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Tenez ! Un jour, Lucien Nonguet, chef de la figuration à l'Ambigu, me demande : "Liézer, aujourd'hui, on a du soleil, il faudrait faire quelque chose de bien ; vous n'avez pas une idée pour emmployer le plus de monde possible ?" Je réfléchis un instant, et lui proposai de réaliser quelques scènes de la Passion. L'idée fut adoptée sur-le-champ et l'on se mit à tourner. J'expliquai aux figurants, plus hétéroclites encore que de coutume, leurs rôles : "Souvenez-vous : c'est la Cène, vous rompez le pain, vous offrez la coupe, et vous dites : Ceci est mon corps, ceci est mon sang.-Mais oui, reprenaient-ils d'un air entendu ; Ceci-z-est mon corps ! Ceci-z-est mon sang !" Le cinéma par bonheur, n'avait pas d'oreilles, en ces temps primitifs. Lorsque le Christ fut en croix, les deux larrons rivalisèrent d'ardeur : "Allons, hurlaient-ils au Divin Sauveur que je personnifais, descends de ta croix, eh ! sergent de ville !" Vous voyez que les rôles étaient bien vécus ! Nous avions pris, pour compléter l'atmosphère, les décors d'une pièce biblique que l'on avait jouée à l'Ambigu. À mon insu, cette même Passion, après avoir été ainsi réalisée pour Lumière, fut successivement vendue à Parnaland et à Pathé. Toutes ces firmes, chacune persuadée d'avoir l'exclusivité, en tirèrent un film ; d'où, un peu plus tard, le procès que je vous laisse imaginer ! Ce fut une des dernières fois que je tournai rue du Surmelin.
EMMANUEL Jean, "Quand Jean Liézer tournait 'La Passion...", Pour vous, 20 août 1931, p. 3.
M. HATOT : " La Passion " pour Lumière a été faite 98 rue du Surmelin. C'est Breteau qui joue le Christ. Cinémathèque Française, Les Débuts du Cinéma, Souvenirs de M. Hatot, 15 mars 1948, p. 1. CRH52-B2
M. HATOT. [...] À ce moment-là, il se cogne dans Bromiaud [Promio] qui était à Paris et qui lui demande ce qu'il faisait. " Je viens de faire une affaire avec Gaumont. " Il raconte la petite histoire. - Où est Georges ? - Il est reparti au régiment. Nous voudrions bien faire un film. Est-ce que vous pourriez nous faire " La Passion " ? - Je veux bien faire " La Passion ", répondit-il. Comme il lui fallait quelqu'un, il vient chercher mon frère. Même mon frère qui était un gosse, était un appui pour lui, et alors il a fait la première Passion qui s'est faite.
Cinémathèque Française, Les Débuts du Cinéma, Souvenirs de M. Hatot, 15 mars 1948, p. 21. CRH52-B2
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En 1898, on tournait pour Lumière dans un terrain vague de Ménilmontant, rue du Surmelin. Les prises de vues avaient lieu dehors, bien entendu et l'action était située par une simple toile de fond. Marcel Lapierre, Les Cent Visages du cinéma, Paris, Grasset, 1948, p. 57.
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