Pierre CHAPUIS

(Lyon, 1879-Lyon, 1900)

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Jean-Claude SEGUIN

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Jean, André Chapuis (Ruy, 07/12/1845-Lyon 2e, 05/06/1907) épouse Marie, Lucie Martin (Champfromier, 22/06/1847-). Descendance :

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Au service de la maison Lumière, il part à l’âge de 17 ans pour l’Italie où il arrive en juillet 1896. Après un séjour à Milan, il est envoyé à Venise (juillet-septembre 1896). Grâce aux lettres qu'il envoie à son frère, Marius Chapuis, nous connaissons mieux le quotidien de ces opérateurs, "petites mains" dans le dispositif Lumière. Dans la ville des Doges, il rapporte les difficultés auxquelles il est confronté :

Nos affaires ne vont pas trop mal, pas si bien qu'à Milan, mais il y a beaucoup moins d'habitants. À présent, nous n'abîmons plus de pellicule. Nous avons eu encore une chance épatante, il y a peu près 1 mois ½, le concessionnaire a été a Lyon et nous a demandé un autre appareil qu'il a obtenu sans difficulté, car c'est un bon ami de la maison, sans cela on aurait pu se taper. Enfin nous l'avons et nous sommes contents car, sans exagérer, nous abîmions à chaque représentation 2 ou 3 pellicules. À présent, nous n'en faisons plus, nous marchons comme sur des roulettes carrées, aussi nous sommes contents, on ne se dispute plus avec le chef de poste. À Venise, c'est la lumière qui est mauvaise, car nous avons le courant alternatif, mais ça va quand même.


Pierre Chapuis, Lettre à Marius Chapuis, Venise, 6 août 1896. (Fonds Génard).

En Italie du Nord, le concessionnaire Lumière est Vittorio Calcina, et il est secondé par Genty. Quant à Pierre Chapuis, il profite aussi de la ville, des baignades et des excursions à différentes îles : Murano, Chioggia... Frustré sans doute de ne pouvoir prendre de photographies, il va demander à Calcina sa sténojumelle... Dans une de ses lettres, il explique les problèmes qu'il rencontre comme opérateur:

Nous avions aussi le courant alternatif et les 1er jours j'était obligé de limé les charbons du bas pour les faire entré dans la porte charbon quand j'ai vu sa j'en ai fait faire un autre et sa bien marché avec 20 ampères.


Pierre Chapuis, Lettre à Marius Chapuis, Milan, 25 septembre 1896. (Fonds Génard).

L'équipe se retrouve  à Milan  vers le 10 septiembre:

Cher frangin
Voila a peu près une quinzaine de jours nous sommes retourvenu à Milan et j'en suis très content car à Venise on s'y fait vraiment des cheveux quand on y reste aussi longtemps.


Pierre Chapuis, Lettre à Marius Chapuis, Milan, 25 septembre 1896. (Fonds Génard).

Alors qu'il est de retour à Milan (septembre-octobre 1896), Pierre Chapuis rencontre Charles Moisson, l'ingénieur de la maison de Monplaisir, qui est venu tourner quelques vues et qui s'informe sur la bonne marche du poste :

Moisson demande au chef de poste s'il était content de moi et il lui dit que oui. Il lui a dit aussi que j'étais un peu jeune… « Mettons qu'il soit jeune, mais il fait son service. » Alors je suis resté, sans cela j'étais sûr de déménager.


Pierre Chapuis, Lettre à Marius Chapuis, Milan, 12 octobre 1896. (Fonds Génard).

Même s'il n'occupe, semble-t-il, aucune fonction de cinématographiste - en fait, un "tournage" ne nécessite qu'un seul opérateur, alors que la tenue d'un poste en requiert 2 ou 3 -, il est associé à certaines prises de vues de Moisson :

Dans 1 jour ou 2 nous allons revoir M. Moisson pour aller cinematografare il principe di Napoli e il principessa di Montenegro.


Pierre Chapuis, Lettre à Marius Chapuis, Milan, 12 octobre 1896. (Fonds Génard).

Encore faut-il être prudent compte tenu de l'orthographe et de la syntaxe plutôt incorrecte de Pierre Chapuis. Un doute subsiste donc. Dans le catalogue Lumière, deux vues représentent cet événement exceptionnelle qui se déroule à Rome et a lieu le 24 octobre : Cortège au Mariage du Prince de Naples (283) et Fin du cortège au Mariage du Prince de Naples (284). Pourtant, parmi les autres vues animées tournées dans la capitale, la Fontaine de Trévi retient notre attention. En effet dans le fonds privé de photographies ayant appartenu à la famille Chapuis, on en trouve une qui représente la même fontaine de Trévi.

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[Pierre Chapuis], Fontaine de Trévi, [1896]
© Ghislain Lancel, Patrimoine et Histoire de Champfromier 
Fontaine de Trévi, [octobre 1896]
© Association frères Lumière

Entre la photo et le photogramme d'étranges similitudes : un angle de prise de vue assez proche, des ombres qui semblent indiquer une heure assez voisine... On ne peut pas exclure qu'alors que le cinématographiste - qui pourrait bien être Charles Moisson, - tourne la manivelle, Pierre Chapuis prend une photographie. Dans sa lettre du 29 décembre, il évoque d'ailleurs son goût pour la photo et les circonstances qui entourent cet intérêt : 

[...] Je dois aussi te dire que je suis dans la photographie jusqu'au cou ; dernièrement j'ai reçu une appareil que j'avais commandé à Lucie. C'est un photojumelle à plaques de 6 1/2 + 9. Alors en arrivant dans une ville je pipe Ie monument et autre. Quand j'en aurai fait, je t'en enverrai. Si je peux je t'enverrai celle de mon truc tout monté après l'appareil. Ce qui m'a mis la photographie dans la tête c'est de manier tant de plaques et papiers chez M. Calcina. Pour passer mon temps, je m'amusais a faire les emballages avec son employée, alors j'écris à Lucie en rigolant de me faire la farce de m'envoyer un appareil, et elle me répond en m'encourageant. Alors je lui dis I'appareil que j'ai envie et elle me l'a acheté ; et me voilà photographe.


Pierre Chapuis, Lettre à Marius Chapuis, Turin, 29 décembre 1896. (Fonds Génard).

Ce que nous savons c'est qu'à partir du mois de novembre, Pierre Chapuis se trouve à Turin, là où Vittorio Calcina ouvre un nouveau poste. La concurrence a déjà essayé d'installer des appareils plus ou moins défectueux, mais l'arrivée du cinématographe Lumière change la donne dans la capitale piémontaise. Pierre Chapuis en profite pour inciter sa mère et sa soeur Lucie à venir lui rendre visite puisque Lyon n'est pas très loin. C'est le 6 novembre 1896 que la presse est invitée à découvrir le cinématographe Lumière dans l'ancienne église de l'ancien Ospizio di CaritàLa Stampa va consacrer un long article à l'événement organisé par le concessionnaire italien : 

La fotografia animata. lì Cinematografo Lumiere. Un gentile biglietto d'invito dei signori V. Calcina e Ca, rappresentanti per l'Italia della Casa Lumière et ses fils di Parigi, riuniva ieri sera un'eletta di signore e signori nell'antica chiesa dell'ex-Ospizio di Carità in via Po por assistere ad alcuni esperimenti di proiezione della fotografia animata ottenuta col cinematografo Lumière.
I signori Calcina e Ca, hanno por l'occasione fatto trasformare la vecchia e nuda chiesa in una severa sala, rischiarata da una dozzina di lampade elettriche.
Nella parete in fondo, decorata da vasi di sempreverdi, campeggia in alto un'alta cornice […] racchiude un trasparente: è il quadro delle proiezioni, verso cui tendono gli occhi i numerosi invitati, fra cui abbiamo notato il sindaco, cenatore Rignon, vari consiglieri comunali, ecc. Sotto il quadro è preparato un tavolo riservato al prof. Louvet-Gay, a cui era stato affidato il compito di spiegare all'uditorio i principii su cui si basa la cronografia fotografica.
Alle 20,45 il prof. Louvet-Gay sale alla tribuna destinatagli ed incomincia, in francese, la sua conferenza, alquanto prolissa.
Che cosa è il cinematografo dei signori Lumière':
È un ingegnoso apparecchio che permetto non solamente di raccogliere, mediante la fotografia, con un'ammirabile precisione, tutto lo scene animate, ma di riprodurlo di poi fedelmente, proiettandole sopra uno schermo, in modo da dare agli spettatori l'illusione, più perfetta della realtà.
Le istantanee fotografiche sono impresso su di una striscia pellicolare, la quale si svolge verticalmente in una scatola ermeticamente chiusa. munita di un obbiettivo che si apre o si chiude successivamente, mentre la striscia si ferma o continua a svolgersi, mediante un meccanismo di precisione.
Il numero delle prove fotografiche essendo di quindici per minuto secondo, no risulta che per una scena di un minuto primo bisogna fare 900 fotografie, le quali occupano una striscia lunga 18 metri e larga 3 centimetri.
Gli esperimenti fatti ieri sera dimostrarono che la pratica ha perfettamente corrisposto alla teoria su cui si basa l'ingegnoso apparecchio. Il primo quadro, Giuochi infantili, presenta duo bimbi, in grandezza naturale, que si trastullano con alcuni giuocatoli. L'espressione del viso ed i numerosi movimenti sono riprodotti con esattezza sorprendente. L'illusione è completa.
Quando si spegne il lume e il quadro sparisce, gli spettatori prorompono in un applauso.
Segue la Porta del sole a Madrid. Il quadro è pieno di animazione. Vetture, carrette, viandanti, tranvie passano e spariscono, seguite da altre. Tutti i particolari della scena sono perfetti. Altri applausi, che si rinnovarono alla scena dei due fabbri-ferrai che lavorano.
Anche in questa scena l'illusione è completa. Persino i vapori del ferro infuocato immerso nell’acqua sono riprodotti con esattezza matematica. Pare persino di udire il rumore del martello sull'incudine.
Le proiezioni si seguono in numero di venti. Alcune rappresentano scene divertenti oltre che curiose.
Tale è la scena dei due saltimbanchi, un gigante ed un nano che lottano in un'arena. I salti, le capriole si seguono con una rapidità sorprendente, e il pubblico ci si diverte un mondo.
Bellissima la scena dei bagni di mare. Le onde sono riprodotte fedelmente. Una numerosa comitiva di bagnanti nuotano gettando in alto la spuma.
Da lontano compare una barca, su cui vi sono vario persone.
Degna di nota la scena Ciclisti e Cavalieri a Londra. E un angolo di via, fiancheggiata da un marciapiede, su cui vi sono alcune signore. Da lontano si vede una comitiva di ciclisti di ambi i sessi e di cavalieri. Man mano che arrivano dinanzi al gruppo di signore, cavalieri e ciclisti si fermano, discendono, si scambiano saluti e inchini.
L'ultimo esperimento dà un'idea dell'arrivo di un treno in una stazione.
Il treno spunta microscopico da lontano e si avanza rapidamente. Il personale di servizio esce dagli uffici, i facchini si avanzano. Vengono aperto le porto dello sale d'aspetto, ed i partenti escono in frotte per andare a prendere posto nel treno che nel frattempo si è fermato. I viaggiatori in arrivo discendono confusamente, e si mischiano coi partenti. In un momento la scena diventa animatissima, ed il pubblico vede con rammarico le lampade a spegnersi ed il quadro sparire.
Alle 22 le proiezioni erano finito ed il pubblico sfollava la sala, soddisfattissimo di aver assistito agli interessanti esperimenti.


La Stampa, Turin, 7 novembre 1896,, p. 2.

Sans citer son nom, la presse locale évoque malgré tout sa présence auprès de Vittorio Calcina:

Grazie alla gentilezza del signor Calcina, rappresentante della Casa Lumière, e di un giovane operatore inviato dalla casa stessa, abbiamo potato esaminare da vicino l'apparecchio, che non tenteremo di descrivere ternicamente, ma che in fondo é molto semplice.


La Stampa, Turin, vendredi 13 novembre 1896, p. 1.

C'est lors de son séjour à Turin qu'il est amené à se rendre à Monza, où il rencontre Alexandre Promio à l’occasion d’une présentation privée du cinématographe effectuée devant le roi d’Italie dont il donne une description détaillée dans l'une de ses lettres :

[…] parlons de cette folle soirée que nous avons donnée, ce jour-là, au roi. Un opérateur de la maison, Mr l'ingénieur de la maison Lumière et le directeur du cinémato, M. Promio, qui revenait des fêtes de Rome, s'est juste trouvé à Turin, ce jour-là ; alors le voilà parti, il se donne rendez-vous avec le chef de poste à son hôtel à 8 heures ; le chef de poste arrive à 8 h 5, et il était déjà parti à la gare Porta Nuova et nous devons partir par porte Susa ; Promio, lui, ne voit pas Genty à la gare, il ne prend pas le train et quand il revient au magasin, il était furieux de savoir que nous étions tous partis. Enfin, il envoie une dépêche dans laquelle il met avec l'intelligence et l'exactitude de Genty : « Pas pris le train. Si présence est obligatoire, partirais alors tout de suite ». Calcina répond : « Présence non seulement obligatoire mais nécessaire. » Alors il s'amène à 8 heures du soir à Monza, car il n'aurait pas manqué son coup, car il espérait voir le roi. Enfin, nous partons au palais. On se prépare et il dit à Genty de se mettre à la lampe, quand j'ai entendu ça, j'ai deviné ce qui allait arriver : lui qui ne s’était jamais mis à la lampe s’est trouvé volé ; ses charbons n'étaient pas d'aplomb. La lampe chauffait. Promio faisait augmenter la force, si bien que l’on marchait à 40 ampères en courant continu. Promio l’engueulait, et moi je m'amusais à faire aller la bobineuse, et en moi je disais : « Mon vieux Genty t'es pipé là. Tu ne fais pas le malin aujourd'hui. ». Enfin Promio me fait mettre ; ça a marché un peu mieux, mais nous avions toujours 40 amp. et les charbons du bas devenaient fin comme une aiguille, mais ça allait. À la fin de la séance, Promio l'a engueulé comme un patier dans le palais royal. Genty n'en a pas dormi de la nuit Promio a dit de lui qu'il voulait demander le renvoi de Genty ce qui n'a pas réussi, parce que Calcina est parti à Lyon 1 jour après il a mis tous les torts sur Promio et comme il n'est pas aimé de ces Mrs, ça s’est arrêté là. Et après tous les torts sont à Promio ; moi je dis la même chose, mais dans le fond… Enfin le vendredi après, nous y sommes retournés. M. Calcina en a parlé à ces Mrs, et ils ont renvoyé un autre opérateur, M. Girel, qui a apporté un autre appareil, ce qui fait que l’on ne s'est pas arrêté à Turin. Seulement Genty n'a pas voulu, car il savait bien qu'il n'aurait pas pu faire marcher l'appareil, ça c'est tout clair. Il y serait bien allé, mais il aurait voulu avoir l’opérateur sous ses ordres ce qui ne se pouvait pas, alors c'est moi qui suis parti, et ça a marché encore mieux que toutes les autres fois, et à la fin nous avons eu droit au champagne et nous nous sommes retirés avec félicitation du jury, même bisser à plusieurs reprises. C'est tout.


Pierre Chapuis, Lettre à Marius Chapuis, Milan, 5 décembre 1896. (Fonds Génard).

Malgré l'écriture imparfaite de Pierre Chapuis, nous nous prenons à suivre les incidents et les problèmes que cette séance exceptionnelle provoque. Puis Pierre Chapuis regagne le poste de Turin. Le succès du cinématographe est indéniable et les séances vont se prolonger pendant des mois puisque la dernière annonce date du 25 février 1897. Pierre Chapuis reste dans le poste jusqu'au début de l'année 1897 : 

À Turin on reste 4 mois. Lucie t'a peut-être dit déjà que mon poste était dédoublé et que je partais Ie 5 ou Ie 6 janvier 97 a Rome où nous allons nous arrêter 3 ou 4 jours pour réorganiser Ie poste.


Pierre Chapuis, Lettre à Marius Chapuis, Turin, 29 décembre 1896. (Fonds Génard).

Il est donc encore présent pour la présention des films de la semaine du 20 au 26 décembre 1896 pour laquelle un programme a été conservé.

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Programme du cinématographe Lumière, Turin, 20-26 décembre 1896
© tertu63, www.skyscrapercity.com

L'absence de correspondance postérieure laisse des incertitudes sur le reste de son séjour italien. Nous savons qu'il doit donc se rendre à Rome dans le cadre d'une réorganisation du poste, mais rien ne permet de confirmer sa présence dans la capitale italienne. Dans le courant du mois de janvier 1897, il est de retour à Lyon:

Aujourd'hui j'ai donc mon courage d'une main et la plume de l'autre pour t'annoncer mon retour et pour plutôt encore pour te réclamer ta bécane.


Pierre Chapuis, Lettre à Marius Chapuis, [janvier] 1897. (Fonds Génard).

De santé fragile, il décède, en 1900, à Lyon, un peu plus d’un mois après sa soeur Lucie.

Bibliographie

Chapuis Pierre, Lettres, (Fonds Paul Génard). Publiées dans Lumière, Bulletin du Congrès Lumière, nº 3, 1995, p. 4-11.

Lancel Ghislain, Patrimoine et Histoire de Champfromier, "Marius Chapuis" [Dernière mise à jour de cette page, le 8 juillet 2009.]

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1896-≈06/07/1896 Italie Milan  15, corso Vittorio Emanuele Cinématographe Lumière 
≈06/07/1896-≈31/08/1896 Italie Venise   Cinématographe Lumière 
≈31/08/1896->12/10/1896 Italie Milan 15, corso Vittorio Emanuele  Cinématographe Lumière
[≤23/10/1896-≥25/10/1896] Italie Rome    Cinématographe Lumière 
≈05/11/1896-≥05/01/1897 Italie Turin 33, via Po  Cinématographe Lumière

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