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- Mis à jour : 30 août 2024
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Georges MÉLIÈS
(Paris, 1861-Paris, 1938)
Jean-Claude SEGUIN
collaboration
Jacques MALTHÊTE
1
- Marie Méliès (Chalabre, 06/05/1804-Chalabre, 17/12/1862)
- Ursule Méliès (Chalabre, 17/06/1805-Chalabre, 23/05/1873)
- Pierre Méliès (Chalabre, 11/06/1807->1849) épouse (Limoux, 05/07/1837) Marie Caudebat. Descendance (4 enfants dont):
- Adolphe Méliès (Alet-les-Bains, 03/08/1845-Paris 2e, 13/04/1911)
- et Victorine, Joséphine Krill (Clichy-La-Garenne, 06/06/1870-Clichy-la-Garenne, 16/08/1901). Descendance:
- Marie, Jeanne Victorine Krill (Méliès) (Clichy-la-Garenne, 31/12/1900/reconnaissance: 06/01/1901-Bordeaux, 02/02/1991) épouse (Paris 5e, 17/05/1924) Eugène, Armand, André Gossart (Paris 5e, 10/07/1897-Joué-les Tours, 06/05/1968).
- épouse (Paris 1er, 19/05/1904) Icorine Corilla [Jeanne] Mouton (Paris 1e, 11/09/1851-Paris 18e, 07/03/1919).
- et Victorine, Joséphine Krill (Clichy-La-Garenne, 06/06/1870-Clichy-la-Garenne, 16/08/1901). Descendance:
- Adolphe Méliès (Alet-les-Bains, 03/08/1845-Paris 2e, 13/04/1911)
- Jeanne, Marie Méliès (Chalabre, 28/01/1809-31/07/1810).
- Raymond Méliès (Chalabre, 08/01/1811-Saint-Chinian, 28/07/1900)
- Marion Méliès (Lavelanet, 05/02/1813-Chalabre, 17/08/1826)
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Jean, Louis, Stanislas Méliès (Lavelanet, 11/07/1815-Montreuil-sous-Bois, 03/02/1898) épouse (Paris 5e ancien, 20/07/1843) Johanna, Catherine Schueringh (La Haye, 1819-Montreuil-sous-Bois, 30/11/1899). Descendance :
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- épouse (Paris 15e, 04/01/1872) Marie-Thérèse Horment (Paris 3e ancien, 08/01/1851-Paris 3e, 04/12/1872).
- épouse (Paris 2e, 04/05/1875) Clémence, Pauline Simon (Paris 9e ancien, 24/05/1854-Paris 1er, 01/11/1932). Descendance :
- Louise, Marie Méliès (Paris 3e, 20/02/1876-Nantes, 15/03/1955) épouse (Paris 15e, 09/07/1900) Henri, Pierre, Théodore Saraux (Niort, 20/04/1876-[31/10/1962]).
- Eugène, Louis Méliès (Paris, 04/08/1849-Paris 3e, 07/05/1851)
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- épouse (Paris 11e, 27/11/1877) Françoise, Louise, Augustine Simon (Paris 8e ancien, 18/03/1858-Paris 14e, 31/07/1901). Descendance :
- Jeanne, Henriette, Augustine Méliès (Paris 3e, 27/09/1878-Versailles, 30/07/1960) épouse (Paris 10e, 29/09/1902) Pierre, Lucien Vidal (Paris 8e, 20/02/1879-Versailles, 05/01/1939).
- Paul, Gaston, Marie Méliès (Paris 10e, 23/11/1884-Londres, 1957) épouse (Paris 10e, 16/02/1912) Marie, Aglaé, Gabrielle Leduc.
- épouse (Paris 8e, 11/09/1907) Hortense, Louise de Mirmont (Épinay, 28/06/1866-Bessancourt, 20/12/1937).
- épouse (Paris 11e, 27/11/1877) Françoise, Louise, Augustine Simon (Paris 8e ancien, 18/03/1858-Paris 14e, 31/07/1901). Descendance :
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épouse (Paris 11e, 25/06/1885) Eugénie, Alphonsine Génin (Paris 10e, 09/08/1867-Paris 9e, 03/05/1913). Descendance :
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Georgette, Eugénie, Jeanne Méliès (Paris 10e, 22/03/1888-Courbevoie, 29/08/1930)
- épouse (Montreuil-sous-Bois, 23/02/1922) Amand, Pierre Fontaine (Paris 10e, 23/11/1894-Paris 14e, 11/01/1988). Descendance:
- Madeleine Fontaine, dite Malthête-Méliès (1923-2018) épouse (1944) René Malthête (1908-1978).
- épouse (Montreuil-sous-Bois, 23/02/1922) Amand, Pierre Fontaine (Paris 10e, 23/11/1894-Paris 14e, 11/01/1988). Descendance:
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- épouse (Paris 14e, 10/12/1925) Charlotte, Lucie, Adèle, Stéphanie, Adrienne Faës, dite Jehanne d'Alcy (Vaujours, 20/03/1865-Versailles, 14/10/1956).
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- Jean Méliès (Laroque d'Olmes, 03/05/1819-Montreuil-sous-Bois, 11/04/1904) épouse (Alès, 18/08/1847) Alix, Françoise Lafond (Alès, 04/08/1826-Montreuil-sous-Bois, 14/07/1913). Descendance :
- Celina, Rose, Marie Méliès (Alès, 27/10/1850-) épouse (Paris 3e, 27/08/1872) Pierre, Marie, Ange Tainguy (Lamballe, 03/03/1845-). Descendance:
- Lucien, Pierre, Laurent Tainguy (Paris 10e, 10/08/1881-New York, 02/1971) épouse ([New York], [27]/03/1913) Helene, Emma Hamart (Venette, 15/04/1883-Garches, 21/05/1953).
- Louis, Marie, Jean, François Méliès (Paris 3e, 27/05/1862-Paris [3e] 12/11/1862).
- Celina, Rose, Marie Méliès (Alès, 27/10/1850-) épouse (Paris 3e, 27/08/1872) Pierre, Marie, Ange Tainguy (Lamballe, 03/03/1845-). Descendance:
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Les origines (1861-1888)
Louis Méliès, natif de Lavelanet, s'installe à Paris dans les années 1840 où il épouse (1843) une jeune femme d'origine hollandaise. Négociants dans la chaussure, le couple a quatre enfants dont Gaston et Georges. Ce dernier se souvient :
Je suis donc né à Paris en 1861. J'ai connu la fin de l'Empire, subi le siège et la Commune en 1870-1871. Je n'avais que neuf ans, mais cela ne s'oublie pas.
Ciné-Journal, 20e année, nº 883, 30 juillet 1926, p. 9.
En 1868, Georges est inscrit au lycée impérial de Vanves, puis en 1871 au lycée Louis-le-Grand :
Il commença, à l'âge de sept ans, ses études classiques au lycée Michelet, situé à Vanves, aux environs de Paris. Ce lycée portait alors le nom de "Lycée du Prince Impérial", sous le règne de Napoléon III. A la guerre de 1870, l'établissement étant bombardé par les Allemands, les élèves furent envoyés à Paris, au Lycée Louis-le-Grand, où Méliès continua ses études.
MÉLIÈS, 1945: 162.
En 1872, son père Louis Méliès, sa mère et son frère aîné Henri forment la société en nom collectif "Méliès" pour l'exploitation d'un fonds de commerce de fabricant de chaussures, sis à Paris, au siège social :
Le siège social est fixé à Paris, boulevard Saint-Martin, numéro 29, et rue Meslay, numéro 36.
La durée de la Société est fixée à quinze années, à compter du premier janvier mil huit cent soixante-douze.
MM. Méliès sont tous deux gérants et ont la signature sociale pour en faire usage séparément, mais seulement pour les affaires de la Société.
Le capital social est fixé à trois cent mille francs, à fournir par moitié, savoir :
Par M. Méliès père, en matériel, mobilier industriel, marchandises, crédits et valeurs commerciales diverses.
Et par M. Méliès fils, en espèces.
Une expédition dudit acte de Société a été déposée au greffe du Tribunal de commerce de la Seine, le cinq janvier mil huit cent soixante-douze, et une autre au greffe de la justice de paix du troisième arrondissement de la ville de Paris, le six du même mois.
LEFÉBURE DE SAINT-MAUR.
Le Droit, Paris, 10 janvier 1872, p. 3.
Intéressé par le dessin, Georges Méliès souhaite intégrer l'école des Beaux-Arts pour devenir artiste peintre, mais il est contrarié dans sa vocation par son père qui le fait travailler dans son entreprise où il va s'occuper, en particulier, du maintien des machines.
Georges Méliès, Paysan lisant une affiche. (174 x 22 cm. mine de graphite. 1882).
Source: Cinémathèque française
En 1884, il passe une année en Grande-Bretagne pour apprendre l'anglais. Il en profite pour fréquenter de façon régulière l'Egyptian Hall de Londres, dirigé alors par les illusionnistes John Nevil Maskelyne et George Alfred Cooke. Georges Méliès se passionne dès lors pour la magie. À son retour à Paris, il épouse (25/06/1885) Eugénie, Alphonsine Génin et donne quelques représentations :
Revenu à Paris, il fut un fréquent spectateur du Théâtre d'Illusions, créé par le grand thaumaturge Robert Houdin, s'y perfectionna et se mit à donner nombre de représentations, dans les salons d'abord, puis au Musée Grévin et au théâtre de la Galerie Vivienne. À la même époque, les "Monologues" créés par Galipaux et Coquelin Cadet faisaient fureur. Méliès se mit, lui aussi, à aborder le genre pour varier son spectacle, et c'est ainsi qu'il commença à s'initier au métier de comédien.
MÉLIÈS, 1945: 163-164.
En août 1886, le père de Méliès vend les droits sociaux de son entreprise à ses enfants Henri et Constantin (Gaston), et au début de l'année suivante, un brevet (FR S181.926. 2 mars 87) est déposé pour des "perf. aux cloueurs à bons bouts." Peu après, en mars 1888, Eugénie Génin, l'épouse de Georges Méliès, donne naissance à une fille, Georgette.
Le Théâtre Robert-Houdin (1888-1895)
D'abord spectateur, puis acteur du théâtre Robert-Houdin, il devient rapidement directeur de l'établissement avant de le racheter dès le mois de juillet 1888 :
D'après les Petites affiches:
Mme Léonie-Olga Munier, veuve de Jean Jacques Emile Robert Houdin, a cédé à M. Marie-Georges Méliès le droit à la propriété des nom et titre du théâtre Robert-Houdin.
Le Figaro, Paris, 5 juillet 1888, p. 3.
Parmi les premiers spectacles, on trouve La Sibylle de Cumes qui était déjà mis en scène dès le mois de novembre 1887.
Théâtre Robert-Houdin. Sibylle de Cumes. L'Antre des esprits. (1888)
Source: BNF
C'est comme propriétaire du théâtre Robert-Houdin que Georges Méliès va mettre en scène le spectacle La Stroubaïka persane :
Un jeune homme du monde, M. Georges Méliès, qui était et est encore un amateur enragé de prestidigitation et de mécanique, a acheté, il y a cinq mois, le théâtre Robert-Houdin. Il avait à cœur de relever ce théâtre qui tombait peu à peu, faute de direction sérieuse. Il y a fait de grands frais, l’a remis entièrement à neuf, et s’est surtout attaché à composer un bon programme et à se procurer des artistes de première force dans ce genre spécial. Il y a réussi, car MM. Duperrey et Jacobs (surtout le premier) obtiennent chaque soir un vrai succès. Mais, comme il fallait un clou dans son spectacle, M. Georges Méliès a travaillé sans relâche depuis plus d’un mois et a construit un nouveau truc très original et absolument inédit. Ce truc est la "Strouba[ï]ka persane", capable de faire courir tout Paris pendant des mois.
Le Soir, Paris, 27 décembre 1888, p. 4.
Théâtre Robert-Houdin. Affiche de manifestation. La Stroubaïka persane.
Lithographie couleur. 1888
Source: La Cinémathèque française
D'août 1889 à janvier 1890, Georges Méliès va par ailleurs collaborer comme illustrateur à l'hebdomadaire satirique La Griffe sous le pseudonyme de "Géo Smile" :
À cette période de son existence, il fut aussi journaliste et l'illustrateur attitré, sous l'anagramme de 2Geo Smile" (smile= sourire) du journal satirique "La Griffe", grand ennemi du fameux général Boulanger qui faillit renverser la République Française et établir la dictature en France.
MÉLIÈS, 1945: 164.
C'est son cousin, Adolphe Méliès, qui édite cette revue antiboulangiste.
Georges Mélies. Le Roi Carotte (Ernest 1er préparant le terrain électoral).
couverture illustrée par G. Méliès.
La Griffe, n°21 (26 décembre 1889)
Source: Cinémathèque française
Pendant des années, Georges Méliès va ainsi proposer de multiples spectacles dont on peut donner quelques titres : L'Enchanteur Alcofrisbas (1889), Le Miroir de Cagliostro (1889), Le Manoir du Diable (1890), Les Farces de la lune (1891), Le Décapité récalcitrant (1891), Le Nain jaune (1890)...
Théâtre Robert-Houdin. Le Nain jaune (1891).
Source: Musée Carnavalet.
En juin 1893, Georges Méliès et le Théâtre Robert-Houdin entreprennent une tournée en Belgique: Bruxelles (Théâtre Royal de l'Alcazar, 31 mai-2 juin), Anvers, Liège (Pavillon de Flore, 8-9 juin), puis Charleroi (10 juin 1893).
Théâtre Robert-Houdin de Paris.
Théâtre Royal de l'Alcazar, Bruxelles, 31 mai-2 juin 1893. [D.R.]
Ultérieurement, le théâtre renouvelle ses spectacles : L'Escarpolette polonaise (1893), Le Château Mesmer (1894), L'Auberge du Diable (1894), Le Miracle de Brahmine (1896)...
Georges Méliès (debout. 1er à droite), sa femme Eugénie Génin (debout. 3e à gauche) et son chapeau sombre et autres membres de la famille. (c. 1890).
Source: Cinémathèque française.
Les débuts des photographies animées (janvier-août 1896)
Les premiers essais infructueux (janvier-mars 1896)
Georges Méliès dont le théâtre Robert-Houdin se situe dans le même immeuble que les appartements loués par Antoine Lumière au 8 boulevard des Italiens, va pouvoir découvrir, au Grand-Café, le cinématographe Lumière, dès ses premiers jours d'exploitation. Il en a laissé un témoignage sonore [1937] :
Le contact réel a été établi entre moi et M. Lumière par suite de circonstances tout à fait fortuites. Je le rencontrais dans l'escalier du théâtre dont j'étais le directeur à ce moment-là, le théâtre Robert-Houdin. Il venait voir au-dessus de chez nous un photographe, M. Clément-Maurice qui fut plus tard son opérateur et, comme il me connaissait de vue, il me dit:
- Dites donc, M. Méliès, vous qui avez l'habitude dans vos trucs d'étonner quelque peu votre public, je serais bien heureux de vous faire venir ce soir au Grand-Café.
- Pourquoi lui dis-je ?
- Mais, parce que vous allez voir quelque chose qui peut-être vous épatera vous -même."
- [X: et vous avez été épaté ?]
- Naturellement. Tout ce qu'il y a de plus épaté. Au début, lorsque j'ai vu son appareil projeter des photographies immobiles, en commençant, comme nous en faisions chez nous, dans nos projections habituelles à la fin de notre spectacle, je me suis dit: "On ne dérange pour voir des projections ? Il y a près de vingt ans que j'en fais, cela n'a rien d'extraordinaire." Il avait fait exprès de laisser son image immobile pendant quelque temps. Quand, tout à coup, je vis, dans la sortie des ateliers Lumière, les personnages se mettre en mouvement, venir vers nous, quelques minutes après, un train s'élancer et prêt à traverser la toile et se précipiter dans l'auditoire. Nous étions tous, je dois le dire, absolument stupéfaits. Immédiatement j'ai dit: "Voilà mon affaire... un truc extraordinaire!
[...]
Dès la fin de la séance, je faisais des offres à M. Antoine Lumière pour l'achat de son appareil pour mon théâtre. Il refusa. J'avais pourtant été jusqu'à 10000 francs, somme qui me paraissait énorme. M. Thomas, le directeur du musée Grévin, obéissant à la même idée, offrait 20000 francs, sans plus de résultat. Enfin M. Lallemand [sic: Allemand], directeur des Folies-Bergère, allait jusqu'à 50000 francs. Peine perdue ! M. Lumière resta intraitable et nous répondit avec bonhomie: "C'est un grand secret que cet appareil et je ne veux pas le vendre. Je veux en faire moi-même l'exploitation."
[...]
"Non, cette invention n'est pas à vendre et d'ailleurs, mon cher ami, vous pouvez m'en remercier car pour vous elle serait la ruine. Elle peut être exploitée quelque temps comme une curiosité scientifique, mais en dehors de cela elle n'a aucun avenir commercial."
MALTHÊTE-MÉLIÈS, 1973: 157-158.
L'impossibilité d'acquérir le cinématographe Lumière contraint Georges Méliès à chercher une solution alternative afin de pouvoir projeter des films dans son théâtre. Dans un premier temps, il va tenter de construire lui aussi un projecteur:
Aussitôt après la première représentation publique à Paris, pendant que Louis Lumière envoyait ses premiers opérateurs prendre et projeter des vues dans divers pays, Méliès n'ayant pu acquérir d'appareil, étudiait la question, déterminé à en construire un lui-même.
BESSY, 1945: 170-171.
De ces recherches, Léo Sauvage en a donné une version quelque peu romancée dans un style qui lui est propre et dont on ne retiendra que les difficultés rencontrées pour réaliser ce projecteur avec un fidèle mécanicien :
Dans le petit atelier de mécanique annexé au théâtre Robert-Houdin, Georges Méliès travaille et il a donné l’ordre qu’on ne le dérange à aucun prix. Il n'y a là que son mécanicien, un homme rude, mais extrêmement habile de ses mains, et qui est dans la maison depuis Robert-Houdin père.
— On commence « Coppélia », la poupée animée ? demande-t-il. Cela sera sûrement un numéro sensationnel.
— Fichez-moi la paix, vous, pour l’instant, crie Méliès. « Coppélia » et avec tout le reste. J'ai autre chose en tête en ce moment.
Et sans s’occuper de la mine interloquée du brave mécanicien, il se met à raisonner à haute voix :
— Voyons, ce ne doit pas être sorcier. Le principe, je le connais, puisque j’ai lu les travaux de Marey. Je connais aussi ce qu’ont fait Reynaud, Edison. Au boulot !
Tourné vers le mécanicien, il ajoute :
— Mon vieux. retroussez les manches. Nous allons construire un projecteur comme vous n'en avez pas encore vu.
Des heures de travail en silence. Un système a cliquet voit le jour. Il donne des projections avec secousses qui font mal aux yeux.
— Ça ne vaut rien, dit Méliès. Recommençons.
On recommence.. Six ou sept combinaisons différentes. Les jours passent.
— On n’avance pas, gémit Méliès.
Et il s’assied, la tête dans les mains, au milieu des accessoires étranges du « Nain jaune » et de la « Caverne hantée » et de l' « Escarpolette polonaise ».
SAUVAGE, 1937.
S'il convient d'être circonspect sur les détails du récit, on peut tenir pour vrais, en effet, les problèmes techniques auxquels se heurtent Georges Méliès et le mécanicien Eugène Calmels :
À l'intérieur [du théâtre Robert-Houdin], l'opérateur pour la salle était Calmels, mécanicien attitré du théâtre, où il resta trente-huit ans et où il continua la projection jusqu'en 1914 sans interruption, soit dix-neuf ans. Il fut, après Clément Maurice, le premier opérateur de séances publiques.
BESSY, 1945: 179.
Le Theatrograph "Kinetograph" (mars-avril 1896)
Voyant que ses recherches n'aboutissent pas, il va chercher une autre solution. En 1913, John Cher, journaliste du Bioscope, rencontre Georges Méliès qui lui raconte comment il s'est procuré un theatrograph, invention du britannique Robert W. Paul, quelques jours après avoir découvert le cinématographe des frères Lumière :
Three days later I received from Robert Paul a letter intimating that he had a cinematograph projector for sale. Immediately I crossed to London and saw Paul and his projector. "Yes !" I said to him, 'the projector is all right, but what we want now is a camera to take the views with.' Paul, at the time was using Edison films. 'I know that,' said Paul, 'but how are we to make one ?' 'Well,' I replied, 'it seems to me quite easy, because the mechanism must be practically the same for each machine.' Il bought a projector, and started a cinematograph show at the Robert Houdin Theatre here.
Dans ses mémoires, écrites à la 3e personne, il apporte quelques nuances à son premier récit :
Une circonstance fut à Méliès d'un grand secours. Il apprit que l'opticien anglais W. Paul venait de mettre en vente un projecteur permettant l'emploi, pour la projection, des films sur fond noir, du Kinétoscope Edison. Pressé de donner des projections coûte que coûte, il acheta un de ces appareils et se procura quelques films Edison, les seuls que l'on pouvait trouver, et encore en nombre très restreint. C'est avec ce matériel rudimentaire que le théâtre Robert-Houdin ouvrit le premier cinéma dans une salle, et non dans une installation foraine de fortune comme firent les premiers exhibiteurs de la nouvelle invention.
BESSY, 1945: 170.
De fait, Robert William Paul a présenté son theatrograph, au Finsbury Technical College de Londres, le 20 février 1896 avant de le breveter (2 mars 1896) et de l'inaugurer à l'Alhambra de la capitale britannique (25 mars 1896). En outre, il dispose d'une soixantaine d'appareils qu'il souhaite écouler. Parmi ses premiers clients l'on trouve le prestidigitateur David Devant, connaissance de Georges Méliès, qui inaugure son theatrograph à l'Egyptian Hall dès le 19 mars 1896 et qui devient le commissionnaire du constructeur britannique :
He [Robert W. Paul] quoted me a price for the machine, and promised me the first one if I wished, also a commission on any further machines I might be the means of selling. The price for each was to be £100, less commission.
DEVANT, 1971: 71.
Si l'on en croit Léo Sauvage, Georges Méliès aurait payé, au prix fort semble-t-il, 3.000 francs (± 135 £ de l'époque) soit 35 % plus cher que le prix auquel l'a acheté David Devant. Il s'empresse alors d'installer le theatrograph au théâtre Robert-Houdin. Il rebaptise l'appareil "kinetograph" en ajoutant "appareil américain perfectionné", pour attirer le public parisien :
À l'occasion des fêtes de Pâques, le théâtre Robert-Houdin donnera des matinées tous les jours de la semaine, du 5 au 12 avril.
À toutes les représentations, le « Kinetograph » (photographies grandeur naturelle), appareil américain perfectionné, sans aucune trépidation. Le Miracle du Brahmine, le Pilori, Tom Old Boot.
Distribution de jouets, etc.
Le Journal, Paris, 2 avril 1896, p. 3.
Au cours des semaines qui suivent et de façon, semble-t-il, ininterrompue, les vues Edison vont être projetées sans que la presse ne fasse le moindre commentaire sur les programmes des images animées.
La fabrication du kinétograph (prise de vue) (avril-juin 1896)
Alors que le kinetograph projette régulièrement une production assez limitée de films et qu'il est bien difficile de renouveler le stock de vues animées, Georges Méliès songe alors à créer sa propre édition avec sans doute la double idée de varier les programmes du kinetograph et de goûter au plaisir de tourner la manivelle. Or, en avril 1896, il n'existe que très peu d'appareils de prises de vue disponibles dont certains n'existent qu'à l'état de brevet. Habitué aux mécanismes complexes des automates, il pense pouvoir construire sa propre "caméra" :
Then I started to work to devise a camera and another projector.
Pour cela, dans un premier temps, il doit étudier le fonctionnement du theatrograph (kinetograph) afin de pouvoir ensuite imaginer et réaliser un appareil de prise de vues:
L'étude de ce mécanisme de cet appareil permit à Méliès de se rendre compte que les prises de vues ne pouvaient se faire qu'à l'aide d'un dispositif analogue, enfermé dans une chambre noire [camera], munie d'un objectif spécial pour la photographie et différent des objectifs de projection.
C'est donc d'après les données de l'appareil Paul que Méliès construisit le sien.
Mécanicien de précision, versé dans la fabrication des pièces mécaniques et des automates qu'on exhibait à son théâtre, Méliès n'en éprouva pas moins de grandes difficultés pour le construire. Aucune pièce détachée, aucun rouage, aucun objectif spécial n'existait alors sur le marché. Il fallut donc construire cet appareil de toutes pièces, avec de faibles moyens, dans le petit atelier du théâtre Robert-Houdin servant à la construction et à la réparation des automates et des appareils de prestidigitation. L'appareil enfin monté, il eut la chance d'obtenir, du premier coup, un dispositif entièrement différent du système Lumière, mais tout à fait satisfaisant (février 1896).
BESSY, 1945: 170-171.
Ce que ne dit pas Georges Méliès, c'est qu'il est assez peu probable qu'il ait pu longtemps utiliser son theatrograph (kinetograph) à la fois pour la projection et pour l'étude du mécanisme. Par ailleurs, dans ses mémoires, il laisse entendre qu'il a réalisé un appareil de prise de vues ex nihilo. La réalité est sans doute un peu plus complexe comme l'atteste, sans aucun doute, le mécanisme presque complet que conserve la Cinémathèque française et dont Laurent Mannoni a fait une étude minutieuse et précieuse.
Georges Méliès, kinetograph (prise de vue) (1896)
source : Cinémathèque Française
On retiendra, tout particulièrement, que le socle sur lequel repose le mécanisme créé par Georges Méliès est tout bonnement celui d'un theatrograph, le projecteur de Robert W. Paul. Inutile de répéter qu'il ne peut s'agir du modèle qui projette en matinée et en soirée des films au théâtre Robert-Houdin. Que s'est-il alors passé ? A-t-il remplacé le projecteur par un autre d'un autre fabricant et s'est-il attelé à bricoler le theatrograph ? S'est-il tout simplement procuré un deuxième theatrograph ? Le témoignage de David Devant dans My Magic Life fait plutôt pencher pour cette seconde situation. Nous savons déjà que le prestidigitateur britannique vient très fréquemment à Paris, mais il ajoute surtout qu'il est en affaire avec Méliès :
M. Melies, of the Théâtre Robert Houdin, bought several machines from me and eventually started a business of manufacturing films and machines, which he carried on for some years. For a time I was his sole agent in Great Britain for the sale of films and cameras, and soon I had to decide between giving up conjuring or selling these goods. I gave up the commission agent's business after a most successful and remunerative run and stuck to showmanship only. During this period I sold machines to Carl Hertz, who was the first to show pictures in Africa. Victor André was also one of my customers, as well as many other showmen all over the country.
DEVANT, 1971, 72.
Une fois l'appareil terminé, Georges Méliès va se mettre en quête de pellicule vierge, introuvable alors à Paris. Il se rend donc, à nouveau, à Londres où il va finalement s'en procurer :
Il ne restait plus qu'à faire quelques prises de vues d'essai. Le chemin de croix commença. Impossible de se procurer à Paris la pellicule vierge nécessaire. Ayant appris que W. Paul en possédait à Londres, Méliès n'hésita pas à partir pour l'Angleterre, mais devant le refus de cet industriel de lui céder une vingtaine de bobines d'essai, il se vit contraint d'acquérir, pour la somme, énorme à l'époque, de 45 000 francs, une caisse entière de films vierges Eastman, sans savoir s'il pourrait jamais en récupérer la valeur. Qui pouvait alors prévoir le futur succès du cinéma ? Personne sans doute, et cependant Méliès en avait le pressentiment.
BESSY, 1945: 171.
Les difficultés ne s'arrêtent pas là. Les pellicules vierges rapportées de Londres doivent être perforées pour pouvoir fonctionner dans le kinétograph. Pour ce faire, Georges Méliès va alors faire appel au mécanicien Alban Lapipe. Ce dernier a déposé un brevet le 26 mars 1896 pour une "machine à perforer les matières flexibles avec amenage automatique" dont les poinçons perforateurs peuvent être de forme variable (rectangulaire, carrée, ovale, ronde...). Méliès va donc se procurer l'une de ces machines disponibles depuis déjà plusieurs semaines :
De retour à Paris, nouvelle épreuve. Les pellicules rapportées de Londres n'étaient pas perforées ! Toutes les boîtes étant obligatoirement hermétiquement closes, ce détail était passé inaperçu, mais quel détail ! Pas de perforeuse, où et comment s'en procurer ? Seul Edison en possédait. Ce fut un nommé Lapipe, 141, rue Oberkampf, qui se chargea de confectionner un instrument pour perforer les films, suivant le pas des tambours d'entraînement, mais quel instrument ! Un vrai marteau-pilon, se manœuvrant à la main, d'une dureté énorme à faire fonctionner et, pour comble, ne perçant que deux trous à la fois. On se rend compte de la longueur du travail dans ces conditions et de la fatigue énorme qui en résultait. En se servant des deux mains alternativement, on n'en avait pas moins les bras brisés et l'épaule démolie au bout d'un quart d'heure de cet exercice.
C'est cependant avec cet outil invraisemblable que Méliès perfora ses premiers films et qu'il put enregistrer sa première vue.
BESSY, 1945: 171.
Les mémoires de Georges Méliès pourraient laisser croire qu'Alban Lapipe a réalisé sa perforeuse à sa demande ce que remet en cause la chronologie des événements. Au mieux a-t-il pu demander quelques aménagements pour un appareil déjà existant. Au cours de ce long processus, il aurait été secondé par le mécanicien Lucien Korsten et par Lucien Reulos qu'aurait présenté Louis Leborgne à Georges Méliès.
Les premiers tournages ([mai]-août 1896)
À ce stade, Georges Méliès est désormais en mesure de pouvoir enfin tourner quelques vues animées. Si l'on en croit ce qu'il déclare en 1913, son premier film serait Un chien sautant à travers un cerceau :
I succeeded in doing both [camera et projecteur], and four months after the opening of the Lumière exhibition at the Grand Café I took my first film. It was a very simple subject, representing a dog jumping through a hoop, yet thousands of people flocked to see it. I have been producing ever since. In the beginning I made every description of film.
Ce film ne figure pas au catalogue ce qui laisse penser qu'il pourrait s'agir d'un essai réalisé par Méliès ou, plus probablement, d'un film projeté avec son kinetograph/théâtrograph. Ultérieurement, une autre prise pourrait être celle d'Une partie de cartes qui porte le numéro 1 sur les premières listes. La date de son tournage serait le 10 juin 1896 d'après Madeleine Malthête-Méliès. Georges Méliès n'est pourtant pas au bout de ses peines. Reste en effet la question délicate du développement des vues animées :
Mais il se heurta immédiatement à une autre difficulté. Comment exécuter le développement de ces longues bandes qui n'avaient rien de commun avec les 13 x 18 ou les 18 x 24 que, comme amateur de photographie, il développait d'habitude dans les cuvettes que l'on connaît ?
Croirait-on qu'au début, Méliès, comme les autres, en fut réduit à couper ses films [de 17 à 20 mètres] en tronçons dans un seau de révélateur, puis de ressouder ensemble ces fronçons après séchage ! Quel travail long et délicat pour ne pas rayer la gélatine el éviter les traces de doigts ! Mais on sait que Méliès était ingénieux de nature; aussi fit-il immédiatement un essai en enroulant un de ses films autour d'un grand bocal de verre, les deux extrémités collées avec de la cire, et il eut la satisfaction, en trempant le bocal dans son seau, de voir le développement se faire sans danger pour les images, et leur venue facile à surveiller en transparence. Devant ce résultat, dès le lendemain, il construisit des cuves horizontales demi-circulaires et des de bois avec manivelle pouvant tourner dans ces cuves, comme un cylindre de bois avec manivelle pouvant tourner dans ces cuves, comme un cylindre à torréfier le café. Ce système réussit à merveille et quoique, par la suite, la plupart des maisons se soient servies de cadres pour le développement, Méliès conserva toujours son premier système, qu'il préférait, pendant toute sa carrière.
BESSY, 1945: 171-172
Ayant finalement vaincu toutes les difficultés, il va donc se lancer dans d'autres tournages. On sait avec certitude que le Couronnement de la Rosière est tourné le 6 juillet 1896. Quelques jours plus tard - lors de la fermeture du théâtre Robert-Houdin (14-31 juillet) - Georges Méliès se rend à Villers-sur-Mer où se trouve la propriété familiale. Il en profite pour tourner, au Havre, à Villers et à Trouville, un certain nombre d'images animées dont il garde le souvenir :
Méliès eut un jour le désir d’aller prendre sur place quelques vues maritimes, afin de corser son programme par des vues de plein air, ou de documentaires, comme on dit aujourd’hui. Et, bravement, il partit pour Trouville, puis pour le Havre, chargé comme un mulet. Ces deux journées de travail furent terribles. La tempête faisait rage, car Méliès avait choisi un mauvais temps pour obtenir de plus jolis effets. Son appareil ne pouvait contenir que 20 m de pellicule, et ne pouvait se décharger ni se recharger en plein air. Aussi dut-il se livrer toute la journée à une gymnastique sans précédent, démontant tout son matériel entre chaque prise, et transportant le tout chez un photographe pour y faire ses opérations. Il était seul et n’osait rien laisser sur place de crainte que quelqu’un vînt toucher son matériel et même… en emporter une partie. On peut se figurer la fatigue d’une telle opération, répétée vingt fois dans la journée, avec des kilomètres à parcourir sur des plages sablonneuses, dans lesquelles, ainsi chargé, on enfonçait jusqu’aux genoux. Mais Méliès, on s’en doute, avait le feu sacré. Il revint fourbu mais en rapportant triomphalement à Paris une quinzaine de vues qui produisirent sur les spectateurs un effet prodigieux. On n’avait pas encore vu cela ; aussi l’assaut des vagues furieuses sur les falaises de Sainte-Adresse, l’écume, le bouillonnage de l’eau, les gouttes d’eau projetées en l’air, les remous, les embruns qui voltigeaient, autant de choses banales aujourd’hui, fascinaient les spectateurs habitués à l’uniforme représentation de la mer, au théâtre, obtenue à l'aide de toiles peintes secouées par des gamins circulant à quatre pattes au-dessous d'elles. Ce qui enthousiasmait le public, c'était de voir, pour la première fois, une reproduction rigoureusement exacte de la nature. Ceux qui connaissaient bien la mer s'écrièrent : " Oh, ce que c'est bien cela !... " et ceux qui ne l'avaient jamais vue se figuraient y être pour de bon.
L'appareil n'étant muni d'aucun viseur, il fallait mettre au point comme en photographie, sur un fragment de pellicule dépolie, et le cadrage, toujours comme dans la photographie ordinaire, exigeait un voile noir pour l'opérateur, afin de n'être pas gêné par le jour. Au Havre, la violence du vent était telle que Méliès eut beau se cramponner à son appareil, il ne put empêcher son voile d'être arraché violemment et il le vit partir dans les airs comme un goéland, pour une destination inconnue. Il ne le revit jamais, bien entendu, et lui-même et son appareil furent culbutés dans le sable. Peu importait ! Que lui faisait, après tout, d'être transi de froid, mouillé jusqu'aux os et courbaturé par la fatigue ? Nous savons qu'il était soutenu par la foi... et ses vues étaient réussies ! Comment n'aurait-il pas été heureux comme un roi ?
Georges Méliès, " Mes mémoires " dans Maurice Bessy et Lo Duca, Georges Méliès mage, Paris, Prisma, 1945, p. 176-177.
Le tournage des 45 premiers films figurant sur la première liste connue est à situer avant le 5 octobre 1896, date du tournage de Revue navale à Cherbourg qui figure au nº 47 dans la suivante liste. Voici comment les évoque Georges Méliès :
Mes premiers films, très simples, comme tous ceux du début, furent pris en plein air dans ma propriété de Montreuil-sous-Bois, qu'à la suite de mon père j'ai habitée pendant 61 ans. C'est en plein air, dans mon jardin, que, pendant les six premiers mois de l'année, je peignis et montai mes premiers décors, après m'être contenté, au début, de petites scènes burlesques assez semblables aux histoires sans paroles, suffisantes pour des films de vingt mètres, et pour le public de foire auquel elles étaient destinées. Il ne faut pas oublier qu'à cette époque il n'y avait encore aucune grande salle spécialisée, et que ce furent les grands forains qui, dans leurs baraques, lancèrent le cinéma.
Je laisse à penser ce que ce travail de peinture, de montage des décors, de répétitions et de prises de vues était pénible en plein soleil. Mais ce furent surtout les intempéries, le vent qui bousculait les maisons de toile, la pluie soudaine qui ravageait le matériel, les alternatives du soleil et des nuages qui nous arrêtaient à chaque instant qui finirent par m'exaspérer. Je commençais à être connu, le succès semblait s'affirmer, aussi une idée bien simple me vint-elle: pour éviter tout cela, mettons-nous à l'abri.
En revanche, il n'est pas certain que Georges Méliès soit l'auteur de toutes ces premières vues. Un entrefilet des premiers jours de septembre indique que Lucien Reulos tourne également des films pour le théâtre Robert-Houdin :
L'ami Reulos devait, ainsi que nous l'avons annoncé, prendre hier sur le vif quelques scènes de l'entraînement pour le cinématographe de Robert-Houdin.
Malheureusement Reulos est arrivé un peu en retard; aussi a-t-il préféré remettre à aujourd'hui, à 3 heures, sa petite séance.
Qu'on se le dise !
Robert Coquelle.
Le Vélo, Paris, 4 septembre 1896, p. 2.
La mise en place de la production et de la commercialisation (août 1896-février 1897)
Dès le mois d'août 1896, Georges Méliès, qui a vite compris tout l'intérêt commercial que représentent les vues animées, va se lancer dans les affaires cinématographiques. On peut suivre pas à pas cette mise en place.
La commercialisation et la diffusion des appareils cinématographiques
La commercialisation
Grâce aux souvenirs de David Devant, nous savons que Georges Méliès lui a acheté un lot de theatrographs avec l'intention de les commercialiser :
M. Melies, of the Théâtre Robert Houdin, bought several machines from me and eventually started a business of manufacturing films and machines, which he carried on for some years. For a time I was his sole agent in Great Britain for the sale of films and cameras, and soon I had to decide between giving up conjuring or selling these goods. I gave up the commission agent's business after a most successful and remunerative run and stuck to showmanship only. During this period I sold machines to Carl Hertz, who was the first to show pictures in Africa. Victor André was also one of my customers, as well as many other showmen all over the country.
DEVANT, 1971, 72.
De cette commercialisation, on en trouve une trace dans l'organe professionnel, L'Industriel forain où un encart publicitaire est publié dès les premiers jours du mois d'août : "Fabrication spéciale d'appareils et de vues de toutes sortes prêtes à livrer".
L'Industriel forain, nº 365, Paris, du 2 au 8 août 1896,p. 2.
Il s'agit pour Georges Méliès de revendre les appareils acquis auprès de son confrère David Devant, car il est fort peu envisageable qu'il commercialise son appareil de prises de vue dont on sait combien il est imparfait. Quant aux vues mises en vente, il a fort à parier qu'il s'agisse de vues d'Edison ou de Robert W. Paul, car sa production personnelle reste encore très limitée et confidentielle. Par ailleurs, à ce moment-là, il ne dispose pas encore d'un local dédié à l'exploitation des vues et des appareils et doit inviter les potentiels acheteurs à venir voir le matériel au théâtre Robert-Houdin. Au bout d'un mois, les annonces disparaissent. On ignore si la mise en vente de ces appareils a été suivie d'achats effectifs.
De leur côté, les frères Isola commercialisent un appareil dont le brevet a été déposé le 20 avril 1896 par Louis Henri Charles. Ils sont ainsi en pourparlers avec César Félix Josz pour la vente d'un de ces appareils dès le 22 avril 1896 pour une exploitation à Vienne (Autriche-Hongrie) et le cinématographiste allemand, Oskar Messter, en exploite un, à Berlin, depuis le 25 avril. Le négoce va sans doute se prolonger quelques mois, probablement jusqu'à la fermeture estivale du théâtre des Capucines. L'on sait que les frères Isola vont réformer leur salle de spectacle et renoncent aux projections cinématographiques dès la rentrée théâtrale. Quant à Georges Méliès, qui est en train d'écouler ses theatrograph/kinetograph, il va mettre en place une nouvelle commercialisation, celle de l'appareil de Louis Henri Charles. Le plus vraisemblable, c'est qu'il récupère le contrat qui lie les frères Isola et l'inventeur et probablement aussi le brevet lui-même, pour assurer, à son tour, la vente des cinématographes. Afin de consolider l'exploitation, Lucien Korsten, Georges Méliès et Lucien Reulos déposent un brevet, le 4 septembre 1896, pour un "appareil destiné à prendre et à projeter les photographies animées". Voici ce qu'écrit Méliès à son propos dans ses mémoires :
Dès que les constructeurs d'appareils de prise de vues se furent montés, Méliès qui, entre temps, avait construit aussi un appareil d'amateurs, le "kinétograph" cessa de s'occuper de la fabrication de ces machines...
MÉLIÈS, 1945: 178.
En réalité, l'appareil de Louis Henri Charles et celui de Georges Méliès n'en font qu'un. Ce dernier, avec ses deux complices, n'a fait qu'adapter l'invention et le brevet reprend pour l'essentiel celui de Charles. Georges Méliès parle d'un appareil d'amateurs - en 1896, la distinction amateur/professionnel appliquée au cinématographe n'est pas pertinente -, mais cela n'a jamais voulu dire qu'il ait construit deux appareils distincts.
Le "Kinétographe Robert-Houdin" (1896) source : Bibliothèque du Film. |
Georges Méliès. Le "Kinétographe du théâtre Robert-Houdin" (1896) source : Cinémathèque frrançaise |
L'objectif avec le "kinétographe Robert-Houdin" est de lancer une ligne de production propre avec un appareil qui est essentiellement un projecteur :
Kinétograph Korstein [sic], Méliès et Reulos.-Cet appareil, spécialement destiné à la projection, se compose essentiellement de trois pièces: un sommier-support, le mécanisme de déroulement de la pellicule et la boîte à lumière.
BRETON, 1897: 207.
Ainsi, en décembre 1896, sortent enfin les premières annonces concernant le kinétographe Robert-Houdin :
PHOTOGRAPHIES ANIMÉES
MÉLIÈS & REULOS, Constructeurs du Kinétographe Robert-Houdin, appareil unissant les tous derniers perfectionnements, prenant les vues et les projetant sans déformations, trépidations ni déplacements, fonctionnant à n'importe quel éclairage. L'appareil complet est contenu dans une petite boîte pouvant être facilement portée à la main.
Grand diplôme d'honneur, Exposition du Travail, 1896.
Laboratoires spéciaux pour la fabrication des vues pour Cinématographes, Kinétographes et autres appareils similaires, perforation Edison. Grand choix de sujets sans cesse renouvelés.
PERFORAGE, DÉVELOPPEMENT & TIRAGE À FAÇON
MÉLIÈS & REULOS
14, Passage de l'Opéra, 14-PARIS.
Médaille d'Or. Exposition du Travail, Paris 1896.
L'industriel forain, nº 386, Paris, du 27 décembre 1896 au 2 janvier 1897, p. 3.
L'Industriel forain, nº 386, Paris, du 27 décembre 1896 au 2 janvier 1897, p. 3.
La diffusion
En ce qui concerne la diffusion, dès le mois de septembre 1896, on trouve des appareils qui circulent en France et qui se réclament de la production Méliès. C'est ainsi le cas du "technitographe (Méliès et Reulos)" qui parcourt le Sud-Ouest en projetant des vues animées : Agen, Biarritz, Pau, Oloron-Sainte-Marie...:
Le Cinématographe de M. Lumière et le Technitographe (appareil Méliès et Rolos [sic]) sont, actuellement, les derniers perfectionnements de l'application de la photographie animée. [...] Depuis quelque temps un appareil de ce genre, le Technitographe, fonctionne dans notre ville, Place Royale, et attire chaque jour, à ses séances, un nombreux public.
Le Patriote des Pyrénées, Pau, 8-9 novembre 1896, p. 1.
Si la provenance de l'appareil ne fait pas de doute, il en va de même pour les films proposés qui appartiennent au corpus Méliès comme le très identifiable Couronnement de la Rosière. Le statut de ce cinématographe et de ses exploitants, dont la presse ne révèle point le nom, appelle quelques commentaires. Parmi les vues proposées, l'on annonce, à Pau, des Bains de mer sur la grande plage de Biarritz qui pourraient bien correspondre à la Baignade en mer du catalogue Méliès. La capacité à pouvoir tourner des films se double, en outre, de la possibilité de commercialiser l'appareil lui-même :
Le Technitographe où les photographies animées (Place Royale).
Les nouvelles vues présentées aux séances du jour et du soir ont un succès très légitime et attirent les premiers étrangers arrivés dans notre station hivernale.
Des séances particulières peuvent être données par la Société du Technitographe, qui va pouvoir aussi, dans peu de jours, livrer les premiers appareils aux personnes qui désireraient en acquérir.
Le Mémorial des Pyrénées, Pau, 4 décembre 1896, p. 3.
Qui se cache alors derrière cette énigmatique "société du technitographe" ? En tout cas, il ne serait pas surprenant que le mystérieux opérateur fît partie du premier cercle des collaborateurs de Georges Méliès.
De façon presque simultanée, un "kinétographe Robert-Houdin" se trouve au Mans, où il présente des vues animées sous la houlette de M. Marjean :
De nouvelles projections de photographies animées ont lieu, en ce moment, tous les soirs, au premier étage de la Brasserie Grüber, place de la République. Elles sont présentées par M. Marjean, agent pour la vente de l'appareil et des vues de la maison Robert-Houdin, de Paris. L'appareil paraît beaucoup plus stable que ceux que nous avons vus jusqu'ici. Il est d'ailleurs exposé à la vue du public qui peut l'examiner tout à loisir et se rendre compte du mécanisme. Parmi les vues qui se déroulent sous les yeux des spectateurs, il en est une, en couleur : "La Loïe Fuller", qui est une véritable merveille. Demain dimanche, de 4 à 6h, auront lieu des séances spécialement réservées pour les familles et les enfants.
La Sarthe, Le Mans, - 19 septembre 1896.
En 1897, le nom de l'appareil va encore résonner à plusieurs reprises. À Paris, en [février], un kinématographe, sous la responsabilité de Jacques Goudeau et de Vatin présente des vues du catalogue Méliès.
La Scène, 12e année, Paris, [février] 1897.
Plus tard, MM. Ribot et Joly - parfois M. Joly seul - parcourent les routes de Provence avec un kinétographe Robert-Houdin : Courthézon (mars 1897), Laragne (octobre 1897), Mazan (décembre 1897) et Saint-Rémy (novembre 1899)...
Si la diffusion est restée limitée, elle n'en a pas moins été effective. Par la suite, le théâtre Robert-Houdin va organiser des séances, sans doute à la demande, comme c'est le cas à Digny, le 25 octobre 1903.
La production de vues cinématographiques
La période des premiers essais se clôt avec l'été et l'arrivée de l'automne marque les débuts d'une première période de production cinématographique. Pour preuve le catalogue dont la date de publication est à situer avant le 5 octobre. L'en-tête de ce document indique "Le Kinétograph Robert-Houdin. Films ou Vues Photographiques sur Pellicules. Fabrication de G. Méliès & L. Reulos". Une main anonyme a ajouté "Leborgne" sur le document conservé. L'éditeur dispose alors de deux laboratoires -probablement un seul en deux parties l'une pour le développement, l'autre pour le tirage- à Montreuil-sous-Bois et d'un magasin, qu'il vient d'ouvrir, situé au 14, Passage de l'Opéra (10, Boulevard des Italiens) à deux pas du théâtre Robert-Houdin :
Les Films fabriqués par nous sont de toute première qualité, elles sont irréprochables à tous les points de vue, choix de suejts, régularité de perforation, netteté et transparence; nous ne saurions trop engager les possesseurs d'appareils à en faire l'essai, ils en auront toute satisfaction. les deux laboratoires que nous possédons à Montreuil-sous-Bois étant devenus insuffisants, nous venons d'en installer un troisième également Passage de l'Opéra où seront exécutées les commandes pressées.
L'ouverture de ce dernier établissement indique que la situation est plutôt satisfaisante. Les éventuels acheteurs peuvent, désormais, y voir les films sans être obligés de se rendre au théâtre :
Nos bandes photographiques pour Kinétographs, Cinétographes, Kinétoscopes, etc., etc., ont obtenu dès leur apparition un tel succès que les locaux dont nous disposions au Théâtre Robert-Houdin, sont devenus insuffisants, l'affluence des clients gênant le service du Théâtre.
En conséquence nous avons l'honneur de vous informer que nous venons d'ouvrir, 14, Passage de l'Opéra, près du Théâtre un magasin spécial dans lequel nous tenons à votre disposition un stock considérable de pellicules imprimées prêtes à livrer, et comportant de très nombreux tableaux qui sont notre propriété exclusive (constamment des sujets nouveaux).
De fait, l'année 1896 se solde par un résultat honorable en terme de recettes, même si elles sont loin d'atteindre celles de nombreux autres théâtres parisiens. Grâce au Bulletin de statistique du ministère des finances, qui publie le tableau des recettes brutes de théâtres et cafés-concerts pendant l'année 1896, nous savons que les recettes du Robert-Houdin s'élèvent à 51,290, 75 francs. Il est sans doute temps de faire un premier bilan de l'exploitation et la commercialisation cinématographiques. De l'aveu même de Georges Méliès, dès que les appareils se perfectionnent et se multiplient, il va se concentrer sur ce qui l'intéresse le plus, la réalisation de films :
[...] au fur et à mesure que les appareils divers se perfectionnaient, il employa pour ses prises de vues, successivement, des appareils Gaumont, système Demeny, puis des appareils Lumière [enfin mis en vente], puis des appareils Pathé comportant déjà de nombreux perfectionnements. Dès lors, il n'eut plus, avec les machines, les graves soucis qui l'avaient tant retardé dans les débuts et il put se consacrer entièrement au progrès de la technique et à l'invention d'une foule de procédés inédits pour l'obtention d'effets sans cesse renouvelés.
MÉLIÈS, 1945: 178.
Sans que ce souvenir soit daté, on peut le situer à partir du mois de mai 1897, après la commercialisation des appareils Lumière et la mise en vente du 35 mm de Gaumont.
Ce n'est qu'à la fin novembre que Lucien Reulos, seul, dépose une marque (51.790) pour "désigner des vues pour appareils à projection de photographies animées". La marque avec une étoile à cinq branches préfigure celle de la Star Film.
Bulletin officiel de la propriété industrielle et commerciale, Paris , 1897.
Marques. Photographie et Lithographie. 1895-1901. INPI.
Dans une photographie qui date probablement de l'année 1897, on aperçoit un logo où au centre de l'étoile se trouvent les deux initiales "M" pour Méliès et "R" pour Reulos. On peut penser qu'il est utilisé pendant la période de collaboration entre les deux hommes.
"Verre de projection sevant à la présentation des films". (1897) "
© Cinémathèque Française
La production sur la période qui va de l'automne 1896 à l'hiver 1896-1897 est constituée d'une petite cinquantaine de films dont la plupart son des vues générales auxquelles il convient d'ajouter quelques vues de variétés. On peut remarquer quelques oeuvres comme Escamotage d'une dame chez Robert-Houdin (1896), Le Manoir du Diable, L'Hallucination de l'alchimiste ou Le Château hanté dont les contenus annoncent le style "Méliès". C'est vers le mois d'octobre 1896, d'après Georges Sadoul, qu'il faudrait situer la célèbre anecdote de la découverte du "truc par substitution" ou "truc à métamorphoses" raconté par Georges Méliès lui-même :
Veut-on savoir comment me vint la première idée d'appliquer le truc au cinématographe ? Bien simplement, ma foi. Un blocage de l’appareil dont je me servais au début (appareil rudimentaire dans lequel la pellicule se déchirait ou s'accrochait souvent, et refusait d’avancer) produisit un effet inattendu, un jour que je photographiai prosaïquement la place de l'Opéra : une minute fut nécessaire pour débloquer la pellicule et remettre l'appareil en marche. Pendant cette minute, les passants, omnibus, voitures, avaient changé de place, bien entendu. En projetant la bande ressoudée au point où s'était. produite la rupture, je vis subitement un omnibus Madeleine- Bastille changé en corbillard et des hommes changés en femmes. Le truc par substitution, dit truc à arrêt, était trouvé, et deux jours après j'exécutais les premières métamorphoses d'hommes en femmes, et les premières disparitions subites qui eurent, au début, un si grand succès.
MÉLIÈS, 1907: 385.
Du premier studio de Montreuil à l'incendie du théâtre Robert-Houdin (mars 1897-janvier 1901)
Le studio "A"
Il ne reste plus alors qu'à construire le studio nécessaire aux tournages de vues en intérieur. C'est dans la propriété que la famille possède à Montreuil-sous-bois (74, boulevard de l'Hôtel-de-Ville) et où se trouvent déjà l'un des deux premiers laboratoires que Georges Méliès va le bâtir.
Ce premier studio est construit sur le modèle du théâtre Robert-Houdin dont il reprend les dimensions exactes (13,50 m x 6,60 m). Dans un article publié par la revue Pour vous, de 1937, Georges Méliès, lui-même, évoque la construction de ce studio :
Dès le lendemain, je faisais sur papier le plan d'un "atelier" de pose, car c'est ainsi qu'on appelait les ateliers vitrés des photographes, situés généralement au sixième étage des maisons, sur le toit. Le mot "studio" n'était employé qu'en Italie, pour désigner ces ateliers, comme le mot "caméra" pour désigner l'appareil à soufflet des photographes. Ayant pris bravement la distance habituelle qui séparait, dehors, mon appareil des décors dont la largeur n'excédait guère alors cinq mètres d'ouverture et la hauteur quatre mètres cinquante, je jugeai qu'un quadrilatère de vingt mètres [sic: 13 m. 50] de longueur, sur six à sept de large, avec une hauteur totale de six à sept mètres au faîtage de la construction, serait simplement suffisant. Sur le plan, et derrière l'emplacement projeté de la scène, j'avais réservé une petite loge pour les artistes, une dizaine au plus.
Sans plus attendre, je fis venir un constructeur d'ateliers en fer, je lui confiai mon plan, et deux jours après, il revenait m'apportant un devis de 50 000 francs. Je fus atterré. J'étais seul, sans commanditaire, et 50 000 francs d'alors représentaient 300 000 francs d'aujourd'hui. "Je vais étudier cela, et réfléchir", lui dis-je. "Entendu", dit-il, et il me quitta. [...]
Aussi, je voulus, moi aussi, me montrer prudent, et abandonnant le fer, je me rabattis sur le bois, peu cher à cette époque, et, au lieu de m'adresser à un charpentier qui m'aurait bâti un hangar avec des poutres énormes interceptant partout la lumière, c'est à un menuisier de bâtiment que je confiai la construction, en lui recommandant la plus grande légèreté possible pour ne pas empêcher l'entrée du jour.
Trois semaines après, la carcasse du bâtiment, composée de poteaux en bois, tous les deux mètres reliés en haut par des fermes, également en bois, était debout, le serrurier garnissait le tout de fers à T pour les vitrages dépolis des côtés et de la toiture, les maçons construisaient, tout autour, des soubassements de 1 m. 50 de hauteur, scellaient les poteaux en terre... avec du plâtre (remarquez ce détail) et l'ensemble était prêt à vitrer...
Par la suite, il fait état de nouveaux déboires avant que le premier studio ne soit opérationnel. Un dessin de Georges Méliès (c. 1899) en donne une description succincte. En outre, plusieurs photographies de ce studio A ont été conservées, ce qui permet d'avoir une idée assez complète du bâtiment.
Plan tracé par Méliès du studio A dans son premier état (1897-1899) avant les agrandissements Reproduit dans DUPUY, 2011: 43. |
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Le studio A, photographié juste après les agrandissements (exposition au sud-est, hiver 1899-1900) Reproduit dans DESLANDES, 1968: 433 |
Autre photo du studio A, photographié juste après les agrandissements (exposition à l’est, hiver 1899-1900) source: Collection particulière reproduit dans MELIES: 2013: 111 |
Le studio A exposé à l’ouest (après 1900). © Cinémathèque française Reproduit dans NOVERRE, 1929 (11): 77. |
Le studio A exposé au sud-est (après 1900). "Theatre Studio of Mr. G. Melies, where "Star" Film Subjects are produced." (c. 1901) URBAN, 1903: 127 |
Le studio A exposé au sud-sud-est (après 1900). "Making 'properties' for Star Filim Subjects" URBAN, 1903: 127 |
La scène du studio A "Une scène cinématographique". Établissements Méliès. MÉLIÈS, 1907: 363. |
La construction du studio A (primitif) est achevée en février-mars 1897, date que l'on peut établir en tenant compte du fait que l'un des tout premiers films tournés dans ce studio est sans doute Sur les toits au début du printemps 1897:
… et nous avons la chance de disposer de l’une des premières bandes tournées dans ce studio. Il s’agit de Sur les toits que l’on peut à peu près dater de mars 1897: les ombres sont estompées par une lumière légèrement tamisée grâce à un dispositif placé sous le toit vitré et consistant, si l’on en croit Noverre, en un système de rideaux translucides que Méliès remplacera par la suite par des châssis garnis de toile à calquer. Il fallait, en effet, principlament éviter l’ombre des armatures du studio.
MALTHÊTE, 2014: 147-148.
Le studio va connaître une première modification en 1900 avec l'ajout d'un appendis situé au Sud, qui va permettre à Georges Méliès de disposer sa caméra plus loin (11 m. au lieu de 8 m.) afin de d'agrandir le champ qui passe ainsi de 6 à 8 m. S'il parvient ainsi à tourner certains tableaux du Voyage dans la lune, tels n'est pas le cas des trois premiers tableaux du film qui doivent être tournés en extérieur dans le jardin de Montreuil. Comme on le voit, ce premier dispositif n'est cependant pas suffisant pour tout pouvoir tourner à l'intérieur du studio "A".
Successivement, l'atelier s'allongeait pour reculer l'appareil et prendre un champ de plus en plus vaste, ce qui, en fin de compte, fit ressembler ce studio, qui existe encore, à un télescope.
Maurice Noverre, en 1929, complète l'information sur cet "atelier" en l'illustrant d'un plan légendé par Georges Méliès:
Enfin, une dernière fois, une nouvelle petite pièce fut construite derrière celle qui abritait l'appareil, de façon à le reculer encore, .et à pouvoir prendre des vues jusqu'à 11 mètres d'ouverture. Ce sont ces modifications continues, occasionnées par des besoins successifs, qui furent la cause de cet aspect télescopique étrange que présente ce premier studio.
Georges Méliès. Plan du Studio "A"
reproduit dans NOVERRE, 1929 (I): 73
© Cinémathèque française
On peut situer cette transformation vers 1903 à l'occasion du tournage du Royaume des fées. Alors que le second studio n'est pas encore construit, Georges Méliès explique ce que doit être un "atelier de pose":
Pour le genre spécial qui nous occupe, il a fallu créer un atelier disposé ad hoc. En deux mots, c'est la réunion de l'atelier photographique (dans des proportions géantes) à la scène de théâtre. La construction est en fer vitrée; à un bout se trouvent la cabine de l'appareil et l'opérateur, tandis qu'à l'autre extrémité se trouve un plancher construit exactement comme celui d'une scène de théâtre, divisé comme lui en trappes, trapillons et costières. Bien entendu, de chaque côté de la scène se trouvent des coulisses, avec magasins de décors, et, derrière, des loges pour les artistes et pour la figuration. La scène comporte un dessous avec le jeu de trappes et tampons nécessaires pour faire apparaître et disparaître les divinités infernales dans les féeries; des fausses rues par où s'effondrent les fermes dans les changements à vue, et un gril placé au-dessus avec les tambours et treuils nécessaires aux manœuvres nécessitant de la force (personnages ou chars volants, vols obliques pour les anges, les fées ou les nageuses, etc., etc.). Des tambours spéciaux servent à la manœuvre des toiles panoramiques; des projecteurs électriques servent à éclairer et à mettre en vigueur les apparitions. En résumé, c'est, en petit, une image assez fidèle du théâtre de féerie. La scène a environ dix mètres de large, plus trois mètres de coulisses à la cour et au jardin. La longueur de l'ensemble de l'avant-scène à l'appareil, est de dix-sept mètres. Au dehors, des hangars de fer pour la construction des accessoires en menuiserie, praticables, etc., et une série de magasins pour les matériaux de construction, les accessoires et les costumes.
C'est à l'hiver 1907 que sera construit le second "théâtre cinématographique".
Le magasin du passage de l'Opéra
En ce qui concerne, le magasin du passage de l'Opéra, situé initialement au nº 14, il est déplacé, vers l'automne 1897, à quelques pas de là, au numéro 20.
L'Amusant havrais, Le Havre, du samedi 16 au samedi 23 octobre 1897, p. 4.
À nouveau, la boutique du passage de l'Opéra se déplace pour s'installer au nº 13, vers 1898. À la fin de cette année, les annonces trouvées dans la revue Musée des enfants font apparaître une marque de fabrique.
Musée des enfants (supplément), 15 octobre 1899. | Musée des enfants (supplément), 15 novembre 1899. |
L’apparition de la marque "Méliès [étoile] Star Film" dès 1899 indique qu'elle a été utilisée avant son dépôt officiel au Greffe du tribunal de commerce de Paris le 27 décembre 1902 (no.77627). Elle ne figure telle quelle que dans le décor de quelques films de Méliès réalisés en décembre 1902 et janvier 1903. Avant et après cette courte période, la marque a revêtu une quinzaine d'autres formes dans le décor, à l’exclusion de la première déposée audit Greffe par Reulos en 1896.
Les premiers collaborateurs
Dans ses mémoires, Georges Méliès évoque les noms de certains de ses collaborateurs dont le premier semble être un certain Leclerc :
Voici maintenant quelques renseignements concernant les "opérateurs" employés successivement par Méliès. Ses premières vues du début furent tournées par lui-même; le premier opérateur professionnel qu'il forma fut Leclerc.
MÉLIÈS, 1945: 179.
De côté de sa vie privée, Georges Méliès va perdre son père en février 1898 :
Nous apprenons que M. Méliès, directeur du théâtre Robert-Houdin, vient d'avoir la douleur de perdre son père.
Les obsèques auront lieu aujourd'hui, samedi, à midi, en l'église de Montreuil-sous-Bois. Le théâtre fera relâche ce soir.
Le Petit Moniteur universel, Paris, samedi 5 février 1898, p. 1.80
Un autre figure essentielle est sans aucun doute Louis Leborgne qui est déjà présent dès 1896 et que l'on retrouve sur deux factures, en 1899 et 1901, où il signe à la place de Georges Méliès. Selon certaines déclarations non vérifiées, Leborgne aurait profité de sa situation et de la confiance que lui manifestait Méliès pour tirer bénéfice sur la production de l'entreprise comme l'évoque le neveu de ce dernier :
M. MELIES. Oh ! c'était merveilleux. Ca marchait très bien. A son bureau commercial. il y avait deux personnes. quand je suis arrivé LE BORGNE, son camarade de régiment, n'y était déjà plus. Il a dû quitter vers 1907. C'était un excellent homme d'affaire, tellement bon qu'il prenait à peu près un tiers des affaires pour lui. Il achetait des films de manière à ce que mon oncle ne s'en aperçoive pas, et il supprimait les nouveaux clients, et il lui prenait comme ça à peu près un tiers des affaires. Mon oncle ne s'en apercevait pas.
C"est par hasard, qu'il a fini par le découvrir.
Il aurait été plus avantageux de dire à LEBORGNE : "je vous intéresse à mes affaires" que de le fourrer dehors.
"Georges Méliès: réunion du 22 juillet 1944, Fonds Commission de Recherche Historique. CRH16-B1. Cinémathèque française.
C'est à la fin de l'année 1899 qu'il va avoir la douleur de perdre sa mère :
M. Méliès, directeur du théâtre Robert Houdin, vient d'avoir la douleur de perdre sa mère.
En raison de ce deuil, la matinée de demain n'aura pas lieu.
Le Figaro, Paris, samedi 2 décembre 1899, p. 5.
Outre ces collaborateurs immédiats, il faut également évoquer la figure d'Élisabeth Thuillier, responsable d'un atelier où les films de Georges Méliès vont être coloriés. Des années plus, elle évoque cette époque :
Devant nous, Mme Thuillier qui, sur les indications du cinéaste (Georges Méliès), coloria tous ses films, s'indigne de voir disparaître la technique de la couleur.
— J'ai colorié tous les films de M. Méliès, nous dit-elle. Ce coloriage était entièrement fait à la main. J'occupais deux cent vingt ouvrières dans mon atelier. Je passais mes nuits à sélectionner et échantillonner les couleurs. Pendant le jour, les ouvrières posaient la couleur, suivant mes instructions. Chaque ouvrière spécialisée ne posait qu'une couleur. Celles-ci, souvent, dépassaient le nombre de vingt.
— …
— Nous employions des couleurs d'aniline très fines. Elles étaient successivement dissoutes dans l'eau et dans l'alcool. Le ton obtenu était transparent, lumineux. Les fausses teintes n'étaient pas négligées.
— Et le public du cinéma Dufayel !…
— Ne ménageait pas son enthousiasme. Ah ! monsieur, Dufayel fut mon dernier client. Il exigea toujours des bandes coloriées à la main. Le coût en était plus élevé…
— ?…
— De six à sept mille francs par copie, pour une bande de 300 mètres, et cela avant la guerre. Nous exécutions en moyenne soixante copies pour chaque production. Le coloriage à la main grevait donc assez lourdement le budget des producteurs.
— …
— Aujourd'hui, le métier se perd. Si j'avais eu le temps, je me serais occupée moi-même du coloriage des films destinés au gala Méliès.
— …
— J'ai colorié les films de Méliès pendant quinze ans. Depuis 1897 jusqu'en 1912...
L'Ami du peuple du soir, 13 décembre 1929, p. 4.
L'incendie du théâtre Robert-Houdin (30 janvier 1901)
L'événement sans doute le plus important de l'année 1901 c'est l'incendie qui va se déclarer dans les locaux de la photographie Tourtin et dont le propriétaire est alors Clément Maurice. Ses ateliers photographiques, situés au 2e étage du boulevard des Italiens, au-dessus du théâtre Robert-Houdin sont la proie des flammes. C'est sans doute Le Matin qui est le plus précis dans la description du sinistre :
L'immeuble appartient à M. le comte de Rohan-Chabot. Au rez-de-chaussée, se trouvent les magasins d'un tailleur, J. Lejeune, et d'un chemisier, M. Paul. À l'entresol et au premier, sont installés les bureaux et la salle de spectacle du théâtre Robert-Houdin ; au second étage, la photographie Clément Maurice et les bureaux de la Société de la Grande-Publicité.
Les flammes ont seulement détruit la toiture, le salon d'attente et le salon de pose de M. Maurice qui se trouvent maintenant à ciel ouvert et ne sont plus qu'un amas de débris ; les tentures, les tableaux sont restés accrochés aux murs, mais les toiles ont été trouées, les cadres disloqués et les rideaux transformés en loques humides.
Les bureaux de la Grande-Publicité n'ont pas même été atteints.
Lamentable spectacle.
Au théâtre Robert-Houdin, le spectacle était lamentable, et l'accès de la salle de représentation était interdit ; on craignait, en effet, l'écroulement du plafond qui a pue être étayé à temps.
Les tapis, les fauteuils, les décors étaient littéralement trempés ; on a pu fort heureusement mettre à l'abri les fameux automates de Robert Houdin et tous les accessoires servant aux représentations journalières.
À l'entresol, au rez-de-chaussée, le spectacle d'un nouveau déluge subsiste encore ; les piles d'étoffes du tailleurs, ses modèles exposés à la vitrine sont à tout jamais perdus.
Les dégâts sont très importants et n'ont pu être encore évalués. Le propriétaire et tous les locataires sont assurés.
Le Matin, Paris, 1er février 1901, p. 3.
Les ateliers photographiques sont en grande partie détruits, mais par miracle les bureaux de la Grande-Publicité, eux aussi situés au 2e étage, n'ont pas du tout étaient atteints. Ça n'est pas le cas du Théâtre Robert-Houdin sérieusement endommagé. Il n'est donc plus possible de poursuivre les représentations, ni celles des spectacles de magie, ni celles des projections cinématographiques. Dans une photo prise peu après et publiée, plus tard, dans Passez-Muscade on aperçoit l'état de l'édifice quelques jours après l'incendie.
"Le Théâtre Robert-Houdin, en 1901 (après l'incendie de la photographie Tourtin.) On la voit en réparations à l'étage supérieur. Au milieu du grillage du théâtre, au 2e étage, on voit le balcon détérioré par les pompiers qui pénétrèrent par la fenêtre dans la salle, non effondrée encore, à 2 heures du matin. Une demi-heure après, le plafond de la salle s'écroulait."
Passez muscade, 13e année, nº 42, Lyon, 1928, p. 504.
Fort heureusement, malgré l'intensité de l'incendie du boulevard des Italiens, l'essentiel du matériel a été préservé :
Le théâtre Robert-Houdin a particulilèrement souffert de l'inondation. Il offrait hier, quand nous l'avons visité, le spectacle le plus lamentable. Les fauteuils, les décors, les tapis étaient ruisselants. Le plafond avait fléchi au point que, pour l'empêcher de tomber, il a fallu l'étayer avec de grosses poutres. On a pu heureusement préserver de ce déluge les fameux automates de Robert-Houdin et les principaux accessoires servant aux représentations.
Le Figaro, Paris, 1er février 1901, p. 4.
La production (1897-1901)
Au cours de la période qui va du printemps 1897 à janvier 1901, la production Méliès va singulièrement progresser. Ce sont presque deux cents films que la Star Film met sur le marché. À l'exception de la série consacrée à l'Exposition de Paris 1900 (17 films + 2 films sur les travaux de l'exposition), les vues générales sont peu nombreuses. En revanche, les oeuvres de magie ou de prestidigitation se font bien plus présentes : Le Cabinet de Mephistophélès(1897), Les Rayons Roentgen (1898), La Lune à un mètre (1898), Tentation de Saint-Antoine (1899), Le Diable au couvent (1899), Les Sept Pechés capitaux (1900).... Viennent également des films plus ambitieux comme Cendrillon (1899, 6 tableaux), Les MIracles du Brahmine (1900), Jeanne d'Arc (1900, 12 tableaux) ou Rêve de Noël (1900, 20 tableaux), mais également des reconstitutions historiques d'actualité comme les films sur L'Affaire Dreyfus.
Georges Méliès, Le Diable au couvent (1899)
Source: Cinémathèque française
Des grandes féeries au déclin (1901-1906)
L'incendie du boulevard des Italiens contraint Georges Méliès à s'installer ailleurs provisoirement. C'est dans la salle des Capucines (39, boulevard des Capucines), anciennement théâtre Isola, que Georges Méliès va reprendre ses spectacles :
Le théâtre Robert-Houdin, pendant les travaux de réfection de la salle du boulevard des Italiens, détruite récemment par l'incendie de la photographie Tourtin, continuera à donner ses matinées de prestidigitation, les jeudis, dimanches et fêtes, à la salle des Capucines (ancien théâtre Isola). La première matinée aura lieu jeudi prochain 14 février, à deux heures.
Le Temps, Paris, 13 février 1901, p. 3.
Si les matinées de prestidigitation du jeudi et du dimanche reprennent, les projections cinématographiques semblent suspendues. Ce n'est qu'en septembre 1901 que le Robert-Houdin rouvre ses portes avec au programme des matinées consacrées à la prestidigitation et des soirées dédiées au cinématographe. C'est à l'ancien collaborateur Édouard Raynaly qu'est confiée la séance d'inauguration comme il le rappelle dans ses Mémoires d'un Escamoteur :
Les Mémoires d'un Escamoteur
par
E. Raynaly.
[...]
Il ne reste plus aujourd'hui, à Paris, que l'éternel théâtre Robert-Houdin, auquel pendant une douzaine d'années j'ai eu l'avantage d'être attaché. On sait que ce théâtre a été récemment détruit, par les suites d'un incendie qui éclata dans l'immeuble (à suivre)
Rapidement reconstruit, il possède une nouvelle et ravissante petite salle. La réouverture a eu lieu le 22 septembre 1901.
A cette occasion, M. G. Méliès, propriétaire et directeur actuel, a bien voulu me confier le soin de présenter la séance d'inauguration; Ce théâtre, si plein de magiques et réjouissante souvenirs, est maintenant, lui aussi, envahi par le cinématographe. Il y consacre ses soirées, au cours desquelles se déroulent les fantastiques tableaux dus à l'imagination féconde en même temps qu'extraordinaire de M. Méliès. Les représentations de physique amusante n'y sont plus données que les jeudis et di manches en matinées.
La somme de magie, ainsi offerte désormais, semble suffire aux exigences de la consommation parisienne, le monde qui s'amuse est actuellement à la recherche de spectacles différemment pimentés.
Le Siècle, Paris, jeudi 18 septembre 1902, p. 3 et samedi 20 septembre 1902, p. 2.
Le reprise des activités au théâtre Robert-Houdin du boulevard des Italiens va vite s'accompagner d'un renouvellement du personnel. Si Georges Méliès peut toujours compter sur son fidèle Eugène Calmels, mécanicien et opérateur de projections, le départ de Leclerc - à une date difficile à préciser, mais que l'on pourrait situer plutôt en 1900 - va redistribuer les cartes dans la maison Méliès :
Voici maintenant quelques renseignements concernant les "opérateurs" employés successivement par Méliès. Ses premières vues du début furent tournées par lui-même: le premier opérateur professionnel qu'il forma fut Leclerc, auquel succéda Michaut [sic] qui devait, par la suite, en association avec Lallement et Astaix, également anciens employés de Méliès, ouvrir la première maison de location de films.
MÉLIÈS, 1945: 179.
Ces imprécisions ne permettent pas de savoir exactement quand est-ce que Théophile Michault et Maurice Astaix sont engagés. Dans le cas de François Lallement, en revanche, l'on sait qu'il a été employé à la société Le Mirographe jusqu'au 30 novembre 1901. Son arrivée serait alors à situer à la toute fin de l'année 1901 ou au début de 1902. Installé au passage de l'Opéra, il est responsable du laboratoire comme il l'explique à Pierre Tchernia :
Chez Méliès, je m'occupais principalement du laboratoire. [...] C'est le tambour qui servait à développer les films. Ils étaient entourés sur cette cage à écureuil et tournait dans une cuve remplie de bains. [la pellicule] il fallait la perforer [...] Nous la perforions nous-mêmes avec un matériel inexistant presque qui perçait un trou à la fois et alors pour aller plus vite Méliès avait organisé tout un système. Nous étions dans une sorte d'armoire, accroupis, avec une manivelle entre nos jambes. [nous étions installés] passage de l'Opéra. [A Montreuil-sous-bois] il avait son studio là-bas, c'est le premier studio qui a été fait en France. [Commentant une photo que lui tend Pierre Tchernia]. Ceci représente l'éruption de la Martinique, l'éruption du Mont Pelé. [...] Celle-ci était reconstituée de façon extraordinaire.[...] Méliès avait fait la mer avec une bâche montée sur des battis, remplis d'eau, que l'on tournait avec la cage à écureuil et puis avec une grande bâche noire il avait fait le Mont Pelé. La lave, c'est moi qui présentait la lave, je versais dans un entonnoir de l'eau de chaux, vous voyez les cendres tout au long de la montagne tandis que d'autres jetaient de la pellicule dans un fourneau derrière et... Vous voyez la fumée qui sort. Nous avons failli mettre le feu, ce jour-là, tellement ça chauffait.
François Lallement, 1953.
"Un angle du laboratoire de la Star Film, passage de l'Opéra. (L'opérateur est M. Lallement.)"
BESSY/LO DUCA, 1945: 56.
Quand à Louis Leborgne, il est bien possible qu'il ait quitté la société vers 1901. Ces restructurations marquent en tout cas de profondes transformations et un développement certain de l'entreprise.
L'année 1902 va représenter sans doute le climax de la production Méliès. Il dispose d'un nombre appréciable de collaborateurs, d'un studio et du succès que ses films ont déjà depuis quelque temps dans la monde. Il va ainsi réaliser son oeuvre la plus célèbre, Voyage dans la Lune, une production ambitieuse, lointainement inspirée du roman de Jules Verne. Vont suivre ensuite des films aussi importants que Les Aventures de Robinson Crusoé (1902), Le Royaume des Fées (1903), Le Barbier de Séville (1904) et Le Voyage à travers l'impossible (1904). Par ailleurs, la production de bandes plus modestes se poursuit à un rythme soutenu. Cependant 1905 marque sans doute une première inflexion qui voit Georges Méliès collaborer à plusieurs reprises avec les scènes parisiennes. En janvier, les Folies-Bergère des frères Isola présentent un spectacle ambitieux, La Revue des Folies-Bergère au cours de laquelle est inséré le film Le Raid Paris-Monte-Carlo en deux heures :
SOIRÉE PARISIENNE
LA REVUE DES FOLIES BERGÈRE
Nous l'avons eue enfin cette revue. Quel luxe ! quelle richesse ! que de trouvailles et que d'esprit ! Les frères Isola ne pouvaient donner de plus jolies étrennes aux Parisiens.
[...]
Le raid Paris-Monte-Carlo est une innovation fort amusante de M. Méliès. Le tableau de la Côte d'Azur est à citer également, avec ses danses américaines; enfin, l'apothéose.
Le Journal, Paris, dimanche 1er janvier 1905, p. 6.
Le succès mondial de Georges Méliès va avoir sa contrepartie. Aux États-Unis, les contretypes de ses oeuvres se multiplient, et il se décide finalement à envoyer, en 1903, son frère Gaston Méliès afin de contrôler ses affaires outre-Atlantique. En Espagne, un nouvel agent, O. Richeux, est responsable de production Méliès, puis ce sera Baltasar Abadal, en 1904, qui distribue les films. Il publie à cet effet un catalogue.
Outre ses activités cinématographiques, Georges Méliès est aussi une figure importante dans les syndicats ou associations en relation avec le 7e art et la prestidigitation. Il est à l'origine de la création de la Chambre Syndicale des Fabricants et négociants de Cinématographes, fondée le 11 avril 1905 et qui a son siège social au foyer du théâtre Robert-Houdin. Par ailleurs, Georges Méliès, qui reste une figure respectée de la prestidigitation, est à l'origine de la création de la Chambre syndicale de la Prestidigitation dont le siège social est fixé au théâtre Robert-Houdin. La première séance se tient le 24 mai 1904 et la seconde le 31 mai:
Le premier bureau élu était composé de MM. ISOLA frères, comme présidents d'honneur; G. MÉLIÈS, président; E. RAYNALY, vice-président; J. CAROLY, trésorier; STEPHEN, secrétaire; ELIAS, secrétaire adjoint.
"Les débuts de la chambre syndicale de la prestidigitation", Passez-muscade, 14e année, numéro spécial, Lyon, 1929, p. 3.
Alors que le "modèle" Méliès commence à s'épuiser, Georges va tenter de relancer ses affaires et ses productions en se lançant dans une politique de collaboration avec de grandes scènes parisiennes. C'est ainsi qu'à la fin de l'année 1905, Georges Méliès travaille avec le théâtre du Chatelet pour le spectacle Les 400 coups du Diable avec son film Les Quat'Cents Farces du diable.
Châtelet.-Les 400 Coups du Diable, gr. féerie en 34 tabl. de M.M. V. de Cottens et V. Darlay.
18e Tableau.-LES BORDS DU STYX
© Le Grimh
C'est à la fin de l'année 1905 que l'on fête le centenaire de Robert Houdin et Georges Méliès est évidemment aux premières loges dans l'hommage qui est rendu au célèbre prestidigitateur :
Le Centenaire de Robert-Houdin
Il y aura très grande fête mercredi prochain dans le plus petit théâtre du boulevard des Italiens. Pour ce jour-là, qui marquera le centenaire de la naissance de Robert-Houdin, la chambre syndicale de la prestidigitation a organisé une extraordinaire soirée « magique », par où sera réalisé ce vœu qu'avait exprimé souvent l'illustre fondateur du gentil théâtre : offrir au public un spectacle uniquement consacré à la prestidigitation, avec différents opérateurs réputés. L'on y verra en effet Reynaly, Ferraris, Legris, Caroly, M. de Gago, lequel n'a jamais paru sur une scène parisienne et n'est autre que le fameux « homme masqué », Mlle Zirka, M. Talazac, la voyante Michaëla, d'autres encore... Le directeur du théâtre, en outre, M. Méliès, aura l'honneur de présenter quelques-uns des automates et quelques-unes des pièces mécaniques grâce auxquels Robert-Houdin étonna l'univers et qui sont des chefs-d'œuvre de son esprit et de ses mains. Enfin, Robert-Houdin, tout comme Molière, et dans sa propre maison lui aussi, aura son couronnement; un couronnement embelli et coloré des prestiges de la magie, car le buste se dressera parmi des apparitions fantastiques, et les fleurs dont on le comblera seront fleurs d'artifice.
C'est un juste hommage rendu à un père par ses enfants. Tous les prestidigitateurs d'aujourd'hui s'avouent les fils de Robert-Houdin, et, conséquemment, l'on peut dire que la prestidigitation moderne a pour mère l'horlogerie, puisque Robert-Houdin est avant tout un horloger de génie. C'est en fabriquant, en effet, des montres et des pendules dans l'atelier de son père qu'il commença de rêver, vers ses dix-sept ans, de devenir un escamoteur magistral, de créer, comme l'a écrit M. Méliès, « la prestidigitation élégante, correcte, dégagée des oripeaux des pitres et des invraisemblables costumes des bateleurs ». Ceux-ci n'étaient que d'assez lourds et grossiers farceurs pour la plupart, et ils ne .connaissaient guère, en fait d'instruments magiques, que les boîtes à double fond. Robert-Houdin travailla de longues années à construire et perfectionner ses merveilleuses inventions mécaniques et électriques. Il avait quarante ans lorsqu'il ouvrit au Palais-Royal, le 3 juillet 1845, le théâtre des «soirées fantastiques». Il y parut, en habit noir, dans un salon Louis XV, et ce magicien sans bonnet pointu stupéfia les Parisiens lorsqu'il leur montra successivement la Pendule mystérieuse, le Génie des Roses, le Coffre de cristal, etc... En huit jours, il fut célèbre à Paris, après quoi tous les pays du monde l'appelèrent : et durant sept années, il exhiba partout ses tours miraculeux et charmants.
[...]
La fête de mercredi non seulement honorera comme il faut le père de la prestidigitation moderne, mais elle montrera les progrès des prestidigitateurs.
Journal des débats politiques et littéraires, Paris, vendredi 1er décembre 1905, p. 3.
L'année suivante, 1906, Georges Méliès signe de nouvelles collaborations avec l'Olympia (Vers les étoiles) et le Châtelet (Pif! Paf! Pouf!). Voici de que dit la presse sur cette dernière collaboration :
AU CHATELET: Pif! Paf! Pouf! ou Un Voyage endiablé, grande féerie en trois actes et trente-huit tableaux, de MM. Victor de Cottens et Victor Darlay.
C'est un très agréable spectacle. Certes, MM. de Cottens et Darlay ne nous apportent pas une féerie nouvelle et d'une rare poésie. Mais ils ont imaginé des divertissements ingénieux et ils ont placé, au milieu de ces trente huit tableaux, des scènes d'une réelle gaieté et d'une fantaisie assez personnelle.
[...]
Odette se félicite de son habileté; mais bientôt elle tremble devant le timonier qui n'est autre que le farouche Pornic. Tandis qu'il implore et qu'il menace Odette, il oublie qu'il a la direction du navire et il le jette contre le Rocher du Corail. Le bâtiment sombre, mais Odette, Mme Coquiron, Hector et M. de Follembuche peuvent se sauver dans le canot sous-marin. Grâce au cinématographe de M. Méliès, nous descendons avec eux au fond de l'Océan. C'est une évocation amusante et fantaisiste de la flore et de la faune sous-marine. Enfin les naufragés reviennent à la surface de l'eau ; ils retrouvent la terre ; ils sont dans l'Amérique du Sud et ils arrivent dans une ferme qui est celle de Hernandez, l'autre soupirant de M. Coquiron.
Gil Blas, Paris, vendredi 7 décembre 1906, p. 3.
Georges Méliès, Vers les étoiles (1906) Source: Cinémathèque française |
Châtelet. Pif! Paf! Pouf! (V. de Cottens et V. Darlay, 1906). © Le Grimh |
C'est à cette époque que se serait situé une anecdote relative à la sécurité dans les salles de spectacle. L'histoire est-elle vraie ? En tout cas elle est savoureuse :
Sait-on pourquoi dans la nouvelle ordonnance du Préfet de police, en date du 1er janvier 1927, article 136, on lit : "L'opérateur et son aide devront disposer des moyens nécessaires pour arrêter rapidement un incendie, notamment d'un extincteur de sept litres, d'un seau d'eau avec éponge, et de trois siphons d'eau de Seltz."
Voici l'histoire, des siphons tout au moins: Un jour de 1906, M. Girard, Directeur du Laboratoire Municipal, accompagné du Commandant des Sapeurs-Pompiers, visitait la cabine du Théâtre Robert Houdin, dirigé à cette époque par un pionnier du cinéma, trop oublié, M. Georges Méliès.
M. Girard, faisant remarquer à M. Méliès que les précautions prises contre l'incendie n'étaient pas suffisantes, reçut cette réponse : « Pas suffisantes, les mesures contre l'incendie !... Tenez. Monsieur, je vais mettre le feu moi-même à un bout de film et l'éteindre sous vos yeux!...
— Ne faites pas cela, malheureux, ne faites pas cela, s'écria M. Girard; vous allez nous faire griller comme au Bazar de la Charité!
— Mais non, mais non, répondit M. Méliès, reculez-vous.et vous allez voir.
Terrifié et tout tremblant, M. Girard fit six mètres en arrière. M. Méliès enflamma un bout de film de 50 centimètres, et, attrapant un siphon d'eau de Seltz, qui se trouvait là par hasard, il s'en servit pour éteindre le feu.
Le visage de M. Girard se transforma instantanément. L'admiration faisait place à la crainte. Il s'exclamait : "Epatant, merveilleux. bravo!" Puis, se tournant vers le commandant des Sapeurs-Pompiers, il lui dit : "Il faut mettre ça dans le règlement !"
Voilà pourquoi M. Morain, Préfet de Police, parle encore de siphons d'eau de Seltz en 1927.
Ciné-journal, 21e année, nº 912, Paris, 18 février 1927, p. 11.
Et après... (1907-1938)
Alors que la production connaît un réel infléchissement, Georges Méliès va se lancer, en 1907, un nouveau projet, en 1907 et que L'année 1907 est tout d'abord marquée par la construction du studio B.
Le Studio B source: Cinémathèque française Reproduit dans MALTHÊTE, 2008: 312. |
Le studio B servant de décor dans le Star-film The MIschances of a Photographer (1908) source: CNC reproduit dans MALTHÊTE, 2008: 250. |
La production va se prolonger jusqu'en 1913, à un rythme beaucoup plus modeste, surtout après 1909 :
Mr. George Melies tells me that he is busily engaged upon the construction of a big variety and picture house at Montreuil-sur-Seine. This is where Mr. Melies' studios are situated, and for the time being the production of films has been suspended. The camera-men will be at work again in July.
The Bioscope, jeudi 2 avril 1914, p. 92.
En mai de 1913, il perd son épouse Eugénie, Alphonsine Génin.
Au début de la guerre mondiale, le théâtre Robert-Houdin suspend ses spectacles qui reprennent en décembre :
Le théâtre Robert Houdin a rouvert ses portes avec ses classiques matinées de prestidigitation, pour les familles à 2 h. et demie, dimanche et fêtes.
Les jeudis, samedis, dimanches et fêtes à 8 heures et demie, et en matinée, à 5 h. concert musical et vocal, avec le concours de MlleChevalier de Boisval, directrice de l'Institut des Arts, de Mlle Méliès, de Gaston Lèbre, président fondateur de l'Union générale des Arts. (U.G.A.).
La Lanterne, samedi 19 décembre 1914, p. 2.
Les portes restent ouvertes jusqu'au début du mois de septembre. 1915. Quelques mois plus tard, Georges Méliès présente une revue dans la salle du théâtre Le Peletier :
Théâtre Le Peletier.-Ce soir, répétition générale publique de la grande revue Ça barde! de G. Méliès, Le Volcan, comédie de Chauvet, précédée de Son Vice, vaudeville de Xanrof. Journalistes, auteurs et artistes reçus sur présentation de leur carte.
Demain samedi en matinée, première représentation.
L'Information financière, économique et politique, Paris, samedi 22 avril 1916, p. 2.
"Ça barde !! Revue de Ges Méliès". Dessin sur papier. Encre et aquarelle. 70,8 x 106,5 cm (1920).
source: Cinémathèque française
Reproduit dans MALTHÊTE, 2008: 316.
Cette revue ne semble pas avoir enthousiasmé la presse :
Au Théâtre Le Peletier
Ici aussi une revuette: Ça barde ! deux actes de M. Meliès. Mais cette oeuvre semble destinée aux tournées pour la province. C'est une suite de chansons qui ne sont pas précisément parisiennes. Elle commence par la classique scène dans la salle entre un compère et une commère improvisés, et l'opinion publique, représentée par une spe tatrice. Les zeppelins sont blagués par un titi. Une receveuse au lieu de faire des trous dana la lune fait des trous dans les tickets. Mercure descend à Montmartre, je n'ai pas bien compris pourquoi. Peut-être pour remplacer la spécialité du do teur Ehrlich.
Les cigales chantent, car c'est leur façon d'économiser. Les différents genres défilent: blague montmartroise, romance dramatique, chanson de la rue... Mme Denis évoque les couplets d'autrefois. La Lisette de Béranger célèbre la mémoire du chansonnier. Un couple en costumes Louis XV soupire un refrain poudré. Un imitateur de Polin lui succède.
Parmi les interprètes, citons MM. de Lormel, de Loste, Dimitri, Darcy, Mme Guitty Howe, Verneuil, Jenny Beil et la danseuse Aleya.
La France, Paris, dimanche 7 mai 1916, p. 2.
Le theâtre Robert-Houdin ouvre à nouveau en avril 1916 sous le nom "Théâtre Robert-Houdin (ciné-salon), puis Aubert-Palace, et les séances se prolongent jusqu'au mois d'août. Le 5 septembre 1917, un incendie se déclare dans la salle :
Le feu au théâtre Robert-Houdin.
Un commencement d'incendie s'est déclaré, hier soir, vers neuf heures, dans la cabine cinématographique du théâtre Robert-Houdin, boulevard des Italiens, au moment où la représentation venait de commencer.
Le personnel a éteint le feu, au moyen de grenades, syphons et du grand secours, avant l'arrivée des pompiers.
La sortie des spectateurs s'est effectuée dans le plus grand calme et sans incident, sous la direction de M. Rousselot, commissaire divisionnaire.
Les dégâts matériels sont peu importants.
Le Figaro, Paris, 6 septembre 1917, p. 2.
Cette même année le studio B est transformé en une salle de spectacles, le Théâtre des Variétés Artistiques, où sont présentés des spectacles montés par Georges Méliès :
Les "Variétés artistiques" de Montreuil-sous-Bois, ont donné, dimanche dernier, une représentation très réussie de Chantecoq, l'amusante piède de Bernède. Signalons aussi une bonne comédie Badinard, ou l'employé modèle de Georges Méliès, jouée par son auteur, MM. Leviz, Maljournal, Deltry et Mlle Simone Méhul.
La Voix nationale, Paris, 21 février 1918, p. 2.
Les spectacles se prolongent pendant quelques années :
Le théâtre des Variétés artistiques. Sou» la direction de M. et Mlle Méliès, Montreuil possède, rue François Debergue, à l'angle de l'ancienne rue du Pré, un théâtre et on peut juger par la foule qui s'y porte chaque semaine, que nombreux sont les amateurs de beaux spectacles. Ils apprécient les pièces que Mlle Méliès, qui est en même temps une de nos plus charmantes actrices, sait choisir et mettre sur pied avec une maestria remarquable.
Et c’est un fait heureux, de constater que, dans une population exclusivement laborieuse comme la nôtre, la préférence se porte particulièrement sur les chefs-d'oeuvre de nos maîtres qui, en tous temps et sur toutes les scènes du monde, ont fait la gloire du théâtre français.
Dans ces conditions, nous pouvons estimer que l’œuvre entreprise, avec leurs propres moyens, par nos aimables et distingués concitoyens M. Méliès et Mlle Méliès, méritent à tous points de vue nos éloges, nos encouragements et nos applaudissements.
Paris-Est, Vincennes, samedi 13 novembre 1920, p. 1.
Montreuil-sous-Bois. Le studio B transformé en Théâtre des Variétés Artistiques (c. 1920)
Reproduit dans: BESSY, 1961: 206.
Son nom est encore associé au théâtre des Variétés Artistiques jusqu'à la session de la salle :
AUX VARIETES ARTISTIQUES
1, rue François-Debergue
Cette semaine et jusqu'à nouvel ordre, relâche provisoire pour terminer le règlement de la succession de Mme Méliès.
Paris-Est, Vincennes, samedi 24 février 1923, p. 3.
Peu après, Méliès épouse Jehanne d'Alcy, son ancienne actrice. Tous les deux se retrouvent au mariage d'André Méliès.
A. Gateau (Paris). Méliès et Jehanne d'Alcy au mariage d'André Méliès (années 1920)
À cette époque Georges Méliès tient une boutique de confiserie et de jouets à la gare Montparnasse.
En 1931, il est fait chevalier de la Légion d'Honneur.
Georges Méliès. Faire-Part de décès (25 janvier 1938) [D.R.]
En ruine depuis de nombreuses
Montreuil. Le studio A peu avant sa destruction en 1945.
Source: La Cinémathèque française.
Sources
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BESSY Maurice et LO DUCA, Georges Méliès Mage, Paris, Prisma, 1945, 206 p.
BESSY Maurice et LO DUCA, Georges Méliès. Mage (édition du centenaire) (1861-1961). Paris, Jean-Jacques Pauvert, 220 p.
BRETON J. L., La Revue scientifique et industrielle de l'année, 1897, Paris, La Revue Scientifique et Industrielle de l'Année/Librairie E. Bernard et Cie, 1897.
The Charles Urban Trading Company, We Put the World Before You By Means of The Bioscope and Urban Films, novembre 1903.
CHER John, "Mr. George Melies: The Star Film Manufacturer", The Bioscope, jeudi 5 décembre 1912, p. 737.
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DEVANT David, My Magic Life, Deven, The Supreme Magic Company, 1971, 288 p.
DRUHOT Léon, "Raccourci pour servir à l'Histoire de la Chambre Syndicale Française de la cinématographie et des industries qui s'y rattachent", Ciné-journal, 25e année, nº 1155, octobre 1931, p. 29.
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