AMIENS

Jean-Claude SEGUIN

Amiens, chef-lieu du département de la Somme (France), compte 83.654 habitants (1894).

1896

Le Cinographoscope des frères Pipon (Boulevard du Mail, [24] juin-24 juillet 1896)

À l'occasion de la foire de la Saint-Jean, le cinographoscope s'installe sur le boulevard du Mail:

À la foire.- Nombre de nos concitoyens connaissent le kinétoscope. Ils se rappellent cet appareil encore tout récemment exploité à Amiens. [ ... ] MM. Lumière, à Lyon, ont amélioré de merveilleuse façon cette prodigieuse invention d'Edison. Leur cinématographe, c'est-à-dire appareil enregistreur et descripteur du mouvement, peul se comparer à une sorte de lanterne magique qui projette sur une surface blanche une série de photographies agrandies qui donnent à s'y méprendre l'illusion de la vie et des personnages [ ... ]. Ce spectacle est visible non plus seulement pour un ou deux spectateurs mais pour une salle entière. C'est le spectacle même de la vie. Un appareil de ce genre fonctionne à la foire, à côté du théâtre Cocherie. Ce sera un des clous de la foire Saint-Jean.


Le Journal d'Amiens, indicateur de la Somme, Amiens, 28 juin 1896.

Le cinographoscope connaît le succès:

Le succès des photographies animées va toujours croissant. Depuis l'ouverture de cet élégant établissement, le public n'a cessé d'y affluer. Nos lecteurs apprendront avec plaisir qu'à partir d'aujourd'hui les nouvelles vues paraîtront à toutes les séances : "Baignade de chiens en Seine" ; "Promenade de bateaux-mouches" ; "Enfants jouant place des Vosges" ; "Escadron de hussards défilant sur le
pont de Condé, près de Meaux".


Le Journal d'Amiens, indicateur de la Somme, Amiens, 8 juillet 1896.

Le succès ne se démentit pas tout au long de la foire:

On se bouscule, on s'écrase pour entrer dans la coquette salle des photographies animées et nous avons pu constater avec plaisir que la direction se surpasse de plus en plus et ne néglige aucune occasion de satisfaire le public. Au programme des 8 vues changeantes à chaque représentation, nous avons pu constater un réel progrès dans le choix des tableaux. Dire qu'il est entré hier dimanche dans cette loge plus de 3.000 spectateurs, c'est exactement la vérité. Nos lecteurs feront bien de se hâter d'aller voir un des spectacles si instructif, si intéressant, occasion unique à Amiens. Et dire qu'il n'y en a plus que pour jusqu'à vendredi prochain 24 du courant, dernier jour. Bref le programme de cette semaine sera le finis coronat opus. Parmi les nouvelles projections nous n'avons pu que nous extasier devant une "Danse chorégraphique de deux danseuses célèbres du Moulin-Rouge", tableau qui sera donné tous les soirs à partir de 9hl/2 précises jusqu'au jour de la fermeture.


Le Journal d'Amiens, indicateur de la Somme, Amiens, 21 juillet 1896.

Le cinographoscope Pipon des frères Cotrelle (9, passage du Logis-du-Roi/Rue des Trois-Cailloux, 4-24 octobre 1896)

En octobre, le cinographoscope est de retour dans le passage du Logis-du-Roi:

Photographies animées. On se ·rappelle le succès obtenu à la foire par cette nouvelle adaptation de la photographie. Pour peu de temps seulement, MM. Cotrelle, qui ont été les opérateurs du boulevard du Mail, vont renouveler, dans l'ancien café de la Tour, ces intéressantes représentations, avec une série entièrement nouvelle de vues. Le succès couronnera, nous en sommes certains, leur entreprise.


Le Journal d'Amiens, indicateur de la Somme, Amiens, 3 octobre 1896.

Le Journal d'Amiens consacre un long article aux deux appareils qui fonctionnent alors:

Il s'est créé, ces temps-ci, dans la rue des Trois-Cailloux, toute une petite foire. Amiens a même l'honneur de posséder un couple d'Américains tatoués qui, dans l'arrière-salle d'un café, montrent sur les épaules, les bras et les jambes tout un lot d'auributs guerriers et de gerbes de fleurs polychromes : cela ne peut manquer d'intéresser les vrais amateur du Beau. Nous avons surtout deux établissements de photographies animées. L'un est installé dans le Logis-du-Roi, à l'ancien Café de la tour où naguère on détaillait avec finesse et réserve les incontestables chefs-d'oeuvre du café-concert contemporain. Nous y retrouvons un Amiénois, M. Cotrelle, qui en dirigeait le Cinographoscope de la foire dernière où, littéralement, courut toute la ville. Depuis, il a apporté à l'appareil Pipon de notables perfectionnements pour enrayer les deux défauts de tout cinématographe : le bruit incessant et monotone et la trépidation des vues projetées. C'est désormais dans les meilleures conditions possibles qu'il fait défiler rapidement (ce qui n'est pas très facile à réaliser) 8 tableaux animés dont plusieurs sont ravissants. Je vous recommande une certaine "Ronde d'enfants sur la plage" et la "Corvée de fourrage". La séance est ouverte par une suite de projections fixes qui nous montrent Majunga, Marovoay et les autres étapes de l'héroïque colonne volante de Madagascar. L'entrée, "à la portée de tous", est de 50 c. - Un court passage sépare la Tour du théâtre : une belle occasion de passer un entracte à la Tour. Traversons la rue des Trois-Cailloux et nous trouvons l'autre installation cinématographique dans les Ateliers de M. Léon Caron, passage de la Comédie. Vous vous intéresserez certainement à un excellent "Assaut d'escrime" : l'entrecroisement des fleurets  est rendu avec une netteté extraordinaire. Un "Peloton de dragons franchissant une haie" serait une non moins bonne "pellicule" si la poussière produite par les premiers cavaliers, en se recevant, n'obscurcissait le passage des derniers. Le "bouquet" de la séance est charmant : une "Loïe Fuller", animée bien entendu, mais "en couleurs". Tous ceux qui ont vu le "ruban" où est enregistré le millier de vues minuscules prises à des intervalles de temps réguliers et dont le rapide passage devant l'appareil projecteur reconstitue le mouvement de la danseuse seront étonnés de la patience et de la précision qui ont été nécessaire pour colorier "à la main" toutes les poses. C'est cependant, en l'état actuel de la science, le seul procédé utilisable. Si vous êtes curieux de connaître d'une façon élémentaire la prise des vues chronophotographiques, leur renvoi sur l'écran et "ce qu'il y a dedans" ces extraordinaires appareils, je vous recommanderai une récente et très claire brochure : Georges Vitoux, la Photographie du mouvement (Paris, Chamuel éd.). "Du haut du ciel sa demeure dernière" le grand Louis XIV ne doit pas être très étonné d'apprendre que dans les vestiges de ce qui était en 1647 la Maison du roi, de très habiles artisans d'aujourd'hui décomposent puis reconstiruent tous les mouvements, analysés au 1/15e de seconde et que, non satisfait, un bon savant, M. Marey, ne s'arrête qu'au 1/60e de seconde et sépare ces projections par une obturation qui varient entre 1/10.000e et 1/25.000e du même laps, tout simplement!
P. D.


Le Journal d'Amiens, indicateur de la Somme, Amiens, 11 octobre 1896.

Un dernier article est publié vers la fin du mois d'octobre:

Représentations populaires les lundis et samedis, entrée : 25c. Les dimanches et jeudis : matinées à partir de 4h.


Le Journal d'Amiens, indicateur de la Somme, 24 ocxtobe 1896.

Le Chronophotographe de Léon Caron (2, passage de la Comédie/rue des Trois-Cailloux, 4 octobre-22 novembre 1896)

Le Chronophotographe de Léon Caron commence ses projections au début du mois d'octobre :

Photographie vivante, photographie animée, par le chronophotographe de Ch. Demeny, appareil cinématographe le plus perfectionné. Ouverture aujourd'hui dimanche. Prix d'entrée par séance : 50c. Séances publiques tous les soirs de 6h à 10h, aux Ateliers de la Photographie Léon Caron, passage de la Comédie, 2 (en face le théâtre). 10 tableaux par séance et changés toutes les semaines. Séances réservées le vendredi, prix d'enlrée : 1 f.


Le Journal d'Amiens, indicateur de la Somme, Amiens, 4 octobre 1896.

amiens 1896 10 05 leon caron photographie vivante
Le Progrès de la Somme, Amiens, 5 octobre 1896, p. 4.

Le Journal d'Amiens consacre un long article aux deux appareils qui fonctionnent alors:

Il s'est créé, ces temps-ci, dans la rue des Trois-Cailloux, toute une petite foire. Amiens a même l'honneur de posséder un couple d'Américains tatoués qui, dans l'arrière-salle d'un café, montrent sur les épaules, les bras et les jambes tout un lot d'auributs guerriers et de gerbes de fleurs polychromes : cela ne peut manquer d'intéresser les vrais amateur du Beau. Nous avons surtout deux établissements de photographies animées. L'un est installé dans le Logis-du-Roi, à l'ancien Café de la tour où naguère on détaillait avec finesse et réserve les incontestables chefs-d'oeuvre du café-concert contemporain. Nous y retrouvons un Amiénois, M. Cotrelle, qui en dirigeait le Cinographoscope de la foire dernière où, littéralement, courut toute la ville. Depuis, il a apporté à l'appareil Pipon de notables perfectionnements pour enrayer les deux défauts de tout cinématographe : le bruit incessant et monotone et la trépidation des vues projetées. C'est désormais dans les meilleures conditions possibles qu'il fait défiler rapidement (ce qui n'est pas très facile à réaliser) 8 tableaux animés dont plusieurs sont ravissants. Je vous recommande une certaine "Ronde d'enfants sur la plage" et la "Corvée de fourrage". La séance est ouverte par une suite de projections fixes qui nous montrent Majunga, Marovoay et les autres étapes de l'héroïque colonne volante de Madagascar. L'entrée, "à la portée de tous", est de 50 c. - Un court passage sépare la Tour du théâtre : une belle occasion de passer un entracte à la Tour. Traversons la rue des Trois-Cailloux et nous trouvons l'autre installation cinématographique dans les Ateliers de M. Léon Caron, passage de la Comédie. Vous vous intéresserez certainement à un excellent "Assaut d'escrime" : l'entrecroisement des fleurets  est rendu avec une netteté extraordinaire. Un "Peloton de dragons franchissant une haie" serait une non moins bonne "pellicule" si la poussière produite par les premiers cavaliers, en se recevant, n'obscurcissait le passage des derniers. Le "bouquet" de la séance est charmant : une "Loïe Fuller", animée bien entendu, mais "en couleurs". Tous ceux qui ont vu le "ruban" où est enregistré le millier de vues minuscules prises à des intervalles de temps réguliers et dont le rapide passage devant l'appareil projecteur reconstitue le mouvement de la danseuse seront étonnés de la patience et de la précision qui ont été nécessaire pour colorier "à la main" toutes les poses. C'est cependant, en l'état actuel de la science, le seul procédé utilisable. Si vous êtes curieux de connaître d'une façon élémentaire la prise des vues chronophotographiques, leur renvoi sur l'écran et "ce qu'il y a dedans" ces extraordinaires appareils, je vous recommanderai une récente et très claire brochure : Georges Vitoux, la Photographie du mouvement (Paris, Chamuel éd.). "Du haut du ciel sa demeure dernière" le grand Louis XIV ne doit pas être très étonné d'apprendre que dans les vestiges de ce qui était en 1647 la Maison du roi, de très habiles artisans d'aujourd'hui décomposent puis reconstiruent tous les mouvements, analysés au 1/15e de seconde et que, non satisfait, un bon savant, M. Marey, ne s'arrête qu'au 1/60e de seconde et sépare ces projections par une obturation qui varient entre 1/10.000e et 1/25.000e du même laps, tout simplement!
P. D.


Le Journal d'Amiens, indicateur de la Somme, Amiens, 11 octobre 1896.

Le dernier article est publié le 25 octobre et se répète jusqu'au 22 novembre:

Le tsar à Amiens dans les photographies animées représentant "Le tsar à Paris, la tsarine, le président de la République et tout le cortège en mouvement". Visible tous les soirs dans les salons de la Photographie Léon Caron. Séances les dimanches, lundis et jeudis à
partir de 5h et tous les soirs à partir de 7h. 10 tableaux curieux et changés toutes les semaines.


Le Journal d'Amiens, indicateur de la Somme, 25 octobre 1896.

 

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