PAU

Jean-Claude SEGUIN

Pau, ville des Basses-Pyrénées (auj. Pyrénées Atlantiques (France), compte 33 111 habitants (1894).

1896

Le Technitographe (octobre-décembre 1896)

Le premier appareil cinématographique présenté à Pau est un " technitographe ", appellation peu fréquente et qui n'a donné lieu à aucun brevet, ni à aucune marque déposée. L'exploitation est assurée par la "société du Technitographe", qui arrive de Paris. En réalité, le tourneur est déjà passé à Agen (septembre) et à Biarritz (septembre-octobre). En outre, deux informations permettent de connaître l'origine de l'appareil grâce auquel les Palois vont pouvoir découvrir la photographie animée. D'une part un long article, consacré au technitographe, nous révèle l'origine de l'appareil :

[...] Le Cinématographe de M. Lumière et le Technitographe (appareil Méliès et Rolos) sont, actuellement, les derniers perfectionnements de l'application de la photographie animée. [...] Depuis quelque temps un appareil de ce genre, le Technitographe, fonctionne dans notre ville, Place Royale, et attire chaque jour, à ses séances, un nombreux public. S'il diffère quelque peu, quant au dispositif lui-même et son fonctionnement, du Cinématographe de M. Lumière et du kinetoscope, le principe est rigoureusement le même. On y trouve toujours une bande pelliculaire mesurant plusieurs mètres de long, 15 ou 20, et environ 5 centimètres de hauteur et sur laquelle se trouvent les épreuves positives de photographies, prises à des intervalles variant entre 1/13 et 1/15 de seconde. Cette bande est enroulée sur une bobine, A mesure que celle-ci se déroule, avec une vitesse égale à celle que possédaient les objets au moment où ils ont été fixés par la photographie, les épreuves viennent se présenter à la hauteur d'un disque mobile devant lequel elles demeurent juste le temps nécessaire, c'est-à-dire 1/ 13 ou 1/15 de seconde, démasquées ou cachées tour à tour par un cran mobile. Malgré ces à-coups, l'œil du spectateur, à cause de la persistance des Impressions lumineuses sur la rétine, n'aperçoit en réalité que des images immobiles et ne peut distinguer, tant il est rapide, le passage des noirs qui coupent chaque projection.
Il est impossible d'imaginer la précision, la réalité vraiment surprenantes avec lesquelles - au milieu du silence le plus saisissant - sont représentés certains actes, certaines manifestations de la vie courante. Quelques scènes sont particulièrement remarquables : l'arrivée d'un train express en gare de Vincennes, où l'on voit le train stopper, les voyageurs descendre, et se bousculant, réclamer leurs bagages, assaillir le chef de gare, les employés, affolés, se multipliant à droite et à gauche, etc...
Ajoutons que le Technitographe reproduit, en couleurs, les évolutions dansantes de la Loïe Fuller et que ceci est un perfectionnement de plus. C'est un acheminement vers la combinaison de ce dernier appareil avec le Cyclorama électrique de M. Chase de Chicago, combinaison qui donnerait des résultats véritablement stupéfiants. Et qui sait ? L'Exposition de 1900 ne nous réserve-t-elle pas cette merveilleuse surprise ?
G. G.


Le Patriote  des Pyrénées, Pau, 8-9 novembre 1896, p. 1.

Cet appareil semble correspondre à l'appareil dont le brevet a été déposé par Lucien Korsten, Georges Méliès et Lucien Reulos au début du mois de septembre. D'autre part, le répertoire des vues animées se compose exclusivement de vues qui figurent dans le catalogue de la Star-Film. Dès le 25 octobre, la presse annonce l'arrivée prochaine du technitographe :

La Société du Technitographe de Paris nous informe qu'elle va commencer ses séances de projections animées demain dimanche, place Royale près le Grand Café Champagne.
Cette stupéfiante invention qui consiste à reproduire les mouvements de la vie par la photographie a émerveillé Paris et le monde entier : elle aura certainement un grand succès de curiosité à Pau, car c’est un spectacle aussi moral qu'instructif, et le plaisir des yeux y ajoute aussi un grand attrait.


Le Patriote des Pyrénées, Pau, 25-26 octobre 1896, p. 2.

pau cafe champagne

L.L., Pau-Le Café Champagne
© Bibliothèque Intercommunale Pau-Pyrénées

La première n'a lieu que le 29 octobre, séance au cours de laquelle six films Méliès vont être présentés aux spectateurs palois : 

Le Technitographe — Nomenclature des vues présentées au public pour les séances du jeudi 29 octobre à 5 heures et à 9 heures du soir par la Société du Technitographe :
Un train express arrivant en gare de Vincennes ;
Le 76e de ligne se rendant à la revue du 14 Juillet à Paris ;
Le Jardinier arrosant son jardin (scène comique) ;
Un sauvetage en Seine ;
Dessinateur faisant le portrait de M. Thiers ;
Danse de la Loïe-Fuller en couleurs.

Le Patriote des Pyrénées, Pau, 29 octobre 1896, p. 2.

Dès lors, les séances vont se succéder sans qu'aucun incident particulier ne soit à signaler. Le seul événement significatif réside dans la programmation d'une vue tournée lors de la visite du tsar à Paris, Le tsar, la tsarine et le président de la République se rendant à Versailles (L'Indépendant des Basses-Pyrénées, Pau, 7 novembre 1896, p. 3). Le renouvellement des vues reste malgré tout limité jusqu'à la fête de la Saint-Martin, à partir du 11 novembre et pendant huit jours, qui voit le technitographe quitter la place Royale pour le café Gil où les séances vont reprendre dans une salle aménagée à cet effet :

Le Technitographe. — (La Tzar à Paris). — On nous fait savoir et l'on nous prie d'annoncer que, pendant la durée de la foire de la Haute-Plante et afin que les visiteurs du dehors puissent, sans se déranger de leurs affaires, admirer cette merveilleuse invention, la Société du Technitographe (photographie animée) sera transférée provisoirement dans une salle du Café Gil.
C'est dans une salle spacieuse et indépendante du Café que seront données les séances.
Par exception, et pendant la foire seulement, le prix a été réduit à 50 centimes pour tout le monde ; une entrée particulière sera ménagée, rue de Bordeaux, avec places réservées à 1 franc.


Le Patriote des Pyrénées, Pau, 12 novembre 1896, p. 2.

Situé tout juste à l'entrée de la foire, le café Gil offre au technitographe la possibilité de renouveler son public constitué, pour une part, par des visiteurs extérieurs à la ville. Les prix s'adaptent également aux circonstances jusqu'au retour du technitographe à la place Royale une dizaine de jours plus tard :

Le Technitographe. — Les séances du Technitographe sont, à partir de ce jour, transférées à nouveau à la Place Royale.
Avec le beau temps si impatiemment attendu et enfin arrivé, nul doute que les personnes qui n'ont pas encore été voir les résultats de cette merveilleuse découverte, ne s'y rendent en foule.
Nous ne pouvons qu'engager nos lecteurs à suivre l'exemple de plusieurs de nos institutions, qui, comme l'Immaculée Conception, ont tenu à initier leurs élèves à ce nouveau et beau progrès de la science.


 Le Patriote des Pyrénées, 24 novembre 1896, p. 3.

Une information non dénuée d'intérêt indique que ladite " Société du Technitographe " non seulement s'occupe de projeter les films, mais qu'elle est également en mesure de commercialiser l'appareil dès les premiers  jours de décembre :

Le Technitographe où les photographies animées (Place Royale).
Les nouvelles vues présentées aux séances du jour et du soir ont un succès très légitime et attirent les premiers étrangers arrivés dans notre station hivernale.
Des séances particulières peuvent être données par la Société du Technitographe, qui va pouvoir aussi, dans peu de jours, livrer les premiers appareils aux personnes qui désireraient en acquérir.


Le Mémorial des Pyrénées, Pau, 4 décembre 1896, p. 3.

Existe-t-il alors un accord entre la Star-Film et la Société du Technitographe ? Toujours est-il que la commercialisation est bien réelle dès le début du mois de décembre.

Par ailleurs, les séances vont se poursuivre encore quelques jours, jusqu'au 10 décembre, où une suspension de trois jours est annoncée afin de pouvoir présenter le technitographe aux Oloronais :

Séances du Technitographe de la Place Royale. - Nous sommes priés d'informer nos lecteurs et le public que les séances de photographies animées vont subir une interruption. - En effet, en attendant que la colonie étrangère devienne aussi nombreuse qu'on l'annonce, la Société du Technitographe suspend ses séances de la Place Royale pour les présenter dans la salle du Théâtre d'Oloron, où nombre de personnes ont manifesté le désir de voir Oloron profiter du voisinage de Pau, pour avoir dans la région la primeur de cette merveilleuse découverte.
II n'y aura donc, plus momentanément, à Pau, de séances que jusqu'au milieu de la semaine, c'est-à-dire jusqu'à mercredi inclus.
Nous rappelons que la Société va mettre en vente les premiers appareils livrés au public : pour toute demande s'adresser au bureau du Journal ou au directeur de la Société, Place Royale.

L'Indépendant des Basses-Pyrénées, Pau, 6-7 décembre 1896, p. 3.

Quelques jours plus tard, le samedi 12 décembre, le Théâtographe offre des projections à Oloron-Sainte-Marie.

Répertoire (autres vues) : Couronnement de la rosière de Montreuil (Le Patriote des Pyrénées, Pau, 30 octobre 1896, p. 2.), Leçon de gymnastique dans un lycée de jeunes filles à ParisBains de mer sur la grande plage de Biarritz (Le Patriote des Pyrénées, Pau, 1er-2 novembre 1896, p. 2), Enfants jouant sur le bord de la mer (Le Patriote des Pyrénées, Pau, 6 novembre 1896, p. 3), Le  Boulevard  des Italiens  (Francisque Sarcey  passe  par hasard) (Le Patriote des Pyrénées, 8-9 novembre 1896, p. 2).

Contacts