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- Création : 25 mars 2015
- Mis à jour : 10 novembre 2023
- Publication : 25 mars 2015
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ARGENTEUIL
Jean-Claude SEGUIN
Argenteuil, ville de l'ancien département de la Seine-et-Oise (France), compte 13 339 habitants (1894).
1896
Le Cinématographe de M. Bétry (Boulevard Thiers/Au Petit-Matelot, 18-19 octobre 1896)
C'est Au Petit-Matelot, situé au boulevard Thiers, que vont avoir lieu les premières séances cinématographiques connues à Argenteuil. L'établissement est dirigé par M. Bétry qui propose au public argenteuillais, des heures de divertissement, avec des artistes, des clowns musicaux et un appareil pour projeter des images animées :
Nos lecteurs ont très certainement tous entendu parler du Cinématographe, ce si curieux appareil qui donne la vie aux photographes et permet de montrer aux spectateurs dans leur rigoureuse exactitude les scènes les plus mouvementées, saisies par l'objectif avec la rapidité de l'éclair.
Demain dimanche, à 2 heures, et lundi soir, auront lieu, chez M. Bétry, boulevard Thiers, des séances du cinématographe, accompagnées d'auditions du phonographe Edison.
Ainsi se montreront aux yeux et aux oreilles les merveilleux résultats graphiques amenés par les deux prodigieuses applications modernes de la photographie et de l'électricité.
Journal d'Argenteuil, Argenteuil, dimanche 18 octobre 1896, p. 2.
Les séance ont d'ailleurs commencé dès le lundi 12 octobre où M. Bétry a accueilli dans son établissement les cultivateurs-vignerons qui reviennent de la messe d'action de grâce (Journal d'Argenteuil, Argenteuil, 18 octobre 1896, p. 2.). Les informations sont trop lapidaires pour savoir le type de projecteur utilisé. La semaine suivante, le cinématographe est encore de la partie et le journaliste se laisse aller à quelques considérations... quelque peu confuses :
Avant l'opérette, le Cinématographe avait montré aux spectateurs qu ela photographie n'est plus seulement une gravure fixe et exacte, mais une succession de traits, auxquels peuvent être prêtés le mouvement, c'est-à-dire la vie automatique.
Quels étonnements réservent donc la mécanique combinée avec la lumière physico-dynamique et les agents récepteurs que chaque jour la chimie découvre en ses cornues ovaires insoupçonnés de gestations mystérieuses ?
[...]
Dans huit jours : Loïe Fuller.
Le Journal d'Argenteuil, Argenteuil, 25 octobre 1896, p. 2.
Cette fois non plus le répertoire n'est pas décliné et nous ignorons tout des titres et de l'éditeur des films... On annonce malgré tout pour la semaine suivante la Loïe Fuller... ou plutôt une vue animée avec l'une de ses imitatrices... Mais plus de nouvelles du cinématographe.
1898
Le Cinématographe (Rue du Port/Salle Lemaître, 22-23 janvier 1898)
C'est dans les premiers jours de l'année 1898, qu'Argenteuil peut contempler à nouveau des images animées. Dans le cas présent, l'opérateur combine les projections et les auditions grâce au graphophone, un perfectionnement du phonographe :
En attendant le Biographe qui nous a été annoncé, voici que ce soir samedi 22, demain, dimanche 23, d'abord en matinée puis en soirée, est offerte au public d'Argenteuil une exhibition d'un splendide cinématographe accompagné d'un puissant graphophone.
On sait que le cinématographe est un appareil à projections animées qui place sous les yeux les scènes de la vie humaine avec leur vie, leur mouvement et leur animation.
Le graphophone, c'est un phonographe qui permet à toute une salle d'entendre la reproduction exacte des paroles, des chants et même des harmonies enregistrées.
C'est un curieux spectacle et c'est une des merveilles de notre fin de siècle.
Les deux soirées et la matinée auront lieu rue du Port, salle Lemaître.
Le Journal d'Argenteuil, Argenteuil, dimanche 23 janvier 1898, p. 2
Pas de nom d'opérateur, par de répertoire... Rien d'exceptionnel à cela. Certains cinématographes restent ainsi anonymes dans les premiers temps de la nouvelle invention.
Le Biographe universel de MM. Borney et Desprez (Boulevard Thiers/Au Petit-Matelot, 7 février 1898)
C'est à nouveau à M. Blétry, l'actif directeur du Petit-Matelot que l'on doit de nouvelles séances de vues animées. Pour ce faire, il fait appel à Louis Borney et Armand Desprez qui sont les directeurs du Casino de Paris et du Nouveau-Théâtre. Dans leur salle parisienne, ils ont déjà présenté l'American Biograph de la société américaine The American Mutoscope and Biograph Company. Il est donc probable que ce soit l'American Biograph qui se cache sous le nom de "Biographe Universel":
Très prochainement doit avoir lieu en l'une des salles de notre ville, une soirée organisée par MM. Guay et Dacquin, qui outre de jolies comédies, montrara l'intéressant spectacle du biographe universel, de MM. Borney et Desprez, dix tableaux animés avec accompagnement de graphophone.-C'est une soirée à ne pas perdre.
Le Journal d'Argenteuil, Argenteuil, 16 janvier 1898, p. 2.
M. Blétry va offrir ainsi aux Argenteuillais un spectacle complet où la présentation du biographe universel se combine avec celle d'un vaudeville et d'une comédie :
AU PETIT-MATELOT
La salle est déjà toute enguirlandée, toute enrubannée, toute fleurie, et il ne reste à donner qu’un dernier « coup de fion » pour qu’elle soit prête à recevoir demain soir, au milieu de flots de lumière : marquis, pages, seigneurs, diables, clowns, pécheurs, folies, bayadères, polichinelles, titis, pierrots et débardeurs.
Encore quelques heures et l'orchestre entraînera dans le tourbillonnement des valses et mazurkas les sujets de Momus, ces fous qui sont des sages, puisqu’ils savent oublier les tristesses et les écœurements de la vie et narguer le chagrin.
Lundi, grande soirée dont le programme offre une variété exceptionnelle d’attractions.
C’est, outre les chansons et chansonnettes de Mme Jeanne Pernit, des Bouffes ; M. Planés, de Déjazet, et de M. Henrius, des Variétés :
1 Le Biographe universel, perfectionnement du Cinématographe, dernière invention d'Edison dont toute la Presse a parlé et qui a obtenu un si grand succès au Casino de Paris, avec, comme principaux tableaux :
1. Mauvaises herbes. — 2. Place du Châtelet, à Paris. — 3. Passage d’un train. — 4. Trapèze volant. — 5. Le Saut du Mur. — 6. En Classe. — 7. Le Réfectoire. — 8. Danseuses Excentriques. — 9. Les Bains. — 10. Housse Guards (Jubilé de la Reine d’Angleterre). — 11. Charge des Cuirassiers de Reischoffen. — 12. Les Dernières Cartouches (Tableau d’après Detaille), épisodes de la guerre de 1870.
2° Un oncle d'Amérique, vaudeville en un acte, joué par Mme Pernit et M. Dacquin.
3° Les Jurons de Cadillac, comédie en un acte, de P. Perrin, joué par Mme J. Pernit et M. Planés. — Nous pensons que le talent de M. Planès est égal à celui de M. Dacquin et qu’au Petit Matelot les Jurons de Cadillac auront même excellente interprétation que sur la scène de la rue du Port, pendant la direction de Mlle Renée Maurice. La salle de M. Bétry devra être trop petite lundi.
Le Journal d'Argenteuil, Argenteuil, dimanche 6 février 1898, p. 2.
Le cinématographe est habitué à ce genre de situation et il lui arrive souvent de partager ainsi la scène. Malheureusement, la projection ne se déroule pas de façon satisfaisante et " le Biographe lui-même a manqué de souffle... lumineux. ".
1900
Le Cinématographe de M. Giel (Boulevard Héloïse/Salle de M. Verthé,15 août 1900)
En août 1900, une séance de cinématographe est organisée à Argenteuil, grâce à M. Giel. Ce dernier dispose d'un cinématographe Lumière qui lui permet de parcourir le département de Seine-et-Oise où cours de cette année. Comme à son habitude, il ne fait qu'une halte à Argenteuil, afin de présenter sa collection de films :
PROJECTIONS ANIMÉES
Mercredi 15 Août courant, à 8 heures et demie du soir, une séance de projections animées-cinématographe-sera donnée, sous la direction de M. Giel, dans la salle de M. Verthé, boulevard Héloïse.
Programme :
Les Fêtes du Palais Royal à Paris en deux tableaux.
Le Prestidigitateur, en 2 tableaux.
Les Célèbres acrobates, les Krénio [sic], 5 tableaux.
Nouvelles vues comiques.
Cendrillon, grande féérie en 20 tableaux.
Audition du phonographe.
Prix des places : Premières, 1fr. ; deuxièmes, 0 fr. 75 ; troisièmes, 0 fr. 50.
Le Journal d'Argenteuil, Argenteuil, 12 août 1900, p. 2.
Au programme, plusieurs films du catalogue Lumière, comme les deux tableaux Fêtes du Palais-Royal : Le Cortège, Fêtes du Palais-Royal : Un tournoi, les cinq films avec les Krémo et, très probablement, les vues du Prestidigitateur, mais également une vue, Cendrillon due à Georges Méliès. À remarquer l'audition du phonographe, un appareil qui, en 1900, semble un peu désuet. Quant à M. Giel, il va poursuivre sa route vers Neuilly-Plaisance.
1901
Le Cinématographe de M. Giel (Boulevard Héloïse/Salle de M. Verthé, 9 février 1901)
Edition E. Verthé, restaurateur, Argenteuil. Argenteuil-Rond-Point du Nouveau Pont (c. 1905)
C'est à nouveau M. Giel qui arrive en février 1901, avec un programme bien huilé qui lui permet de tourner dans tout le département de Seine-et-Oise. Il revient dans la même salle que l'année antérieure, celle de M. Verthé, qui se trouve sur le boulevard Héloïse.
Ce soir samedi 9 février, à 8 heures et demie, salle de M. Verthé, boulevard Héloïse, grande séance de projections animées au moyen du Cinématographe Lumière.
Au programme :
La Guerre du Transvaal en 12 tableaux.
La Guerre de Chine en 10 tableaux.
Jeanne d'Arc, en 12 tableaux.
La représentation sera terminée par de nombreuses scènes comiques.
Prix des places : Cinquante centimes - Soixante-quinze centimes et 1 franc.
Cette séance aura lieu sous la direction de M. Giel dont la réputation est connue.
Le Journal d'Argenteuil, Argenteuil, 10 février 1901, p. 2.
Si les films Lumière semblent avoir disparu du programme, on retrouve des productions Pathé et Méliès. Rien de bien neuf. De cette séance, nous avons conservé un compte rendu qui permet de connaître la réception que certaines de ces vues peuvent avoir sur le public :
La séance de projections donnée samedi par M. Giel, salle de M. Verthé, avait attiré nombreuse assistance. C'est en vérité une fort agréable manière de s'instruire et même de se divertir que celle de demander à un cinématographe de placer au devant des yeux les scènes animées qu'il faudrait aller cherche au loin et non parfois sans danger, comme par exemple celles de la guerre du sud de l'Afrique ou de la Chine que M. Giel a montrées au boulevard Héloïse.
L'animation des épisodes reproduits par les projections par les projections était telle que l'assistance en est arrivée à manifester ses sentiments intimes envers les acteurs. Plusieurs fois au cours de la soirée ont retenti les cris : Vive les Boers ! Vive la Russie !
Ce qui n'a pas empêché les spectateurs de s'amuser fort des fantaisies hilarantes des intermèdes comiques.
Le Journal d'Argenteuil, Argenteuil, 17 février 1901, p. 3.
Sans doute le journaliste n'est-il pas dupe et sait que les vues d'actualité que présente l'opérateur sont ce que l'on appelle alors des " actualités reconstituées ", mais l'illusion cinématographique fonctionne à fond sur le public qui finit par prendre pour la réalité ce qui n'est que reconstitution. Sans doute le nombre limité de vues - ce qui restreint évidemment le coût des projections - explique-t-il que M. Giel ne s'attarde pas à Argenteuil et continue sa route vers Neuilly-Plaisance.
1902
Le Cinématographe (Boulevard Héloïse/Salle de M. Verthé, 15 août 1902)
De toute l'année 1902, nous ne connaissons qu'une seule et unique représentation cinématographique dont on ignore par ailleurs le nom de l'organisateur, sans parler bien entendu de l'appareil lui-même. En revanche, quelques titres sont identifiables et le programme rappelle un peu celui de M. Giel, d'autant plus que la séance a lieu un 15 août comme en 1900 :
Une grande séance de cinématographe, qui ne comprendra pas moins de 45 tableaux, sera donnée le Vendredi 15 Août, salle Verthé, à 8 heures 1/2 du soir.
Au programme : Les Rois du Tapis exercices d'acrobatie des célèbres Kremo - Le Rêve d'un Buveur, - les souverains russes en Russie et en France, - les Chasseurs Alpins, - Cendrillon, féérie en 20 tableaux et nombreuses scènes comiques et à transformations.
Prix des places : premières 1 fr. ; Secondes 0 fr., 75 ; et troisièmes 0 fr 50.
Voilà pour grands et petits une bonne occasion de connaître bien plus vite et mieux encore que par la lecture le délicieux conte avec lequel nos grands-mères éveillaient l'esprit de leurs bébés blonds et les fabulistes l'intelligence des enfants.
Le Journal d'Argenteuil, Argenteuil, 10 août 1902, p. 2.
La famille Kremo ne semble avoir tourné que quelques films avec les Lumière. Par ailleurs, on trouve également des productions Pathé et Méliès. La remarque sur la lecture est loin d'être anodine et met en parallèle, voire en rivalité, les textes et les images animées, ce qui lui donne, sans le vouloir, un caractère visionnaire.
1903
Le Cinématographe ((Boulevard Héloïse/Salle de M. Verthé, 4 avril 1903)
La salle Verthé est indéniablement le haut lieu des distractions à Argenteuil. Qu'on en juge : on y organise des matinées dansantes (5 avril 1903) et des bals (12 avril) et des projections cinématographiques. En 1903, comme les années précédentes, un appareil va projeter quelques vues en une soirée unique :
Ce soir, Samedi 4 avril, à 8 heures 1/2, Salle Verthé, grande séance de cinématographe.
Au programme : " Le Cirque ", en 5 tableaux, acrobates, clowns, etc. Le "Diable au couvent", féérie; "La Lune à 1 mètre", "La Guerre au Transvaal", en 10 tableaux; "Jeanne d'Arc", pièce à grand spectacle en 12 tableaux et, pour terminer, nombre de scènes à transformations et de scènes comiques.
Le Journal d'Argenteuil, Argenteuil, 5 avril 1903, p. 2.
De nouveau, le programme a un air de déjà-vu et certains films ont été projetés par M. Giel, dans le département.
1904
Le Cinématographe de la fête de Pentecôte (mai 1904)
À Argenteuil, il y a deux fêtes, celle de la Pentecôte et celle des Vendanges. Pour la première de l'année 1904, un cinématographe est au nombre des attractions. On connaît déjà le cirque de la famille Cordioux ou le théâtre Derly qui rencontre un grand succès. Il y a également le prestidigitateur Willy, l'hippodrome de François Henrotte... Et puis l'Eden-Bijou, un habitué de la foire aux pains d'épice de Paris, qui se présente pour la première fois avec ses bonhommes articulés et l'appareil cinématographique. (Le Journal d'Argenteuil, Argenteuil, 29 mai 1904, p. 2). La presse n'en dira pas davantage.
1905
Le Cinématographe Géant (février 1905)
Curieusement annonce que celle que peuvent lire les Argenteuillais le 5 février dans Le Journal d'Argenteuil :
SÉANCE DE CINÉMATOGRAPHIE
Les projections du cinématographe sont au regard des projections de la lanterne magique ce que celles-ci sont au regard des ombres chinoises.
Le cinématographe, application merveilleuse de la photographie, donne aux yeux l'illusion de la vie elle-même. Ce ne sont plus des images qui apparaissent sur l'écran magique, ce sont des scènes vécues.
Mais il est nombre de personnes qui hésitent à aller s'enfermer dans une salle aux côtés d'un cinématographe par crainte du danger. Le souvenir du Bazar de la Charité est demeuré vivace.
Or , voici que, samedi et dimanche, il va être possible d'assister à une agréable séance de cinématographe sans qu'il y ait à avoir la moindre appréhension, sans qu'il y ait l'ombre d'un danger.
Le cinématographe "Le géant" est éclairé à la lumière électrique produite par une dynamo placée hors de la salle.
Le programme, arrêté par M. Louis Girard, ingénieur-électricien, sous la direction duquel fonctionne l'auto-cinématographe, comprend des vues animées à transformations, des scènes artistiques, d'autres comiques et entr'autres sujets : Une chasse à courre en Irlande avec tous ses épisodes.
La 2e partie qui commencera par une conférence avec vues fixes se terminera par Perrette et le pot à lait, traduction féérique et agrandie de la célèbre fable du bon La Fontaine dont le buste apparaîtra dans une apothéose finale.
Le Journal d'Argenteuil, Argenteuil, 5 février 1905, p. 2.
Étrange en effet, car l'évocation de la catastrophe du Bazar de la Charité, à presque huit ans d'intervalle, a de quoi surprendre. D'une part, les projections sont devenues un peu plus sûres, d'autre part, le drame est suffisamment présent dans les mémoires pour qu'il puisse encore être utilisé comme argument commercial. Nous ne connaissons pas Louis Girard, l'ingénieur responsable de la projection, ni même s'il est propriétaire de l'appareil.
Le Théâtre des Arts de Ketorza (juin 1905)
Comme l'année précédente, un cinématographe est présent à la Fête de la Pentecôte. Mais à la différence de 1904, la presse va couvrir amplement la présence du Théâtre des Arts. Il s'agit d'un établissement célèbre dont le propriétaire est l'un des grands noms parmi les forains : Ketorza. Il a d'ailleurs déjà passé une quinzaine de jours dans le département, à Pontoise, en février-mars. Pour une fois, l'annonce du spectacle est assez originale :
À LA FÊTE
Encore quelques jours, et le champ de fête va se couvrir d'éphémères constructions qui en feront un gai et bruyant village forain.
Parmi les établissements qui vont venir nous apporter les distractions annuelles des jours de Pentecôte on nous en signale un qui a toutes les chances de conquérir la vogue : Le Théâtre des Arts, superbe loge éclairée à la lumière électrique, offrant une foule d'attractions, pièces historiques et comiques et œuvres de genre, des scènes d'actualité, etc., etc.
Quel est cet établissement dira-t-on ? C'est le cinématographe géant dont la renommée est établie.
Le " Théâtre des arts " donnera d'autant plus satisfaction au public, qu'il change de spectacle tous les jours.
Or, quoi de plus intéressant que d'assister chaque soir aux spectacles variés si vrais souvent et si amusants parfois qui sont produits par la photographie animée ?
Nous auront à revenir sur le cinématographe géant installé en face le kiosque de la musique, mais d'avance il est permis de lui prédire un gros succès auprès des familles.
Le Journal d'Argenteuil, Argenteuil, 4 juin 1905, p. 2.
Le journaliste construit son article comme une énigme pour nous présenter le cinématographe du Théâtre des Arts. Il s'agit d'ailleurs, semble-t-il, du seul spectacle proposé par Ketorza dans sa baraque foraine. C'est d'ailleurs ce que confirment les articles suivants où l'on nous donne quelques éléments du programme : " Marie-Antoinette neuf tableaux de scènes historiques évoquant les plus émotionnantes de la Révolution ", " La mise en action en huit tableaux de la légende biblique de Samson et Dalila ", " La Fée aux choux, un chef-d'œuvre de reproductions animées " ou " Le Combat naval Russo-japonais devant Port-Arthur " (Le Journal d'Argenteuil, Argenteuil, 11 juin 1905, p. 2). Les films appartiennent, pour l'essentiel au catalogue Pathé. La Fée aux choux est un film Gaumont de 1902, mais on est ici surpris par la description ici donnée qui ne correspond pas à la vue du Comptoir Général de Photographie dont le titre est, en fait, Sage-femme de première classe. Peut-être s'agit-il d'une possible confusion avec un autre film Pathé, La Fée aux fleurs. Le journaliste, dont on ignore le nom, consacre à nouveau quelques lignes bien tournées au cinématographe à l'issue d'une visite au Théâtre des Arts :
LE CINÉMATOGRAPHE GÉANT
Je ne sais si chaque soir la très coquette salle du cinématographe géant a reçu autant de spectateurs que hier vendredi, mais ce que j'ai constaté c'est que le cinématographe mérite de faire chaque jour salle comble et que tous les spectateurs d'hier ont été ravis du spectacle qui leur a été donné.
Les photographies animées sont fort belles et la projection se produit sur l'écran magique avec tout le minimum de scintillement. C'est à peine si les les yeux grands ouverts et avides ressentent la fatigue.
L'illusion de la vie est complète et si les personnages qui semblent évoluer en scène pouvaient parler ce serait le spectacle avec tout le luxe des théâtres les plus riches en décors et en costumes.
L'élégante féerie Peau d'âne et Jenny l'ouvrière ont été très justement applaudies mais les projections en couleur des épisodes du règne de Louis XIV et le petit ballet à cinq personnages qui avaient précédé ont émerveillé les plus difficiles.
La gaîté a eu sa bonne part de la soirée et les scènes drolatiques et amusantes n'ont pas peu contribué au succès.
Fort intéressante aussi la sortie de la messe à la Basilique d'Argenteuil. Les yeux perçants reconnaissaient les personnes sortant de l'Eglise ou traversant la place.
Il n'est pas hors de propos d'ajouter que la salle est puissamment ventilée et des mieux aménagée.
En vérité le cinématographe géant justifie bien son titre : Théâtre des arts. A ce degré la photographie n'est plus seulement un acte de science mais bien aussi une œuvre artistique.
Le passage à Argenteuil du théâtre Ketorza restera longtemps dans la mémoire.
Le Journal d'Argenteuil, Argenteuil, 18 juin 1905, p. 2.
On retrouve à nouveau des films Pathé, mais sans aucun doute, ce qui retient l'attention, c'est La sortie de la messe à la Basilique d'Argenteuil, très probablement la première vue locale et un classique du cinéma des origines. On pourrait penser que son auteur fait partie du Théâtre des Arts, peut-être est-ce même Ketorza ?
C'est finalement le 26 juin qu'a lieu la dernière séance du cinématographe géant - en quoi est-il " géant ", d'ailleurs ? - qui est sans doute celui qui a eu la meilleure réception à Argenteuil. Laissons le journaliste conclure :
Le Cinématographe
Le cinématographe va quitter Argenteuil en plein succès. Encore trois soirées et ce sera fini. La clôture est fixée à Lundi.
Que ceux qui n'ont pas encore profité de la présence sur la place de la fête de la coquette loge du théâtre Ketorza se hâtent d'y aller passer une soirée et que ceux qui sont tentés par le charme des tableaux historiques, l'originalité des scènes comiques et la curiosité de reconnaître les fidèles sortant de la Basilique n'attendent pas davantage.
Mardi il sera trop tard !
Ensuite... quand reviendra à Argenteuil le cinématographe géant ? C'est le secret de la direction et aussi, peut-être, le secret de l'orientation des déplacements du théâtre mobile.
Le Journal d'Argenteuil, Argenteuil, 25 juin 1905, p. 3.
Le Cinématographe Pathé de la salle Verthé (décembre 1905-avril 1906)
C'est à l'occasion de la Noël que la salle Verthé va accueillir, pour la première fois, le Cinématographe Pathé, propriété de Guérin-Goujon. Une première séance est donnée le 23 décembre ainsi que le précise l'annonce suivante :
À la Salle Verthé
Samedi 23 et dimanche 24 décembre 1905, à 8 heures 1/2 du soir, salons Verthé, boulevard Héloïse, Grandes Représentations du Cinématographe Pathé, actionné par un moteur électrogène Masson d'une force de 12 chevaux (exploitation Albignac et Médicis).
A chaque représentation : le naufrage du " Hilda ", le dernier navire englouti sur les côtes bretonnes.
Prix des places : Premières : 1 fr. ; secondes : 0 fr. 75 ; troisièmes : 0 fr. 50. Les enfants au-dessous de 10 ans payeront moitié prix à toutes les places. Locations sans augmentation de prix.
Le dimanche 24, à deux heures et demie, matinée.
Et, à l'occasion du Réveillon, Bal de Nuit, après la représentation du dimanche.
Le Journal d'Argenteuil, Argenteuil, 24 décembre 1905, p. 2.
Comme d'habitude, la salle Verthé accueille un appareil de projection, mais le propriétaire n'hésite pas, à l'occasion du Réveillon, à faire suivre les images animées d'un bal de Nuit. Même si la seule vue connue n'est peut-être pas la plus opportune en ces circonstances... elle évoque un drame survenu dans la nuit du 18 au 19 novembre. Autre élément troublant, le film sur Le Naufrage du Hilda ne semble pas faire partie du catalogue Pathé.
Saint-Malo, Naufrage du "Hilda" (Nuit du 18 au 19 novembre 1905), L'arrière du navire à marée basse
Les séances du cinématographe Pathé vont se renouveler au début de l'année 1906, en fin de semaine. Même s'il arrive que l'appareil soit rebaptisé "Royal Pathé", il s'agit sans doute du même cinématographe :
Ce soir samedi 13, demain dimanche, à 2 heures 3/4 de relevée, et le soir, à 8 heures 3/4 ; enfin lundi soir, Grandes Représentations données, salle Verthé, par le Royal « Pathé », cité comme le plus merveilleux spectacle cinématographique du monde entier.
Parmi les nombreux tableaux et scènes reproduits par le cinématographe, figurent notamment: Le bagne et les forçats. — L’alcoolisme et la tuberculose. — Le chemineau. — Le déserteur.
Une autre partie bien intéressante, c’est la présentation en scène des artistes populaires : Polin, Mercadier, Yvette Guilbert, qu’on voit et qu’on entend. Grâce à l'union des bandes du cinématographe et du phonographe, l’illusion est complète. C’est à la fois l’image, le mouvement et la parole des artistes. C’est bien la vie même, gravée par la lumière, et c’est le rêve du vrai. Prix des places : 1 fr. ; 0 fr. 75 et 0 fr. S0. Elles peuvent être retenues à l’avance.
Le Journal d'Argenteuil, Argenteuil, 14 janvier 1906, p. 2.
Il s'agit du seul programme quelque peu détaillé que nous trouvons dans la presse. Mis à part les horaires assez spéciaux, on distingue aisément deux types de vues présentées. D'une part, des classiques de la maison Pathé et d'autre part, des films parlants. Les premiers ont une tonalité réaliste, à la manière des drames sociaux réalisés par Ferdinand Zecca ou d'André Heuzé, très en vogue à l'époque. Les seconds combinent l'image et le son pour mettre en valeur quelques vedettes du music-hall qui ont enregistré des chansons comme Polin, de son vrai nom, Pierre-Paul Marsalés, Émile Mercadier ou Yvette Guibert. De nouvelles séances vont avoir lieu à partir du 10 mars, puis à la mi-avril où l'on trouve la dernière annonce :
Chez Verthé
Ce soir samedi, demain dimanche, lundi et mardi salle Verthé, boulevard Héloïse, à 8 heures 1/2 du soir séances de Cinématographe Pathé sous la direction de M. Guérin-Goujon fils.
Dimanche matinée à 2 heures et demie.
Au programme des grandes projections électriques figurent nombre de scènes amusantes variées à chaque représentation mais à toutes les séances il sera présenté les scènes de la terrible catastrophe de Courrières.
***
Malgré les séances de cinématographes M. Verthé donnera le dimanche et le lundi de Pâques Bal à grand orchestre, un salon étant spécialement réservé à cet effet.
Le Journal d'Argenteuil, Argenteuil, 15 avril 1906, p. 2
Sans parler de cinéma permanent ou sédentaire, on peut dire que le cinématographe s'installe à Argenteuil au cours des années 1905 et 1906.
La Compagnie franco-américaine du Mondial-Cinéma (mars 1906)
De façon assez curieuse, alors que le cinématographe Pathé semble installé, presque à demeure, dans la salle Verthé, on peut lire dans la presse l'entrefilet suivant :
Ce soir Samedi, à 8 heures 1/2, salle Verthé, boulev. Héloïse, grande séance donnée par la Cie franco-américaine du Mondial-Cinéma dont les succès ont été retentissants dans toute l'Amérique et dans les principales capitales d'Europe.
Spectacle splendide et variété de programmes toujours amusants.
***
Dimanche, même salle, matinée et soirée du même cinématographe sans préjudice de la matinée dansante à 3 heures et du bal de nuit à 8 heures et demie pour lesquels un salon est réservé.
***
Lundi 12 dernière soirée du Mondial-Cinéma.
Le Journal d'Argenteuil, Argenteuil, 11 mars 1906, p. 2.
Le Mondial-Cinéma, qui n'a peut-être pas parcouru le monde comme le prétend l'annonce, est la propriété d'un certain Menut qui tourne en France entre 1906 et 1908. À Argenteuil, il ne va faire qu'une très brève apparition, trois jours à peine.