Alice GUY

(Saint-Mandé, 1873-Wayne, 1968)

guyalice

Jean-Claude SEGUIN

1

Marc, François Guy (Villards-d'Héria, 24/07/1807-Paris 11e, 29/04/1849) épouse (1835) Marie, Joséphine Forestier (Morez, 08/09/1811-Paris 5e, 03/09/1869). Descendance :

2

Les origines (1873-1895)

Marc, François Guy reprend le métier d'horloger de son beau-père, Pierre Simon Forestier. La famille quitte Morez après la naissance, en 1845, de Marie, Émelie Guy pour s'installer à Paris. Son fils Émile Guy exerce déjà la profession de libraire au moment de son mariage avec Marie Aubert, en 1865. Il est probablement en contact avec les libraires hispanistes et éditeurs parisiens Adolphe, Émeri Bouret (Orléans, 18/11/1816-Paris, 25/03/1876), son fils Charles, Adolphe, Henry Bouret (Paris, 27/11/1841-Paris 6e, 08/10/1892) et Jean, Frédéric Rosa (Paris, 27/09/1804-Paris, 16/11/1872). Jean, Frédéric Rosa et Adolphe Bouret ont constitué, entre eux, une société de Commerce dont la raison sociale est Rosa-Bouret et Compagnie (12 mai 1853) et le siège social au 5 rue de Savoie (Paris). Cette librairie espagnole se consacre, en particulier à l' " exportat. pour les Amériques espagnoles" . Le mariage d'Émile Guy et de Clotilde, Franceline, Marie Aubert a lieu à Cligny, le 18 juillet 1865. Au nombre des témoins, l'on compte Charles Bouret, ce qui confirme que des liens professionnels existent bien avec les éditeurs "Rosa et Bouret".

Quelques jours après leur mariage, le couple s'embarque pour Valparaiso (Chili) où il reprend la librairie des éditeurs "Rosa et Bouret", qui devient l'une des plus importantes du pays :

Las librerías son las siguientes: La del Mercurio situada en la calle del Cabo [...]
La de Emilio Guy situada en la misma calle bajo el nombre de Librería Universal. Fue establecida por los editores de Paris Sres. Rosa y Bouret y vendida por estos a su actual dueño.


Chile ilustrativo, Valparaiso, Librerías i Ajencias del Mercurio, 1872, p. 190.

guy emile 1872 publicite
Emile Guy. Libraire à Valparaiso et Santiago
(c. 1872)

Alors que les quatres premiers enfants du couple sont nés au Chili, la dernière, Alice Guy va voir le jour en France, en 1873. Les motivations que donne cette dernière dans ces mémoires apparaissent quelque peu légères :

Elle [sa mère] avait vingt-six ans lorsqu'elle décida que son cinquièrme enfant serait un Français de France.


GUY, 1976: 31.

Du côté de la vie privée, ce retour en France permet au couple de revoir ses autres enfants qui sont placés dans des établissements religieux :

Dès qu'ils étaient en âge de voyager, mes frères et soeurs étaient envoyés en France, chez les Jésuites, afin d'y recevoir la seule éducation jugée convenable à l'époque.


GUY, 1976: 31.

Le décès du grand-père maternel, Alphonse, Nicolas Aubert (Thorens-Glières, 14/06/1805-Genève, 11/10/1872) pourrait également expliquer le retour du couple dans l'hexagone.

Si des questions d'ordre privé ont pu jouer dans cette décision, il faut prendre en compte les affaires professionnelles d'Émile Guy. En effet, les éditeurs Rosa et Bouret, avec lesquels Émile Guy est lié, ont prolongé leur association (acte du 22 mai 1869) jusqu'au 31 décembre 1872, avec pour objet l'exploitation du fonds de commerce de librairie, à Paris, désormais rue de Visconti, 23 et d'une caférière situé à Cohan (Guatemala). Or, l'un des deux associés, Jean, Frédéric Rosa disparaît en novembre 1872, ce qui va déboucher sur une crise au sein de la société.

Peu après la naissance d'Alice Guy, en juillet 1873, Émile Guy rentre au Chili :

Mon père qui l'avait accompagnée repartit peu de temps après ma naissance.


GUY, 1976: 31.

Sa mère, Marie, Clotilde, Franceline Aubert reste encore quelque mois, le temps de confier Alice Guy à sa grand-mère maternelle, Catherine, Stéphanie Pujo (Revel, 20/05/1815-Genève, 26/12/1895) qui habite alors à Carouge, dans la banlieue de Genève. Elle repart, probablement en 1875 :

Ma mère le rejoignit quelques mois plus tard et je fus confiée à ma grand-mère maternelle.


GUY, 1976: 31.

Alice Guy vit donc avec sa grand-mère, pendant trois ans, avant que sa mère ne vienne la récupérer, vers 1878, et la ramener au Chili où elle reste pendant deux ans :

Après deux années de cette vie heureuse, pleine de gaîté, de soleil, j'étais devenue une petit négrillonne et ne parlais que l'espagnol.


GUY, 1976: 37.

Par la suite, les souvenirs d'Alice Guy se brouillent et deviennent particulièrement confus et incohérents. Cela concerne, en particulier, les pages 37-45. 

Qu'arriva-t-il à cette époque ? Quel drame traversa notre vie ? Je l'ignore encore.


GUY, 1976: 37.

Le drame qui touche la famille, c'est la mort d'Alphonse, le fils aîné, qui n'a même pas quatorze ans, et qui décède à Paris, le 16 mai 1880, au 35, rue de la Chapelle, semble-t-il, le domicile de Pierre Slanka, beau-frère d'Émile Guy, et qui signe comme témoin. Dans ses mémoires, Alice Guy se trompe sur l'âge de son frère et sur la chronologie des événements :

La mort de mon frère aîné, emporté à dix-sept [six] ans par une crise de rhumatisme cardiaque, ramena ma mère en France.


GUY, 1976: 40.

On comprend mieux l'anecdote que raconte Alice Guy lors de ce retour :

Enfin, nous arrivâmes à Bordeaux. Je n'oublierai jamais la soirée que nous passâmes à l'hôtel. Mon père s'était fait servir un mazagran. Il fixait sans la voir la boisson dorée et de grosses larmes roulaient dans ses moustaches.


GUY, 1976: 38.

C'est à ce moment-là que sa mère va l'inscrire comme pensionnaire à Viry (Haute-Savoie) :

Quelques jours plus tard, j'entrais comme pensionnaire au couvent du Sacré-Cœur à Viry, sur la frontière Suisse. J'avais six ans [sic].


GUY, 1976: 38.

Alice Guy, née en juillet 1873, n'a pas six ans, mais presque sept ans. Elle rejoint ses trois sœurs, Julia, Henriette et Marguerite. Elle va rester au Sacré-Cœur, selon ses écrits, pendant six années dans cet établissement :

Nous jouissions cependant mes sœurs, et moi, d'une certaine faveur : nous étions quatre protégées de monseigneur Merlinod [sic], alors évêque de Genève, et ami de notre famille.
Je passai six ans dans la sombre maison.


GUY, 1976: 39.

Dans une de ces approximations dont elle est coutumière, Alice Guy parle de "Monseigneur Merlinod" [sic] au lieu de "Monseigneur Mermillod". Gaspard Mermillod (Carouge, 22/09/1824-Rome, 23/02/1892), après avoir suivi le petit séminaire de Chambéry, devient curé de la paroisse catholique de Genève (église Saint-Germain). Ses prises de position en faveur de la restauration d'un évêché catholique sont approuvées par le pape Pape IX qui érige un vicariat apostolique à Genève dont est chargé Gaspard Mermillod qui devient, en 1864, évêque de Lausanne et Genève. Des tensions avec le Conseil Fédéral conduisent à son expulsion (1873). Il s'installe alors en France: Ferney, puis (1880) à Monthoux. Connu pour ses positions conservatrices, voire réactionnaires, Gaspard Mermillod est également le fondateur de l'Union Sociales d'études catholique et économiques ou "Union de Fribourg". En 1890, il est crée cardinal par Léon XIII. Peu après, il décède à Rome. Il est inhumé à Carouge. 

mermillod gaspard portrait
Gaspard Mermillod (Carouges, 1824-Rome, 1892)

Si la future cinématographiste reste silencieuse sur la nature des relations amicales avec l'évêque dont elle a pourtant oublié le nom, cela donne toutefois une indication sur l'orientation idéologique de son environnement immédiat. Ce type d'inexactitude - qu'il eût été aisé de corriger à l'époque de la publication de l'autobiographie - jette le discrédit sur certains aspects de ces mémoires.

Alice Guy évoque alors, de façon assez confuse, une série d'événements qui auraient motivé le retour des parents en France :

Une série de catastrophes mit fin à notre emprisonnement. De violents tremblements de terre, des incendies, des vols, ruinèrent mes parents.


GUY, 1976: 40.

En 1877, il y a eu des secousses qui ont concerné le Nord du Chili, et principalement la ville d'Arica. Valparaiso va bien connaître une très grave activité sismique, mais en 1906, lors du terrible tremblement de terre qui touche tout le continent américain et tout particulièrement, sur la côte Ouest, la ville de San Francisco. En revanche autour de 1886, la terre ne semble pas avoir tremblé de façon significative. Il y a, là encore, pas mal de confusions chronologiques, voire événementielles. Un mot retient toutefois l'attention dans ses propos, c'est celui d' "incendie". Or, le 10 mars 1886, la Librería Universal de Valparaiso est la proie des flammes. Ce triste événement a été saisie dans une remarquable photographie où l'on aperçoit les pompiers combattre le sinistre.

guy emile 1900 libreria universal
"Incendie de la Librería universal" (10 mars 1886)
calle Esmeralda (avant calle del Cabo). Valparaiso

Il est très probable que l'incendie de la librairie ait eu des conséquences directes sur la situation économique de la famille et qu'il ait motivé son retour en France. Emile Guy va alors céder son fonds de commerce à Émile Poncet :

Guy (Emile). Libraire à Valparaiso. Retourna en France et laissa à Émile Poncet la direction de sa librairie, la plus importante du Chili avec celle de M. Raymond, à Santiago.


Album de la colonie française, p. 154

Là encore l'esprit d'Alice Guy s'égare, car elle évoque son frère, décédé six ans plus tôt et ne parle que de son père, alors qu'il est peu probable que sa mère soit restée alors à Valparaiso :

Mon père revint seul en France. Il rappela auprès de lui mon frère [sic] et mes deux sœurs aînées et nous fûmes placées, ma dernière sœur et moi, dans un établissement moins coûteux, à Ferney, dans l'ancien château de Voltaire, dûment exorcisé.
[...]
Ma sœur aînée entra à l'Ecole Normale, les deux autres se marièrent assez vite.


GUY, 1976: 40.

En deux lignes, elle expédie environ 5 années, entre 1886 et 1890. Il faut donc reprendre précisément les rares éléments chronologiques dont nous disposons. Combien de temps Alice Guy a-t-elle séjourné au collège de Ferney ? En juillet 1886, elle a 13 ans, âge jusqu'auquel l'école est obligatoire depuis 1882. On peut penser que cette réinscription est sans doute motivée par d'autres raisons, d'autant plus qu'elle y est placée avec sa sœur Marguerite, de deux ans son aînée. Le mariage d'Henriette, le 1er mai 1890, à Genève avec Alexandre, Jean-Marie Giontini est également à situer pendant cette période. Au cours de cette année scolaire, ou peut-être la suivante, elle termine ses études - mais lesquelles ? - à Paris :

 

Paris 6e, 05/01/1891

"petit cours de la rue Cardinet" : vers 18

La soeur aînée, Julia, compte alors 19 ans.

Émiile Guy décède le 5 janvier 1891

Quant à Henriette et Marguerite, elles vont se marier respectivement en 1890 et 1891.

 

 

 Monseigneur Merlinod. (Viry). Eveque de Geneve (1880-1886).

 

 

 

À la mort de son père, Alice Guy travaille, auprès de sa mère, à la Mutualité Maternelle, fondée en 1892, puis prend des cours de sténo-dactylographie, travaille chez des fabricants de vernis.

L'arrivée au comptoir général de photographie (1er trimestre 1896)

Exception faite des mémoires d'Alice Guy - qui comportent autant d'imprécisions que d'inexactitudes et dont la publication est postérieure à son décès -, nous ne conservons que très peu de documents fiables pour connaître les premières années qu'elle a passées au service du Comptoir Général de Photographie. 

La date de son arrivée est déjà en soit sujette à caution. Si nous nous en tenons à sa chronologie, elle serait rentrée, si sa mémoire ne la trahit pas, au service de la société de Léon Gaumont en mars 1895 :

En mars 1895, si mes souvenirs sont exacts, une note de mon professeur de sténo m'avisait que le Comptoir général de Photographie cherchait une secrétaire. Une chaude recommandation accompagnait le billet.


(Alice Guy, 1976, 45)

Elle indique que quelques jours après elle a assisté, avec Léon Gaumont, à la séance historique du 22 mars 1895, à la Société d'encouragement à l'industrie nationale, au cours de laquelle les frères Lumière présentent leur cinématographe :

À notre arrivée, un drap blanc était tendu contre un des murs de la salle ; à l'autre extrémité, un des frères Lumière manipulait un appareil ressemblant à une lanterne magique. L'obscurité se fit et nous vîmes apparaître, sur cet écran de fortune, l'usine Lumière. Les portes s'ouvrirent, le flot des ouvriers en sortit, gesticulant, riant, se dirigeant soit vers le restaurant, soit vers son logis. Puis ce furent, coup sur coup, les films, devenus classiques, du train arrivant en gare, de l'arroseur arrosé, etc. Nous venions tout simplement d'assister à la naissance du cinéma.


(Alice Guy, 1976, 60)

Mais ses souvenirs la trahissent. En effet, lors de cette séance mémorable, un seul film est présenté, la célèbre Sortie d'usine. Les deux autres titres dont parle Alice Guy, ils ont été tournés plusieurs mois plus tard. La première version du Jardinier est à situer vers la fin du printemps de l'année 1895 et  L'Arrivée du train (sans doute L'Arrivée d'un train à Perrache, car les autres arrivées de train du catalogue Lumière sont encore plus tardives) date du premier trimestre 1896. Quant à la chronologie d'Alice elle est assez fantaisiste. En effet, après avoir évoqué la séance du 22 mars et écrit :

Quelques jours plus tard le cinématographe Lumière donnait les premières séances dans les sous-sols du Grand Café, boulevard des Capucines.


(Alice Guy, 1976, 60)

Quelques jours... enfin quelques mois de mars à fin décembre. Avec ce type d'approximation, on comprend bien que la référence à l'année 1895 est purement stratégique. Il n'est même pas sûr qu'elle ait assisté à l'une des séances organisées par Louis Lumière en 1895. D'autres informations croisées, autorisent à penser que son arrivée se situe, en fait, au cours du 1er trimestre 1896.

Ainsi, une nouvelle imprécision vient jeter le trouble sur la chronologie très approximative que propose Alice Guy. Elle prétend en effet que : " Trois mois après mon arrivée, Léon Gaumont désira vivement accompagner je ne sais quel voyage présidentiel en Algérie " (Alice Guy, 1976, 57).  Or le président Félix Faure n'effectue aucun voyage à l'étranger, ni en 1895, en 1896. Ce n'est qu'en août 1897 qu'il se rend en Russie dans le cadre de l'alliance franco-russe (1892-1917). Quand au voyage en Algérie, il est repoussé aux calendes grecques :

M. FÉLIX FAURE EN ALGÉRIE
Paris, 7 h 50 m.- Dans une audience qu'il a accordée hier à plusieurs représentants de l'Algérie, M. Félix Faure a exprimé de nouveau son désir de visiter l'Algérie.
Je ferai, a dit le président de la République, tout mon possible pour réaliser ce désir l'année prochaine, mais, si je ne pouvais faire ce voyage en 1898, je prendrai mes dispositions pour le faire certainement en 1899.


La Dépêche tunisienne, Tunis, 7 février 1897, p. 2.

Son décès prématuré, le 16 février 1899, met un terme définitif à ses projets de voyage algérien. Et les trois mois dont parle Alice Guy nous feraient remonter au printemps 1896, époque à laquelle, elle semble avoir réellement rejoint le Comptoir Général de Photographie. Mais alors de quel voyage parle Alice Guy ? Au cours de son mandat, Félix Faure effectue plusieurs voyages en France et à l'étranger. La précision que donne Alice Guy est intéressante, puisqu'elle parle de "4 jours". Difficile de penser que Léon Gaumont ait pu partir à l'étranger pour un séjour aussi court. Ce qui est en revanche plus troublant c'est que le catalogue Gaumont de 1896 propose plusieurs vues relatives au voyage du Tsar en France. Il s'agit là d'un événement majeur dans la vie politique française et l'on comprend que le Comptoir Général de la Photographie ait mandaté un opérateur pour l'arrivée du souverain à Cherbourg. Mais quel est donc cet opérateur ? À cette époque, ils sont rares... dont le principal est bien entendu Léon Gaumont. Il n'y aurait donc rien de bien étonnant que ce fût lui le cinématographiste... et précisément dans un courrier qu'il adresse à Georges Demenÿ, voici ce qu'il écrit :

[...] Malgré toutes les précautions que nous avons prises pour obtenir des vues de l'arrivée du Tsar nous n'avons pas à l'heure qu'il est de chance de réussir.
Léon Gaumont, à Georges Demenÿ, 6 octobre 1896.


CORCY, 1998, 157.

Nous sommes alors en octobre 1896 et comme Alice Guy parle de "Trois mois après mon arrivée"... cela nous ferait remonter avant le mois de juillet 1896... 

La correspondance Gaumont permet de corroborer cette hypothèse, puisque le premier courrier rédigé par Alice Guy en tant que secrétaire date du 26 avril 1896. Il est question de l'accord que doivent signer Léon Gaumont et Georges Demenÿ le lundi 27 avril. De cette rencontre, la secrétaire a gardé le souvenir suivant :

J’étais dans son bureau lorsqu’il reçut Demeny pour la première fois. J’y étais également qui il lui offrit de le lui payer une redevance sur chaque appareil, mais Demeny était un original, il était musicien et adorait son violon et ne voulait pas s’embarquer, disait-il, dans des comptes d’apothicaires. « Donnez-moi fix-mille francs comptant, insistait-il, mon violon et une femme cela me suffit. Je ne sais si l’affaire en resta là.


Alice Guy, Cher Louis, 17 mars 1953.  

On y trouve également deux autres lettres, toujours datées de 1896. Dans celle du mois de juillet 1896, Léon Gaumont fait référence à Alice Guy, sans la nommer.  On appréciera sa réserve sur les initiatives qu'elle semble prendre et qui ne sont guère à son goût. Une dernière lettre du corpus Gaumont date, elle, du 26 novembre 1896 et elle est adressée à nouveau à Georges Demenÿ

guy alice 1896 04 26 courrier  20 juillet 1896
Cher Monsieur Fleury-Hermagis,
je reçois votre lettre du 18 & je vois, en relisant la lettre qui vous a été adressée, que la secrétaire a dépassé un peu la mesure que j'avais fixée. Heureusement que nous n'en sommes pas, comme vous le dites, à de minces questions d'intérêt.
Si vous prenez chez nous les lentilles additionnelles que vous désignez par bonnettes d'approche, il y a moins que du mal & je serais très heureux dans ces conditions que vous continuiez la plus grande réclame possible pour ces malencontreuses bonnettes qui ont cependant fait bien des heureux parmi les possesseurs d'appareils à foyer fixe.
Pour l'amplificateur automatique vos explications me donnent complète satisfaction : c'est ce mot autonomatique qui me chiffonait & me laissait croire à quelques bonnettes.
Acceptez mon cher Monsieur avec tous mes remerciements pour votre réponse, l'expression de mes bien sincères & meilleurs compliments
L. Gaumont & Cie 
© Cinémathèque Française
[reproduit dans: CORCY, 1998: 118]
CORCY, 1998: 119
26 novembre 1896,
Monsieur Demenÿ, Paris
Monsieur Gaumont me charge de vous demander de vouloir bien lui apporter demain toutes les pièces se rapportant à vos divers brevets sur le Chronophotographe.
Mr Gaumont vous prie de venir demain à la première heure.
Agréez, Monsieur, nos salutations distinguées.
[A. Guy]
CORCY, 1998: 179-180.

La fourchette s'est ainsi resserrée et l'on peut estimer, sans risque de trop se tromper qu'Alice Guy arrive au Comptoir Général de Photographie au cours du 1er trimestre de l'année 1896. On ne serait d'ailleurs pas loin de sa déclaration... mais à un an près. Elle écrit "en mars 1895" (GUY, 1976: 45)... mais il faut simplement lire en "mars 1896).

Secrétaire au Comptoir Général de Photographie (1er trimestre 1896-1902)

La nouveauté que constitue le cinématographe Lumière conduit Léon Gaumont à s'allier à Georges Demenÿ, dès 1895. Ce dernier, inventeur du phonoscope qui permet, moyennant une intervention humaine, de créer des images animées, propose à Gaumont de travailler à un nouvel appareil servant à la fois à prise de vues et à la projection, une variante du cinématographe Lumière. La particularité de ce chronophonographe (brevet du 15 juin 1896), c'est qu'il utilise une bande de 60 mm - en réalité 58 mm - ce qui permet d'offrir des projections de qualité. Nous savons que Léon Gaumont lui-même a tourné, dès le début, un certain nombre de vues comme Voitures automobilesLes nouvelles perspectives commerciales le conduisent à envisager la construction de nouveaux ateliers dans la ruelle des Sonneries. La demande part le 23 décembre 1896. L'ingénieur des mines va donner son autorisation quelques jours plus tard, le 4 janvier 1897. La permission de " Grande Voirie " est délivrée le 15 janvier 1897. La suite de la procédure se déroule conformément aux règles établies dans la construction, et le 17 mars 1897, le chef du bureau des alignements demande au Commissaire voyer du 19e arrondissement " si les travaux exécutés sont conformes aux clauses et conditions insérées dans ladite permission ". Finalement, ça n'est que le 22 juillet 1899 que ce dernier constate que " les travaux sont exécutés conformément à la demande. " Mais dans les faits, les travaux sont achevés dès le mois de juin, comme l'atteste le courrier que Léon Gaumont adresse le 10 juin 1897 à Alfred Besnier (Corcy, 1998, p. 235), auquel il souhaite " faire les honneurs de l'Atelier ". 

gaumont ateliers01 gaumont ateliers02
gaumont ateliers03 gaumont ateliers04
VO11 3476, Dossier de voirie et/ou permis de construire, ruelle des Sonneries
© Archives de Paris

Pendant ce temps-là, Alice Guy habite depuis 1896, " sous les toits d'un ancien hôtel, quai Malaquais, en face de la statue de Voltaire, un charmant petit appartement lumineux au possible ; de nos fenêtres légèrement mansardées nous jouissions d'une vue admirable " qu'elle loue avec sa mère à M. V. Piriou. Les deux femmes vont y habiter jusqu'en 1898.

guy alice malaquais guy alice malaquais2
Le Quai Malaquais : l' Institut - Coin de la rue de Seine : [photographie] / [Atget] - 1902-1903
© BNF
Maison, 5 Quai Malaquais
© Bibliothèque de l'INHA

C'est donc, sans doute, en 1899, alors que les travaux sont enfin terminés, qu'il faut situer la proposition que lui fait Léon Gaumont de s'installer, impasse des Sonneries :

C'est à cette époque que Léon Gaumont trouvant que je perdais trop de temps en allées et venues, me proposa de remettre en état un petit pavillon qu'il possédait au fond de la ruelle des Sonneries, derrière l'atelier des travaux photographiques, à quelques mètres de la fameuse plate-forme bitumée, et de me le louer pour un loyer modique (tout de même huit cents francs par an).
Voyant mon hésitation, il me promit d'installer une salle de bains et de faire défricher le jardin par un jardinier des Buttes Chaumont. Je finis par céder. J'étais déjà mordue par le démon du cinéma.


Alice Guy, p. 61.

Grâce à la correspondance du pionnier espagnol Eduardo Gimeno, nous savons que les échanges avec le Comptoir Général de Photographies (entre le 12 janvier et le 3 novembre 1900) se font, pour une bonne part, en espagnol dans une langue fort correcte. Il est facile d'imaginer que c'est Alice Guy, elle-même qui rédige ou traduit les courriers. D'ailleurs, une part significative d'entre eux portent son paraphe. L'objet principal de ces courriers est assez secondaire et a trait à l'envoi de films et aux difficultés de réception. En revanche, ils soulignent bien qu'Alice Guy reste bien la secrétaire de Léon Gaumont et qu'elle suit effectivement les dossiers.

guy alice 1900 01 guy alice 1900 1b
Comptoir Général de Photographie [Alice Guy], À Eduardo Gimeno, Paris, 24 janvier 1900
Fonds Gimeno-MAR/04/128
© Filmoteca Española

Au cours de ces années-là, Alice Guy - qui est désormais au coeur même de la maison Gaumont - reste toujours secrétaire de Léon Gaumont, mais va pouvoir être au plus près des activités cinématographiques du Comptoir Général de Photographie. Georges Hatot, qui a confié ses souvenirs à Henri Langlois et à Musidora, brosse un rapide portrait, peu flatteur, d'Alice Guy :

[...] On a rompu le contrat parce que j'avais eu une pique avec Mlle Lalis (ou Alice). Déjà elle voulait s'occuper de tout ce que l'on disait. Cela m'énervait. Et dans un geste d'impatience, je lui dis : " Vous n'avez pas de chaussettes à racommoder ? Gaumont est devenu rouge. Il s'est dit : "  C'est un type dont il faut que je me débarrasse. "
M. Langlois : Après vous, ça a été Madame Alice qui a fait tous les films ?
M. Hatot : Cela a traîné. Mlle Alice s'occupait de cela. Ils étaient tellement compétents dans le cinéma, qu'ils ont fait faire un théâtre. C'est un nommé Raymond Pages qui était chef machiniste. C'est Andois qui a construit cela. Quand ça a été fait, on ne s'en est jamais servi. C'était le contraire du cinématographe. Le plafond et le cintre, ça empêchait la lumière de passer. Voilà les compétences qu'il y avait chez Gaumont. Je n'ai jamais remis les pieds chez Gaumont.
Comme Raymond Pages était un de mes camarades, je lui ai demandé s'ils n'étaient pas fous. Il me répondit : " Moi, je m'en fous, j'ai un devis de 38.000 Frs. Il a fait son film. Ils n'ont jamais pu s'en servir. C'était bien simple : que ce soit maintenant ou que ce soit avant, c'est la négation du cinéma.


Cinémathèque Française, Commission de Recherche Historique, Georges Hatot : réunion du 15 mars 1948, CRH52-B2, 1948, p. 22-23.

L'intérêt du témoignage de Georges Hatot - qui se réfère ici au studio construit plus tard, en 1905 - c'est qu'il souligne, de façon ironique, l'état d'impréparation et parfois même d'incompétence qui règne chez Gaumont dans le secteur cinématographique. Par ailleurs, le complice d'Alice Guy, Anatole Thiberville, qui tient une épicerie, 85, rue Charcot jusqu'en 1898, rejoint la société, sans doute au cours de l'année 1899. Nous savons qu'il tourne, ainsi qu'Henri Vallouy, des films au cours de l'année 1899 dont certains sont présentés au Concours de Cinématographie de Monaco.

Si Alice Guy continue de seconder Léon Gaumont, elle va également participer à la " communication " de la maison. Dès 1896, les frères Lumière ont breveté un appareil " Le Kinora " (brevet nº 259515 du 10/09/1896) dont ils vont confier l'exploitation au Comptoir Général de Photographie, en 1900. Sur une publicité reproduite à plusieurs reprises, on aperçoit une jeune femme qui regarde des images animées. Un très bref document filmé nous montre Alice Guy en train de regarder dans la même position.

kinora guyalice
Comptoir Général de Photographie
juillet 1901, nº 512
"Alice Guy" (c. 1900) 

Le premier tournage (hiver 1901-printemps 1902)

Ce dont nous pouvons être sûrs, c'est qu'Alice Guy a bien dû gagner du galon au cours des cinq premières années passées au service du Comptoir Général de Photographie et que sa situation privilégiée lui a permis d'être au courant de bien des choses. Installée ruelle des Sonneries, elle se trouve à deux pas du " premier plateau " de la maison Gaumont dont le décorateur Hughes Laurent a gardé un souvenir assez flatteur :

Dès 1900, l'Atelier MOISSON, situé cité Bertrand à Paris (11e), devenue depuis rue G.-Bertrand, se trouvant à la hauteur du 83, avenue de la République, brossait de petits fonds de scène d'environ 4 x 3 m, peint en camaieu tons sépia, qui représentaient en général une place publique, une serre, etc. Ils furent exécutés par CHARMOY. Ces fonds étaient livrés et équipés au bout d'un petit jardin très bien entretenu, situé à Belleville, dans la ruelle des Sonneries, sous une sorte de véranda qui était adossée à un mur en briques dont les côtés étaient pleins jusqu'à hauteur d'appui, au dessus vitrés en verre dépoli ainsi que la toiture, à joint perdus; la face restait ouverte. Ce fut le " premier plateau " organisé de la maison GAUMONT.
Pendant les vacances scolaires, ainsi que certains après-midi que l'Ecole Germain-Pilon accordait aux élèves décorateurs, j'allais livrer ces fonds avec un garçon d'atelier, les équiper et faire les retourches en cas de besoin.


H. Laurent, " Le décor de cinéma et les décorateurs ", Bulletin de l'AFITEC, 11e année, nº 16, 1957, p. 4.

Des tournages ont donc bien lieu en 1900 sur ce premier plateau qui semble s'être bien délabré au moment où Alice Guy va participer à son premier tournage : 

Et c'est ainsi que je fis connaissance avec mon nouveau domaine. C'est dans le jardin que nous plantâmes, Anatole et moi, notre premier appareil de prises de vues.
[...]
À Belleville, à côté des ateliers de tirage des travaux photographiques, on me concéda une terrasse désaffectée, au sol bitumé (ce qui rendait impossible la plantation d'un vrai décor), couverte d'une verrière branlante et ouvrant sur un terrain vague. C'est dans ce palais que je fis mes premières armes. Un drap peint par un peintre éventailliste (et fantaisiste) du voisinage, un vague décor, des rangs de choux découpés par des menuisiers, des costumes loués ici et là autour de la porte Saint-Martin. Comme artistes : mes camarades, un bébé braillard, une mère inquiète bondissant à chaque instant dans le champ de l'objectif : et mon premier film la Fée aux choux vit le jour. C'est aujourd'hui un classique dont la Cinémathèque française conserve le négatif.


Guy, 1976, p. 62-63.

guyalice03"Une reproduction du jardin où nous plantions, Anatole Thiberville et moi, notre premier appareil de prises de vues", 1902
© Guy, 1976 

Alice Guy n'a cessé d'affirmer que son premier film a été " La fée aux choux " et rien ne permet d'en douter. Elle fournit d'ailleurs de très nombreux détails qui corroborent  tout à fait ses dires. Là où les choses se brouillent, c'est toujours sur la chronologie avec laquelle elle est manifestement fâchée. Elle écrit ainsi :

La Fée aux choux date de 1896 ; suivent en 1897-1898 : Les Petits Coupeurs de bois vertDéménagement à la cloche de boisVolée par les BohémiensLe Matelas.


Guy, 1976, 73.

Or, nous savons que les films dont elle parle sont plus tardifs, de 1904 ou au-delà. À cela vient s'ajouter l'existence de deux " Fée aux choux " dans le catalogue Gaumont, le premier, La Fée aux choux ou La Naissance des enfants (1900), dont nous ignorons l'auteur, et le second Sage-femme de première classe (1902) qui a été présenté sous divers titres " La Fée aux choux ", " La Naissance des enfants ", " Le Choix d'un bébé ", mais jamais, semble-t-il, sous son titre " catalogue ". Autant d'éléments qui ont contribué à une confusion casuelle ou entretenue. En ce qui concerne La Fée aux choux ou La Naissance des enfants (Catalogue 1901, nº 379), on peut estimer que son tournage a eu lieu au cours de l'année 1900 dans la mesure où il se situe entre les numéros 376 (Défilés des Malgaches envoyés à l'Exposition), tourné après l'ouverture de l'Exposition Universelle (14 avril 1900) et 381 (Départ de ballons au concours de Vincennes), filmé le 9 septembre 1900. Par ailleurs, il est annoncé comme nouveauté dans le journal britannique The Era (Londres, 10 novembre 1900, p. 30). Quant à Sage-femme de première classe, son tournage est à situer à la fin de l'hiver ou au début du printemps 1902, en effet, une présentation a lieu sous le titre " La Fée aux choux ", à Nancy, le 22 avril 1902.

Si la chronologie proposée par Alice Guy est trop souvent imparfaite, en revanche, elle fournit de multiples détails sur les conditions de tournage et le contenu du film : l'argument - raconté à Louis Gaumont en 1953, voir ci-après -, la photographie de tournage - publiée du vivant de la cinématographiste - où l'on retrouve les mêmes costumes, le même décor... aucun doute n'est possible : Alice Guy nous parle bien de Sage-femme de première classe que tout le monde connaît sous le titre " La Fée aux choux ".

0379
photogramme
0626 01
photographie de tournage
La Technique cinématographique , nº 151
février 1955, p. 67

   
0626b
photogramme


Catalogue Gaumont (1905)
Une fée dépose des bébés vivants qu'elle retire de choux. 
Alice Guy
Deux jeunes mariés se promenaient dans les champs pendant leur lune de miel. Ils arrivaient auprès de ce champ de choux ou un paysan travaillait. Le jeune homme se pendait à l'oreille de la jeune femme et lui demandait si elle aimerait avoir un poupon. Elle acceptait en baissant les yeux (c'était la mode en 1900) et le jeune homme interrogeait le paysan. Celui-ci dérangé dans son travail leur donnait avec humeur la permission de chercher dans son champ. Le jeune mari découvrait tout d'abord un bébé de carton qui les décevait infiniment, mais la jeune femme entendait soudain un gazouillis derrière un chou plus éloigné, elle y courait et découvrait un beau poupon bien vivant qu'elle rapportait en triomphe à son mari. Après avoir dédommagé le paysan, ils partaient tous les deux ravis, pendant que le paysan retournait à sa bèche en haussant les épaules.

Alice Guy, Lettre à Louis Gaumont, 15 avril 1953, Fonds Louis Gaumont, Cinémathèque française


Sur la photo de la Fée aux Choux figurent mes amies Germaine Serand et Yvonne Serand (devenue plus tard Mme Arnaud), et moi-même. Cette photo a été prise après coup et c'est par amusement que j'avais revêtu le vêtement de paysan. Je ne me souviens pas de l'homme qui a joué le rôle de l'agriculteur, probablement Anatole ou un des ouvriers de l'usine. Nous ne pensions pas à l'époque que ces photos seraient si importantes.


Alice Guy, Mon cher Louis, 5 janvier 1954. Cinémathèque Française. LG 365 350.

 
Catalogue Gaumont (1905)
1re partie.-La scène représente une petite baraque fleurie dans laquelle sont mis en vente des bébés en tous genres. Dans la première partie, la baraque est occupée par une marchande, en costume normand, qui époussète les bébés et les range. À cet instant, débouche par le chemin un couple d'amoureux (mêmes costumes) qui aperçoit la petite boutique et se consulte pour l'achat d'un bébé. La jeune femme hésite, le mari insiste tendrement. Elle finit par céder, et ils se dirigent tous deux vers la baraque. La marchande s'empresse, leur montre sa marchandise, mais aucun des bébés n'a l'air de plaire. La jeune femme veut entraîner son mari ; mais celui-ci, qui a le plus grand désir d'avoir un bébé, insiste à nouveau auprès de la marchande. Celle-ci leur indique une porte sur laquelle est écrit le mot RÉSERVÉ. Tous trois disparaissent par cette porte.
2e partie.- La scène représente un potager avec un grand nombre de choux. Les trois personnages de la précédente partie rentrent par la porte du fond et la marchande sort de chaque chou un bébé vivant qu'elle présente à tour de rôle aux deux jeunes mariés. Les sept premiers sont rejetés, deux d'entre eux avec horreur (l'un étant nègre et l'autre Peau-Rouge). Enfin, un huitième est jugé suffisamment joli, la jeune femme le prend dans ses bras, le dorlote pendant que son mari paye la marchande en ayant l'air de trouver la note un peu élevée.
Pendant toute la scène, les bébés vivants qui ont été placés au premier plan remuent et crient. Les deux jeunes mariés s'en vont et la marchande revient ranger sa marchandise.

Les souvenirs d'Alice Guy soulèvent par ailleurs un autre problème. Quelle est la part, dans le tournage, qui revient à Anatole Thiberville ? Difficile de penser qu'il est un simple comparse, quand on sait, grâce à Jean Durand, qu'il est un homme clé :

Gaumont vint après. Le premier qui y tourna fut le père ANATOLE. Anatole de Thiberville, que vous avez peut-être connu. Il fut acteur, décorateur, opérateur. Gaumont, lui-même tourna la manivelle.


Institut Lumière, Lyon, " Jean Durand ", GAUm/ARC38/C9.

La rédaction des mémoires laisse penser qu'Alice Guy et Anatole Thiberville seraient deux novices en matière de tournage, ce qui est contraire à la vérité. Celle qui participe à son premier tournage, c'est elle, celui qui " dirige " la novice, c'est lui. Il sera d'ailleurs son mentor, à de multiples reprises, comme lors de son voyage en Espagne, en 1905. Il est plus raisonnable de penser que le tournage Sage-femme de première classe a été effectué par les deux complices.

Les années troubles (1902-1904)

L'analyse de la situation qui va de 1902 à 1904 est rendu particulièrement complexe comme si cette période pouvait occulter des questions délicates à aborder. Les actes d'état civil, relatifs à l'année 1902, nous apportent quelques informations sur la situation familiale d'Alice Guy. En février, nous apprenons que l'une des ses sœurs, Marguerite est "décédée au domicile de sa mère, rue des Alouette, 12" et, en décembre, on peut lire sur l'acte de mariage qu'Henriette, une autre de ses sœurs, est "sténo-dactylographe, domiciliée rue des Alouettes 12 avec sa mère". Il est dommage qu'Alice Guy, dans son autobiographie, n'ait guère évoqué son environnement familial. Quel chagrin a-t-elle eu à la mort de Marguerite ? Quelle joie a-t-elle ressenti au mariage d'Henriette ? On aurait aimé en savoir davantage sur les périodes où ses sœurs ont partagé, avec elle, le logement de la rue des Alouettes.  

Avec le tournage de Sage-femme de première classe, Alice Guy est parvenue à convaincre Léon Gaumont de se lancer davantage dans la production de films de fiction. Cela ne signifie pas pour autant que Léon Gaumont lui confie les clés du royaume. D'ailleurs le patron est plus intéressé par le documentaire que par la fiction, et il tourne la manivelle plus souvent qu'à son tour. Alice Guy en est sans doute réduite à la portion congrue, d'autant plus que d'autres cinématographistes, Anatole Thiberville en premier, réalisent aussi leurs propres films. La cinématographiste ne revendique d'ailleurs aucun autre film, hormis la " Fée aux choux " (Sage-femme de première classe), pour le reste de l'année 1902. Et c'est là que le mystère s'épaissit... alors qu'apparaissent deux nouvelles figures dont on sait qu'elles vont avoir un rôle très significatif.

La première, dont on peut situer l'arrivée vers le mois de mars 1903, n'est autre que Ferdinand Zecca, cinématographiste vedette qui vient de se brouiller avec Charles Pathé sans qu'aucune explication n'ait jamais été fournie sur ce différend, ce qui laisse tout de même planer le doute sur les circonstances de son entrée chez Gaumont. Alice Guy, qui n'est alors qu'une cinématographiste débutante peu expérimentée et ne connaissant rien en particulier aux trucages dont le cinématographe est particulièrement friand à ce moment-là - n'oublions pas que Le Voyage dans la lune de Georges Méliès est précisément de septembre 1902 -, ne peut que se réjouir de voir Ferdinand Zecca venir lui prêter main forte. Pourtant Alice Guy fait un sort à cette figure essentielle du cinématographe des origines en minimisant à l'extrême son rôle et en faisant de lui un vendeur de savon tout comme elle traite Anatole Thiberville d'éleveur de poules bressanes... Voici ce qu'elle écrit :

Les maisons concurrentes qui naissaient rapidement s'emparaient de nos découvertes dès que nous les faisions. Zecca, le seul collaborateur qui resta environ deux semaines avec moi avant de joindre Pathé, tourna Les Méfaits d'une tête de veau (film qui me fut faussement attribué par la suite). Intéressant parce qu'il illustrait la méthode des arrêts pendant lesquels on déplaçait l'objet comme dans la Momie. Il me conta qu'avant de venir nous voir, il vendait des savons de porte en porte et les mouillait pour en augmenter le poids.


GUY, 1976, 66-67

Un bien piètre portrait qui, une fois encore, est truffé d'erreurs. Lors du tournage du film Les Méfaits d'une tête de veauFerdinand Zecca n'a pas tourné le moindre film et travaille dans le secteur " son " de chez Pathé. L'épisode est à placer en 1903 et son séjour chez Gaumont dépasse, et de loin, les deux semaines. On peut estimer qu'il est chez Gaumont de mars à décembre 1903 au moins, car Zecca ne recommence à filmer pour Pathé qu'en 1904. S'il reste difficile d'établir avec précision la liste des films qu'il tourne ou auxquels il participe, on peut cependant lui attribuer, avec certitude Illusionniste renversantLes Apaches pas veinards et Mésaventures d'un voyageur trop pressé (Gianati, 2000). On peut également penser que son passage a permis à Alice Guy de prendre quelques leçons dans les films de 1903 qu'elle revendique : Faust et MéphistophélèsLe Cake-walk de la pendule (juin-juillet 1903) et La Liqueur du couvent (1903), mais qui ont été tournés pendant le séjour de Ferdinand Zecca. On comprend mieux pourquoi elle cherche à minimiser le rôle de Ferdinand Zecca qui pourrait d'ailleurs constituer un réel danger pour elle s'il s'avisait de rester chez Gaumont.

La seconde figure, moins connue, fait également son entrée chez Gaumont, à la même période, c'est Henri Gallet. Habitué des cabarets montmartrois, et après un séjour dans les Grands Magasins Dufayel où il "sonorise" les films muets, Gallet va participer comme acteur, mais possiblement comme scénariste et, voire, comme cinématographiste, au Comptoir Cinématographique. Il ne fait pas de doute que Gallet et Zecca travaillent ensemble pendant ces mois de 1903 et peut-être au-delà. Ce qui retient ici l'attention, c'est que dans les archives conservées à la Cinémathèque française (dossier Alice Guy) on trouve quatre cartes postales du cabaret du "Néant" qui se trouve à deux pas de ceux de l'Enfer et du Ciel, à Montmartre. Ces cartes postales partagées au dos sont donc postérieures à décembre 1903. Il s'agit d'une trace qui relie Alice Guy au monde des cabarets montmartrois et on peut penser qu'Henri Gallet, un habitué de ces lieux, a sans doute eu un rôle de premier plan dans ces liens.

guy alice cabaret du neant 02 guy alice cabaret du neant 01
Cabaret du Néant (après décembre 1903)
source: Dossier Gaumont. LG371 B50. Cinémathèque française.

Ce que l'on constate, c'est qu'Henri Gallet dérange, lui aussi, Alice Guy. Pourquoi ? Lui fait-il de l'ombre ? Toujours est-il que cette dernière fait aussi un sort à la fois à Georges Sadoul et à Gallet. en les expédiant tous les deux en un bref paragraphe peu amène. Le premier devient sous sa plume un historien ignare et le second tout bonnement un inconnu :

Monsieur Sadoul auteur d'une histoire du cinéma des temps héroïques -qui, mal renseigné et en toute bonne foi sans doute (il dit lui-même qu'il ignore tout de cette époque et ne parle que par ouï-dire), avait attribué mes premiers films à des gens [sic] qui ne sont probablement rentrés dans les studios Gaumont que comme figurants et dont j'ignore même les noms - m'a fait involontairement de grands compliments à propos de la Esmeralda.


GUY, 1976, 72.

Si Georges Sadoul n'est pas exempt de tout reproche historique, il y a tout de même des choses pour le moins troublantes dans ce qu'il rapporte des échanges qu'il a eus avec Henri Gallet. Voici ce qu'il écrit se référant probablement à la fin de l'année 1904 ou au début de l'année 1905 :

Quelques mois auparavant Gallet, dont tous les films avaient été systématiquement copiés par Zecca redevenu tout puissant à Vincennes, fut accusé par Gaumont, fort injustement d'être à la solde de Pathé, et il quitta la rue des Alouettes.


SADOUL, 1947: 382.

Qui donc a intérêt alors à se débarrasser d'Henri Gallet, une fois que Ferdinand Zecca est revenu chez Pathé ? Toujours est-il qu'après leur départ, il reste une dernière pièce à éliminer... Léopold René Decaux, le bras droit de Léon Gaumont, son fidèle collaborateur de la première heure, son ami au mariage duquel il sera témoin, l'ingénieur qui a mis au point, avec Gaumont, le chronophotographe. La tâche s'annonce ardue d'autant plus que Decaux n'est pas disposé à se laisser faire. Pour arriver à ses fins, Alice Guy va faire pression rien moins que sur Gustave Eiffel lui-même, le président du Conseil d'Administration de la société, pour obtenir à l'arraché la direction du service cinématographique du Comptoir Général de Photographie comme elle le rapporte :

Cette époque fut dure pour moi. On m'avait laissé me débrouiller seule dans les difficultés du début, défricher, mais l'affaire devenait intéressante, sans doute lucrative, on m'en disputa âprement la direction. Cependant, j'étais combative et grâce au président Eiffel qui m'encouragea toujours avec bonté, tout le Conseil d'administration, reconnaissant mes efforts, décida de me laisser à la tête du service. Apparemment, il n'eut pas à s'en plaindre, puisque malgré la guerre sourde que me fit le directeur des ateliers de fabrication, malgré la hargne qui le poussa à commettre mille petitesses - non seulement contre moi mais également contre les employés qui travaillaient sous mes ordres - je réussis à garder mon poste jusqu'en 1907, c'est-à-dire pendant onze ans.


Guy, 1976, 68-69.

Si l'on laisse de côté les questions temporelles - Alice Guy, décidément fâchée avec les dates, parle de onze ans... mais depuis simplement son entrée comme secrétaire à la maison Gaumont et non pas comme responsable du secteur cinématographique -, ce témoignage révèle, on l'aura compris, qu'il y a encore, dans la place, quelqu'un qui lui voudrait du mal... son "ennemi" [sic] dit-elle ailleurs - ce qui donne une nouvelle idée sur sa façon de concevoir les rapports humains - celui qui ferait obstacle à ses ambitions. On imagine aisément que le patron Léon Gaumont est au courant de la situation. S'agit-il d'apaiser les tensions ? Toujours est-il que Léopold René Decaux se voit confier la direction de l'usine du Perreux où il réside à partir du mois de juin 1904. Quant à Henri Gallet, il reviendra chez Gaumont quelques jours à peine après le départ d'Alice Guy en mars 1907.

La direction du service cinématographique (1904-1905)

Une fois débarrassée des empêcheurs de tourner en rond, Alice Guy va désormais pouvoir se consacrer entièrement à ses nouvelles tâches. Elle est désormais la pièce maîtresse de la production cinématographique chez Gaumont et elle va donner une incontestable impulsion à la production de fictions qui vont constituer désormais une part importante du catalogue. Il s'agit aussi, dorénavant, de projets bien plus ambitieux comme L'Assassinat du courrier de Lyon (122 m) ou Volée par les Bohémiens (225 m). La confiance aidant, elle devient la figure incontournable de la cinématographie chez Gaumont. Ses fonctions de directrice du Service des théâtres de prises de vues lui permettent d'organiser la production de fictions, et le succès de son entreprise est décisif dans la décision prise par le conseil d'administration de construire enfin un studio digne de ce nom :

Au bout d'un an et demi ou deux ans, le succès s'avéra tel, les bénéfices furent si substantiels, que le Conseil d'administration décida de faire construire un studio.


Guy, 1976, 69.

Nous sommes déjà en 1905. En réalité, la " Cité Gaumont " va se restructurer de 1904 à 1907 et les bâtiments vont se multiplier. Parmi les nouveautés, un " théâtre de prises de vues ", c'est-à-dire un immense studio, sans aucune doute surdimensionné comme le rappelle Alice Guy :

Pour en revenir au studio, comme la Gaumont et Cie ne faisait pas les choses à moitié, on décida de prendre pour modèle la scène de l'Opéra avec ses dessous, ponts volants, trappes et costières, planchers de scène inclinés, toutes choses non seulement inutiles,  mais nuisibles. Une énorme cage de verre attenante, glaciale en hiver, brûlante en été, complétait notre nouveau domaine. Pour remédier à l'absence trop fréquente de soleil, on avait construit deux lourdes herses supportant 24 lampes de 30 ampères qui nous procuraient de fortes insolations. que de soirées j'ai passées à demi aveugle, les yeux larmoyants, sans pouvoir lire. Plusieurs artistes en firent l'expérience et attaquèrent la compagnie, ce qui obligea celle-ci à remédier à cet inconvénient. Personnellement, j'en ai conservé un rétrécissement de la rétine, parfois bien gênant. Enfin une énorme cheminée d'usine projetait son ombre sur les décors toute la matinée.


GUY, 1976, 70.

1905 gaumont plans 1905 gaumont studio
MM. Léon Gaumont et Cie
12, rue des Alouettes
Ateliers de cinématographie
VO11 66, Dossier de voirie et/ou permis de construire, rue des Alouettes
© Archives de Paris
Skeleton of new Paris building
The Optical Lantern and Cinematograph Journal,
February 1905, p. 87.

Malgré ces conditions particulièrement déplorables, il faut bien rentabiliser le studio, et désormais, c'est dans cet espace que vont être tournés tous les intérieurs, à partir du milieu de l'année 1905. La production prend alors son envol et, parmi les œuvres importantes de l'année, on peut citer également  Une noce au lac Saint-Fargeau, tourné en décors naturels, Les Rêves du fumeur d'opium... Pourtant, et de façon curieusement contradictoire, l'année 1905 va être marquée, pour Alice Guy, par une longue série de documentaires. Le premier est le résultat d'un projet avorté de tourner une adaptation de Zola, probablement Germinal, pour laquelle elle va se rendre à Fumay, ville natale de Victorin Jasset, qui l'accompagne pour l'occasion :

Afin de mettre en scène un drame minier, inspiré d'un roman de Zola, Jasset, mon assistant, m'avait suggéré Fumay petite ville triste et noire des Ardennes qui se reflète dans la Meuse. La principale cheminée était soi-disant en mauvais état, je dus, au grand amusement du personnel de la mine, revêtir la salopette des mineurs et m'étendre dans une benne pour descendre à cinq ou six cents mètres sous terre par l'étroit boyau servant de puits. Les galeries basses, étayées d'un boisage qui me paraissait insuffisant, les explosions ébranlant d'énormes tranches d'ardoise, dont les ingénieurs surveillaient minutieusement le glissement à l'aide de cire coulée entre les lames, tout cela me paraissait assez menaçant. J'éprouvai, je l'avoue, un certain soulagement à me retrouver en plein air. Heureuse cependant de cette nouvelle expérience, de cet enrichissement. 


Guy, 1976, 83.

Si le projet initial avorte, la belle série de vues de L'Industrie du fer et de l'acier constitue un précieux document sur le monde de la mine et du prolétariat au début du XXsiècle. Après ce premier essai de documentaire plutôt réussi, Léon Gaumont va envoyer Alice Guy en Espagne pour un tournage plus ambitieux. À l'origine de ce voyage, des tensions avec Léopold René Decaux, qui  parvient à écarter, temporairement, Alice Guy, comme cette dernière le raconte. Lors d'un échange de courrier avec Louis Gaumont, le fils de Léon, voici ce qu'elle écrit :

Un de ses collaborateurs que je ne désignerai que par une initiale D., avait décidé que ce voyage serait un four. Il remit à Anatole un appareil dont le synchronisme était faussé. Anatole était bien incapable de remédier à cet incident et seule une bande prise chez les tziganes à Grenade put être utilisée.


Alice Guy, Cher Louis, New York 17 mars 1953, p. 3.

À en croire Alice Guy, on est proche du complot auquel le propre Léon Gaumont participerait :

Le chronophone me donna l'occasion d'un inoubliable voyage en Espagne. Ce fut mon ennemi le directeur des ateliers qui me procura, bien involontairement, cette joie. Il insista auprès de Gaumont pour faire lui-même l'enregistrement cinématographique d'une série de disques. Gaumont céda et afin de lui laisser les mains libres, me proposa d'aller moi-même, avec mon opérateur (toujours Anatole) prendre quelques vues sonores en Espagne où nous avions une succursale et de nombreux clients. J'acceptai avec joie.


Guy, 1976, 89-90.

Dans ses mémoires, elle consacre par ailleurs de longues pages à ce voyage (Guy, 1976, 89-96) qu'elle effectue avec son fidèle Anatole Thiberville. L'occasion pour elle de visiter Barcelone, Saragosse, Madrid, Cordoue, Séville, Grenade, Algeciras et Gibraltar. Le catalogue présente  l'ensemble de ces vues sous le titre Voyage en Espagne. À leur retour en France, les deux complices vont sur la côte d'Azur pour y tourner une autre série de vues générales, Voyage à la Côte d'Azur. Ce voyage, qui dure sans doute plus d'un mois, constitue une expérience nouvelle pour Alice Guy qui ne semble avoir tourné, jusqu'alors que des fictions. On imagine que pendant son absence les tournages continuent. Le retour à Paris marque également de profondes mutations dans l'organisation générale du secteur cinématographique de la maison Gaumont. Parier sur les fictions, comme le fait alors Léon Gaumont et son conseil d'administration, implique la mise en place d'une équipe un peu plus étoffée. À l'exception de Victorin Jasset, qui a dû arriver vers le milieu de l'année 1905, c'est sans doute, après le retour d'Alice Guy que la maison Gaumont va recruter plusieurs personnes dont certaines deviendront célèbres par la suite : Louis Feuillade (fin 1905), Étienne Arnaud (fin 1905), Vincent DenizotHenri Menessier...

C’est probablement au cours de cette même année qu'Alice Guy va réaliser quelques films pour un scientifique, le docteur François Franck, membre de l'Académie de médecine. Ce dernier est une figure connue à l'époque qui est nommé professeur de la chaire d'histoire naturelle des corps organisés du Collège de France, en remplacement d'Étienne-Jules Marey , décédé en 1904 (L'Aurore, Paris, 13 février 1905, p. 2) :

La science n'était pas absente de nos activités.
Personnellement, j'ai souvent aidé le docteur François-Franck de l'Institut alors qu'il étudiait, à l'aide du cinéma, la respiration comparée chez l'homme et les animaux, les battements de cœur d'un chien pendant la dissection, la marche des ataxiques, les différentes expressions du masque chez les fous. Mlle J. Chevreton qui devint sa femme faisait déjà de la microcinématographie.


Guy, 1976, 80.

Alice Guy nous donne, involontairement, une information chronologique puisque elle souligne qu'au moment du tournage de L'Industrie du fer et de l'acier - soit vers l'été 1905 - elle a recueilli dans les bois une " malheureuse salamandre [...] que je comptais rapporter au docteur François-Franck pour ses études. " Nous savons en effet que le docteur François-Franck n'hésite pas à utiliser la photographie ou la cinématographie pour agrémenter ses conférences :

Une conférence scientifique
Dans cette ancienne salle de l'Académie de médecine, qui, rue des Saints-Pères, élève sa façade austère de vieille charrette, M. le docteur François.Franck, membre de l'Institut, donnait, hier, une conférence.
Le sujet de cette conférence, très intéressant d'ailleurs - " sur quelques expressions des émotions chez l'homme et chez les animaux " - n'avait rien qui dût plus particulièrement attirer un auditoire féminin. Cependant de nombreuses dames avaient répondu à l'invitation de M. François-Franck et, comme des enfants bien sages écoutaient attentivement la parole à la fois éloquente et simple du conférencier.
Il est juste d'ajouter, pour justifier la présence de cette partie féminine de l'auditoire, que des projections lumineuses ajoutaient leur attrait aux considérations médicales du célèbre professeur..
M. François Franck a exposé l'ensemble de ses études personnelles sur les expressions des états émotifs, appuyant ses démonstrations par la projection d'un grand nombre de photographies originales et de graphiques qu'il a lui-même recueillis depuis plusieurs années...


Le Rappel, Paris, 17 juin 1906, p. 3.

L'ultime période: apogée et déclin (1906-1907)

La dernière année d'Alice Guy chez Gaumont suscite de nombreuses interrogations. L'année 1906 constitue, à n'en pas douter, l'apogée de sa carrière. Directrice du secteur cinématographique, elle dispose désormais d'un studio de prise de vues, une équipe de tournage et les moyens que la société accorde au développement de la production de fictions au rang desquelles on trouve en premier chef La Naissance, la Vie & la Mort duChrist. Cela est loin d'être la première fois que l'on " adapte " la Passion du Christ à l'écran. Il faut en effet remonter à 1897 pour trouver la première adaptation, Scènes de la vie du Christ, réalisée par Lear. Et même chez Gaumont, il existe une réalisation précoce, La Vie du Christ (1898) due à Georges Hatot. Comme on l'imagine aisément, un tel projet ne peut se concevoir sans l'accord direct de Léon Gaumont et sans un déploiement d'énergie énorme qui va mobiliser l'essentiel des forces vives du Comptoir Général de Photographie. La presse se fait l'écho de cette entreprise hors norme :

[...] Pour certaines scènes de la Passion de Jésus-Christ, la maison Gaumont a emmené 130 figurants et 25 chevaux avec armes et bagages pendant plusieurs jours dans la forêt de Fontainebleau.[...] L'exécution des négatifs de la bande cinématographique coûte parfois très cher. Ceux qui reviennent à 4 ou 5.000 francs ne sont pas rares. La Passion du Christ, dont nous parlions tout à l'heure a coûté 20.000 francs ; la bande positive a 660 mètres de long et porte 33.000 images qui mettent 20 minutes à défiler sur l'écran.


L'Avenir d'Arcachon, Arcachon, 29 décembre 1907, p. 2.

Même si les chiffres sont probablement approximatifs, ils nous donnent malgré tout une idée de démesure. Une luxueuse brochure est éditée pour l'occasion. Alice Guy, comme elle le revendique et comme en témoignage un article de presse, est incontestablement l'auteure de cette vaste fresque :

[...] M. GAUMONT fait ensuite passer sur l'écran une bande cinématographique de 650 m de longueur, comprenant 33.000 clichés. Elle représente la reconstitution des différents épisodes de la Vie du Christ.
Cette reconstitution a été faite aussi fidèle que possible en se reportant aux textes et documents historiques. Les tableaux ont été réglés avec un goût et un talent parfaits en scène par Mlle GUY, chef du service du théâtre cinématographique de Mr. GAUMONT. Aussi chacun de ces tableaux est-il accueilli par les vifs applaudissements de l'assemblée.
Rian n'a été épargné par Mr GAUMONT pour donner à ces scènes toute la vraisemblance désirable ; les nombreux figurants, bien stylés dans leurs rôles, ont été revêtus de costumes appropriés et les cadres de chaque scène ont été étudiés avec le plus grand soin : tantôt composés dans le théâtre cinématographique, tantôt choisis en dehors, jusque dans les rochers de la forêt de Fontainebleau, qui se sont animés, pour la circonstance, des défilés de personnages d'un autre âge formant des ensembles du plus heureux effet.
M. le Président a vivement felícité, aux nouveaux applaudissements de l'assemblée, M. GAUMONT et Mlle GUY, présente à la séance, d'avoir mené à bien une oeuvre auss considérable.


"Procès-verbaux et rapports", Société Française de Photographie" dans Bulletin de la Société Française de Photographie, 2e série, Tome XXII, nº 8, 1906, p. 194.

Dans ses mémoires, Alice Guy a parfois tendance à minimiser le rôle et la place de Léon Gaumont  en ce qui concerne le cinématographe, renvoyant cela à de simples " péchés de jeunesse ", alors qu'il a, à cette époque, une quarantaine d'années, ce qui est pour le moins abusif lorsque l'on sait qu'à la fin de sa vie, il revendique encore ses tournages. Il ne faudrait pas oublier, en effet, que si le rôle d'Alice Guy dans le tournage de La Naissance, la Vie & la Mort duChristest décisif, le propre Léon Gaumont, qui par ailleurs tient les cordons de la bourse d'une main de fer, se considère aussi comme l'initiateur du projet :

La recherche persistante des nouveautés me donna même un jour l'idée de porter la Passion à l'écran. Premier film à grand spectacle, il demeure aussi l'œuvre de la " première femme metteur en scène ", Mme Alice Guy.
Le Petit Parisien, Paris, 11 août 1943, p. 2.

Pour une affaire d'une telle envergure, il faut sans conteste l'accord de tous... sauf peut-être de Léopold René Decaux, la bête noire d'Alice Guy :

Ce fut pour le directeur des ateliers D une occasion de témoigner une fois de plus son désir de collaborer à notre succès. L'hiver était très froid et craignant, dit-il, que la tuyauterie n'éclate, il s'empara pendant la nuit des châssis déjà construits dans l'atelier de décors et les fit scier afin d'en revêtir les tuyaux, ce qui nous occasionna un retard d'une dizaine de jours seulement, les employés, dégoûtés, ayant tous à cœur de réparer cette action.


GUY, 1976, 84.

Pour connaître mieux l'origine de ces tensions, il faudrait évidemment pouvoir disposer également du témoignage de Léopold René Decaux. Mis à part La Naissance, la Vie & la Mort duChrist, de nombreux films sont également tournés au cours de l'année 1906 : Conscience de prêtreL'Honneur du CorseLa Pègre de ParisLe Matelas alcoolique...

L'autre affaire qui va également occuper très largement Alice Guy, c'est évidemment le chronophone dont la production, sans doute embryonnaire jusqu'au milieu de l'année 1905, va s'accélérer dans les derniers mois de 1905 et, surtout, tout au long de l'année 1906. Toutefois, dans ses souvenirs Alice Guy semble indiquer qu'elle a participé aux premiers essais qui remontent à l'époque où elle filme sur la " petite terrasse " :

C'est encore sur cette petite terrasse que nous fîmes les premiers essais de parlant " chronophone " . Les chansons et la musique étaient enregistrées aux ateliers sur un manchon de cire. C'est là que je cinématographiai le directeur de l'Opéra Gaillard qui vint me voir avec la maîtresse de ballet et un groupe de danseuses à qui il donna lui-même une leçon de triple battement de pieds (je crois que c'est le terme). Il avait alors plus de soixante-dix ans.


Guy, 1976, 67

Cela se situe avant la construction du théâtre de prise de vues, sans doute au cours de l'année 1904. Nous savons par ailleurs, que, pour le chronophone également, il existe une rivalité entre Alice Guy et Léopold René Decaux. Ce dernier semble vouloir participer également à l'enregistrement des phono-scènes. Grâce à un précieux document qui a été conservé, nous voyons la collaboratrice de Léon Gaumont participer à l'enregistrement d'une phono-scène. si l'on prête attention à ce " making of ", probablement de Carmen, si l'on se fie au décor, on remarque qu'Alice Guy est à droite et qu'elle ne semble s'occuper que du phonographe. Deux appareils de prise de vue sont également en place. L'un des deux opérateurs pourrait être Anatole Thiberville, identifiable à " son voile noir " dont parle Alice Guy (Guy, 1976, 71). Comme le montre clairement ce court film, l'enregistrement est une affaire collective où chacun est à sa place. 

gaumontchronophone guyalicephonoscene
Chronophone Gaumont (s.d.)
© Collections du musée Gaumont.
Tournage de la phonoscène "Bal des Capulets"
(fin 1906-janvier 1907)

La réalisation des phono-scènes est en soi complexe dans la mesure où l'opération de tournage et celle d'enregistrement sont séparées. On parlerait aujourd'hui de play-back comme on peut le comprendre à travers le témoignage d'Alice Guy :

Ce n'était pas le parlant tel que vous le connaissez ; la voix de l'artiste (chanteur, diseur), la musique de danse étaient enregistrées aux ateliers, les artistes passaient ensuite au studio où ils répétaient leur rôle jusqu'à l'obtention d'un synchronisme parfait avec l'enregistrement du phonographe. On prenait alors la vue cinématographique. Les deux appareils (photo [sic] et ciné) étaient réunis par un dispositif électrique qui en assurait le synchronisme.
Je fus chargée de cette partie cinématographique du répertoire...


GUY, 1976, 87.

Un très longue liste de phono-scènes est à mettre au crédit de la cinématographiste et ce, dès les premières, puisque elle revendique Le Couteau qui porte le numéro 4 dans le catalogue et qu'elle évoque précisément l'Ave Maria qui porte le nº 2.

Pourtant, malgré cette activité débordante, l'année 1906 marque aussi son déclin au sein de l'entreprise. C'est tout d'abord le projet partiellement avorté, celui du tournage de Mireille. À son retour d'Espagne, Alice Guy fait connaissance avec Herbert Blaché, rentré d'Angleterre où il fait partie de l'équipe d'Alfred Broomhead. En l'absence d'Anatole Thiberville, souffrant, elle met en place la réalisation du film :

J'avais projeté avec Feuillade aficionado et qui connaissait bien la région, d'aller filmer Mireille aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Anatole étant fatigué et souffrant, Gaumont décida qu'Herbert Blaché prendrait sa place, ce qui lui permettait de se familiariser avec le fonctionnement de l'appareil. Il accepta avec enthousiasme.


GUY, 1976, 96.

Malgré le tournage de quelques scènes, dont une Course de taureauxfilmée à Nîmes, le 27 mai 1906, la pellicule est pour l'essentiel inutilisable. L'absence d'un professionnel comme Anatole Thiberville a dû se faire sentir. Des liens affectifs se seraient alors noués au cours de ce voyage dans le sud de la France. Dans la foulée, Herbert Blaché est envoyé à Berlin pour s'occuper de la succursale allemande de Gaumont. Face aux difficultés qu'il rencontre, c'est Alice Guy qui vient le secourir... On a la curieuse impression qu'elle n'est plus en odeur de sainteté et que l'on cherche à l'éloigner. Certes, elle accuse Léopold Decaux, mais en réalité, son ami Léon Gaumont n'est pas loin, ce qu'elle semble dire d'ailleurs à demi-mot :

Mais j’avais eu grâce à D. et à d’autres, pas mal de désillusions.


Alice Guy, Cher Louis, New York 17 mars 1953, p. 3.

Et après... (1907-1968)

Alice Guy qui est depuis deux ans la figure essentielle de la production du Comptoir va, soudainement, quitter la société où elle travaille depuis dix ans et alors qu'elle est au sommet de sa carrière. Pourquoi partir alors ? Certes, elle a rencontré Herbert Blaché qu'elle va épousé le 6 mars 1907. Trois jours plus tard les époux embarquent sur La Touraine et arrivent à New York, le 17 mars 1907. Léon Gaumont, qui vient de vendre ses brevets du chronophone à des Américains de Cleveland, a besoin d'un spécialiste pour former ces derniers. C'est Herbert Blaché qui est investi de ce rôle.

La Solax Co. (1910-1913)

En 1910, Alice Guy fonde (7 septembre 1910), avec son époux Herbert Blaché, sa propre maison de production, la Solax Film Co. où elle est la scénariste des films produits et la réalisatrice d'un certain nombre d'entre eux:

All scenarios used by the Solax Company are edited by Mme. Blache and many of the pictures are personnaly directed by her. Those not made under her personal direction are vised by her at some stage of the process of making, no that she practically has a hand in the entire output of the company.


The Moving Picture Word, vol. 10, nº 5, 4 novembre 1911, p. 386.

guy alice 1912

guy alice 1914 solax publiciteScreen 1914.

La Blaché Features (1913)

En 1913, la Solax Co est absorbée par la Blaché Features, dirigée par son époux.

Popular Players and Plays (1914-1917)

Par la suite, elle continue à travailler pour la Popular Players and Plays (1914-1917)

U.S. Amusement Corporation (1917)

Elle travaille pour la U.S. Amusement Corporation (1917).

Le retour en France ([1922]-1926)

Les époux divorcent, et Alice Guy rentre en France en [1922]. Une chose pour le moins curieuse, et sans doute assez révélatrice, c'est qu'elle ne semble pas être allée voir son ancien patron Léon Gaumont, ce qui aurait été, somme toute assez naturel. Voici ce qu'elle écrit dans ses mémoires:

Complètement découragée, je résolus de rentrer en France avec mes enfants.
Après quelques semaines de repos, laissant mes enfants auprès de leur grand-mère, je frappais à la porte des quelques studios qui, bien entendu, se fermèrent devant moi.


GUY, 1976, 157.

On imagine aisément que si parmi ces quelques studios s'était trouvée la maison Gaumont, elle en eût fait mention. On ne la voit pas non plus dans les différentes cérémonies organisées à l'occasion de la nomination de Léon Gaumont au grande d'officier de la Légion d'honneur en 1924, ni au Gaumont-Palace, le 26 janvier, lorsque "le personnel des établissements Gaumont" lui offre un cadeau, ni le 26 mars, au restaurant Drouant, quand la presse cinématographique est invitée. Toujours est-il que ses espoirs de refaire du cinéma s'effondrent.

Retour aux États-Unis (1927-1968)

Elle repart aux États-Unis en 1927. Elle décède dans son pays d'adoption, en 1968.

Bibliographie

Dossier "LG. LG371-B50". Cinémathèque française.

BACHY Victor, Alice Guy-Blaché (1873-1968), la première femme cinéaste au monde, Perpignan, Institut Jean-Vigo, 1993, 392 p.

CORRIOU Morgan et M'hamed OUALDI, Le Pouvoir sur scène en situation coloniale: l'exemple des voyages présidentiels en Algérie sous la IIIe Républiquehttps://books.openedition.org/psorbonne/55502?lang=fr

CORCY Marie-Sophie, Jacques Malthête, Laurent Mannoni et Jean-Jacques Meusy, Les Premières Années de la société L. Gaumont et Cie, Paris, Association française de recherche sur l'histoire du cinéma/Bibliothèque du Film, Gaumont, 1998, 496 p.

FOURNIER Christiane, "Il y a cinquante ans, la Française Alice Blaché devenait le premier metteur en scène du cinéma", Photo-Journal, Montréal, 3 mars 1949, p. 40 et 45.

GIANATI Maurice , "Ferdinand Zecca chez Gaumont", 1895, nº 30, octobre 2000, p.27- 41.

GIANATI Maurice, "Alice Guy a-t-elle existée ?" (Conférence, La Cinémathèque française, 4 Juin 2010).

GIANATI Maurice et Laurent Mannoni, Alice Guy, Léon Gaumont et les débuts du film sonore, Leicester, John Libbey Publishing Ltd, 2012, 258 p.

GUY Alice, Autobiographie d'une pionnière du cinéma (1873-1968), Paris, Denoël/Gonthier, 1976, 238 p.

SADOUL Georges, Les Pionniers du cinéma. 1897-1909, Paris, Éditions Denoël, 1947, 628 p.

"Solax Enlarging Studios", The Moving Picture Word, vol. 10, nº 5, 4 novembre 1911, p. 386.

TORNERO Recaredo S., Chile ilustrado, Valparaiso, Librerías i Ajencias del Mercurio, 1872.

VEGA E., Album de la Colonie Française au Chili, Santiago du Chili, Imprimerie et Lithographie, Franco-Chilienne, 1904, 496 p.

Remerciements

Françoise Allignet (généalogie).

3

Filmographie

La filmographie d'Alice Guy a été établie à partir des différentes sources qu'elle a laissées :

  1. La liste remise à Francis Lacassin lors de son entrevue à Bruxelles en 1963. Voir Guy, 1976, 169-203.
  2. Les différentes listes du fonds " Louis Gaumont " déposé à la Cinémathèque Française. LG371-B50.

Elle tourne plusieurs films pour le docteur François-Franck : Les Ataxiques, La Respiration comparée, Études du cœur d'un chien.

Certains films qu'elle revendique, qui appartiennent à la collection Elgé britannique, n'ont pas été tournés par elle : Départ pour les vacances, Concours de bébés.

D'autres films n'ont pas été identifiés et/ou ne figurent pas au catalogue Gaumont : La MomieLilliput et GulliverL'Ogre et le Petit Poucet, L'Asile de nuit, Le Noël de Pierrot et La Source.

La production américaine (au-delà de 1907) est donnée à titre indicatif. Alice Guy a eu un rôle déterminant dans cette production sans que l'on puisse préciser son rôle. Elle a parfois supervisé les films, en a été la scénariste ou la cinématographiste... Il n'est donc pas possible de lui attribuer la totalité de cette production qu'elle a de toutes façons supervisée. Pour certains titres, il semble s'agir de simple distribution.

1902

Sage-femme de première classe (Gaumont)

1903

Faust et Méphistophélès (Gaumont)

Le cake-walk de la pendule (Gaumont)

La Liqueur du couvent (Gaumont)

1904

L'Assassinat du courrier de Lyon (Gaumont)

Le Jour du terme (Gaumont)

Les Petits Coupeurs de bois vert (Gaumont)

Triste fin d'un vieux savant (Gaumont)

Militaire et Nourrice (Gaumont)

Volée par les Bohémiens (Gaumont)

Gage d'amour (Gaumont)

L'Assassinat de la rue du Temple (Gaumont)

Chez le patissier (Gaumont)

1905

Douaniers et Contrebandiers (Gaumont)

Le Lorgnon accusateur (Gaumont)

Une noce au lac Saint-Fargeau (Gaumont)

Le Pantalon coupé (Gaumont)

Le Plateau (Gaumont)

Ballet de singes (Gaumont)

Les Maçons (Gaumont)

La Esmeralda (Gaumont)

Les Rêves du fumeur d'opium (Gaumont)

L'Industrie du fer et de l'acier (Gaumont)

VOYAGE EN ESPAGNE (Gaumont)

VOYAGE À LA CÔTE D'AZUR (Gaumont)

1906

La Fée Printemps (Gaumont)

La Messe de Minuit (Gaumont)

Les Druides (Gaumont)

LA NAISSANCE, LA VIE & LA MORT DU CHRIST (Gaumont)

Course de taureaux (Gaumont)

Conscience de prêtre (Gaumont)

L'Honneur du Corse (Gaumont)

J'ai un hanneton dans mon pantalon (Gaumont)

Le Conte de Saint-Nicolas (Gaumont)

Le Fils du garde-chasse (Gaumont)

Course de taureaux (Gaumont)

La Pègre de Paris (Gaumont)

Lèvres closes (Gaumont)

La Crinoline (Gaumont)

La Voiture cellulaire (Gaumont)

Les Gendarmes sont sans pitié (Gaumont)

La Marâtre (Gaumont)

Le Matelas alcoolique (Gaumont)

À la recherche d'un appartement (Gaumont)

PHONOSCÈNES

Carmen (Gaumont) 

Carmen (Gaumont)

Carmen (Gaumont)

Carmen (Gaumont)

Mireille (Gaumont)

Mireille (Gaumont) 

Mireille (Gaumont)

Mireille (Gaumont)

Mireille (Gaumont)

Carmen (Gaumont)

Carmen (Gaumont) 

Carmen (Gaumont) 

Carmen (Gaumont) 

Carmen (Gaumont)

Carmen (Gaumont) 

Carmen (Gaumont)

Carmen (Gaumont)

Les Dragons de Villars (Gaumont)

Les Dragons de Villars (Gaumont)

Les Dragons de Villars (Gaumont)

Les Dragons de Villars (Gaumont)

Les Dragons de Villars (Gaumont)

Les Dragons de Villars (Gaumont)

Les Dragons de Villars (Gaumont)

Les Dragons de Villars (Gaumont)

Les Dragons de Villars (Gaumont)

Mignon (Gaumont)

Mignon (Gaumont)

Mignon (Gaumont)

Mignon (Gaumont)

Mignon (Gaumont)

Mignon (Gaumont)

Mignon (Gaumont)

Mignon (Gaumont)

Mignon (Gaumont)

Faust (Gaumont)

Faust (Gaumont)

Faust (Gaumont)

Faust (Gaumont)

Faust (Gaumont)

Faust (Gaumont)

Faust (Gaumont)

Faust (Gaumont)

Faust (Gaumont)

Faust (Gaumont)

Faust (Gaumont)

Faust (Gaumont)

Faust (Gaumont)

Faust (Gaumont)

Faust (Gaumont)

Faust (Gaumont)

Faust (Gaumont)

Faust (Gaumont)

Faust (Gaumont)

Faust (Gaumont)

Faust (Gaumont)

Faust (Gaumont)

Le Portrait de Léda (Gaumont)

Le Gosse du commandant (Gaumont)

La Balance automatique (Gaumont)

La Vénus du Luxembourg (Gaumont)

Les Questions de Louise (Gaumont)

Le Frotteur de la colonelle (Gaumont)

L'Automobile du colon (Gaumont)

L'Anatomie du conscrit (Gaumont)

Le Pépin de la dame (Gaumont)

Situation intéressante (Gaumont)

Chez les lutteurs (Gaumont)

La Belle Cuisinière (Gaumont)

La Lecture du rapport (Gaumont)

La Fille à sa mère (Gaumont)

Le Petit Panier (Gaumont)

Le Petit Grégoire (Gaumont)

Viens Poupoule (Gaumont)

Lilas blanc (Gaumont)

Le Jeune Homme et le Trottin (Gaumont)

La Polka des trottins (Gaumont)

La Paimpolaise (Gaumont)

C'est une ingénue (Gaumont)

Si ça t'va (Gaumont)

À la cabane bambou (Gaumont)

Questions indiscrètes (Gaumont)

La Mattchiche (Gaumont)

Allumeur-Marche (Gaumont)

Le Trou de mon quai (Gaumont)

Valsons (Gaumont)

La production américaine

1910

 
Two Suits (Solax (16 décembre)  
The Pawnshop (Dr.) (Solax) (23 décembre)  
Mrs Richard Dare (Com.) (Solax) (30 décembre)  

1911

 
The Night Cap (Solax) (6 janvier)  
Salmon Fishing in Canada (Sc) (Solax) (6 janvier)  
The Girl and the Burglar (Dr.) (Solax) (13 janvier)  
A Reporter's Romance (Dr.) (Solax) (20 janvier)  
His Best Friend (Dr.) (Solax) (27 janvier)  
Ring of Love (Solax) (3 février)  
Put Out ou Mixed Pets (Com.)  (Solax) (10 février)  
Corinne in Dollyland (Com.) (Solax) (17 février)  
Love's Test (Dr.) (Solax) (24 février) 1911 loves test
A Costly Pledge (Solax) (3 mars)  
Out of the Arctic (Dr.) (Solax) (8 mars)  
Put Out (Solax) (10 mars)  
Caribou Hunting (Solax) (10 mars)  
A midnight Visitor (Com.) (15 mars)  
Highlands of New Brunswick, Canada (15 mars)  
A Hindu Prince (Dr.) (17 mars)  
Cupid's Victory (Com.) (22 mars)  
Out of the Depth (Dr.) (24 mars)  
A Package of Trouble (Com.) (29 mars)  
She was not Afraid (Com..) (29 mars)  
The Mill of the Gods (Dr.) (31 mars)  
The Maid's Revenge (Com.) (5 avril)  
The Rose of the Circus (Dr.) (7 avril)  
Tramp Strategy (Com.) (12 avril)  
The Scheme that Failed (Com.) (12 avril)  
The Little Flower Girl (Dr.) (14 avril)  
The Old Excuse (Com.) (19 avril)  
The Voice of his Conscience (Dr.) (21 avril)  
The Count of no Account (Com.) (26 avril)  
Across the Mexican Line (Military) (28 avril)  
Sensible Dad (Com.) (3 mai)  
Nearly a Hero (Com.) (3 mai)  
The Somnambulist (Dr.) (5 mai)  
Nearly a Hero (Com.) (10 mai)  
Beneath the Moon (10 mai)  
Between Life and Death (12 mai)  
His Dumb Wife (Solax) (17 mai)  
Bunga Bin (Solax) (19 mai)  
In the Nick of Time (Dr.) (19 mai)  
The Devil in a Little Cap (Com. ) ou The Devil in the Tin Cup (Solax) (24 mai)  
The House of Peace (Solax) (24 mai)  
An Officer and a Gentleman (Dr.) (Solax) (26 mai)  
The Marvelous Cow (Solax) (31 mai)  
Never Too Late to Mend (Solax) (2 juin)  
Bridget, The Flirt (7 juin)  
A  Mexican Girl's Love (9 juin)  
   

1912 

 
Falling Leaves (Solax) 1912 Falling Leaves

Titre à identifier: The Violin Maker of Nuremberg (Solax)

4

Bibliographie

BESSY Maurice et LO DUCA, Georges Méliès Mage, Paris, Prisma, 1945, 206 p.

GUY Alice, Autobiographie d'une pionnière du cinéma (1873-1968), Paris, Denoël/Gonthier, 1976, 238 p.

DE PRÉVAL Jitka, Camille Legrand. Un opérateur Pathé sur la route des Indes 1895-1920, Paris, Riveneuve, 2021, 472 p.

MESGUICH Félix, Tours de manivelle, Paris, Grasset, 1933, 306 p.

SEGUIN Jean-Claude, Alexandre Promio ou les énigmes de la lumière, Paris, L'Harmattan, 1999, 304 p.

VEYRE Gabriel, Dans l'intimité du Sultan, Librairie Universelle, 1905, 330 p.

Contacts