- Détails
- Création : 25 mars 2015
- Mis à jour : 16 décembre 2022
- Publication : 25 mars 2015
- Affichages : 8431
LA CIOTAT
Jean-Claude SEGUIN
La Ciotat, commune des Bouches-du-Rhône (France), compte 12.091 habitants (1894).
1895
Le Cinématographe Lumière (Le Clos-des-Plages, 23 septembre 1895)
La famille Lumière possède un belle villa au Clos-des-Plages et cela va leur permettre, le 23 septembre 1895, de présenter à cent cinquante invités le cinématographe et les photographies animées. C'est Antoine Lumière, le père, qui est à la manoeuvre. Le journaliste du Petit Marseillais, lui-même invité à cette présentation exceptionnelle, donne une description fort détaillée non seulement de l'appareil, mais aussi de quelques-unes de vues présentées pour l'occasion :
Une Expérience de Cinématographie
On nous écrit de la Ciotat, le 23 septembre : samedi soir, M. et Mme Ant. Lumière conviaient à leur somptueuse demeure du Clos-des-Plages, à La Ciotat, l'élite de la société ciotadenne. Cent cinquante invités environ avaient répondu à cette gracieuse invitation ; les honneurs de la réception étaient faits avec une grâce exquise par Mme et Mlle Lumière et Mme Winkler. Le but de cette soirée était de faire assister cette réunion choisie à des expériences de cinématographe. Cet appareil est un nouveau système de chronophotographie. Instrument merveilleux de précision et de simplicité, que MM. Auguste et Louis Lumière fils ont expérimenté avec un si heureux succès, le 11 juillet dernier, au siège de la Revue générale des Sciences.
Nous n’entreprendrons pas de détailler les mouvements de cet ingénieux mécanisme. Nous nous bornerons à démontrer son fonctionnement, son utilité et les services qu’il est appelé à rendre à la photographie. Le cinématographe qui, à la vue, est une boîte de petite apparence, reposant sur des pieds d’un appareil photographique, permet de montrer à une assemblée, pendant une minute, en les projetant sur un écran par la lumière électrique au moyen d’une lanterne Molteni, des scènes animées prises par des instantanés, d’une façon absolument saisissante. Dans ce court laps de temps, il se produit dans le mécanisme un mouvement de rouages d’une excessive rapidité. En effet, en si peu de durée, une bande pelliculaire de 15 mètres de long au plus, et ayant 3 centimètres de large sur laquelle les images se présentent sous l’aspect d’une photographie ordinaire, se déroule dans le cinématographe à raison de 900 épreuves à la minute soit de 15 à la seconde.
On voit par ce succinct exposé, la révolution d'en roulements successifs qui s’opère dans l'instrument. Par la netteté des sujets qu’il nous a été permis d’admirer, on se représente facilement la précision qu’il a fallu mettre dans la construction de l'appareil. La réflexion du sujet qui se produit sur l'écran — éloigné de 7 à 8 mètres du cinématographe — est vraiment merveilleuse, si bien que l’impression successive sur l'œil est une image saisissante de réalité où les différences entre les épreuves, différences dues au mouvement des personnages ou des sujets pendant la pose, se traduisent par l’illusion complète des mouvements des personnages ou des objets reproduits.
Ainsi, parmi les nombreuses scènes qui se sont successivement déroulées sous les yeux de l'assistance, citons d’abord : les ouvriers et ouvrières de MM. Lumière sortant de leurs ateliers de Lyon. Il était curieux de voir des fillettes se garant des voitures et des bicyclettes, courant isolées ou par groupes, toutes joyeuses de se sentir pour un temps, rendues au gai bavardage et à la liberté. Puis, on nous a présenté l’incendie d’une maison ; on a vu successivement les flammes gagner l'édifice, la fumée obscurcir le ciel, les pompiers arriver, asperger le bâtiment embrasé et parvenir à éteindre le feu. Ensuite nous avons assisté à une conversation par.., gestes, entre M. Janssen de l’Institut et M. Lagrange, député, dont l'effet était des plus réels. Des forgerons se livrent à l’exercice de leur métier ; on voit le fer rougir au feu, s’allonger à mesure qu’ils le battent, produire, quand ils le plongent dans l'eau, un nuage de vapeur qui s’élève lentement dans l’air et qu’un coup de vent vient chasser tout d’un coup. La vue de la place des Cordeliers, à Lyon, n’a pas été moins admirée : piétons allant et venant, passant dans la rue, entrant dans les magasins ; tramways, fiacres, élégantes victorias ou de grosses voitures circulant en tous sens. Et, dans le nombre des scènes que nous passons, toutes aussi intéressantes les unes que les autres, on nous a montré de la même façon, des scènes -comiques d’un hilarant effet ; des baignades à La Ciotat, où baigneurs et baigneuses s’ébattent à qui mieux mieux, en faisant clapoter l’eau. Relatons le succès particulier obtenu par une petite fille, représentée en grandeur naturelle. Elle dînait en plein air à côté de ses parents, qui la faisaient manger. Rien de plus curieux que ces petites mines de l’enfant, heureuse, savourant avec toutes les grâces de son âge les friandises que son père lui offrait et rabattant de ses petites mains sa bavette soulevée par le vent. Le même bébé a réjoui encore l’assistance eu essayant, mais vainement, d’attraper à l’aide d’une cuiller des poissons contenus dans un bocal de verre.
Comme suite à ces expériences, M. Louis Lumière qui, ou le sait, est le collaborateur de M. Lippmann, de l’Institut, pour l’application de la couleur à la photographie, nous a présenté par le même procédé mais à réflexion fixe, des épreuves des dernières découvertes qui, l’année dernière, ont fait l’admiration des savants. Les fleurs, les vases, les riches étoffes, etc., reproduits sur l’écran, avaient les tonalités vraies, pâles et chatoyantes, suivant la nature des objets. C’était vraiment merveilleux.
Ces expériences ont fait l’admiration de l'assistance dont l'attention sans cesse captivée par la surprise que produisaient ces scènes, lesquelles avaient ostensiblement les apparences de la réalité, applaudissait avec le plus chaleureux enthousiasme chaque sujet représenté.
L.B.
Le Petit Marseillais, Marseille, mardi 24 septembre 1895, p. 2.
Ainsi La Ciotat est une des toutes premières communes à découvrir l'invention des frères Lumière.
Villa Lumière-Entrée de la Villa (Péristyle)
1899
Le Royal Biograph (Eden-Concert, mars 1899)
Le responsable du Royal Biograph, nouvel appareil des frères Normandin, arrive à La Ciotat pour organiser une séance de cinématographie. Augustin Chateigner - employé aux Messageries Maritimes et correspondant du Soleil du Midi - écrit dans son journal :
Le Royal Biographe dans ses projections cinématographiques : près de 250 personnes y assistaient. Demain mercredi, 2e séance.
Cité dans "Le Cinéma arrive à La Ciotat"
http://www.museeciotaden.org/cinema/cineLC.htm
Les séances ont lieu à l'Eden-Concert et le programme est constitué de façon homogène par des films Lumière. On retrouve ainsi les films suivants : Lancement d'un navire à La Ciotat, Les Pompiers-L'appel du feu, L'Attelage d'un fardier, Un voyage à travers les Alpes en chemin de fer : La Montage, Le Torrent, Le Pont et le Tunnel, Une inspection à bord du Formidable, Les Cow-Boys d'Amérique, Un cheval pris au lasso, Le premier repas de Bébé (projection en couleur), Les Travaux de l'Exposition 1900, Démolition d'un mur, Une caravane aux Pyramides d'Égypte, Danse javanaise (projection en couleur), Nos chasseurs alpins, Ascension du sommet du Diable par les Alpins, Descente du sommet du Diable par les Alpins, La Machine à draguer, Une barque en mer, Sortie d'un transatlantique du port de Marseille, Un crépage de chignons, Panorama du Nil à Fachoda.
La Ciotat, Eden-Théâtre [D.R.] | La Ciotat, Eden-Concert, Le Royal Biographe, Programme 22 mars 1899 [D.R.] |
1901
Palais des Merveilles (24 décembre 1901)
Le Palais des Merveilles ouvre ses portes pour un seul jour, le dimanche 24 décembre 1901. Parmi les attractions, on trouve un Royal Cinématographe :
Dimanche 24 novembre 1901 - Palais des Merveilles
Aujourd'hui :
1ère partie - Les visions artistiques - Tableaux vivants éclairés par les projections oxhydriques.
2ème partie - Les Danses lumineuses, par Mademoiselle Andréani.
3ème partie - Enfin... l'immense succès...
Les photographies animées, par le "Royal Cinématographe"
Derniers perfectionnements - Vues d'actualité récente."
Document figurant dans le "journal" d'Augustin Chateigner (cité dans Sartoris, 1995: 43).
Aucun information en revanche sur le propriétaire de l'appareil, ni sur les films proposés ,mais Augustin Chateigner, employé aux Messageries maritimes ajoute le commentaire suivant : " Peu de monde à cause de la pluie. "
1902
Salle du Théâtre Municipal (23 mars 1902)
Dans son " journal " Augustin Chateigner a placé un prospectus pour une représentation cinématographique :
Dimanche 23 mars 1902 - Pour un jour seulement :
Salle du Théâtre municipal
Grande séance de Cinéma - Théâtre en 30 tableaux
Photographies animées représentées sur un écran de 9 m2
Une grande course de taureaux (mise à mort)
Cambrioleur insaisissable La bonne omelette
Illusioniste fin de siècle L'habillage express
Farce de marmiton Le réveil de Pierrot
Place de la République, à Paris Episodes des guerres 1870-1871
Prix des places : Premières ; 0, 50 F ; Secondes : 0, 30 F
Les militaires et les enfants paient demi-place.
Document figurant dans le "journal" d'Augustin Chateigner (Sartoris, 1995 : 43).
Par les vues proposées, on retrouve des vues Méliès et Parnaland.
Cinématographe Morand (Eden-Concert, 14 décembre 1902)
Dans son " journal " Augustin Chateigner a placé un prospectus pour une représentation cinématographique :
Dimanche 14 décembre 1902-Eden-Concert
Deux grandes représentations par le Cinématographe Morand
Système Lumière, perfectionné modèle 1902
Avec ses scènes merveilleuses et hilarantes
Prix des places habituel.
Document figurant dans le "journal" d'Augustin Chateigner (Sartoris, 1995 : 44).
La maison Lumière a effectivement breveté en 1902, un nouvel appareil cinématographique à " défilement continu ". En revanche, aucune information sur le répertoire de films. Quant à Chateigner, il ajoute le commentaire suivant : " Peu de monde, le mécanisme se détraquant à chaque instant. ". Un témoignage qui semble indiquer que le nouveau système conçu par les Lumière n'est pas vraiment au point.
1904
Le Théâtre International Urania de Ferdinand Somocyi (Eden-Cinéma, 4 septembre 1904)
Le Théâtre international scientifique Urania, propriété de Ferdinand Somogyi, effectue une importante tournée en France. À La Ciotat, il offre une soirée à l'Eden-Cinéma :
LA CIOTAT.
[...]
Aujourd'hui dimanche, dans la soirée, à l'Eden-Cinéma, grande représentation du théâtre international scientifique " Urania ", dirigé par F. Somogyi, de Budapest, où, pendant deux heures, défileront 222 tableaux de projections polychromes de la grandeur de la scène, représentant des voyages autour du monde, des vues de Paris, Versailles, et les chefs-d'oeuvre de peinture des galeries célèbres, ainsi que des sujets d'actualité : entre autres, la guerre russo-japonaise, des scènes humoristique, etc., une corrida de toros d'un effet saisissant, et enfin d'autres vues animées intéressantes animées par un cinématographe sans oscillation du dernier perfectionnement. Des tableaux vivants accompagnés par le meilleur gramophone augmenteront l'attrait de cette soirée.
Le Petit Marseillais, Marseille, dimanche 4 septembre 1904, p. 2.
1905
L'Imperial Kinétographe (Théâtre Municipal, 18-21 mai 1905)
L'Imperial Kinétographe est en tournée dans la région. Quatre jours de projections animées sont prévues :
Dans les soirées de demain jeudi, vendredi et samedi, ainsi que dimanche en matinée et soirée, auront lieu au Théâtre municipal des représentations données par l'Impérial Kinétograph, qui offrent l'attrait d'un spectacle des plus intéressants, pleinement justifiées par le succès qu'elles obtiennent.
Le Petit Marseillais, Marseille, 17 mai 1905 (cité dans Sartoris, 1995: 45).
Quelque temps plus tard, il est à Arles.