEscrime au 98e de ligne français (L'Indépendant rémois, Reims, 25 juillet 1896, p. 3), Cuirassiers fourrageurs françaisLa Mêlée, cuirassiers françaisLe MurBassin des TuileriesArrivée en voitureMauvaises herbesRetour des manœuvres, La Baignade en mer (L'Indépendant rémois, Reims, 3 août, p. 3), AbreuvoirGros temps en merConcours de bébésRégimentPhotographeJeux d'enfantChargement de bateauxAutruchesTrainDémolitionQuerelle enfantineBaignade de Nègres (L'Indépendant rémois, Reims, 8 août 1896, p. 3), Nègres dansant dans la rueCortège anciens Germains à BudapestArmée espagnole danse au bivouacJury de peintureÉléphants (L'Indépendant rémois, Reims, 24 août 1896, p. 3), Une charge de lanciers espagnolsDes cavaliers traversent la Saône, Les Pigeons de Saint-Marc (Le Courrier de la Champagne, Reims, 29 août 1896), Pont de Vestminster, LondresJeu de boulesJongleurs indous, LondresDragons traversant la Saône à chevalLutteurs javanais, LondresJardin d'AcclimatationPigeons de Saint-Marc, Venise (L'Indépendant rémois, Reims, 9 septembre 1896, p. 3)

Le Cinématographe Joly (Rue Carnot, décembre 1896)

La présence furtive d'un cinématographe Joly à Reims n'est signalée que de manière très lapidaire. C'est sans doute dans les derniers jours du mois de novembre que l'appareil s'installe 19, rue Carnot. Il est question de " photographies vivantes ", l'une des multiples façons de désigner les films.

reims joly 1896

L'Indépendant rémois, Reims, 30 novembre 1896, p. 3

Le périodique Le Courrier de la Champagne complète quelque peu l'information deux jours plus tard :

Un nouveau cinématographe vient de s'installer 19, rue Carnot avec des vues très différentes de celles qu'on nous a montrées jusqu'ici. Séances tous les soirs de demi-heure en demi-heure, de 2 h à 6 h et de 7 h à 10 h.


Le Courrier de la Champagne, Reims, 2 décembre 1896.

C'est finalement deux jours plus tard, de nouveau, que le même journal offre un article de quelques lignes qui n'apporte guère d'informations nouvelles et aucune sur la programmation :

Nous avons visité hier le cinématographe de la rue Carnot, dont nous annoncions avant-hier l'installation. Nous y avons trouvé un nombreux public, dont une division du lycée et quelques ecclésiastiques. Les pellicules dont le déroulement régulier, projeté sur un écran, donne l'illusion de vues animées est du système Joly, un concurrent de M. Lumière. Il en résulte que les vues sont toutes différentes de celles du casino il y a quelques mois. La fixité nous a également paru meilleure.


Le Courrier de la Champagne, 4 décembre 1896.

Ce que confirme le journaliste, c'est que le cinématographe Joly est sans doute l'un des meilleurs que l'on trouve alors en France. Puis les annonces disparaissent. Il est probable que le tourneur ait continué sa route pour rentabiliser son cinématographe. 

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