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- Création : 25 mars 2015
- Mis à jour : 9 janvier 2023
- Publication : 25 mars 2015
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LE MANS
Jean-Claude SEGUIN
Le Mans, chef-lieu du département de la Sarthe (France), compte 58.346 habitants (1894)
1896
Le Cinématographe de M. Rossi (Salle des Concerts, 29 juin-24 juillet 1896)
C'est vers la fin du mois de juin que M. Rossi présente aux Manceaux un cinématographe. Il est annoncé dans la presse dès le 27 juin :
Le Cynématographe, l'appareil à projection reproduisant des scènes vivantes en grandeur naturelle, le même qui, actuellement, fait courir tout Paris, est enfin arrivé dans notre ville et va s'installer dans la salle des concerts. Le directeur de cet appareil très perfectionné ose espérer que les habitants du Mans assisteront en foule aux séances qu'il donnera, à partir du lundi 29 courant, pendant un mois. Les séances auront lieu comme suit : première séance à 8h ½ ; deuxième, à 9h ½. Prix des places : 1f. ; moitié place pour les enfants et les militaires.
La Sarthe, Le Mans, 27 juin 1896.
C'est finalement le 29 juin qu'a lieu l'inauguration des séances de projection de photographies animées :
Les premières expériences de photographies animées ont commencé lundi soir à la salle des concerts, où un cinématographe vient de s’établir. Le premier soir, l’installation laissait quelque peu à désirer, toutes les images n’étaient pas au point et la trépidation de l'appareil était par trop accentuée. Hier déjà, si on n'avait pas encore la perfection absolue, les principaux défauts étaient au moins atténués. Ce soir sans doute les expériences seront plus satisfaisantes encore. Nous avons parlé du cinématographe quand il a fait sa première apparition à Paris. On sait qu’il s’agit d’un appareil qui enregistre pendant une minute et demie, deux objectifs – et qui ensuite, lorsque les clichés ont été développés, projette les scènes enregistrées sur un écran. On a ainsi des tableaux photographiques animés qui produisent à l’œil les plus curieux effets. Nous ne pouvons qu’engager nos lecteurs à aller voir les expériences vraiment fort intéressantes.
La Sarthe, Le Mans, 1 juillet 1896.
Le journaliste rappelle en quelques mots le fonctionnement de l'appareil, mais précise surtout que la présentation des vues a connu quelques difficultés qui sont, malgré tout, assez fréquentes à l'époque : le manque de netteté et la trépidation.
Cliché J. Garczynski, Le Mans.-La Salle des Concerts (ancien Théâtre) et la Mairie (ancien Palais des Comtes du Maine) (débuts du XXe siècle)
Le cinématographe n'est pas le seul à présenter des vues animées puisque, à l'Eldorado, un cinégraphoscope en fait autant. Aussi, le journaliste est-il conduit à comparer les deux appareils :
Photographies animées.- Au cinématographe installé depuis le début de la semaine dans la salle des concerts, le cinégraphoscope installé dans la salle de l'Eldorado vient de faire concurrence. Ce dernier a donné hier ses premières représentations devant deux salles absolument combles. Toutes deux ont obtenu un très vif succès. L'installation est excellente et la plupart des photographies sont remarquables. Quelques unes sont de véritables chefs d'oeuvre. Citons notamment : le "Panorama pris par la portière d'un train en marche" : ce n'est pas seulement le paysage, ce ne sont pas seulement les maisons qui défilent à grande vitesse, c'est un train arrivant en sens inverse, et on aperçoit les voyageurs qui se trouvent dans les wagons et de l'autre côté, par les portières, les bords de la ligne. Citons également " Les Malgaches au Champ-de-Mars " qui montrent des effets de baignade d'une extraordinaire originalité, les prises de vue prises sur "La place de l'Opéra" ou ''La place de la Bastille", etc. Nous disions que le cinégraphoscope allait faire concurrence au cinématographe. Il serait peut-être plus juste de dire que les deux établissements vont mutuellement s'envoyer du monde. Les vues en effet ne sont pas les mêmes et ce spectacle des photographies animées est si curieux, il laisse si loin derrière lui tout ce qu'on a vu jusqu'à ce jour, que très probablement en sortant de l'un on serait tenté d'aller voir l'autre.
La Sarthe, Le Mans, 4 juillet 1896.
M. Rossi va tenter d'ajouter à son spectacle un numéro complémentaire baptisé "fontaines lumineuses ", sans doute quelque effet produit par des projecteurs, et en profite pour réduire le prix d'entrée, ce qui pourrait indiquer que le départ est proche :
Le directeur du cinématographe qui est installé salle des concerts de la ville du Mans, a l'honneur d'annoncer au public que vendredi 10 et samedi 11 juillet il fait relâche pour cause de distribution des prix qui doivent avoir lieu dans cette salle. En conséquence le directeur informe le public manceau qu'à partir de dimanche il fera voir des fontaines lumineuses à chaque tableau de son cinématographe. Voulant que tout le monde puisse assister à ses séances il a décidé de mettre des places à 50 c. ; par conséquent: premières 1f., secondes 50c.
La Sarthe, Le Mans, 10 juillet 1896.
Plus aucun article n'est publié les jours suivants, sans doute parce que le cinématographe de M. Rossi a quitté Le Mans.
Le Cinégraphoscope (L'Eldorado, 3 juillet-31 juillet 1896)
L'arrivée du Cinégraphoscope suit de peu de jours celle du cinématographe de M. Rossi. Il est probable qu'il s'agisse en fait du Cinographoscope, inventé et commercialisé par les frères Pipon. En revanche, nous ignorons le nom de l'exploitant, mème s'il ne faut pas exclure qu'il puisse s'agir d'Eugène Trésel . Les séances sont annoncées à partir du 25 juin :
Bientôt le Mans n'aura rien à envier à Paris. En effet on nous apprend que la semaine prochaine les projections de photographie animée par le « Cinégraphoscope » auront lieu tous les soirs dans la salle de l'Eldorado à 9 et 10h. Cet appareil, le plus perfectionné et le meilleur des appareils similaires donne l'illusion absolue du mouvement Prix d'entrée: 1f. à toutes les places.
La Sarthe, Le Mans, 25 juin 1896.
C'est finalement le 3 juillet qu'a lieu l'inauguration du cinégraphoscope dans la salle de l'Eldorado du Mans, situé rue du porc-épic. Plusieurs vues sont annoncées :
On annonce pour vendredi 3 juillet l'ouverture du « Cinégraphoscope », ce merveilleux appareil à projections animées qui constitue le dernier perfectionnement apporté au cinématographe. Le cinégraphoscope reproduit ce que l'on n'a pas vu jusqu'à présent, notamment une "Vue panoramique par la portière d'un train en marche (paysage des environs de Mantes, ligne de l'ouest)", "La course des artistes dramatiques (bicyclette)" et une série de vues parmi lesquelles nous citerons les suivantes : "Bébé jouant" ; ''Laveuse soudanaise" ; "Baignade de chiens" ; "Les Malgaches (Champ-de-Mars)" ; "La place de la Bastille", etc. Séances tous les soirs à partir de 8h ½ dans la salle de l'Eldorado (entrée par la rue du Porc-Épic et place de la République). La direction prévient les personnes qui ont reçu des invitations et qui ne pourraient les utiliser le jour même qu'elles seront reçues les jours suivants.
La Sarthe, Le Mans, 2 juillet 1896.
On retrouve dans ces films, bon nombre de ceux que présente, à la même période, le tourneur Trésel, en Bretagne.
Eldorado du Mans, programme, 12 octobre 1895 [D.R.] | L.L., Le Mans.-Rue du Porc-Épic (début XXe siècle) |
La présence des deux appareils conduit le journaliste de La Sarthe à les comparer, sans pour autant prendre parti :
Au cinématographe installé depuis le début de la semaine dans la salle des concerts, le cinégraphoscope installé dans la salle de l'Eldorado vient de faire concurrence. Ce dernier a donné hier ses premières représentations devant deux salles absolument combles. Toutes deux ont obtenu un très vif succès. L'installation est excellente et la plupart des photographies sont remarquables. Quelques unes sont de véritables chefs d'oeuvre. Citons notamment : le "Panorama pris par la portière d'un train en marche" : ce n'est pas seulement le paysage, ce ne sont pas seulement les maisons qui défilent à grande vitesse, c'est un train arrivant en sens inverse, et on aperçoit les voyageurs qui se trouvent dans les wagons et de l'autre côté, par les portières, les bords de la ligne. Citons également " Les Malgaches au Champ-de-Mars " qui montrent des effets de baignade d'une extraordinaire originalité, les prises de vue prises sur "La place de l'Opéra" ou ''La place de la Bastille", etc. Nous disions que le cinégraphoscope allait faire concurrence au cinématographe. Il serait peut-être plus juste de dire que les deux établissements vont mutuellement s'envoyer du monde. Les vues en effet ne sont pas les mêmes et ce spectacle des photographies animées est si curieux, il laisse si loin derrière lui tout ce qu'on a vu jusqu'à ce jour, que très probablement en sortant de l'un on serait tenté d'aller voir l'autre.
La Sarthe, Le Mans, 4 juillet 1896.
Un dernier texte publicitaire est publié dans La Sarthe le 31 juillet 1896, mais il est possible que le tourneur soit déjà parti.
Le Kinétographe Robert-Houdin de Marjean (Brasserie Gruber, [18]-24 septembre 1896)
Dans les premiers temps du cinématographe, on connaît relativement peu d'appareils identifiés comme " kinétographe Robert-Houdin ", autrement dit de cinématographe breveté par Georges Méliès. Quant à l'agent Marjean, qui fait également office d'opérateur, son nom n'apparaît nullement part ailleurs. C'est par un simple entrefilet que nous avons connaissance de ces projections qui ont lieu au premier étage de la brasserie Gruber, sur la place de la République :
Kinétographe Robert-Houdin.- Projections de vues animées, dernier perfectionnement, photographie en couleurs. Succès ''La Loïe Fuller". Premier étage de la brasserie Grüber. Séances aux heures et aux demies, de 8 à 11h du soir. entrée 1f. Vente d'appareils.
La Sarthe, Le Mans, 18 septembre 1896.
Le lendemain, un article un peu plus explicite apporte quelques précisions sur Marjean et livre un titre de film.
De nouvelles projections de photographies animées ont lieu, en ce moment, tous les soirs, au premier étage de la Brasserie Grüber, place de la République. Elles sont présentées par M. Marjean, agent pour la vente de l'appareil et des vues de la maison Robert-Houdin, de Paris. L'appareil paraît beaucoup plus stable que ceux que nous avons vus jusqu'ici. Il est d'ailleurs exposé à la vue du public qui peut l'examiner tout à loisir et se rendre compte du mécanisme. Parmi les vues qui se déroulent sous les yeux des spectateurs, il en est une, en couleur : "La Loïe Fuller", qui est une véritable merveille. Demain dimanche, de 4 à 6h, auront lieu des séances spécialement réservées pour les familles et les enfants.
La Sarthe, Le Mans, - 19 septembre 1896.
Le journaliste revient brièvement sur une question récurrente à l'époque, celle de la qualité de la projection et de la stabilité de l'image. Dans la mesure où Marjean commercialise le kinétographe, il n'hésite pas à expliquer et à montrer son fonctionnement.
L.L.M.-Salle des Dépêches, Le Mans-La Taverne Gruber, Place de la République (c. 1906)
Finalement, un dernier entrefilet tout en louant le spectacle, annonce également la fin des séances :
Le Kinétographe de la maison Robert-Houdin, qui est installé au premier étage de la brasserie Grüber, a eu hier bon nombre de visiteurs. Tous les spectateurs se sont accordés à reconnaître le mérite du spectacle. Rappelons que le Kinétographe ne restera au Mans que jusqu'à jeudi. L'entrée de la salle où ont lieu les représentations se trouve à gauche du café.
La Sarthe, Le Mans, - 21 septembre 1896.
Le Cinéphotographe de Lagneau et Vernassier (Foire, 30 octobre-[18] novembre 1896)
Les forains Lagneau et Vernassier se sont associés pour présenter un cinéphotographe dans leur "Théâtre salon des sciences". Ils ont déjà organisé des séances, peu avant, à Cherbourg. La foire de la Toussaint, qui dure quinze jours, commence le dimanche 1er novembre. L'appareil que présentent les deux collaborateurs attire l'attention du journaliste de La Sarthe :
La Foire.
[...]
Le Cinéphotographe.- Les Manceaux pourront également de nouveau admirer le Cinéphotographe, cette dernière merveille de la science moderne, qui fait en ce moment courir tout Paris. On sait ce qu'est le Cinéphotographe ou photographie animée; c'est la présentation de scènes parisiennes ou autres, prises sur le vif, en grandeur naturelle, mais qui sont animées par l'électricité, de façon à représenter aux spectateurs l'illusion de la réalité dans ses moindres détails. Ainsi, pour ne citer qu'un exemple, "Un train arrive en gare" à toute vitesse avec vapeur, locomotive et wagons ; les employés courent, les voyageurs descendent, d'autres se disputent les places, les signaux, le chef de gare, tout y est et au naturel. C’est excessivement curieux. D'autres tableaux représentent, des "Rues" et "Boulevards de la capitale", scènes comiques, "Descente de tramway", "L'arrivée du tsar à Paris", ''La Loïe Fuller" et ses couleurs, etc., etc. Nous ne doutons pas que cette nouveauté ne soit bien présentée car le théâtre salon des sciences possède une installation électrique modèle, conduite par un ex-contremaître mécanicien de Paris choses indispensables pour le succès et la réussite de cette exhibition. Ce spectacle essentiellement scientifique et de haute moralité sera certainement goûté des familles et apprécié à sa juste valeur.
La Sarthe, Le Mans, 30 octobre 1896.
Comme souvent, l'origine des vues animées reste difficile à identifier, surtout que l'on ne sait pas si des films ont été tournés expressément pour cet appareil par le constructeur ou le revendeur C.J. Lépée. Toutefois, certaines vues pourraient appartenir au corpus Normandin.
La foire de la Toussaint a bien mal débuté ; de la pluie ! encore de la pluie ! toujours de la pluie ! Aussi, les promeneurs faisaient-ils défaut. Disons, cependant, qu'au Cinéphotographe, il n'y paraissait guère. La foule n'a pas cessé d'assiéger la loge. Nous pouvons dire que quiconque a vu les tableaux du Cinéphotographe en est émerveillé. La "Place de la République", une "Sortie de fabrique", les ''Blanchisseuses", la "Loïe Fuller'' avec sa danse et sa robe aux couleurs changeantes, le "Départ du 117e de ligne pour les manœuvres", sont autant de scènes qui donnent absolument l'illusion du mouvement et de la vie. Le spectacle très moral de ces tableaux permet aux familles d'y conduire leurs enfants et jeunes filles sans le moindre inconvénient. Nous comprenons maintenant son immense succès, au Mans comme à Paris et ailleurs. Ce sera certainement le rendez-vous des familles.
La Sarthe, Le Mans, 3 novembre 1896.
Un dernier article annnonce une fin prochaine des séances de cinématographie :
Le public apprendra avec plaisir que le Cinéphotographe nous restera encore toute la semaine ; cela permettra aux retardataires d'aller admirer toutes ses merveilles. D'autant plus que la direction a à peu près changé tout le programme, sauf cependant la "Loïe Fuller'' et le "Défilé du 117e de ligne", qui sont constamment demandés. Qu'on se le dise !"
La Sarthe, Le Mans, 18 novembre 1896.
1897
Le Cinématographe de Mme Dejean (Foire, [15] mars 1897)
C'est une foraine, Mme Dejean qui présente un cinématographe dont on ne connaît par l'origine. Elle a déjà donné des séances à Flers comme l'indique l'article publié dans La Sarthe :
La foire.- L'exposition Dejean.- Parmi les spectacles dont la prochaine arrivée nous est signalée à l'occasion de la foire de la mi-carême, figure l'Exposition Dejean qui a déjà passé au Mans, il y a 3 ans, et qui a obtenu un très vif succès. M. Dejean vient de Flers où le Courrier lui consacrait les lignes suivantes : " [...] La séance se termine par une audition de phonographe, mais de phonographe nouveau système, c'est-à-dire qu'il n'est plus nécessaire de se fourrer dans les oreilles les deux petits tubes ordinaires, ce qui répugnait à beaucoup de personnes ; l'appareil, muni d'un pavillon de cuivre, semblable à celui d'un instrument de fanfare, répand les sons dans la salle, à la grande satisfaction des auditeurs. Le cinématographe mérite également une mention particulière. Il s'agit, on le sait, de la succession brève et continue au moyen de l'électricité d'une série de photographies qui vous font voir pendant une minute les diverses phases de faits quelconques. C'est très intéressant [ ... ] ".
La Sarthe, Le Mans, 15 mars 1897.
1904
Le Théâtre Vernassier (<12-20 novembre 1904)
Louis Vernassier installe sa baraque foraine en novembre:
Le théâtre Vernassier. — Le théâtre Vernassier qui, en ce moment fait courir tout Le Mans, et qui est resté huit jours de plus qu’il ne comptait sur la demande unanime du public, nous quitte définitivement dimanche pour se rendre à SaintGalais où il arrivera le 22. Débuts, le 26 novembre.
M. Vernassier, avec son programme composé d’attractions toutes nouvelles, peut être assuré à Saint-Calais du même succès qu’au Mans.
L'Union libérale, samedi 19 novembre 1904, p. 4.
Il se rend ensuite à Saint-Calais.