- Détails
- Création : 25 mars 2015
- Mis à jour : 16 février 2022
- Publication : 25 mars 2015
SENLIS
Jean-Claude SEGUIN
Senlis, situé dans le département de l'Oise (France), compte 7.116 habitants (1894).
1897
Le Cinématographe (Salle des Arènes, 23-25 janvier 1897)
Comme bon nombre de villes de la région parisienne, Senlis est au courant des nouveautés artistiques et technologiques grâce à sa proximité avec Paris. Compte tenu de sa situation géographique et de sa population, l'arrivée du cinématographe dans les premiers jours de l'année 1897 est, finalement, assez précoce. L'appareil - dont le nom générique rend l'identification impossible - est déjà passé à Compiègne, Crépy-en-Valois et Chantilly. Il est la propriété d'un tourneur, sans doute M. Armand, qui a organisé des séances en Champagne. Les seules informations à notre disposition se retrouvent dans l'article du Journal de Senlis :
Le Cinématographe à Senlis
Le Cinématographe, cette nouvelle invention dont on parle tant en ce moment et qui fait courir tout le monde, est installé à Senlis, grande salle des Arènes. Hier soir, pour la première fois, nos concitoyens ont pu voir la plus nouvelle, la plus importante invention de notre époque, la photographie animée ; ils ont été véritablement émerveillés par les scènes vivantes qui se sont déroulées sous leurs yeux.
Ce coin du marché n'est-il pas saisissant de réalisme ? Que d'études dans ce seul tableau, depuis le pauvre lapin qui frétille dans les mains de son bourreau, attendant le coup de poing final, jusqu'à vieille coquette, remarquant les apprêts du photographe, qui se carre, fait la belle, refrise ses cheveux, si bien qu'elle est encore en train de se requinquer quand c'est fini.
Que de mouvement et de variété dans la scène de la gare Saint-Lazare ; à la vue de tout ce fourmillement de piétons, de fiacres, d'omnibus, de tramways, l'illusion est si complète que l'on croit entendre le bruit de cette foule.
Et le régiment d'artillerie qui défile et l’arrivée du tsar et de la tsarine à Paris avec leur brillant cortège.
Et le train qui s'arrête en gare avec ses voyageurs affairés !
Contraste : c'est maintenant le départ d'un transatlantique ;il sort majestueusement du port précédé d'un caboteur, l'eau bouillonne domptée par l'hélice, les passagers rassemblés sur le pont agitent leurs mouchoirs. C'est la Normandie qui vogue vers New-York ou ailleurs. Adieu !
Et cette Loïe Fuller dans sa danse captivante, et si suggestive dans ses changements de couleurs.
Et ainsi défilaient devant les yeux nombre de tableaux de la vie réelle, fixés à jamais par la lumière et le fluide électrique. Où irons-nous ? Bah ! laissons-nous conduire.
Le Cinématographe a eu hier, dans la salle des Arènes, les honneurs de la soirée.
Nous engageons vivement nos concitoyens à ne pas manquer aux dernières séances qui doivent être données, ce soir samedi, à 8 heures 1/2. et demain dimanche, à 4 heures et à 8 heures 1/2.
C'est un spectacle intéressant que tous les fervents du progrès se verront obligés de connaître.
Le Journal de Senlis, Senlis, 24 janvier 1897, p. 2.
Senlis, L'Hôtel des Arènes. L'Entrée de la Ville (c. 1905)
L'intérêt du document, dans le cas présent, réside dans le compte rendu rédigé par un journaliste local qui n'a pas boudé son plaisir en découvrant des vues animées qu'il se plaît à décrire avec verve et même lyrisme. Les titres ou les descriptions des vues présentées ne permettent pourtant pas de connaître l'origine de leur(s) éditeur(s). Le tourneur privilégie, comme ailleurs, la fin de la semaine pour organiser ses séances... et quelques jours plus tard, le voilà à Pontoise.
Eugène de Rozycki (février 1897)
La vogue du cinématographe et des " photographie animées " attire tous ceux qui veulent profiter de la nouveauté. On peut même penser que certains utilisent ces termes pour commercialiser d'autres appareils. C'est ce que l'on peut comprendre dans l'article publicitaire du photographe local Eugène de Rozycki :
RAYONS X...
ET
PHOTOGRAPHIES ANIMÉES
Installation spéciale pour la radiographie.
Vérification immédiate, au moyen des rayons cathodiques, des diamants vrais ou faux, jais, etc.
Expériences et projections pour la chirurgie et la médecine.
S'adresser : 6, rue Saint-Pierre, à Senlis, chez M. E. de ROZYCKI, peintre-photographe, où l'on trouve toutes les nouveautés photographiques.
Appareils spéciaux pour photographies animées permettant de prendre les vues et de les projeter en grandeur naturelle.-Prix excessivement modérés (depuis 75 fr.).
Fournitures de films, développement, tirages positifs, etc.
Sur demande, M. E DE ROZYCKI se rend sur place, avec son appareil perfectionné, pour photographier les scènes intéressantes, réunions, groupes, etc. (Prix à débattre).
Le Journal de Senlis, Senlis, 7 février 1897, p. 3.
Outre ses activités de photographes, dont il est question à la fin de l'article publicitaire, Eugène de Rozycki commercialise également des " appareils spéciaux pour photographies animées ", mais dont nous ignorons le nom. Si l'on tient compte du prix modique (75 fr), on a du mal à penser qu'il peut s'agir de cinématographe dont les prix, très variables, se calculent en centaines de francs (un vitagraphe " nu " de Clément et Gilmer coûte déjà, en 1897, 600 fr). Il est donc probable qu'il s'agisse plutôt d'un appareil photographique sophistiqué... L'annonce se répète, ne varietur, pendant quelques mois.
Le Cinématographe de M. Duguet (Hôtel des Arènes/Hôtel Villette, 24-25 avril/26-27 avril 1897)
Un tourneur, probablement local, M. Duguet va organiser des séances de cinématographe au moment de la foire de Saint-Rieul. La fête commence le dimanche qui suit le 23 avril, soit, cette année-là deux jours plus tard, et dure neuf jours. C'est toujours dans la même salle de l'Hôtel des Arènes que vont avoir lieu les premières séances :
Le Cinématographe à Senlis
Une bonne nouvelle que nous apprenons aux habitants de Senlis. Un opérateur distingué, M. Duguet, donnera samedi 24 et dimanche 25 août [sic], salle de l'Hôtel des Arènes, des séances de Cinématographie (photographies animées), de huit heures et demie à onze heures du soir ; la séance est précédée et suivie du Concert-phonographe Edison, s'entendant dans toute la salle du célèbre Théâtre des Fantoches de Charsel, scène des plus amusantes.
Prix des places : places réservées, 4 fr., premieres, 1 fr. ; deuxièmes, 0 fr. 50.
Les enfants et les militaires paieront demi-place.
Dimanche, matinée enfantine, de quatre heures à six heures.
Le Journal de Senlis, Senlis, 25 avril 1897, p. 2.
Dans ce cas non plus, nous ne savons pas quel est le type d'appareil qui est utilisé et le long article qui va rendre compte de l'inauguration des séances ne permet pas d'en savoir davantage sur ce point. En revanche, il nous éclaire sur quelques films du répertoire du tourneur :
Le Cinématographe à Senlis
Comme nous l'avions annoncé dans notre dernier numéro, M. Duguet a donné une série de représentations de cinémathographie [sic] à Senlis. Le 24 et le 25, les séances ont eu lieu à l'hôtel des Arènes ; lundi et mardi à l'hôtel Villette.
Ceux qui ne connaissent pas le mécanisme de cette illusion d'optique produite par le déroulement à une vitesse considérable d'un ruban long de 23 mètres et portant plus de 600 vues photographiques, combinées de façon à donner l'illusion du mouvement, ont pu être quelque peu déceptionnés par les vibrations de l'image, qui sont inévitables ; mais il n'en est pas moins vrai que les mouvements des personnages projetés sur l'écran étaient très nets et très naturels. Notons en particulier les Bains froids de la Seine, le Débarcadère d'un bateau-omnibus, l'Arrivée d'un train en gare et le Cortège du Czar à Paris ; en somme, le spectacle a fait grand plaisir.
Il a été en outre égayé par des chansonnettes comiques et le théâtre des " trombinoscopes ", sorte de guignol, où la tête d'un homme venant se superposer a des corps réduits et caricaturaux et contant des boniments drolatiques, produisait l’effet le plus réjouissant.
Enfin, le concert-phonographique a été aussi parfaitement réussi.
Le Journal de Senlis, Senlis, 29 avril 1897, p. 2.
Maison Fabre-Hôtel-Restaurant Villette.Senlis (début du XXe siècle)
Le cinématographe se retrouve pour les dernières séances dans la salle d'un autre établissement, l'Hôtel Villette. La description du mécanisme est tout à fait conventionnelle et ne nous éclaire pas sur l'origine de l'appareil. Les titres des trois films cités, eux non plus, ne nous permettent pas de savoir quel en est l'éditeur. L'article n'hésite pas à évoquer le problème des vibrations - ou scintillements - que les constructeurs d'appareils, pendant plusieurs années, ne parviennent pas à résoudre. Le spectacle comprend en outre une sorte de guignol et un concert phonographique. Après ces quelques séances, M. Duguet continue sa route vers Crépy-en-Valois...
1900
Le Cinématographe de M. Giel (Hôtel des Arènes, 2 février 1900)
M. Giel est un tourneur très actif qui parcourt la France en présentant son programme dans de nombreuses villes où il ne reste, en général, qu'un seul jour. Il a un rôle essentiel dans la pénétration du cinématographe dans de petites communes. À Senlis, il donne une séance à l'hôtel des Arènes :
Séance de Cinématographie. -- M. Giel est venu donner, vendredi dernier, une séance de cinématographie, à l’hôtel des Arènes. En dehors de l’attrait qui s’attache à ces expériences très curieuses en elles- mêmes, on est forcé d’avouer que M. Giel aurait été mieux inspiré en nous montrant des films plus neufs. Les vieux rossignols qu’il a fait courir sous les yeux des spectateurs avaient tellement servi qu’ils étaient tout craquelés et marquaient par place des traînées blanches du plus désagréable aspect.
En résumé, l’impression a été plutôt mauvaise, et il faut espérer qu’à son retour, M. Giel nous fera voir mieux que cela.
Le Journal de Senlis, Senlis, jeudi 8 février 1900, p. 2.
Le Cinématographe de M. Giel (Hôtel des Arènes, 10 février 1900)
M. Giel est de retour pour une nouvelle séance cinématographique:
Ainsi qu’il l’avait fait annoncer, M. Giel a donné, samedi dernier, au théâtre, une séance de cinématographie.
Une foule nombreuse avait pris place dans la salle, cet attrait étant très goûté à Crépy.
La série de vue a commencée par une bataille de neige, puis par un débarquement de marins dans une île.
Successivement sont passées devant les yeux des assistants des vues animées très intéressantes, mais il est à regretter que certains films trop sombres n’aient pu faire ressortir l’intérêt qu’elles avaient.
A signaler spécialement la grâce du tableau : « Les premiers pas de bébé ».
Pendant l’entr’acte qui a suivi, le graphophone de M. Giel a fait entendre deux morceaux qui, malheureusement, semblaient tomber des lèvres d’un mourant.
L’appareil projette ensuite des vues d’animaux radiographiés qui n'offraient qu'un intérêt secondaire.
A dix heures un quart, la séance était terminée, et malgré les murmures de quelques spectateurs, l’organisateur était satisfait.
Il avait fait bonne recette.
Journal de Senlis, Senlis, dimanche 11 février 1900, p. 3.
Le Cinématographe de M. Giel (Hôtel des Arènes, 18 septembre 1900)
M. Giel est de retour à Senlis en septembre 1900. Il organise une soirée toujours à l'hôtel des Arènes :
CINÉMATOGRAPHIE. — Mardi prochain, le 18 courant, une séance de cinématographie, sous la direction de M. Giel, sera donnée à 8 h. 1/2 du soir, à l’Hôtel des Arènes.
En voici le programme :
Un Voyage autour du Monde, en 12 tableaux ;
Les Pompiers, en 4 tableaux, avec Incendie et Sauvetage ;
Les Chasseurs alpins, en 5 tableaux ;
Une Noce, en 2 tableaux ;
Les Cuirassés, en 3 tableaux ;
Les Vues comiques.
Prix des places : Premières, 4 fr. ; Secondes, 0 fr. 75 ; Troisièmes, 0 fr. 50.
Journal de Senlis, Senlis, 16 septembre 1900, p. 2.