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- Création : 24 mars 2015
- Mis à jour : 4 août 2024
- Publication : 24 mars 2015
- Affichages : 7876
Louis TANNIGER
(Montreux, 1857-Paris, 1928)
Jean-Claude SEGUIN
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François, Charles, Louis Tanniger épouse Louise, Marie Marguerite Bollat (-Aigle, [30]/08/1897. Descendance :
- Isaac, François, Louis Tanniger (Chatel/Bex , 25/11/1852-)
- épouse Anne, Marie Stücker (1855-26/05/1885). Descendance:
- Aline, Charlotte Tanniger (Thonon-les-Bains, 06/06/1880-Thonon-les-Bains, 16/08/1881)
- Alice, Marguerite Tanniger (Thonon-les-Bains, 23/06/1882-)
- Jeanne, Alberte Tanniger (Bellevaux, 12/07/1884-) épouse (Lausanne, 15/12/1916) Georges, Edmond Hugot.
- épouse (Aigle, 04/10/1887) Elise, Marianne Dufour (Aigle, 13/07/1852-). Descendance:
- Autre descendance: François-Félix Tanniger.
- épouse Anne, Marie Stücker (1855-26/05/1885). Descendance:
- Charles, Henri, Louis Tanniger (La Rouvenaz, Montreux, 15/09/1857-Paris 20e, 18/05/1928)
- épouse (Yverdon, [1876]) Marie, Madeleine Gindroz (Yverdon, 1852-Lyon 2e, 04/10/1882). Descendance:
- Julie Tanniger (1877-)
- Lina Tanniger (Aigle, [04]/1880-Lyon 2e, 24/10/1882)
- Joseph, Louis Tanniger (Lyon 3e, 10/04/1882-)
- épouse (Aigle, 02/11/1886. Divorce: Vevey, 20/06/1907) Mathilde Borloz (Villeneuve, 05/03/1863-). Descendance :
- Henri Tanniger (Bex, 1887-)
- Mathilde Tanniger (Lausanne, 1890-)
- Charles, Paul Tanniger (Lausanne, 27/01/1892-Lausanne, 15/02/1963)
- Louise, Lina (Lyon 3e, 21/03/1893-Genève, 17/10/1894)
- Charles Tanniger (1894-Genève, [26]/10/1894).
- Gustave Tanniger (Lausanne, 02/12/1895-Soissons, 30/05/1918).
- Blanche Tanniger (Lausanne, 02/04/1897-[Lausanne, [08]/01/1969]).
- Lara Tanniger (Vevey, 1901-)
- Rachel Tanniger (Monthey, 1902-)
- Benjamin Tanniger (Tour de Peilz, 10/04/1904-Riverside, 21/12/1949)
- épouse (publication des bans: Lugrin, 26/08/1907) Jarthude, Brigitte Mercier (Lugrin, 22/12/1874-). Descendance:
- William, Roger Tanniger (Arlod, 29/12/1910-Lyon 5e, 08/02/1984) épouse (Villeneuve-le-Roi, 26/05/1934) Lucienne, Antoinette Servajean (Paris 9e, 11 /06/1911-Boussy-Saint-Antoine, 09/05/2007).
- épouse (Yverdon, [1876]) Marie, Madeleine Gindroz (Yverdon, 1852-Lyon 2e, 04/10/1882). Descendance:
- Charles, Philippe Tanniger (Aigle, 29/02/1860-) épouse (Aigle, 02/11/1886) Rodolphine Pilet (Château d'Oex, 12/05/1860-).
- un enfant (-Genève, 10/1894).
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Les origines (1857-1895)
Originaire de Montreux, Louis Tanniger vit probablement avec sa famille dans le canton de Vaud pendant quelques années. Dans ses souvenirs, il évoque son enfance à l'école :
A l'école, j'étais un élève indiscipliné et pervers, mais je dois dire ici, en toute conscience, que je n'ai pas toujours trouvé, chez mes instituteurs, l'indulgence et la patience nécessaires. Certaines brutalités, dont j'ai été l'objet, ont beaucoup contribué à m'aigrir et à m'endurcir.
TANNIGER, 1897: 9.
En 1860, son comportement le conduit vers une maison de discipline :
Mes parents me placèrent à droite et à gauche, mais le pli était pris, je ne voulais plus obéir. Je fus placé dans une maison de discipline, à la colonie de Serix, près d'Oron.
Cet établissement était bien loin d'être alors ce qu'il est aujourd'hui; la discipline n'y était pas toujours bien comprise, et plus d'une fois l'injustice et la brutalité de certains sous-maîtres nous poussèrent à la rébellion; aussi les évasions étaient-elles nombreuses.
TANNIGER, 1897: 10.
Après une dernière évasion, Louis Tanniger va traîner, quelques mois, avec une bande de jeunes garçons de son âge avant de rejoindre sa mère qui habite à Aigle, avant de retourner à nouveau à la colonie de Serix. À la sortie de l'établissement disciplinaire, il rentre en apprentissage chez un cordonnier :
A ma sortie de la Colonie, j'entrai en apprentissage chez un cordonnier, à Aigle. Ce métier eut beaucoup de peine à pénétrer dans ma tête. Je passais mes nuits à lire des romans et je ne rêvais que voyages, vin et tabac. Je faisais "la noce" comme un ouvrier et je préférais la vie du cabaret à celle de l'atelier.
TANNIGER, 1897: 19.
En [1876], Louis Tanniger s'installe à Yverdon où, six mois plus tard, il épouse Marie, Madeleine Gindroz :
Six mois après mon arrivée dans cette ville, je me mariai. J'étais bien jeune encore pour me mettre en ménage, j'avais dix-neuf ans, mais il le fallait, sous peine de laisser sans père un enfant.
TANNIGER, 1897: 33.
Suit alors une période de misère noire, au cours de laquelle il exerce différents métiers. Il travaille dans une papeterie à Serrières, puis dans un chantier de terrassement à Neuchâtel, afin de rejoindre sa femme et ses enfants à Aigle où il est condamné, pour voie de faits à deux reprises (26 décembre 1879 : 15 francs d'amende et 3 août 1881 : 40 jours de réclusion). Lui et son frère Charles décident d'échapper à cette dernière condamnation :
Ami lecteur, nous voici, mon frère et moi, sur la grand'route qui va de Genève à Lyon: plutôt que de subir notre condamnation, nous préférons nous expatrier; nous allons là-bas, dans la seconde ville de France, chercher du travail. Je laisse au pays ma femme et mes enfants; bientôt, je l'espère, ils pourront venir me rejoindre. Dans cinq ans, les effets de notre condamnation étant sans force, nous pourrons rentrer en Suisse.
TANNIGER, 1897: 48.
Dans la capitale des Gaules, Louis Tanniger travaille d'abord dans une usine. Lors du recensement de 1881, il est installé à Lyon 3e (88, rue Dunoir) avec sa famille: son épouse Marie (ménagère), ses deux filles, Julie et Lina, et son jeune frère Charles, célibataire, qui exerce la profession de "liseur". Louis Tanniger figure, quant à lui, comme manœuvre. Cette situation précaire va se doubler de la disparition de Marie, Madeleine Gindroz, son épouse, et de Lina :
Le jour où ma petite fille fut enterrée, je fus incapable de suivre le convoi; j'étais ivre à tel point que j'arrivai à l'hôpital trois heures après le départ du cercueil. Triste père que le père ivrogne !!
TANNIGER, 1897: 55.
Son autre frère, François, est pour sa part installé en Haute-Savoie, de 1880 à 1884, au moins. Quand à Louis Tanniger, il semble alors s'informer sur la pensée anarchiste comme semble l'indiquer les lignes qui suivent :
Les colonnes des journaux étaient remplies à cette époque des exploits des nihilistes, et l'anarchie montrait déjà sa sinistre figure. Le nom le plus en vue à ce moment-là était celui de Kropotkine, le révolutionnaire russe. Je connaissais ses théories et trouvais qu'en effet, il était temps que les opprimés levassent la tête. J'étais aigri, mon cœur était rempli d'amertume, je ne voyais partout que l'injustice des hommes. En France, l'église et les prêtres me semblaient être la cause de beaucoup de misères.
TANNIGER, 1897: 56.
En 1882, il envisage même de rencontrer Pierre Kropotkine, installé à Thonon depuis 1881, mais, le projet tourne court, car ce dernier est arrêté à Lyon, en décembre 1882, puis condamné, le 19 janvier 1883, à cinq ans de prison. Pendant quelque temps, Louis Tanniger se joint à des forains où il est, tout à tour, "lutteur suisse", joueur de cartes et diseur de bonne aventure. Il mène cette vie itinérante, dans le Jura français où on le retrouve en décembre 1883, avant qu'il ne rejoigne le canton de Vaud où, arrêté par la police, il doit purger sa peine de cent jours de prison. Puis il reprend sa vie incertaine :
Pendant trois ans, je menai la plus triste des existences. Un jour, je me mettais résolument au travail, puis, tout à coup, je reprenais la pâte américaine.
TANNIGER, 1897: 61.
Cette "pâte américaine" n'est rien d'autre que du savon découpé en lamelles et revendu aux acheteurs naïfs comme détachant miracle. Il exerce par la suite plusieurs petits métiers : chanteur pour un joueur d'orgue de barbarie dans la région de Lavaux, contrebandier de tabac, ouvrier dans un chantier de terrassement au Bouveret. Il est alors arrêté pour vagabondage par la police de Lausanne et condamné à deux mois de prison (19 novembre 1884) :
L'accusation de vol pour laquelle j'avais été arrêté, tombant d'elle-même, on ne trouva rien de mieux à faire que de m'expulser pour vagabondage et mendicité. C'était une injustice des plus flagrantes, puisque j'avais du travail et mon domicile dans la localité.
TANNIGER, 1897: 64.
Au début de l'année 1885, on retrouve Louis Tanniger en Savoie :
Un mois plus tard, je me retrouvais dans la Savoie, dirigeant une maison de commerce avec magasin, cabaret, etc., appartenant à une veuve. Fatigué de la triste vie que j'avais menée jusqu'alors, je soupirais après le repos et croyais l'avoir trouvé. Je ne tardai pas à m'apercevoir que la série de mes déboires n'était pas encore terminée.
TANNIGER, 1897: 66.
En effet, refusant d'accepter la proposition d'une ancienne connaissance qu'il l'incite à escroquer celle l'a accueilli, raconte-t-il, il est dénoncé par cette "connaissance" comme fugitif. Ainsi, à Thonon, il est accusé d'outrages à gendarme et écope de deux mois de prison (18 juin 1885) avant d'être expulsé le 29 juin 1885 :
Tanniger, qui a subi de nombreuses condamnations, figure sur l'état signalétique des Étrangers expulsés de France, nº 163, de Juillet 1885, sous la rubrique suivantes : Tanniger Charles, Henri, Louis, né à Montreux (Suisse) expulsé par arrêté ministériel du 29 juin 1885;âgé de 27 ans, taille 1 m. 79, cheveux, sourcils et yeux noirs, bouche grande, barbe noire, visage ovale, teint brun, cicatrice au front; arrêté notifié."
Chassé de toutes parts, Louis Tanniger revient à Thonon où il est à nouveau condamné pour "rupture de ban" et "Filouterie d'aliment" (Thonon, juillet-novembre 1885) et enfermé dans la prison départementale d'Annecy. À sa sortie, il est employé à la construction du Vollandes-Annemasse, puis il revient à Aigle pour retrouver ses parents et ses enfants. Il décide alors de changer de vie :
La prophétie de mon frère s'est réalisée : le même soir, je signais un engagement de tempérance. C'était le 20 mai 1886.
TANNIGER, 1897: 103.
Le propagandiste évangéliste (1886-1889)
À la fin de l'année 1886, il épouse, en secondes noces, Mathilde Borloz, à Aigle qui est la commune où est implantée la famille. Cet événement personnel va sans doute aussi décider de sa future carrière d'évangéliste. Son frère Charles lui aussi convole en justes noces ce même jour de 1886. Ce dernier exerce alors la profession de scieur. Son autre frère, François, est charron avant de devenir propriétaire de la maison Tanniger-Dufour à Aigle. Il y a donc tout lieu de penser que le mariage marque bien une rupture dans l'existence mouvementée de Louis Tanniger. Par ailleurs, les frères Tanniger entretiennent des relations avec la Croix-Bleue.
Il faut remonter une dizaine d'années plus tôt, en 1877, pour assister à la naissance, le 21 septembre, de la Société suisse de tempérance, fondée par le pasteur vaudois Louis, Lucien Rochat (Genève, 07/01/1849-Genève, 10/12/1917). Son objectif est de "combattre l'abus des boissons alcooliques et de travailler au relèvement moral et religieux des victimes de l'intempérance" (article 2 des statuts). En 1881, elle adopte le symbole de la Croix-Bleue et deux ans plus tard, elle prend le nom officiel de Société suisse de la Croix-Bleue.
Louis, Lucien Rochat (Genève, 07/01/1849-Genève, 10/12/1917)
L'une des premières traces de la conversion des frères Tanniger remonte au début de l'année 1887. Charles est ainsi propriétaire du Café-Chocolat de la Croix-Bleue à Aigle.
Feuille d'avis du district d'Aigle, Aigle, samedi 8 janvier 1887, p. 4.
Quant à Louis, il commence à donner des conférences sur la "Tempérance" comme celle qu'il offre dans la salle d'école de Cummugny en janvier 1887.
Courrier de la Côte, Nyon, mardi 22 février 1897, p. 3.
Dès cette époque, il est en contact avec Henri Cornaz, membre du comité central de la Tempérance. Charles Tanniger semble alors bien avoir un rôle prépondérant dans ces activités liées à la Croix-Bleue (Section d'Aigle), comme l'indique l'annonce suivante.
Feuille d'avis du district d'Aigle, Aigle, samedi 25 juin 1887, p. 4.
Dès lors, les conférences ou réunions publiques vont se multiplier sous l'égide de la Société Suisse de Tempérance ou Croix-Bleue. Il demeure toujours dans le district d'Aigle, mais réside, semble-t-il, à Bex. En 1887, il publie son autobiographie sous le titre Comment un récidiviste en a fini avec la prison.
Le chantier de Bienfaisance (1889-1891)
On peut situer le changement de résidence de Louis Tanniger vers le milieu de l'année 1889. Une annonce brève semble l'indiquer :
On demande à louer 2 pièces au midi, si possible, dans un 1er étage, pouvant servir de bureaux. Adresser les offres chez L. Tanniger, Maups 29.
Feuille d'avis de Lausanne, Lausanne, samedi 8 juin 1889, p. 6.
S'il ne cesse de donner des conférences ou d'organiser des réunions dont le but reste toujours le même, il va consacrer une part de son temps à la création d'un lieu d'accueil pour les détenus libérés qui va prendre la forme d'un chantier de Bienfaisance. Dès juin 1889, il les recueille comme en témoigne l'article suivant :
Patronage des détenus libérés.
Le rapport de la commission centrale pour 1888 constate combien cette institution rend de services et combien son activité est mise à l'épreuve, grâce surtout aux relations et conventions non seulement intercantonales, mais internationales qu'elle a formé l'an passé.
[...]
Il n'est qu'un très petit nombre de commissions de district qui aient à s'occuper de détenus libérés; il faut faire une exception en ce qui concerne celle de Lausanne, qui est appelée à recevoir, à seconder, à caser et à surveiller la presque totalité des détenus et des colons libérés.
"Sous la surveillance de la commission de Lausanne et de M. le ministre Grobet, dont la collaboration à notre œuvre mérite tous éloges, dit encore le rapport, M. Tanniger, agent très dévoué des sociétés d'abstinence du canton, recueille chez lui et patronne ceux des détenus libérés qui n'ont pu obtenir du travail le jour même où ils sont sortis de prison. Ils y restent jusqu'à ce qu'on soit parvenu à leur en procurer. Bien que certaines préventions, qui tendent toujours plus à se dissiper, existent encore contre les sociétés d'abstinence, nous ne saurions reprocher à la commission d'être entrée dans cette voie. Au fond, l'œuvre du patronage et celle de l'abstinence, ou en tout cas de la tempérance, se complètent l'une l'autre...
L'Estafette, Lausanne, mercredi 19 juin 1889, p. 4.
Le succès est probablement au rendez-vous puisqu'en septembre sa maison ne suffit plus à sa tâche, et il est à la recherche d'un hangar :
On demande à louer
un hangar, remis en grange, pouvant se fermer.
Adresser les offres à L. Tanniger, Maupas 29.
Feuille d'avis de Lausanne, Lausanne, jeudi 5 septembre 1889, p. 3.
L'idée consiste à combiner une œuvre de bienfaisance et un commerce qu'il ouvre rue Valentin :
COMMERCE DE BOIS
L. TANNIGER ayant ouvert un commerce de bois, avise le public qu'il a à sa disposition du bois de première qualité.
Gros et détail, rendu au bûcher au prix courant dans la ville. Un prochain article donnera au public des détails sur le but de ce travail.
Adresser les commandes: Maupas 29 ou au chantier rue Valentin 13.
L'Estafette, Lausanne, mardi 22 octobre 1889, p. 1.
Dans sa démarche, Louis Tanniger gagne le soutien des autorités locales dont celle du ministre Grobet qui voit d'un bon œil ces activités caritatives :
On nous écrit:
Monsieur le Rédacteur,
Permettez-moi d'emprunter la voie de votre journal pour recommander au public une œuvre nouvelle, qui, nous l'espérons, rendra de bons services et trouvera l'appui et les encouragements dont elle a besoin.
Sous les auspices de la Mission intérieure, un chantier de travail a été ouvert au Valentin, nº 13, sous la direction de M. Tanniger. Les hommes momentanément sans occupation peuvent y aller scier et fendre du bois, moyennant une rétribution convenable. Des carnets de bons sont remis aux personnes qui estiment avec raison qu'il ne faut pas donner d'argent à la porte, mais qui craignent aussi de renvoyer avec les fainéants de profession les vrais nécessiteux. Le bon de travail, dédaigné par les rentiers de la paresse, sera apprécié par l'homme qui préfère au pain de l'aumône celui qu'il a pu gagner. On délivre aussi d'autres bons pour les dons de bois aux familles indigentes.
Plus le chantier aura de personnes disposées à s'y fournir de bois, plus il pourra procurer de travail aux malheureux en quête d'emploi.
Les demandes de bons et les commandes de bois doivent être adressées à M. Tanniger, chantier du Valentin, nº 13.
Agréez, etc.
E. Grobet, ministre.
Nouvelliste Vaudois, Lausanne, mardi 5 novembre 1889, p. 3.
L'affaire prospère puisque Tanniger est à la recherche d'un nouvel appartement en mai de l'année suivante :
On demande à louer dans le quartier du Maups, St-Roch et Valentin, un appartement de 5 à 7 pièces, si possible avec jardin, pour le 24 septembre. S'adresser à L. Tanniger, Maupas 29.
Feuille d'avis de Lausanne, Lausanne, mardi 27 mai 1890, p. 6.
Quelques semaines plus tard, le couple et ses nombreux enfants emménagent à leur nouvelle adresse :
Changement de domicile
27537 Les personnes que cela peut intéresser sont avisées que J. [sic] Tanniger, directeur du chantier de bienfaisance, a transféré son domicile
6, Chemin Neuf, 6.
Feuille d'avis de Lausanne, Lausanne, samedi 27 septembre 1890, p. 6.
Régulièrement, la presse rend hommage à l'œuvre réalisée par Tanniger :
Chantier de bienfaisance
[...]
Si l'on considère que la plupart de ceux qui se présentent sont des hommes inhabiles, repoussés de partout, souvent même des infirmes et des valétudinaires, on comprendra les services rendus par cette entreprise, qui n'a eu jusqu'ici à solliciter de la libéralité publique aucun appui, sauf celui des bons distribués, et se suffit à elle-même, employant ses quelques bénéfices qu'elle peut réaliser, à secourir un plus grand nombre de malheureux...
Feuille d'avis de Lausanne, Lausanne, samedi 6 décembre 1890, p. 11-12.
Entre temps, il continue de prêcher la bonne parole dans tout le Vaudois et même, occasionnellement, au-delà. Pourtant, un journal local, Le Grütli, va lancer un pavé dans la mare. Il dénonce la "bienfaisance fin de siècle" qui, sous des dehors honorables, dissimule des buts moins avouables. L'échange est long, mais instructif, non seulement sur le cas particulier de Louis Tanniger, mais aussi sur les tensions qui existent autour des activités de la Croix-Bleue qui sont loin de faire l'unanimité :
Bienfaisance fin de siècle
Il existe au Valentin un chantier de bienfaisance exploité par un adepte de la société de la Croix-Bleue. Voici à grands traits les bienfaits qu'il procure aux malheureux indigents qui, par cet hiver rigoureux, se voient obligés de s'adresser à ce singulier philanthrope:
Pour travailler dans cette nouvelle Sibérie, il faut être muni de bons qu'on paye à ce grand bienfaiteur à raison de 15 centimes. Chacun de ces bons représente une heure de travail; on en exige trois pour être admis à travailler. Lorsque vous avez scié et coupé du bois pendant trois heures on vous donne 50 centimes ! Ce bienfaiteur paye donc les malheureux pères de familles transis de froid et de faim, un pue moins de deux centimes à l'heure ou 18 centimes pour une journée de 10 heures !!
Voilà l'œuvre de bienfaisance que l'on veut encourager. C'est réussi !
Ce grand philanthrope a encore l'aplomb de prêcher aux ouvriers l'abstinence de toutes boissons alcooliques et du tabac sous toutes ses formes.
A notre tour de lui prêcher l'abstinence de l'exploitation honteuse du pauvre diable, au moment le plus pénible de l'année.
Allez, sublime bienfaiteur, vous êtes digne de vous asseoir à la droite du succulent gérant du Mont-de-Piété.
H.M.
Le Grutli, Lausanne, 12 mars 1891, p. 3.
Certes Le Grütli est l'organe de presse des socialistes vaudois qui a souvent maille à partir avec la presse confessionnelle ou conservatrice locale, et cela peut expliquer la virulence des propos comme on peut à nouveau le constater dans l'échange entre Louis Tanniger - qui écrit au journal - et la longue réponse que la rédaction adresse au "bienfaiteur":
Bienfaisance fin de siècle.-Nous avons reçu la lettre suivante en réponse à un article paru dans notre numéro 19, critiquant l'exploitation en grand des ouvriers faite sous le manteau de la religion et de la bienfaisance au chantier du Valentin.
"A la rédaction du journal Le Grutli.
Monsieur le Rédacteur,
Il nous répugne de répondre aux injures et à la calomnie, aussi ne nous proposions-nous pas de relever l'article paru sous le titre: Bienfaisance fin de siècle, dans le numéro de votre journal du 12 mars. Mais, constatant qu'il est encore des gens qui croient devoir ajouter foi à tout ce qui s'imprime, nous vous présentons quelques chiffres qui suffiront à convaincre ceux qui ont souci de la vérité de ce que valent les allégations de votre correspondant.
Depuis le mois de septembre 1889, date de la fondation, jusqu'à la fin févier 1891, le chantier de bienfaisance a inscrit plus de 12,000 entrées d'ouvriers sans travail, auxquels il a été fourni de l'occupation qu'ils avaient en vain sollicitée ailleurs. Or aucun d'entre eux n'a travaillé à un prix inférieur à 25 cent. l'heure.
Si l'on considère que la plupart de ces ouvriers sont des hommes repoussés de partout, souvent inhabiles au travail, parfois même des impotents, on comprendra · qu'un appui des amis de l'œuvre soit nécessaire à son succès. Cet appui a été fourni sous la forme de bons de travail, dont il a été délivré, pendant les 18 mois écoulés, pour une somme de 5,650 francs. Or, pendant le même laps de temps, la caisse du chantier a payé pour 11,113 fr. d'heures et journées de travail, sans compter 1580 fr. pour salaires d'employés, 2858 fr. de loyer et frais généraux, et 1871 fr. d'outillage, donc au total une somme de 15,551 francs.
À l'heure qu'il est, le comité est à la veille de devoir emprunter une somme de 10,000 francs pour la construction d'un hangar à la rue du Jura, où le chantier va être transporté. Nous ne doutons pas que vos lecteurs, mieux informés, ne se sentent pressés de redoubler d'intérêt pour une œuvre qui a fait ses preuves et conquis la sympathie des honnêtes gens de tous les partis, qui ne se sont pas fait faute de lui rendre publiquement témoignage.
Pour ceux qui ne seraient pas convaincus, nous nous bornons à ajouter que le chantier est placé sous la direction et la surveillance d'un comité composé de personnes des plus considérées de notre ville, qui rend, une fois par an, compte de son administration en séance publique et tient ses livres à la disposition de tous ceux qui s'intéressent à l'œuvre.
La Direction du chantier de bienfaisance.
Vous voudrez bien, Monsieur le rédacteur, sans que j'aie à me réclamer de la loi sur la presse, insérer la réponse ci-dessus dans votre plus prochain numéro.
Louis TANNlGER."
La direction du chantier de bienfaisance, soit Louis Tanniger, nous cite un grand nombre de chiffres pour chercher à égarer la discussion. Notre correspondant a affirmé que lorsqu'un ouvrier avait travaillé pendant 3 heures on le payait 50 centimes, après avoir préalablement exigé de lui 3 bons payés par les bonnes âmes à Tanniger au prix de 15 centimes le bon, soit 45 centimes, faisant ainsi un débours de la part du directeur de 5 centimes par 3 heures de travail.
D'après sa lettre, Tanniger affirme n'avoir pas payé un ouvrier moins de 25 centimes de l'heure ce qui fait que pour 3 heures de travail il aurait payé 75 centimes mais aurait reçu 45 centimes par les bons exigés, donnant ainsi une dépense de 30 centimes pour trois heures soit 10·centimes de l'heure. Or de l'aveu même du dit Tanniger il résulte qu'il a exigé 3 bons de 15 centimes pour faire travailler 2 heures et qu'il a payé 50 centimes en faisant ainsi un débours de 5 centimes pour 2 heures de travail, soit 2 1/2 centimes de l'heure.
D'après ces derniers chiffres, 10 heures de travail revenait au philantrophe 25 centimes par jour.
Nous maintenons donc purement et simplement nos allégués et nous disons que de même que le mémoire de l'atroce Fiaux, la lettre du philantrophe Tanniger ne fait que confirmer qu'il s'est pratiqué sous le cachet de la charité une exploitation ignoble dans les chantiers du Valentin.
Les chiffres donnés par Tanniger démontrent qu'il y a eu des bénéfices immenses réalisés au détriment de pauvres meurs-de-faim et nous posons la question suivante, non pas à L. Tanniger, mais au comité composé d'après Tanniger "des personnes les plus considérées de notre ville," espérant que celui-ci voudra bien nous répondre.
A combien se montent ces bénéfices et surtout quel en est l' emploi ?
Espérons que la réponse sera satisfaisante et que notre article ayant attiré l'attention du public sur cette exploitation honteuse qui se faisait évidemment à l'insu dμ comité, puisqu'il est composé "des personnes les plus considérées de notre ville," celui-ci y mettra . bon ordre.
Quant à la première phrase de la lettre du récidiviste Tanniger, déclarant qu'il lui répugne de répondre aux injures et à là calomnie, nous la lui laissons pour compte. Elle ne nous atteint pas de la part d'un ancien habitué des prisons de Vevey, Lausanne, Thonon et Annecy, ainsi que d'un homme qui parlant de lui-même déclare:
"Qu'à Genève il se trouvait dans son élément ayant fait connaissance avec de petits mauvais sujets et passant leurs journées à rôder dans les campagnes des environs de la ville et à vivre d'expédients."
Et plus loin "qu'il se livrait à une industrie des plus coupables mais trop longue à détailler." (Quelle industrie ??) Réd.
En terminant nous envoyons nos félicitations les plus sincères au "comité composé des personnes les plus considérées de notre ville", qui ont su choisir un si digne intermédiaire pour exploiter les pauvres ouvriers, lesquels grâce à un hiver des plus rudes ont eu recours à ce chantier dit de bienfaisance.
Au cas ou Lausanne n'accepterait pas la statue offerte pas Osiris Iffla, nous proposons qu'avec les bénéfices du chantier le comité fasse élever une statue aux philantrophes composant la bienfaisante Trinité lausannoise:
Fiaux-Tanniger-Dupertuis.
Le Grutli, Lausanne, 16 avril 1891, p. 3-4.
Pourtant, on ne peut écarter d'un revers de manche la dénonciation du Grütli particulièrement argumentée et le probable détournement de l'argent public au détriment des prisonniers en "réinsertion".
Si Louis Tanniger a jusqu'alors réservé, pour l'essentiel, ses conférences au public vaudois, il entreprend ce que l'on peut considérer comme son premier voyage d'évangéliste à l'étranger. C'est au printemps 1891 qu'il se rend en effet dans le midi de la France pour son œuvre d'évangélisation. Il aurait été ainsi dans de nombreuses villes comme Lyon, Alais, Nîmes, Aigues-Mortes, Marseille, Toulon... dont la presse ne se fait guère l'écho. Tel n'est pas le cas de sa conférence donnée à La Seyne qui est annoncée par la presse locale :
La Seyne
[...]
UNE CONFÉRENCE: Lundi soir, 25 mai, à 8 heures, une conférence sera donnée dans la salle du sous-sol des Ecoles, par L. Taniger [sic]. Le sujet à traiter sera La boisson et la prison.
M. Taniger possède son sujet à fond, en sa qualité d'ancien récidiviste. C'est dire que la conférence présentera un grand intérêt.
L'entrée du sous-sol est absolument gratuite.
Les dames sont admises à cette conférence.
Le petit Var, Toulon, lundi 25 mai 1891, p. 3.
Il fait alors équipe avec James Gross, un pasteur de La Neuveville :
Après cette excellente et cordiale allocution, un ancien buveur, M. L. Tanniger, devenu un des apôtres de la cause, a parlé d'une manière des plus captivantes d'un récent voyage de propagande qu'il a fait à Lyon, Alais, Nîmes, Aiguemorte, Marseille, en compagnie de M. le pasteur Gross, de Neuveville. Partout où arrivaient les deux prédicateurs de la tempérance, on ne manquait presque jamais de leur dire que le mal n'existait pas dans l'endroit, mais bien en Suisse et chez les voisins. Mais MM. Gross et Tanniger se sont vite rendu compte de ce qui entretenait cette illusion. En Suisse, l'ivrognerie a pour cause ordinaire le vin et sa victime se donne en spectacle, titube, gesticule ; en France, on ne boit presque pas de vin, mais de l'absinthe, qui produit une ivresse différente, celle de la stupeur et de l'engourdissement, non moins redoutable cependant que l'autre. A Nîmes, ces deux messieurs ont compté dans quelques établissements environ 200 buveurs d'absinthe et pas un seul buveur de vin. Les débitants leur ont dit maintes fois que l'absinthe était leur gros revenu. L'orateur parle des réunions tenues en diverses villes, notamment à Lyon, dans la salle où les anarchistes tiennent leurs meetings, et des encouragements divers qu'ils ont reçus.
Journal de Genève, Genève, 24 juin 1891, p. 3.
Alors qu'il est encore sous le coup de son expulsion de France (1885), il va être autorisé, en 1891, à résider dans l'hexagone:
LE DIRECTEUR DE LA SURETE GENERALE,
à Monsieur le Commissaire Spécial de Bellegarde..
Le nommé TANNIGER (Charles-Henri-Louis) qui a fait l'objet de vos rapports des 15 mars dernier et 11 avril courant, a été expulsé de France par arrêté du 29 juin 1885 à la suite d'une condamnation prononcée contre lui le 18 du même mois, par le tribunal correctionnel de Thonon, pour outrages envers la gendarmerie. Mais il a été autorisé à résider sur notre territoire par décision ministérielle du 20 janvier 1891.
Pour la Directeur de la Sûreté Générale,
Le Sous-Directeur.
Il effectue un deuxième voyage, cette fois-ci dans le Nord de la France. La presse roubaisienne est l'une des rares à évoquer l'art de l'orateur :
Dans un langage ardent et imagé, il a dépeint les funestes conséquences, les terribles ravages, physiques et moraux, suite inévitable d'habitudes d'intempérance, qui ne sont d'abord qu'un simple défaut avec lequel on joue, puis un vice qui s'impose en maître tyrannique, enfin une passion absorbante, irrésistible, avec, au bout, le delirium tremens, dans la plupart des cas, et le plus souvent une pitoyable mort sur un lit d'hôpital pour l'ouvrier qui a dépensé, sans compter, l'argent de sa femme et de ses enfants, la veuve et les orphelins de demain.
Journal de Roubaix, Roubaix, mardi 20 octobre 1891, p. 2.
Il pousse jusqu'à Paris pour participer à une réunion organisée par la section locale de la Société de Tempérance de la Croix-Bleue.
À son retour, le chantier du Valentin se révèle à nouveau insuffisant, et c'est avec l'appui du comité cantonal de la Croix-Bleue dont il fait partie que l'idée de trouver de plus amples locaux voit le jour:
Société lausannoise de secours pour le travail.-Le chantier du Valentin destiné à venir en aide aux "ouvriers sans travail" étant devenu insuffisant, le comité a élevé, rue du Jura, une construction plus vaste où le chantier est installé aujourd'hui. Le comité de l'œuvre a provoqué la formation d'une société civile inscrite au registre du commerce sous le nom de : Société lausannoise de secours par le travail. Cette société a repris la direction générale du chantier, celle de l'Asile pour les détenus libérés, et se réserve d'y ajouter, dans la mesure où ses ressources le lui permettront, d'autres branches d'activité philanthropique analogues dont le besoin pourra se faire sentir.
Le comité d'administration a été composé de MM. A.-E. Périllard, pasteur, président; G. Gaulis, notaire, secrétaire et Alfred Galland, banquier, trésorier.
M. L. Tanniger a été confirmé dans ses fonctions de gérant du chantier.
Afin de faciliter aux amis de l'œuvre l'acquisition des bons de travail, il en été établi des dépôts aux adresses suivantes, où ils sont en vente dès ce jour: Banque Galland et Landis, 2, rue de Bourg. Librairie Mack, 29, rue de Bourg. Epicerie Campiche, 6, rue Haldimand. Mission intérieure, 9, Grand-St.-Jean. Chez le gérant, M. L. Tanniger, 6, rue Chemin-Neuf, et au bureau du chantier.
Pour les commandes de bois de chauffage, on est prié de s'adresser directement au Chantier de travail, rue du Jura. Téléphone.
La Revue, Lausanne, mercredi 28 octobre 1891, p. 2.
Le séjour à l'étranger (1892-1893)
Pour des raisons non éclaircies, Louis Tanniger décide de quitte Lausanne comme l'indique l'annonce suivante :
A remettre pour cause de départ, pour le 24 décembre, un appartement de 6 pièces, cuisine et dépendance.-S'adresser Maupas 55, chez Ls Tanniger.
Feuille d'avis de Lausanne, Lausanne, vendredi 30 septembre 1892, p. 3.
Le départ, annoncé pour décembre, ne se fait pas en catimini, bien au contraire, il donne l'occasion à Louis Tanniger d'organiser une "soirée familière avec thé", le jeudi 15 décembre 1892.
Feuille d'avis de Lausanne, Lausanne, lundi 12 décembre 1892, p. 5.
Peu après, il s'installe à Lyon (273, rue Paul-Bert) où l'on trouve sa trace dès le mois de mars, à la naissance de sa fille Louise, Lina. Il va également intégrer l'Église baptiste selon le témoignage suivant :
FRANCE
Rev. Ruben Saillens.
Paris, Oct. 21, 1892.
In Lausanne, I had the pleasure to baptize four people; on , Mr. Tanniger, is the Apostle of Temperance in Switzerland and France; he and his wife are going to settle down in Lyons, where they will be a valuable addition to our church. The Lyons work i progressing.
The Baptist Missionary Magazine, vol. LXXIII, nº 1, January 1893, p. 24.
Vers le milieu de l'année, il part pour les États-Unis. Il quitte ainsi Le Havre à bord de la Bourgogne direction New York où il arrive le 6 juin 1893. Il se rend à Chicago, mais nous ignorons les raisons précises de ce voyage.
Le restaurant populaire (1893-1895)
De retour en Suisse, vers le mois d'octobre 1893, semble-t-il, Louis Tanniger reprend ses conférences sur la tempérance :
Nous attirons l'attention de nos lecteurs sur la réunion de tempérance qui aura lieu demain soir à 7 heures et demie dans la grande salle de Réunions à Clarens.
[...]
Demain soir, toutes les personnes qui connaissent M. Louis Tanniger, ce vaillant apôtre de la tempérance qui travaille depuis un an à Lyon et qui revient d'un voyage à Chicago, seront heureux de profiter de l'occasion qui leur est offerte de l'entendre à Clarens.
Feuille d'avis de Montreux, Montreux, 21 octobre 1893, p. 4.
S'il s'accorde une escapade en décembre pour se rendre au 1er Congrès des Sociétés françaises de tempérance de la Croix-Bleue qui se tient à Paris, il va s'installer à Genève où il poursuit ses activités et ouvre un "Restaurant populaire" :
La Tribune de Genève, Genève, jeudi 5 juillet 1894, p. 4.
Comme on peut le constater, Louis Tanniger ne lésine pas sur la publicité que l'on retrouve dans la presse régionale de façon récurrente. Un journal genevois vante les restaurants similaires:
La Tempérance à Genève
Dans le dernier numéro de la Croix-Bleue, M. le past. J. Bianquis donne les détails suivants sur l'œuvre de tempérance à Genève:
"C'est surtout à Genève que j'ai eu l'occasion de constater l'importance du mouvement et le succès déjà obtenus. De vaste cafés de tempérances ouvrent leurs portes au public, sur les plus belles voies: la rue Chantepoulet, le boulevard de Plainpalais, le cours de Rive. Notre ami, M. Tanniger, commence à voir le public affluer, aux heures de repas, dans son restaurant très confortablement aménagé où il nous a versé une bouteille d'excellent champagne de la Madeleine, mousseux, désaltérant, mais vierge de tout alcool.
La Tribune de Genève (supplément), Genève, dimanche et lundi 26 et 27 août 1894, p. 1.
Cet alcoolique repenti va même republier son petit opuscule, sous le titre d'Autrefois et Maintenant, complété par le témoignage de son frères Charles.
Louis Tanniger, Autrefois et Maintenant, 1897 (2e édition)
col. Grimh
La presse locale s'en fait l'écho :
Autrefois et maintenant.
On nous écrit :
L'opuscule que nous signalons ici n'est pas une œuvre littéraire : c'est le récit d'une vie vécue, récit tracé sans aucune prétention au style, mais plus saisissant, peut-être, par son accent d'incontestable vérité, que s'il sortait d'une plume plus expérimentée ou plus habile. Sous le titre Autrefois et maintenant, M. L. Tanniger raconte, en s'adressant surtout à ses anciens compagnons de misère et de vice, la transformation radicale produite dans son cœur et dans sa vie lorsque, selon l'expression d'un de nos plus beaux cantiques, la figure idéale du Christ « vint resplendir sur sa route ». A dater de ce moment, son énergie indomptable et jusque-là toujours déployée d'une façon malfaisante et dans des buts pervers, changea de direction et fut mise, sans réserve, au service du bien.
Non seulement il renonça à la vie infâme qu'il avait menée jusqu'alors, mais il résolut de consacrer désormais ses forces et son temps à faire œuvre de propagande et à ramener à Dieu les âmes déchues ou perverties. Son activité se tourna surtout du côté des victimes de la boisson. Sous ce rapport, notre beau canton de Vaud lui présentait un champ fertile et, pendant des années, il travailla, avec le plus grand succès, à l'œuvre de la Croix bleue.
Les vicissitudes de son existence si accidentée l'ont amené à se fixer à Genève (place Madeleine, 12), où il dirige aujourd'hui un établissement de tempérance, poursuivant ainsi son apostolat dans une sphère plus restreinte que par le passé, mais peut-être non moins intéressante.
Pendant le repos forcé que lui imposa, l'année dernière, une maladie longue et douloureuse, il a trouvé le loisir et la force d'écrire les quelques pages qu'il offre aujourd'hui au public et qui, nous osons l'affirmer, sont destinées a faire un grand bien. Les chrétiens, désireux de faire avancer la cause de l'Évangile, se feront un plaisir, non seulement d'acheter cette brochure et de la lire, mais encore de la répandre abondamment. Les expériences si vivantes, nous dirions presque si réalistes de M. Tanniger seront certainement, pour beaucoup de lecteurs, plus persuasives que le plus éloquent des sermons.
L'agent de M. Tanniger se présentera prochainement dans les maisons de Lausanne. Le changement radical qui s'est produit récemment dans la vie de cet homme le rend digne de la bienveillance et du respect de tous. X.
Gazette de Lausanne, Lausanne, 3 décembre 1894, p. 3.
Mais c'est son restaurant qui s'annonce grâce à un nouvel encart riche en informations. On y propose un menu avec piano et journaux à discrétion.
La Tribune de Genève, Genève, dimanche et lundi 13 et 14 janvier 1895, p. 4.
Les annonces vont se répéter jusqu'au mois de mars avant de disparaître définitivement. Si jusqu'alors Charles ne semble guère avoir participé aux conférences données par son frère, il se rend plus disponible à la fin de l'année 1895. En outre, l'ex-anarchiste Pacifique Grandjean est également de la partie jusqu'à son décès prématuré en février 1896.
Journal d'Yverdon, Yverdon, mercredi 30 octobre 1895, p. 3.
Il est possible que Louis Tanniger ait mis un terme à ses activités de restauration si l'on en croit une nouvelle annonce de la fin de l'année dans laquelle il est question plutôt d'un entrepôt alimentaire auquel on peut commander du thé, du café, des biscuits...
Nouvelliste Vaudois, Lausanne, vendredi 29 novembre 1895, p. 4.
Les projections lumineuses (1896-1897)
Dès 1892, Louis Tanniger a intégré, au moins de façon sporadique, des projections lumineuses à ses conférences comme en témoigne l'annonce suivante à l'occasion d'une réunion à Payerne, en février 1892.
Journal de Payerne, Payerne, samedi 6 février 1892, p. 3.
Même s'il est probable que d'autres essais de ce type aient eu lieu, on peut dire qu'à partir de 1896, les projections lumineuses vont faire partie intégrante des conférences de Louis Tanniger. Les dispositifs destinés aux projections lumineuses sont de très grandes variétés et, parmi bien d'autres ouvrages, on peut consulter l'Almanach pour 1898-1899 de The Magic Lantern Journal and Photographic Enlarger où l'on peut trouver une documentation très fournie sur ce thème.
Ce nouveau dispositif nécessite, dès lors, la présence constante d'un ou de deux collaborateurs, Charles Tanniger et Pacifique Grandjean. Dès le début de l'année, plusieurs séances sont organisées. L'une d'elles est commentée par la presse, elle a lieu à Lausanne :
Une nombreuse assemblée s'était donné rendez-vous l'autre jour dans la grande salle de la fabrique L.-E. Junod pour entendre une conférence offerte par la société de la Croix-Bleue.
Diverses projections lumineuses accompagnées d'intéressantes explications par M. Tanniger nous ont montré l'homme alcoolique et l'homme régénéré.
M. Grandjean, ancien repris de justice ; ancien anarchiste, ancien buveur actuellement abstinent, a retracé brièvement sa triste vie passé. Hélas ! malgré ses 33 ans il en a déjà bien fait et vu. À l'ouïe de ses récits vraiment touchants, on a vu verser des larmes par beaucoup de personnes qui ont connu ou qui connaissent trop l'alcool.
La Tribune de Lausanne, Lausanne, 24 janvier 1896, p. 2.
L'Echo de la Broie, Moudon, samedi 18 janvier 1896, p. 3. |
Il est rare que la presse s'attarde sur ces séances, et plus rare encore qu'elle donne une description aussi précise que celle que publie L'Éveil de Moudon :
Conférence publique avec projections lumineuses dans la Chapelle de l'Eglise libre.-J'avais entendu parler de diverses manières de cette conférence qui devait d'abord être donnée dans le temple, ainsi que l'annonçait un programme publié par nos journaux locaux. Je savais aussi que l'autorisation primitivement accordée par les autorités compétentes avait été, ensuite d'une nouvelle délibération de ces autorités, si non retirée, du moins accompagnée de restrictions telles que le conférencier a crû devoir renoncer à son projet en ce qui concerne l'usage du temple. J'avais appris en outre qu'une première conférence très fréquentée avait eu lieu dimanche soir, dans la Chapelle et que cette séance devait être suivie d'une seconde lundi soir dans le même local, cette fois avec projections lumineuses.
Il n'en fallait pas davantage pour exciter ma curiosité. Non pas seulement ma curiosité, mais aussi l'intérêt que je prends aux efforts des sociétés de tempérance. Il est incontestable que celles-ci ont obtenu des résultats remarquables, qu'elles ont déjà fait beaucoup de bien et qu'elles peuvent en faire encore davantage. L'individu, la famille, la société en recueillera les fruits dont quelquns-uns ont déjà pu être appréciés.
Seulement je dois avouer que j'ai assisté dans le temps à une séance de tempérance qui a eu lieu dans notre temple et que j'ai été plus intéressé par l'exposé du conférencier que par l'exhibition des abstinants qui sont venus personnellement faire étalage de leur conversion. J'avais le sentiment que dans cette exhibition il y a non seulement quelque chose de peu esthétique, mais encore un écueil. Aussi en venant hier soir à la Chapelle je pensais que les confessions personnelles seraient heureusement remplacées par des tableaux lumineux.
En entrant dans le local au milieu d'une foule qui devenait toujours plus nombreuse, on a bien voulu me demander si je ne ferais pas un compte-rendu. Je n'ai pris aucun engagement et j'ai bien fait. D'abord parce qu'il y avait certainement dans l'assemblée bon nombre de personnes aptes à faire ce compte-rendu ; ensuite parce que je n'ai pas comme elles le feu sacré. D'ailleurs s'il m'arrive de communiquer au public mes impressions, c'est pour lui dire, des séances auxquelles j 'assiste, plutôt ce que j'ai pensé que ce que j'ai vu.
Au fait, j'ai vu tant de choses en ma vie que je suis devenu un peu sceptique. C'est un grand défaut, aussi dois-je me garder de jeter de l'eau froide sur des enthousiasmes qui, au fond, ont leur raison d'être.
J'ai constaté avec plaisir que l'auditoire était très nombreux, tellement nombreux que le local était insuffisant. Beaucoup de femmes, cela se comprend - les hommes sont la plupart occupés ailleurs - et beaucoup d'enfants, ce qui est fort heureux. Des tableaux lumineux très suggestifs, où l'on voit succéder aux misères de l'ivrognerie des scènes de famille qui réjouissent le cœur et qui élèvent l'âme. Ajoutez à cela un conférencier qui raconte avec toute la conviction d'un homme qui a fait lui-même de dures expériences, qui parle correctement, avec facilité, qui inspire confiance par sa sincérité et qui devient de plus en plus sympathique.
C'est bien, me disait quelqu'un en sortant, mais ces tempérants se mettent seulement trop en avant, ils parlent trop d'eux-mêmes ; leur enseignement gagnerait à être moins subjectif. C'est aussi mon sentiment. Il faut reconnaître d'un autre côté que les exemples qu'ils nous présentent sont tout à fait propres à faire impression sur les esprits.
Ce qu'il y a de certain c'est que l'assemblée a été satisfaite, favorablement impressionnée et très reconnaissante envers son conférencier Mr. Tanniger. Elle a pu reconnaître que les tableaux lumineux que celui-ci à fait passer sous ses yeux ne déparaient pas un lieu consacré au culte et que les scrupules qu'on a pu avoir à ce sujet n'étaient pas justifiés. Elle a dû aussi faire certaines réflexions sur l'hospitalité avec laquelle la société de tempérance a été accueillie à la Chapelle.
Quels que soient les motifs qui ont dicté la décision des autorités locales j'admets que l'on fait bien, d'une manière générale, d'être réservé quant à l'emploi du Temple et surtout de la chaire. C'est pourquoi on aurait peut-être mieux fait de dire tout de suite au conférencier : nous avons à l'Hôtel de ville des locaux que nous mettons largement à la disposition du public pour les conférences. Ils sont maintenant en réparations, attendez que ces réparations soient terminées.
Il peut arriver aussi que ces locaux, qui sont passablement vastes, soient encore insuffisants, et pas assez bien appropriés suivant les cas. Le besoin semble se faire sentir pour notre ville d'un local pouvant être utilisé pour les grandes réunions quelles qu'elles soient, une espèce d'Aula comme on en voit maintenant dans quelques villes et comme on en verra toujours plus à l'avenir, si les sociétés pour le développement se mettent résolument à l'œuvre. Y.
L'Éveil, Moudon, mercredi 22 janvier 1896, p. 1-2.
Si l'on laisse de côté la polémique liée à l'utilisation de lieux de culte pour les projections animées, le témoignage est aussi intéressant par les légères critiques qu'il émet à propos de la subjectivité des orateurs. Un autre article s'attarde davantage sur le récit de Pacifique Grandjean :
Le conférencier qui le premier s'est fait entendre M. Grandjean a peu parlé de sa vie politique passée. Il a seulement dit combien étaient tristes ces moments où traqué par la police, recherché comme anarchiste il ne savait où se réfugier. La délivrance vint sur un lit d'hôpital, après diverses circonstances il apprit à connaître la vérité en Christ. Depuis lors ses voies furent différentes, sa famille ne connut plus ni coups, ni faim, et à voir le tableau qui nous en est apparu lundi soir au moyen de la lanterne magique, elle semble maintenant en pleine prospérité et fort heureuse. Lui-même se consacra dès ce jour au service de l'œuvre dont il vient nous entretenir, quoique malade encore, il ne cesse de propager le récit des bienfaits énormes accomplis par les sociétés d'abstinence. Nous ne pouvons parler de toutes les excellentes choses qui furent dites à ce sujet, des faits révoltants cités, et faisant voir les ravages énormes produits chez nous par l'ivrognerie.
L'Echo de la Broie, Moudon, mercredi 22 janvier 1896, p. 2.
Un bref article complémentaire nous donne une idée sur ses origines et son âge :
M. Granjean, ancien repris de justice; ancien anarchiste, ancien buveur actuellement abstinent, a retracé brièvement sa triste vie passée. Hélas! malgré ses 33 ans il en a déjà bien fait et vu.
La Tribune de Lausanne, Lausanne, vendredi 24 janvier 1896, p. 2.
Les rares descriptions qui sont offertes des projections fixes ne permettent pas de savoir avec précision quelles sont les vues utilisées. Toutefois, on peut penser qu'elles proviennent de collections déjà constituées et il existe alors de nombreux catalogues qui proposent des centaines de vues fixes dont certaines sont consacrées à l'alcoolisme. Tel est le cas du catalogue du Dr. Krohn ou des "Temperance Slides" proposées par the United Kingdom Band of Hope Union.
"Temperance Slides. United Kingdom Band of Hope Union" The Magic Lantern Journal and Photographic Enlarger. Almanac & Annual 1897-8, London, Magic Lantern Journal Company, p. cii (advertisements) © Le Grimh |
"Temperance Slides. United Kingdom Band of Hope Union" The Magic Lantern Journal and Photographic Enlarger. Almanac & Annual 1898-9, London, Magic Lantern Journal Company, p. 245 Source: La Cinémathèque Française |
Des rares descriptions qu'il nous reste, il semble que Louis Tanniger organise ses projections de façon binaire. On présente d'abord les "misères de l'ivrognerie", puis "des scènes de famille qui réjouissent le cœur et qui élèvent l'âme" qui viennent compléter le propos édifiant des conférences. Les vues fixes présentées peuvent être soit des photographies, soit des dessins comme on peut le voir dans les plaques suivantes du Musée National de l'Éducation, présentées pour exemple et appartenant à différentes collections.
L'équipe constituée par les deux frères Tanniger et Pacifique Grandjean est anéantie par le décès de ce dernier :
Madame Grandjean et ses enfants, à Colombier, les familles Bruno-Grandjean, Aimé Grandjean et Léandre Grandjean, facteur postal, à Genève, M. Louis Tanniger, à Lausanne, font savoir à leurs amis et connaissances le départ pour un monde meilleur de
M. Pacifique GRANJEAN
Le convoi funèbre partira de l'hôpital cantonal, samedi 28 mars, à 5 h.-Culte à 4 1/2 h.
L'Eternel est près de tous ceux qui l'invoquent.
PS. 145.18.
Feuille d'avis de Lausanne, Lausanne, vendredi 27 mars 1896, p. 12.
Charles va continuer à seconder Louis jusqu'à l'ouverture, à Aigle, d'une Fabrique d'eaux gazeuses, en juin 1896. Les conférences avec projections lumineuses vont se prolonger jusqu'au mois de février de 1897, l'une des dernières est celle que Louis Tanniger donne à Chesalles-sur-Moudon.
Projections lumineuses. — On nous écrit : "Hier soir, à 8 h. 1/2, dans la grande salle de l’Athénée, ont eu lieu des projections lumineuses sur des sujets de tempérance, par les frères Tanniger. C’est la première fois qu’il nous a été donné de voir des scènes passées dans notre pays sur une question aussi actuelle, où l’on reconnaît les personnages, où tout est fait pour persuader et encourager dans cette grande lutte contre l’alcoolisme. Avec ces vues très nettes et intéressantes, notre ami L. Tanniger, avec l’éloquence qu’on lui connaît, fait revivre ces tableaux et parle des résultats acquis dans diverses parties du canton et qui sont réjouissants. Nous ne pouvons que recommander à ceux qui, hier, ont été empêchés de se rendre à l’Athénée, de profiter de l’occasion qui leur est offerte encore ce soir ; car nous sommes sûrs qu’ils en rapporteront un très bon souvenir." |
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Feuille d'avis de Vevey, Vevey, 29 avril 1896, p. 3. | L'Impartial, La Chaux-de-Fonds, 30 août 1896, p. 14 |
Le Cinématographe Lumière (mai 1897-1901)
Sans solution de continuité, Luis Tanniger va passer des projections lumineuses aux projections animées d'un cinématographe Lumière. L'appareil est officiellement en vente dès le 1er mai, ce qui explique sans doute la concomitance avec les premières projections animées qui ont lieu en mai 1897 dans la salle du Casino de Vevey.
Feuille d'avis de Vevey, Vevey, vendredi 30 avril 1897, p. 1.
Le programme partiel des vues mérite quelques commentaires. Si certaines d'entre elles pourraient faire partie des catalogues "classiques" comme dans le cas de Charge de cuirassiers qui a tout d'une production Lumière, tel n'est pas le cas des titres comme Viens boire un verre, Je casse tout, La fin d'une ribotte qui sont directement liés à la cause défendue par la Croix-Bleue. Par la suite, le conférencier organise des séances sur un modèle qui est assez constant, souvent sous la forme de conférences : Villa-d'Oex (mai), La Chaux-de-Fonds (juillet), Lausanne (octobre), Chardonne (novembre), La Sarraz (décembre)...
Alors que Louis Tanniger continue d'organiser ses conférences toujours sur le même modèle, comme à Corsier en février 1898, il croise François-Henri Lavanchy-Clarke qui n'hésite pas à publier un encart au sujet de son "véritable" Cinématographe Lumière qui vise, semble-t-il, les projections de Tanniger qui ne s'en laisse pas compter et qui répond dans le même journal.
Feuille d'avis de Vevey, Vevey, 15 février 1898, p. 3 | Feuille d'avis de Vevey, Vevey, 18 février 1898, p. 3. |
Ces anicroches n'entament pas pour autant le moral de Louis Tanniger qui continue à organiser ses projections : Genève (mars 1898), Vevey (mars), Lausanne (mai), La Chaux-de-Fonds (juin), La Chaux-de-Fonds (août)...
L'année 1898 est surtout marquée par la projection de vues dont le caractère local semble bien indiquer que Louis Tanniger est très probablement impliqué dans leur production. D'un point de vue chronologique, il semble bien que la toute première soit Défilé des enfants de l'Espoir de Vevey. Henri Cornaz (1845-Vevey, [28]/08/1902), directeur de cette société composée de jeunes membres et menuisier à Vevey, est également l'objet d'une autre vue animée, Atelier de M. Cornaz, à Vevey, commerce spécilisé dans la fabrication de cercueils. Membre du Comité Central Suisse de la Croix-Bleue, Henri Cornaz est un proche de Louis Tanniger. Une autre figure locale mise à l'honneur dans son répertoire est celle du vigneron repenti Jean, Marc Félix Dovat (Écoteaux, 21/05/1850-Genève, 20/11/1923), lui aussi adepte de la tempérance qui apparaît dans Un repas en famille chez M. Dovat. Il faut y ajouter Un miracle à Vevey au titre plus obscur et Coup de canon à la Chaux-de-Fonds. Ce dernier film pose un certain nombre de questions. D'une part, il est connu sous plusieurs titres dont Coup de canon... et paysans ! (Vevey) ce qui interroge sur la localisation de la vue. D'autre part, il est suivi dans presque tous les programmes des vues Au feu ! et Sauvetage comme s'il s'agissait d'une série. On a du mal à croire que dans un programme accompagnant un sujet comme "Tempérance et... Cinématographe" on présente, en exergue, des vues qui pourraient s'assimiler à des manœuvres de pompiers. En outre, certains programmes présentent successivement Au feu !, Sauvetage, Au fou !, 2e sauvetage. Quel rapport ? À moins de lire ce rapprochement comme une belle métaphore sur les bienfaits de l'eau... face aux incendies et aux... alcooliques.
Tempérance.-On nous prie de rappeler que mercredi et jeudi soirs, à 8 heures, au Casino, M. Tanninger donnera des séances de "Tempérance", illustrées par le cinématographe. C'est vraiment intéressant et actuel que de voir défiler les enfants de l'Espoir, avec leur directeur, M. Cornaz ; et aussi un repas en famille chez un tempérant très connu à Vevey. M. Tanninger donnera aussi le jeudi, à 4 h. 1/2, une séance spéciale, où pourront venir ceux qui craignent la cohue. Dans cette séance, les amis de la Croix-Bleue sont spécialement invités. (Entrée libre.) |
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Journal d'avis de Vevey, Vevey, 26 mars 1898, p. 6. | Journal d'avis de Vevey, Vevey, 30 mars 1898, p. 4. |
Enfin, dans les mois qui précédent, il ne semble pas qu'à La Chaux-de-Fonds des coups de canon aient été tirés. Des éléments contextuels échappent sans doute, et peut-être faudrait-il chercher une réponse dans le thème des soirées. Trois autres vues animées gardent également leur mystère : Au triple galop, La danse des noirs , La danse des blancs. L'absence de ces titres dans la production des éditeurs importants de l'époque plaide pour une production locale ou spécifique.
Journal de Nyon, Nyon, samedi 7 mai 1898, p. 3.
Pour cette nouvelle saison (1898), Louis Tanniger fait équipe, au moins à Morges et à Nyon, avec un certain Cavagnaz qui serait originaire de Lyon :
Tempérance.-Voici un certain temps déjà que MM. Cavagnaz, de Lyon, et L. Tanniger, à la Tour de Peilz, parcourent le pays avec leur cinématographe. Les différents tableaux qui défilent sous les yeux du spectateur deviennent autan de paraboles qui permettent au conférencier, M. Tanniger, de nombreuses applications parlantes dans le domaine de la tempérance. C'est une excellente occasion pour chacun d'apprendre à connaître de plus près les nombreuses raisons d'être des sociétés de tempérance, et surtout d'apprendre à sympathiser avec elles dans ce travail, qui est encore si peu compris.
Or cette occasion sera donnée aux habitants de Morges, les lundi 2 et mardi 3 mai prochains, à la salle des Pas-Perdus, à 8 h. du soir. Voir aux annonces.
Journal de Morges, Morges, vendredi 29 avril 1898, p. 2.
Au-delà du mois d'août, Louis Tanniger semble mettre un terme provisoire à ses conférences et à ses projections et son nom disparaît de la presse helvète jusqu'à la fin de l'année où il annonce à sa clientèle qu'il vient de fonder un nouveau commerce :
Louis Tanniger
avise sa clientèle qu'il a quitté la maison Glaser et fondé avec M. Schmidt un commerce de denrées coloniales, rue du Simplon 18, Vevey. Grand choix de thés, cafés et savons. Ecrire directement Simplon 18, Vevey.
Journal du district d'Avenches, Avenches, mercredi 21 décembre 1898, p. 3.
Si en janvier 1899, Louis Tanniger présente seul sa conférence et ses projections cinématographiques à Évian, il lui arrive de faire équipe, par la suite, avec son nouvel associé, Auguste Schmidt. On le retrouve à Montreux (mars), Vevey (avril), Lausanne (avril), La Chaux-de-Fonds (avril), Saint-Légier (avril), Étoy (novembre)... À la différence de la saison antérieure, les programmes sont constitués, pour l'essentiel, de vues provenant d'éditeurs connus. On y relève également certains titres qui font référence à l'eau... ce qui ne saurait être totalement innocent pour un adepte de la tempérance comme Louis Tenniger : Les Gyms au régime de l'eau (Montreux) ou Les gymnastes abstinents (Lausanne), Un atelier à l'eau claire (Vevey)... Autant de vues que pourraient n'être que des détournements de titres.
Feuille d'avis de Montreux, Montreux, jeudi 30 mars 1899, p. 1.
Sans préjuger des relations entre Louis Tanniger et Auguste Schmidt, leur collaboration va vite tourner court et l'entreprise est dissoute en juin 1899 :
REGISTRE DU COMMERCE
EXTRAIT
de la feuille officielle du commerce
BUREAU DE VEVEY
9 juin.- La société en nom collectif Tanniger & Schmidt, à la Tour-de-Peilz, est radié ensuite de cessation de commerce.
-Le chef de la maison Tanniger, Ls, à Vevey, est Charles-Henri-Louis ffeu Charles Tanniger, de Saanen (Berne), domicilié à la Tour-de-Peilz. Genre de commerce : Denrées coloniales, machines diverses, etc., sous l'l'enseigne "Au Chinois". Magazin :Rue du Simplon 18, à Vevey.
- Le chef de la maison Auguste Schmidt, à Vevey, est Auguste-Ferdinand ffeu Adolphe Schmidt, de la Chaux-de-Fonds, domicilié à la Tour-de-Peilz, Genre de commerce : Spécialité de thés et denrées coloniales, machines diverses, etc. Magasin : Rue du Simplon 12, à Vevey.
Feuille d'avis de Vevey, Vevey, 15 juin 1899, p. 4.
Dès le début de l'année, Louis Tanniger reprend ses projections, mais cette fois-ci avec son frère aîné, au moins occasionnellement, et il semble privilégier les communes plus modestes :
Cinématographe.
MM. Tanniger donneront une séance de projections au cinématographe, lundi 15 janvier, à 7 1/2 h. dans la Chapelle de la Villa-d'Oex.
Entrée 30 cts., enfants 20 cts.
Le Progrès, samedi 13 janvier 1900, p. 4.
Outre Villa-d'Oex, on le retrouve à Orient (août 1900), Les Bioux (août 1900)... mais les programmes ne sont plus annoncés. L'année suivante, les projections-conférences s'étiolent: Lausanne (avril 1901)...
Et après (1902-1928)
À partir de 1902, Louis Tanniger va se consacrer principalement à son magasin de la rue du Simplon à Vevey et continue cette activité jusqu'en 1903, date à partir de laquelle sa situation économique, malgré ses protestations, semble se compliquer :
RECTIFICATION
Il y a des gens mal intentionnés ou mal renseignés, qui prétendent que j'ai été déclaré en faillite. Des premiers, je ne m'en soucie guère, mais je tiens à dire à ceux qui sont mal renseignés, que cela est absolument faux. Je suis inscrit au registre du commerce, j'ai actuellement 9 employés dans ma maison. J'offre 500 fr. à la personne qui m'apportera une pièce de l'office des faillites, prouvant que j'ai été, n'importe quand, déclaré en faillite.
Renens-gare, le 12 janvier 1903
Louis TANNIGER, père.
Feuille d'Avis de Lausanne, 12 janvier 1903, p. 7.
De fait, en septembre 1904, la cessation d'activités est prononcée :
REGISTRE DU COMMERCE
EXTRAIT
de la Feuille officielle suisse du commerce
BUREAU DE VEVEY
[...]
- La maison Ls Tanniger, à Vevey, a cessé d'exister ensuite de renonciation du titulaire. Cette raison est radiée.
- La maison Tanniger Ls, à la Tour-de-Peilz, a cessé d'exister ensuite de renonciation du titulaire. Cette raison est radiée.
Feuille d'avis de Vevey, Vevey, 21 septembre 1904, p. 6.
Alors qu'il semblait avoir mis en sourdine ses conduites répréhensibles, il va avoir affaire de nouveau à la police du commerce (28 juin 1904) et est condamné à un mois de réclusion pour diffamation (21 octobre 1904). Ces condamnations pourraient être liées à sa nouvelle situation économique. Dans les mois qui suivent la mise en vente de ses biens s'accélère : " le solde de marchandises provenant de la liquidation de L. Tanniger consistant en un lot sautoirs pour dames, un lot montre or, argent et métal, un gros lot de thés en paquets, un lot cacao, un phonographe, etc." et " aux enchères publiques les immeubles sis à la Tour-de Peilz, appartenant à Cha.-H. Louis Tanniger comprenant villa avec jardin et dépendances.". Un nouvelle avis, plus tardif, porte sur la vente d'une villa :
Avis de vente d'une Villa
A LA TOUR
Le lundi 19 février 1906, dès 4 h. de l'après-midi, au café de l'Hôtel-de-Ville de la Tour-de-Peilz, l'Office des poursuites de Vevey exposera en mise publique les immeubles sis rière la Tour-de-Peitz, appartenant à Ch-Henri-Louis Tanniger, et comprenant une villa avec jardin et dépendances.-Prix de taxe: 35,000 francs.
Les conditions de vente peuvent être consultées au bureau de l'Office, 6, rue de Lausanne, à Vevey.
Donné, le 9 février 1906.
Le Préposé aux poursuites.
P.PILET.
Journal d'avis de Vevey, Vevey, jeudi 15 février 1906, p. 1.
Louis Tanniger figure alors avec sa nombreuse famille à Thonon-les-Bains (Haute-Savoie, France), lors du recensement de 1906. Quelles raisons ont-elles justifié ce changement de résidence ?
De retour en Suisse, en 1909, il tient un commerce dans le domaine du cyclisme et de l'automobilisme :
Genf-Genève-Ginevra
[...]
14 octobre. Le chef de la maison Tanniger-Mercier, aux Eaux-Vives, commencée le 1er octobre 1909, est Charles-Henri-Louis Tanniger, allié Mercier, de Saanen (Berne), domicilié aux Eaux-Vives. Genre d'affaires: Commerce de matériel de secours pour cyclistes et automobilistes et publicité s'y rattachant. Bureau: 14, route de Chêne.
Feuille officielle suisse du commerce, Berne, 19 octobre 1909, p. 1759.
La discrétion de la presse suisse dans les années qui suivent laisse à penser qu'il a quitté le pays et qu'il est en France. En effet, la police française qui suit ses déplacements sur le territoire récolte quelques informations sur son séjour à Arlod en 1910-1911 :
Bellegarde, le quinze mars 1911.
RAPPORT
à
Monsieur le Directeur de la Sûreté Générale.
[...]
Le nommé Tanniger Charles, Henri, Louis serait né à [Lusgruis] (Suisse près Montreux, le 15 septembre 1857 de François, Charles et de Bonnat Louise, Marie, Marguerite.
Il a habité Arlod, commune située près de Bellegarde, à l'hôtel Zerma, du 14 juin 1910 à fin février dernier.
D'après ses propres dires, cet individu serait marié en secondes noces. Il serait divorcé. Sa première femme habiterait actuellement Annemasse. Il aurait eu un grand nombre d'enfants. La plupart seraient décédés.
Il vit actuellement avec une nommée Mercier Gestrude et a deux enfants. Il se dit marié avec cette dernière.
A Arlod, Tanniger s'occuperait d'assurances. Il aurait fait dans la région, un chiffre d'affaires assez sérieux.
Il n'a jamais été l'objet d'aucune plainte. Cependant on lui reprocherait d'employer des moyens peu corrects à l'égard des assurés.
Il s'est aussi occupé, pendant quelques temps, de placements de bicyclettes pour une maison de Genève. Il aurait dû abandonner cette représentation à la suite de difficultés avec cette maison.
D'une façon générale, Tanniger inspirait peu de confiance dans la région et on le soupçonnait de se livrer à l'espionnage. Aucun fait cependant n'est venu confirmer ces soupçons.
Il aimait à dire et à répéter qu'il était libertaire et il prétendait avoir organisé des conférences dans la Haute-Savoie et plus particulièrement dans les environs d'Annemasse.
Quelque temps après son installation à Arlod, il a été rejoint par un nommé Charbonnel Pierre qui s'est dit originaire de l'Auvergne. Ce dernier était accompagné d'une femme de nationalité belge et d'un enfant. Il se disait également marié.
Les deux ménages vivaient sous le même toit. Tanniger avait en effet cédé deux chambres à Charbonnel, qu'il faisait passer pour son employé.
Ces deux femmes se trouvaient encore à Arlod le 8 courant. Elles ont donné congé à leur propriétaire pour le 15 courant, et tout le mobilier, très modeste d'ailleurs, a été, il y a quelques jours, expédié à Voiron.
Tanniger avait une domestique et payait régulièrement son loyer et ses fournisseurs.
Il parle couramment l'allemand.
Louis Tanniger et sa famille sont bien recensés à Arlod en 1911. C'est également le cas de Pierre Charbonnel. C'est peu après que la famille et les proches quittent Arlod pour s'installer à Voiron. La police le suit également:
Notice Individuelle
[...]
Renseignement sur la moralité et la réputation.
Est venu habiter VOIRON dans les premiers jours de mars 1911. A attiré l'attention sur lui par ses allures générales qui ont provoqué une demande de renseignements au Commissaire Spécial de Bellegarde. Ces renseignements font connaître cet individu comme extrêmement douteux, vivant d'expédients frisant l'escroquerie. Réputation de chevalier d'industrie. Se dit libertaire, parent de feue Louise MICHEL. Conférencier amateur sur l'anticléricalisme. Ne fait ses conférences que dans les petites communes; ne fait ses assurances que dans les campagnes et en dehors de Voiron. A loué dans cette ville et en dehors de l'agglomération une villa qu'il a meublé plus que sommairement. Vit avec sa femme et un enfant en très bas âge. Fait de fréquentes eet assez longues absences dans les communes environnantes, pour ses assurances.
Un nommé CHARBONNEL Pierre, qui serait originaire de l'Auvergne ou de St-Etienne, vit également avec lui; il le ferait passer pour son employé. Depuis son séjour à Voiron cet individu n'a encore fait l'objet d'aucune remarque défavorable, mais tout porte à le considérer comme un individu suspect. Il paie son logement au mois et n'a pour ainsi dire pas de mobilier. Il vit bien et a une domestique à son service.
Le nom de Louis Tanniger refait surface bien des années plus tard, en 1917, à propos d'une brochure intitulé Fraternité dont la table des matières semble mêler à la fois ses origines anarchistes et ses engagements pour la tempérance. Puis quatre ans plus tard, on le retrouve responsable du "Groupe théosophique suisse", un groupuscule qui a toute l'apparence d'une secte religieuse.
Le Droit du Peuple, Lausanne, 18 mai 1917, p. 3. | Journal de Nyon, Nyon, vendredi 14 octobre 1921, p. 3. |
Les années qui suivent ne vont que confirmer la face obscure de Louis Tanniger. Son nom revient dans la presse genevoise, en 1921, pour des affaires financières douteuses :
Sur mandat du juge d’instruction de Lausanne, la police a arrêté dans la villa où il habitait, au Petit-Lancy, un sieur Louis Tanninger, Bernois, homme d’affaires.
Cet individu avait fondé à Lausanne, au square Georgette, une louche entreprise pour le placement de valeurs à lots : « le Comptoir Proguet ». L’établissement fit faillite, mais cela n’empêcha pas Tanninger de recommencer ses opérations et de faire de nombreuses dupes sous le couvert d’un homme de paille nommé François M., de Genève. Mercredi, M. Merten, substitut du juge d’instruction de Lausanne, accompagné de son greffier, s’est rendu à Genève et a procédé à une perquisition dans la villa de T.
L ’instruction va se poursuivre, à Lausanne.
Journal de Genève, Genève, 1er décembre 1921, p. 5.
Ce même journal précise qu' " un nommé Louis Tanninger, alias François Mercier qui, sous le nom de 'L'Economie, Comptoir financier', etc., faisait, à Lausanne, le trafic des valeurs à lots, de marcs et de lires, en même temps qu'il s'occupait de scientisme (Feuille d'avis de Lausanne, Lausanne, 2 décembre 1921, p. 4). Et La Revue de s'interroger : " S’agit-il du même personnage qui, près de Lausanne, il y a quelque vingt ans, avait déjà fait plusieurs dupes sous le couvert d’une propagande pour l’abstinence ? " (La Revue, Lausanne, jeudi 1er décembre 1921, p. 3). Confirmation est donnée peu de jours après, dans le même journal, Louis Tanniger est bien le même personnage :
L'arrestation de Tanniger.-Nous ne nous trompions pas en supposant que le "banquier" Tanniger extradé l'autre jour de Genève, sur la plainte de plusieurs de ses clients, était identique avec notre vieille connaissance Tanniger, dont le zèle pour l'abstinence et l'ardeur sectaire, puis socialiste, avaient édifié Lausanne il y a 20 ans, jusqu'au jour où survint la catastrophe, disons même les catastrophes.
La dernière activité de Tanniger s'est exercée dans le champ fertile en carottes qu'est la vente à terme des valeurs à lots. Sa récente création à Lausanne, le comptoir Droguet, devenue l'Economie, puis le compter Mercier, fit de nombreuses victimes, et malheureusement surtout parmi des personnes peu aisées, des ouvriers, des domestiques, etc. On avait beau payer à-comptes sur à-comptes: jamais on n'en payait assez pour obtenir livraison du lot.
La récente loi vaudoise sur la police du commerce a un excellent article qui interdit le colportage des valeurs à lot. Dès l'application de cet article, le comptoir de Tanniger déclina: T. ne put plus mettre en œuvre son esprit fertile en ressources que dans les cantons voisins, et c'est probablement la cause pour laquelle il émigra à Genève et y prit possession d'une villa infiniment plus confortable que certains de ses logements de l'époque catastrophique.
Les préoccupations temporelles n'ont jamais étouffé chez Tanniger l'intérêt qu'il portait aux questions spirituelles. Il est ou était dernièrement encore président de la Société théosophique de Lausanne.
Tanniger avait quelques auxiliaires plus ou moins conscients de ses bonnes œuvres, parmi lesquels un aumônier défroqué qui se spécialisait depuis un certain temps dans le placement des titres de la Maison populaire que les socialistes cherchent à fonder à Lausanne.
La Revue, Lausanne, samedi 3 décembre 1921, p. 2-3.
Plus clément, Le Droit du Peuple de Lausanne, souhaite que la justice passe et se demande ce qu'est devenu Louis Tanniger :
Est-il mort ?
Il y a quelques mois -sept - que les journaux annoncèrent l'arrestation du sieur Tanniger. La "Revue" poussa même un sombre mugissement de satisfaction.
Aujourd'hui, les bruits les plus divers circulent. On raconte que les autorités sont embêtées et qu'elles ne savent pas trop comment s'en sortir. Le délit, si délit il y a, n'est pas des plus caractérisés. Renvoyer l'homme en Tribunal et risquer un acquittement, c'est embêtant, surtout que - dit-on - ce ne fut point le seul souci de la justice immanente qui détermina l'incarcération. Rendre un non-lieu, c'est ennuyeux également.
On ne peut indéfiniment laisser cet homme en préventive. Il a droit, tout Tanniger qu'il est, à la justice, à toute la justice.
Le Droit du Peuple, Lausanne, vendredi 21 avril 1922, p. 8.
Il semble avoir encore organisé quelques conférences dans les années qui suivent. Un dernier article évoque encore sa figure en février 1928 :
Au Casino avec la Croix-Bleue.
[...]
M. Tanniger, appelé à rendre son témoignage, le fit d'une manière touchante et stimulante. Ce n'est pas lui qui, après avoir eu "fifé" si volontiers le vin blanc, se serait troublé d'être appelé: "camomille" !! D'ailleurs la vie eut pour sa vaillance des récompenses supérieures. Et pas plus tard que lundi, pour saluer tout le rose que l'abstinence a mis dans sa vie (c'est d'ailleurs bientôt sa fête !) un bel azalée lui fut offert. Ses 68 ans seront donc très joliment fleuris para la Croix-Bleue de Vevey.
Feuille d'avis de Vevey, Vevey, mercredi 16 février 1928, p. 5.
Quelques mois plus tard, en mai 1928, il décède à Paris.
Sources
CANTINI Claude, "Le Grütli (1890-1909): miroir du socialisme vaudois naissant", Cahiers d'histoire du mouvement ouvrier, 5, 1988.
COSANDEY Roland, "1897-1900. Le Cinématographe en trois volets. 3º. Tempérance & Cinématographe: Louis Tanniger, agent de la Croix-Bleue.", https://memoriav.ch/fr/1897-1900-le-cinematographe-en-trois-volets/.
MOSCHEROSCH Ad., La Croix-Bleue. Instrument de Réveil, Paris, Agence de la Croix-Bleue, s.d., 24 p.
ROSSIER Sophie, La Croix-Bleue et sa lutte antialcoolique en Suisse romande (1877-1910). Le fonctionnement d'une société de tempérance entre idéaux religieux et aspirations patriotiques, [Mémoire de licence présenté à la Faculté des Lettres de l'université de Fribourg (CH), 2005.
TANNIGER Louis, Autrefois et Maintenant, Simplon, L. Tanniger, 1897 (2e édition), 106 p. (col. Grimh).
Dossier "TANNIGER". Direction de la Sûreté Générale. Police Générale. Archives Nationales. Côte: 19940478/5 ; Dossier 435.
3
1898
Défilé des enfants de l'Espoir à Vevey [M. Cornaz et les enfants de l'Espoir]
Un repas en famille chez M. Dovat [M. Dovat prenant un repas en famille].
Coup de canon à la Chaux-de-Fonds
23/02/1887 | Suisse | Commugny | Salle d'école | conférence | |
06/06/1887 | Suisse | Le Sentier | Temple | conférence | |
04/12/1887 | Suisse | Coinsins | Grande Salle | conférence | Matthey. Jeanmairet. |
15/02/1888 | Suisse | Commugny | Salle d'école | réunion | Josseaume. E. Cuénod. |
17/02/1888 | Suisse | Founex | Salle d'école | réunion | Josseaume. E. Cuénod. |
19/02/1888 | Suisse | Coppet | Salle d'école | réunion | Josseaume. E. Cuénod. |
28/02/1888 | Suisse | Coppet | réunion | Montet. De la Tour-de-Peilz |
|
01/03/1888 | Suisse | Coinsins | réunion | Jeanmairet. | |
21/03/1888 | Suisse | Avenches | conférence | ||
25/03/1888 | Suisse | Moudon | Société de Tempérance | réunion | |
07/05/1888 | Suisse | Yverdon | Maison-de-Ville | conférence | |
01/07/1888 | Suisse | Begnins | Château de Cottens | réunion d'évangélisation et de tempérance | Naef. Jeanmairet. |
08/07/1888 | Suisse | Chante-Merle (Oleyres) | Bois de Châtel | réunion | |
16/08/1888 | Suisse | Château-d'OEx | Salle du tribunal | Conférence populaire | |
17/08/1888 | Suisse | Flendruz | La Forge | Conférence populaire | |
19/08/1888 | Suisse | Rossinière | Aux abords du temple | Conférence populaire | |
08/10/1888 | Suisse | Vevey | Salle du Casino | conférence | L. Favez |
31/10/1888 | Suisse | Aubonne | Chapelle | conférence | E. Bonnard |
14/01/1889 | Suisse | Palérieux | Collège | conférence | |
25/03/1889 | Suisse | Aubonne | Chapelle | conférence | Muller. |
21/07/1889 | Suisse | Le Mont | Salle d'école | réunion publique | |
01/09/1889 | Suisse | Gimel | Bois de la Rosière | réunion publique | |
01/09/1889 | Suisse | Etoy | Salle de l'Espérance | réunion publique | |
16/10/1889 | Suisse | Château-d'OEx | Salle de la société de Tempérance de Rougemont | réunion publique | |
09-11/12/1889 | Suisse | Vevey | Grande Salle du Casino | réunion publique pour catholiques et protestants | |
28/02/1890 | Suisse | Montreux | La Chapelle de l'Église libre | réunion populaire | |
29/06/1890 | Suisse | Saint-Sulpice | Place près du débarcadère | réunion | Périllard |
21/01/1891 | Suisse | Moudon | Salle de Lecture | conférence | |
22/01/1891 | Suisse | Lausanne | Salle du Tribunal | conférence | |
09/03/1891 | Suisse | Château-d'OEx | Salle des catéchumènes | réunion | [F. Tanniger] |
05/04/1891 | Suisse | Lausanne | Hôtel des Trois-Suisses | réunion | |
25/05/1891 | France | La Seyne | Salle du sous-sol des écoles | conférence | M. Gross |
15/06/1891 | Suisse | Vevey | Grande Salle du Casino | réunion | |
21/06/1891 | Suisse | Prilly | réunion | ||
12/07/1891 | Suisse | Bottens | Les Troncs | réunion | Péter. |
19/07/1891 | Suisse | Bussigny | Dans la campagne de M. Grenier | réunion | Périllard. |
28/09/1891 | Suisse | Neuchâtel | Temple du Bas | réunion | |
04/11/1891 | France | Paris | Église du Saint-Esprit | conférence | |
08/12/1891 | Suisse | Montreux | Chapelle de l'Eglise libre | réunion | |
13/12/1891 | Suisse | Genollier | Chez MMe de Muralt | ||
21/12/1891 | Suisse | Vevey | Grande Salle du Casino | conférence | |
01-04/02/1892 | Suisse | Genève | Salons de la Brasserie Eypper-Treiber | conférence | Tricot. L.L. Rochat. F. Thomas. A. De Meuron. E. Favre |
08/02/1892 | Suisse | Payerne | Salle du Théâtre | conférence/Projections lumineuses | |
10/03/1892 | France | Vienne | Temple protestant | conférence | |
11/04/1892 | Suisse | Vevey | Ancien Casino. Grande salle de Tempérance | récit de voyage | |
09-10/05/1892 | Suisse | Grandson | Temple | conférence | |
12/06/1892 | Suisse | Morges | Eglise évangélique libre | conférence | |
< 23/07/1892 | France | Saint-Fortunat-Dunière | Salle | conférence | M. Gross |
15/12/1892 | Suisse | Lausanne | Tonhalle | soirée familière avec thé | |
22/10/1893 | Suisse | Clarens | Grande Salle de Réunions | réunion | |
[06]/12/1893 | France | Paris | Union chrétienne des jeunes gens Rue de Trévise |
conférence | |
10/01/1894 | Suisse | Genève | Salle du Port | réunion | |
06/05/1894 | Suisse | Clarens | Grande Salle de Réunions | réunion | |
18/01/1895 | Suisse | Neuchâtel | Grande salle des conférences | réunion | Pacifique Grandjean |
04/03/1895 | Suisse | Bienne | Grande salle des assises | conférence | Grandjean |
15/06/1895 | Suisse | La Chaux-de-Fonds | Église baptiste | réunion | Grandjean |
16-20/06/1895 | Suisse | La Chaux-de-Fonds | Grande salle de la Croix-Bleue | réunion | Pacifique Grandjean |
25/06/1895 | Suisse | La Chaux-de-Fonds | Mission évangélique | réunion | Grandjean |
24/09/1895 | Suisse | Porrentruy | Hôtel-de-ville | conférence | Grandjean |
5-7/11/1905 | Suisse | Grandson | |||
27/11/1895 | Suisse | La Chaux-de-Fonds | Chapelle Méthodiste | réunion | Mohran |
<01/1896 | France | Saint-Jean-du-Gard | conférence | ||
18/01/1896 | Suisse | Moudon | Temple | conférence/Projections lumineuses | frères Tanniger Granjean |
21/01/1896 | Suisse | Lucens | Grande Salle Junod | conférence/Projections lumineuses | Grandjean |
12/02/1896 | Suisse | Avenches | Salle de gymnastique | Projections lumineuses | Grandjean |
02-04/03/1896 | Suisse | Payerne | Salle du Théâtre | Projections lumineuses | frères Tanniger |
01-02/04/1896 | Suisse | Yverdon | Salle du Tribunal | Projections lumineuses | frères Tanniger |
21-22/04/1896 | Suisse | Montreux | Chapelle de l'Eglise libre | Projections lumineuses | frères Tanniger |
28-29/04/1896 | Suisse | Vevey | Salle de l'Athénée | Projections lumineuses | frères Tanniger |
14/05/1896 | Suisse | Gréchon | Plein air | ||
09/08/1896 | Suisse | Sainte-Croix | Temples | Grandes Projections lumineuses | |
26/08/1896 | Suisse | La Chaux-de-Fonds | Temple des Eplatures | projections lumineuses | |
30/08/1896 | Suisse | La Chaux-de-Fonds | Temple Français | Projections lumineuses | |
24/02/1897 | Suisse | Moudon | Chapelle de l'Eglise libre | Projections lumineuses | |
27/02/1897 | Suisse | Brenles | Temple | Projections lumineuses | |
27/02/1897 | Suisse | Chesalles-sur-Moudon | Temple | Projections lumineuses | |
02/05/1897 | Suisse | Vevey | Salle du Casino | Conférence | |
03, 05/05/1897 | Suisse | Vevey | Salle du Casino | Cinématographe | |
31/05/1897 | Suisse | Villa-d'OEx | Chapelle | Cinématographe | |
02-0/06/1897 | Suisse | Aigle | Temple allemand | Cinématographe | |
11-12/07/1897 | Suisse | La Chaux-de-Fonds | Salle de la Croix-Bleue | Cinématographe | |
27-28/08/1897 | Suisse | Courtelary | Cynématographe | ||
13-17/09/1897 | Suisse | Lausanne | Salle Centrale | Cinématographe | Henri Cornaz |
13-14/10/1897 | Suisse | Lausanne | Temple de Saint-François | Cinématographe | |
07/11/1897 | Suisse | Chardonne | Temple | Cinématographe | |
22-23/11/1897 | Suisse | Étoy | Hôtel Industriel | Cinématographe | |
24-25/11/1897 | Suisse | Aubonne | Casino du Chêne | Cinématographe | |
19-20/12/1897 | Suisse | La Sarraz | Temple | Cinématographe | |
09-10/01/1898 | Suisse | Longirod | Temple | Cinématographe | |
11/01/1898 | Suisse | Saint-Georges | Temple | Cinématographe | |
12/01/1898 | Suisse | Marchissy | Temple | Cinématographe | |
23-24/02/1898 | Suisse | Corsier | Chapelle | Cinématographe | |
03-22/03/1898 | Suisse | Genève | Salle du port | Cinématographe | |
29-31/03/1898 | Suisse | Vevey | Casino | Cinématographe Lumière | |
11-14/04/1898 | Suisse | Montreux | Clarens/Grande Salle de Réunion | Cinématographe | |
02-03/05/1898 | Suisse | Morges | Salle des Pas-Perdus | Cinématographe | |
09-11/05/1898 | Suisse | Nyon | Château/Salle du Tribunal | Cinématographe | |
18-20/05/1898 | Suisse | Lausanne | Salle du Valentin | Cinématographe | |
01-02/06/1898 | Suisse | Aigle | Temple allemand | Cinématographe | |
27-29/06/1898 | Suisse | La Chaux-de-Fonds | Salle de la Croix-Bleue | Cinématographe | |
12/08/1898 | Suisse | La Chaux-de-Fonds | Temple des Éplatures | Cinématographe | |
01/1899 | France | Évian | |||
27-28/01/1899 | Suisse | Neuchâtel | Grande salle des conférences | Cinématographe | Auguste Schmidt |
03/04/1899 | Suisse | Montreux | Clarens/Salle des Conférences | Cinématographe | Auguste Schmidt |
[06]-07/04/1899 | Suisse | Vevey | Casino | Cinématographe | |
17/04/1899 | Suisse | Lausanne | Chapelle du Valentin | Cinématographe | |
17-18/04/1899 | Suisse | La Chaux-de-Fonds | Salle de la Croix-Bleue | Cinématographe | |
23/04/1899 | Suisse | Saint-Légier | Collège | Cinématographe | |
26-28/04/1899 | Suisse | Lausanne | Salle Centrale | Cinématographe | |
11/05/1899 | France | Annonay | Théâtre | conférence | |
17-18/05/1899 | Suisse | Payerne | Chapelle de l'Église libre | Cinématographe | Auguste Schmidt |
24/05/1899 | Suisse | Avenches | Salle du Tribunal | Cinématographe | |
22/07/1899 | Suisse | Lucens | |||
22/23/11/1899 | Suisse | Étoy | Hôtel Industriel | Cinématographe | |
15/01/1900 | Suisse | Villa-d'Oex | La Chapelle | Cinématographe | [Charles] Tanniger |
21/01/1900 | Suisse | Rougemont | Temple | Cinématographe | |
04/02/1900 | Suisse | Le Mont | Salle de Tempérance du Mont | Cinématographe | |
*04/1900 | Suisse | Lausanne | Cinématographe | ||
17/08/1900 | Suisse | Orient | Hôtel de la Poste | Cinématographe | |
18/08/1900 | Suisse | Les Bioux | Cinématographe | ||
29/08-01/09/1900 | Suisse | Sainte-Croix | Halle de gymnastique | Cinématographe | |
17/04/1901 | Suisse | Lausanne | Salle Centrale | Cinématographe | |
19/03/1924 | Suisse | Monthey | Temple | Conférence | Dutoit |