- Détails
- Création : 24 mars 2015
- Mis à jour : 15 juin 2018
- Publication : 24 mars 2015
- Affichages : 5068
Victor BAÏLAC
(Dax, 1872-≥ 1912)
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Jean, Léopold Baïlac (Bayonne, 14/08/1929-Saintes, 23/01/1882) épouse (Dax, 04/09/1865) Victoire, Joséphine Lassalle (Dax, 19/08/1837-). Enfants :
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Jean-Claude SEGUIN
Fils d'un employé de chemin de fer, chef de gare à Orthez, puis à Saintes, Victor Baïlac fait ses études au collège de Cognac, puis au lycée d'Angoulême. En 1891, il s'engage comme volontaire à Angoulême dans le 3e régiment de tirailleurs algériens. Caporal (18/06/1894), il est envoyé en congé le 14 mars 1895. Pendant quelque temps, il reprend son emploi aux chemins de fer (Compagnie d'Orléans). Il s'installe en août 1896, à Paris et entre aussitôt au service d'Ernest Normandin. Ce dernier va l'envoyer, à plusieurs reprises, entre août 1896 et avril 1897, à l'étranger pour le cinématographe, mais nous ignorons s'il va réaliser des vues ou s'occuper d'un ou plusieurs postes. En revanche, nous savons qu'à partir de l'arrivée de Grégoire Bagrachow, en septembre 1896, il se consacre de façon presque exclusive aux projections comme l'explique son collègue :
" [...] Il y a deux services tout à fait distincts dans une entreprise de cinématographie : un, qui comprend la photographie de diverses scènes choisies comme les plus intéressantes, purement technique ; l'autre, chargé spécialement de la manipulation des lampes, des appareils d'exécution - de la représentation en un mot.
Or, j'étais totalement étranger à ce dernier emploi, ayant la direction du premier service, celui de la photographie. J'ignore absolument le maniement des instruments, la mise en oeuvre des scènes prises. "
C'était seulement pour voir l'effet produit par une épreuve nouvellement obtenue du " Cortège de la Mi-Carême " que Bagrachow consentait à accompagner rue Jean-Goujon son camarade Baïlac, chargé, au contraire, lui, du service de la représentation.
La Cocarde, Paris, 19 août 1897, p. 1.
C'est d'ailleurs comme opérateur de projection qu'il va se retrouver au Bazar de la Charité, à Paris, le 4 mai 1897. Il raconte en détail à la presse les condItions dans lequelles l'incendie a été allumé :
M. Normandin, ingénieur mécanicien-électricien, sorti de l'École centrale et entrepreneur de cinématographes, est mon patron depuis le mois d'octobre dernier, et c'est à moi qu'il délègue, le plus souvent, le soin de faire fonctionner ses appareils.
Le 3 mai, jour de l'ouverture du bazar, il n'y eut point de cinématographe rue Jean-Goujon. Nous avions été prévenus trop tard pour être prêts ce jour-là. C'est le lendemain seulement que l'appareil fut installé. La salle, réservée au public et défendue par un tourniquet, avait, je crois qu'on l'a dit déjà, comme dimensions, neuf mètres de profondeur sur quatre mètres de large. Et moi, qui devais m'occuper de la manœuvre, j'étais dans une cahute, toute petite et sans lucarne, encore que l'on m'eût promis d'en ouvrir une pour les après-midis suivantes.
Ma besogne consistait à faire jouer le mécanisme de l'appareil et à régler en même temps la lumière des projections. Cette lumière est faite dans une lampe oxyéthérique : un bâton de chaux est porté par une tige à l'avant de la lampe ; sur lui, on dirige la flamme de l'éther en ayant soin d’insuffler, à travers ladite flamme, de l'oxygène avec une haute pression. Le bâton de chaux étant chauffé à blanc, cela produit une lumière blanche presque aussi intense, presque aussi jolie que celle de l'électricité.
Un de mes amis, également employé chez M. Normandin, comme chef de laboratoire, un Russe nommé Bagrachow, curieux de voir la vente de charité, m'avait marqué son désir de m'accompagner. Je l'avais donc emmené avec moi, mais en amateur, et pas un seul moment il ne devait s'occuper de la manœuvre. Il se trouvait clans la salle du cinématographe lorsque, vers quatre heures, je commençai los expériences.
Comment le feu prit-il ? Tout d'un coup, la lampe baissa, s'éteignit… Je supposai que l'éther manquait, et je priai le public, qui était clans l'obscurité, d'attendre une minute. En même temps à tâtons (car j'ai l'habitude), je commençai de dévisser la lampe, d'enlever le bouchon de l'ouverture par laquelle on introduit l'éther ; et déjà j'avais saisi le récipient, lorsque je criai au Russe :
" - Donnez donc de la lumière clans la salle… » entendant par là qu'il fallait ouvrir le vasistas établi dans l'emplacement réservé aux spectateurs et qui faisait -défaut dans la cahute où j'opérais.
Ainsi fut fait. Mais moi, je continuais de n'y voir goutte. Je m'écriai :
" - A mon tour ! Donnez-moi aussi de la lumière… " Et dans ma pensée cela signifiait : " Écartez les rideaux », ainsi qu'à plusieurs reprises, déjà, on avait fait depuis que la séance était commencée.
Bagrachow écarte bien les rideaux. Je lui dis :
- Mais je n'y vois pas suffisamment…
Alors, lui :
- Où est la boîte ?
Il voulait parler de la boîte d'allumettes. Je compris ainsi. Pourquoi faut-il que, par une fatalité, une absence inexplicables, je répondisse :
Elle est là, sur· la table.
L'idée que tout de suite il allait allumer ne me vint pas. Mais, moins de deux secondes après ma réponse, j'entendis le craquement de l'allumette sur la boîte. Je criai Bagrachow s'éloigna. Hélas ! il était trop tard !… Ma lampe, venant seulement d'être éteinte, était encore brûlante ; une chaleur très forte s'en dégageait… les vapeurs s'enflammèrent. Et moi, qui étais en quelque sorte saturé d'éther, je me trouvai entouré de flammes, tandis que sous la table où elles se déroulaient, les pellicules du celluloïd prenaient feu, instantanément. J'ai, d'ailleurs, raconté le détail de ces faits à Me Monteux à qui j'ai remis le soin de ma défense.
L'incendie déclaré, je fis ce que je crus de mon devoir : je me précipitai hors de ma cahute, j'aidai Bagrachow à arracher le tourniquet de l'entrée, je relevai une bonne sœur qui était tombée tout auprès, j'enlevai les rideaux de la baraque qui, brûlant, effrayaient les gens, les empêchaient de passer pour gagner la sortie. Bientôt, tout le monde fut dehors ; tout le monde avait pu se sauver par les portes, à l'exception d'une dame qui s'était hissée jusqu'à la lucarne et avait piqué une tête dans le terrain vague, sans se faire, d’ailleurs, aucun mal, sans avoir la moindre brûlure. Los spectateurs étant tous en sûreté, je gagnai la grande salle du bazar, où tout brûlait, mais je n'y demeurai pas longtemps : je fus en quelque sorte porté jusque dans la rue par un flot de fuyards. Et c'est à cette circonstance, sans nul doute, que je dois d'être vivant. "
Le Journal, Paris, 16 mai 1897, p. 2.
Certaines de ses déclarations ne recoupent pas la version de l'accident que donne Grégoire Bagrachow lors du procès qui s'ensuit. Il est finalement condamné, par la 8e chambre du tribunal correctionnel, à un an de prison, avec sursis, et 300 fr. d'amende. Les condamnés vont faire appel, mais la 7e chambre de la cour d'appel de Paris va confirmer le verdict, le 11 décembre 1897.
Vue des comptoirs | L'Incendie attaquant la façade : 4 heures 35 |
Jules Huret, La Catastrophe du Bazar de la Charité (4 mai 1897), Paris, Juven Ed., 1897, p. 7 et 16 |
Au-delà de cette date, les informations se raréfient à l'extrême. Nous savons qu'il habite 16, Place du Havre jusqu'en 1905 et qu'il reste dans le domaine du cinématographe. D'une part, à Nîmes, un certain " Baillac " (l'orthographe varie d'un périodique à un autre), du Casino de Paris, présente un " biographe français " au Casino de la ville, en juin 1900 (L'Éclair, 23 juin 1900, p. 3). Presque trois ans plus tard, au Portugal, à Guimarães, Victor Baïlac organise des projections avec un Royal Kosmograph le 8 mars 1903 (Independente, Guimarães, 7 mars 1903, p. 3). À partir du 1er février 1905, il réside à Lausanne (9, rue Maupas) où il organise des séances cinématographiques, au Kursaal, avec un " kosmograph Bailac " (Gazette de Lausanne, Lausanne, 3 juin 1905, p. 3).
Et après (1907-)
C'est en 1909 que Victor Baïlac revient à Paris où il réside au 27, rue Bouchardon (9e). À partir du 28 octobre 1912, il s'installe et réside, à Lamagistere, dans le Tarn-et-Garonne.