- Détails
- Création : 25 mars 2015
- Mis à jour : 11 juillet 2023
- Publication : 25 mars 2015
NÎMES
Thierry LECOINTE
Nîmes, chef lieu du Gard (France), compte 71.000 habitants (1894).
1896
Le Kinématographe Edison de Leclerc (Grand café Tortoni, 22 juin-[5] juillet 1896)
L’annonce de la venue à Nîmes du premier appareil cinématographique paraît simultanément dans Le Petit Républicain du Midi et Le Petit Midi, le vendredi 12 juin 1896. Le texte édité dans ces quotidiens est strictement identique ; il s’agit d’une annonce publicitaire commanditée par le directeur, Monsieur Leclerc.
Le Kinématographe, dit cinématographe à Nîmes (pendant 15 jours seulement)
Mardi 16 juin, au Grand Café Tortoni, dans la salle du premier étage, dont l'entrée principale est située ruelle de la Salamandre, ouverture du Kinématographe, dit Cinématographe du célèbre Edison, permettant de voir en grandeur naturelle des photographies vivantes, scènes animées des principaux quartiers de Paris, tels que : La place de l'Opéra, les grands boulevards, la place de la Madeleine, les Champs-Élysées, les halles centrales, les chèvres au jardin des Tuileries, etc. etc., l'arrivée d'un train en gare, le bain d'une parisienne, les nourrices aux Champs-Élysées.
En couleur naturelle sera présenté : Loïe Fuller, la fin du 4e acte de " Madame Sans-gêne " et la danse des papillons, etc. Sous peu de jours, le couronnement du tsar.
Entrée générale, 1 franc.
Les représentations auront lieu toutes les heures, de 2 heures à 7 heures et de 8 heures à 11 heures du soir.
Les personnes arrivant en retard recevront un ticket leur permettant d'assister à la représentation suivante.
Nîmes journal, Nîmes, 13 juin 1896, p. 2.
Ch. Bernheim, phot., Tortoni-Nîmes (début XXe siècle)
Il pourrait s'agir d’un projecteur De Bedts compte tenu de l’appellation de l’appareil, des films diffusés et de la corrélation de ces éléments avec d’autres appareils de même terminologie utilisés ailleurs en France. L’installation s’est effectuée dans une salle annexe d’un café, un peu à la manière du Cinématographe Lumière à Paris. Le café Tortoni est situé sur le boulevard Amiral Courbet, l’un des quatre boulevards les plus fréquentés qui ceinturent la vieille ville, à deux cents mètres des arènes. Ce café offre régulièrement des concerts gratuits dans ses locaux ; le public a donc coutume de le fréquenter pour ses spectacles récréatifs. Le 13 juin, Le Petit Républicain du Midi et Nîmes-Journal avise le public du report de l’ouverture. La première a enfin lieu le 22 juin, après de multiples turpitudes techniques et d’annonces d’ouvertures différées :
Le Kinématographe - Les séances ont commencé hier et le résultat obtenu après une installation des plus difficiles, a été des plus heureux.
Néanmoins, M. Leclerc, désireux d'apporter quelques améliorations à la marche de l'appareil et d'augmenter le nombre des vues par les sujets les plus nouveaux et les plus récents a interrompu ses séances si intéressantes pour les reprendre le jeudi 25 courant.
Nul doute que tout Nîmes défile dans la salle du Kinématographe. Tout le monde voudra voir la photographie animée.
Le petit méridional. Mardi 23 juin 1896.
Il y a ce jour-là quelques problèmes techniques car les séances sont de nouveau suspendues pour ne reprendre que le 26 juin. À partir de cette date, des représentations se déroulent sans interruption jusqu’au jeudi 9 juillet, à raison de quatre par jour. On y montre dix vues pendant une vingtaine de minutes pour un prix d’entrée établi à 1 franc les dix premiers jours, puis réduit à 50 centimes. Certaines vues sont annoncées en couleurs, mais la presse n’en fait jamais état. Du vendredi 3 au dimanche 5 juillet, M. Leclerc organise des séances de 16 à 23 heures toutes les demi-heures. Quel est l’impact de ce premier spectacle cinématographique sur le public nîmois ? La presse se fait l’écho d’un succès mitigé. C’est avec l’arrivée d’un second appareil que le constat de la performance technique moyenne du Kinématographe apparaît. Le kinématographe Edison va poursuivre sa route en direction de Béziers où il va rester quelques jours.
Cinéphotographe (Boulevard de la République, [20] septembre-[13] octobre 1896)
À l'occasion de la foire Saint-Michel qui se tient boulevard de la République (actuel boulevard Jean Jaurès), très large artère en terre battue, un forain, M. Datigny, équipé d’un " cinéphotographe ", présente aux Nîmois des vues quelque peu analogues. Le communiqué publicitaire inaugural est édité le mardi 23 septembre 1896 :
Le Cinéphotographe à Nîmes
Nous engageons instamment nos lecteurs à aller voir le cinéphotographe installé au boulevard de la République, près de la Fontaine, qui obtient tous les soirs un grand succès avec ses photographies animées xiuvantes [sic: "vivantes"] et en couleurs. C'est illusion complète de la vie et de la nature dans tous ses mouvements.
Le Petit Midi, Nîmes, mercredi 23 septembre 1896, p. 3.
Le cinéphotographe est commercialilsé par Gabriel Lépée.
L’Industriel Forain, Paris, 9 août 1896, p. 4. | Aubat-Marion, Bourse Nîmes, Nîmes-Boulevard de la République-Foire de la Saint-Michel (début XXe siècle) |
La machine utilisée à Nîmes semble de bonne facture au point d’être élogieusement comparée au Kinématographe :
Cinéphotographe - Après une visite rendue au cinéphotographe, dont nous sommes sortis émerveillés, nous recommandons à nos lecteurs d'aller voir les scènes de photographies animées qui donnent l'illusion la plus complète de la vie et de la nature dans tous ses mouvements.
Le dernier perfectionnement étant apporté par les couleurs qui ajoutent la plus grande exactitude aux scènes représentées, ce spectacle est bien supérieur à ce que l'on a pu voir jusqu'à ce jour dans notre ville.
Le Journal du Midi, Nîmes, dimanche 4 octobre 1896, p. 2.
Le forain propose dix séances quotidiennes pour 10 centimes chacune. En fait, ce tarif très attractif n’est pas uniquement dû à l’exploitant : l’installation des baraques foraines sur le champ de foire sont réglementée par la municipalité qui a fixé, outre la redevance journalière, un prix d’exploitation unique pour les petits établissements. La foire attire massivement un public populaire ne fréquentant pas forcement les cafés huppés du centre ville : le cinématographe se démocratise. Les vues en couleurs constituent l’atout majeur de ce petit cinéma forain : " le cinéphotographe perfectionné " est " le seul établissement donnant la photographie animée en couleur ", précision importante pour le public puisqu’un concurrent, le Cinématographe-Lumière, s’est implanté au centre ville depuis le 3 octobre. Les séances se prolongent jusqu'au 13 octobre.
Répertoire : Loïe Fuller dans la danse serpentine (23 septembre 1896).
Cinématographe Lumière (28, Boulevard Victor-Hugo, [31] octobre-8 novembre 1896)
La venue de la maison Lumière est planifiée puisqu’elle est annoncée par la presse dès le 5 septembre 1896 :
Cinématographe Lumière.
On annonce l’arrivée prochaine du cinématographe Lumière, dont le succès a été si grand dans la plupart des grandes villes, notamment à Montpellier.
Nîmes-Journal, Nîmes, 5 / 12 septembre 1896, p. 2.
Le Cinématographe Lumière s’installe sur l’un des quatre grands boulevards de ceinture dans un local situé au 28, boulevard Victor-Hugo. Les premières séances sont réservées aux notables de la ville, principe commercial systématisé chez Lumière. Le directeur du Cinématographe Lumière, conscient de la concurrence, multiplie les annonces publicitaires. Les arguments avancés pour vanter la suprématie de son spectacle sont le renouvellement permanent des vues (dix-neuf titres sont cités), la diffusion de vues récentes d’actualités (Les Fêtes lors du passage du Czar de Russie à Paris, la Revue passée au camp de Chalons, les Inondations dans le Midi de la France...) ainsi que la projection d’une vue tournée à Nîmes quelques jours auparavant : La Sortie de la messe de onze heures de l’église Sainte-Perpétue (La Chronique Mondaine, Littéraire et Artistique, Nîmes, 31 octobre 1896.). Le directeur annonce même son intention de filmer la corrida du 11 octobre. Ce jour-là, la salle n’ouvre qu’à dix-sept heures (Le Petit Méridional, Nîmes, 11 octobre 1896), après la corrida, mais il ne semble exister aucune trace de ce tournage. Cette concurrence ouverte prend aussi la forme d’une campagne de dénigrement :
Cinématographe. - La maison Lumière [...] tient à faire remarquer que ces vues [ayant trait aux fêtes à Paris pour l’arrivée du tsar et la revue de Chalons] sont absolument prises d'après nature et non comme certaines maisons qui ne peuvent enregistrer que des scènes prises avec des mannequins articulés ne donnant que des projections grotesques.
Le Petit Méridional, Nîmes, 8 octobre 1896.
Nïmes-Boulevard Victor-Hugo (c. 1905)
À quel film le directeur du Cinématographe Lumière fait-il référence ? Rien, dans la presse nîmoise, ne permet de le savoir. C’est en suivant le parcours de ce forain, Monsieur Datigny, que la réponse peut être trouvée. Après Nîmes, il poursuit sa route vers Perpignan où il s'installe le 3 novembre 1896. Il y projette la Mort de Mary Stuart (L’Indépendant des Pyrénées-Orientales,14 novembre 1896) dont le contenu est relaté de manière précise :
[...] à citer l’émouvante scène représentant “l’exécution de Marie Stuart” : la hache se lève, le sang jaillit, la tête roule sur le sol et le bourreau la saisit aux cheveux pour la montrer à son entourage.
L’Indépendant des Pyrénées-Orientales, Perpignan, 21 novembre 1896.
Avec ce film, l’allusion prend tout son sens. Cette concurrence tourne à l’avantage du Cinématographe Lumière. M. Datigny quitte la foire le 13 octobre, soit vingt jours avant la clôture officielle prévue le 2 novembre. Les projections Lumière, douze par jour, sont constituées de huit vues pour un tarif établi à 1 franc. La concurrence du spectacle forain et le faible pouvoir d’achat des Nîmois doivent contraindre le directeur à diminuer son tarif de moitié dès le cinquième jour d’exploitation. Au vingt-troisième jour de représentations, il ajoute deux tableaux à chaque séance. À la demande du maire et des autorités religieuses, il distribue plus de 400 cartes d'entrée gratuite pour les élèves des écoles communales et chrétiennes (Le Petit Républicain du Midi, 29 octobre 1896 et Le Journal du Midi, 1er novembre 1896). Le 22 octobre, il est contraint de fermer exceptionnellement ses portes en raison " de la rupture du canal adducteur des eaux de Nîmes, […] la société d'électricité n'ayant pas d'eau pour alimenter ses chaudières et par ce fait ne pouvant produire le courant " (Le Petit Républicain du Midi, 23 octobre 1896). Devant un succès qui semble avéré, le Cinématographe-Lumière prolonge son séjour d’une semaine avant de quitter définitivement Nîmes après les séances du dimanche 8 novembre 1896.
Répertoire (autres vues) : Fêtes du couronnement du Tsar (Le Petit Méridional, Nîmes, 7 octobre 1896), L'Entrée du tsar et du président dans le hall de Cherbourg, La Tsarine sortant de l'église russe à Paris (Le Petit Méridional, Nîmes, 16 octobre 1896), Le Débarquement des souverains à Cherbourg, Défilé des caïds tunisiens, spahis et chasseurs d'Afrique, Le Cortège impérial traversant la place de la Concorde, Escorte d'honneur du Tsar (Le Petit Méridional, Nîmes, 17 octobre 1896), La Bourse à Marseille, Les Joueurs de cartes arrosés (Le Petit Méridional, 20 octobre 1896), L'Arrivée du train en gare, L'Arroseur arrosé (Le Petit Méridional, Nîmes, 25 octobre 1896), L'Écroulement du mur, La Traversée de la Saône par les dragons à cheval, Le Labourage en Normandie, Les pêcheuses de crevettes (La Chronique mondaine, littéraire et artistique, 7 novembre 1896), La Manœuvre des pompiers à Lyon, Baignade en mer, Vues des inondations (, Le Petit Républicain du Midi, Nîmes, 7 novembre 1896).
Le cinématographe de Ferdinand Itier (Café du Palais, 19 décembre 1896-31 décembre 1896) → 1897
La saison cinématographique 1896 n’est pas terminée. Un concitoyen d’origine lyonnaise (Lyon, 13/06/1861-), Ferdinand Itier, tient depuis 1891 un magasin de photographie au centre ville, 30, boulevard Gambetta (troisième boulevard de ceinture), à l’angle de la rue Corconne (n°1). Séduit par le Cinématographe, il achète à la fois un appareil de projection Méliès ainsi qu’un appareil de prise de vues (il utilise aussi un projecteur Perret-Lacroix d’après les souvenirs de sa fille.) Avant les fêtes de fin d’année, il installe son " nouveau cinématographe " dans une salle du premier étage du café du Palais (actuel Palace), situé sur le boulevard de l’Esplanade (quatrième boulevard de ceinture).
Café Palais, Nîmes (début XXe siècle)
Cette nouvelle salle fut dévoilée au public le samedi 19 décembre 1896 dans Le Journal du Midi. Le programme mentionne six films dont quatre vues locales tournées par Ferdinand Itier lui-même :
Un nouveau cinématographe possédant une très jolie collection de vues animées est installé, à partir d'aujourd'hui, boulevard de l'Esplanade, salle du premier étage du café du Palais (entrée par la rue Régale). Le directeur variera les représentations qui auront lieu tous les soirs à partir de 5 h et les dimanches et lundi à partrir de 3 h de l'après-midi. Le cinématographe, réellement perfectionné, projettera des vues animées nouvelles et prises à Nîmes. Programme de la première soirée : 1. " Arrivée d'un train à Saint-Césaire " ; 2. " Une partie de mazet " ; 3. " La mer à Grau-du-roi " ; 4. " M. X..., dessinateur express " ; 5. " L'arche de Noé, chemin d'Avignon " ; 6. " Le ballet des petits Incroyables ".
La Chronique mondaire, littéraire et artistique, Nîmes, 19 décembre 1896.
Dès cette date, ce photographe s’inscrit comme un acteur essentiel de la vie cinématographique régionale. Cette première installation lui pose sûrement quelques difficultés techniques car la salle ne peut ouvrir que le 27 décembre. (Le Petit Républicain du Midi, 26 décembre 1896).
→ 1897
1897
← 1896 Le cinématographe de Ferdinand Itier (Café du Palais, 1er-23 janvier 1897)
← 1896
La présence dans les programmes de vues nîmoises constitue un attrait supplémentaire comme le souligne la presse locale :
Bravo M. Itier, pour vos nouvelles scènes locales appelées à un grand succès, prises sur le vif et très réussies : " L'arrivée du train en gare de Nîmes " (quelle profusion d'employés et comme le service doit être bien fait dans notre gare) ; " Les exercices de la Nemausa " et " Le défilé de nos braves pompiers ". Nous avons tous salué au passage nos brillants officiers et la barbe vénérable d'un coiffeur bien connu traversant le boulevard.
La Chronique mondaine, littéraire et artistique, Nîmes, 23 janvier 1897.
Pour de probables raisons logistiques et économiques, le cinématographe est transféré sur le boulevard Victor-Hugo., 9, boulevard Victor Hugo à partir du 24 janvier 1897.
Le cinématographe de Ferdinand Itier (9, boulevard Victor-Hugo, 24-[30] janvier 1897)
Ferdinand Itier installe son cinématographe au 9, boulevard Victor-Hugo, à partir du 24 janvier 1897 et pour quelques jours.
Le cinématographe de Ferdinand Itier (Théâtre d'Été, 31 janvier-27 mai 1897)
Le cinématographe fait son entrée dans l’un des hauts lieux des divertissements nîmois : le 31 janvier 1897 le " nouveau cinématographe " projette quelques films, dont certains à rebours, au théâtre d’été. (Le Petit Méridional, 31 janvier 1897). Les séances de Ferdinand Itier se déroulent en semaine de 17 à 19 heures et de 20 à 22 heures ; les samedis, dimanches et jours de fêtes, elles ont lieu de 14 à 19 heures, puis de 20 à 22 heures. Le tarif est établi pour toute la période à 50 centimes, avec de temps à autre quelques réductions catégorielles ou saisonnières à moitié prix. À chaque séance, Ferdinand Itier ne présente que six tableaux pendant une durée totale de 15 minutes. Début avril, l’ensemble de ses programmes ne fait état que de dix-neuf films dont neuf vues locales attestant aussi d’un faible taux de renouvellement de ses vues.
Le 9, boulevard Victor-Hugo se trouve juste après la pharmacie Rouvière
Nîmes. Boulevard Victor-Hugo (début du XXe siècle)
Plus d’un an après ses débuts, le spectacle cinématographique, en 1897, n’a pas fondamentalement évolué, car les projections sont toujours constituées par la juxtaposition de tableaux n’excédant pas une minute chacun. Les vues ne sont pas d’un genre très différent de celles diffusées en 1896 - sauf des vues comiques et fantastiques de Méliès qu’Itier projette fin mars 1897 : Chicot dentiste américain, Le Château hanté - et peuvent se révéler, aux yeux du public, d’une grande banalité. Dans une forme d'ultime sursaut, le 16 avril 1897, Le Petit Méridional et Le Petit Républicain du Midi (mais aussi Nîmes-Journal du 17 avril et L'Echo du Midi du 18 avril) annoncent un nouveau programme avec, entre autres, deux vues locales dont Inauguration de l'église Saint-Luc. Cet événement se déroule le 6 [7?] mars 1897. Dès lors, nous pouvons en déduire que, compte tenu du délai entre le tournage et la projection, Itier n'est sans doute pas en mesure de développer lui-même des bandes cinématographiques de grandes longueurs malgré ses compétences de photographe. Les films réalisés par ses soins sont certainement expédiés à Paris pour y être développés (chez Méliès fournisseur de son premier appareil ?). Ce délai se confirme en fin d'année 1897 pour une autre de ses réalisations. Dès lors, tout nous permet d'émettre l'hypothèse que les vues locales annoncées le 19 décembre 1896 avaient sans doute été tournées le mois précédent.
G. Feuillade, Photo, Nîmes, Entrée du Casino, rue Bernard-Aton-Nîmes (début XXe siècle)
De plus, mai 1897 est particulièrement néfaste pour l’activité cinématographique. En effet, le 4 mai 1897 à Paris, les deux opérateurs d’un cinématographe Joly-Normandin, MM. Bellac et Bagraschow, déclenchent involontairement un incendie au Bazar de la Charité, rue Jean Goujon, faisant cent-vingt et une victimes et touchant de plein fouet la haute société. À Nîmes, la presse régionale couvre largement l’événement : Le Petit Méridional (6, 7 et 16 mai 1897) lui consacre trois articles spécifiques dans lesquels des erreurs de manipulation du projecteur ainsi que la probable responsabilité des opérateurs sont clairement mises en avant. M. Normandin, constructeur et propriétaire de l’appareil, est également cité et impliqué, ce qui a pour conséquence une contre-publicité majeure à l’égard de ce genre de spectacles. Par ailleurs, à l’approche de l’été, les températures locales augmentent et atteignent régulièrement trente degrés, conditions peu favorables pour un spectacle qui confine le public dans une salle surchauffée par la lampe du projecteur. Enfin, la saison tauromachique commence. La première corrida de la temporada s’est déroulée le 16 mai et a attiré plus de dix milles aficionados, sans doute peu enclins à dépenser quelques centimes de plus au cinématographe. Conséquence ou coïncidence, la salle d’Itier ferme le 27 mai.
Répertoire (autres titres) : Scène de fumeur au chalet de la fontaine, Le coucher de la mariée (Le Journal du Midi, Nîmes, 28 décembre 1896), Défilé de nos sapeurs-pompiers, Une nuit terrible, Société de gymnastique " La Nemausa " dans ses mouvements d'ensemble (Nîmes-Journal, Nîmes, 16 janvier 1897, p. 2), Tempête en mer (Nîmes-Journal, Nîmes, 23 janvier 1897), Scène d'afficheurs (Nîmes-Journal, Nîmes, 31 janvier 1897), Chicot dentiste américain, Le château hanté, Pierrot à la lune, Scène d'hôtel (Le Petit Républicain du Midi, Nîmes, 22 mars 1897), Lâcher de pigeons, Inauguration de l'église Saint-Luc (Le Petit Républicain du Midi, Nîmes, 16 avril 1897).
Les cinématographes de la foire de Saint-Michel (septembre-octobre 1897)
Malgré le drame du 4 mai, au moins deux cinématographes s’installent lors de la foire Saint-Michel, du 25 septembre au 17 octobre 1897. Un forain tire même parti de la tragédie en exhibant un nouveau panorama représentant l’incendie du Bazar de la Charité ! (La Chronique Mondaine Littéraire et Artistique, 25 septembre 1897.) Après l’engouement général de la presse et l’abondance des articles écrits à propos de ces spectacles, cette fin d’année ne suscite guère d’enthousiasme de la part des chroniqueurs. La Chronique Mondaine Littéraire et Artistique du 25 septembre mentionne la présence " des cinématographes " sur le champ de foire. Nîmes-Journal dans son édition du 2/9 octobre précise que " le cinématographe et la galerie historique, système Grévin, font salle comble tous les soirs ". Quant au quotidien Le Petit Républicain du Midi, il mentionne, le 26 septembre, une " salle des Visions Artistiques par le cinématographe ". Ces " Visions Artistiques " sont un spectacle optique constitué de projections réalisées avec une lanterne magique. Les intermèdes, entre chaque vision, sont assurés par l’audition d’un aérophone ou par des projections d’un cinématographe.
Le cinématographe de Ferdinand Itier (Eden, 5-11 novembre 1897)
Ferdinand Itier s'installe, du 5 au 11 novembre 1897, avec son "nouveau cinématographe" à l'Eden, le très prisé music-hall de Nîmes où il clôture tous les soirs le programme. Le seul film évoqué par la presse est La Corrida du 4 juillet (Le Petit Républicain du Midi, 10 novembre 1897). A Nîmes comme à Uzès, la presse remarque la singularité de la vue qui montre la course " dans toutes ses péripéties depuis le paseo jusqu’à l’enlèvement du taureau par le train de mulets " (Nîmes-Journal, Nîmes, 6/13 novembre 1897). La presse, devenue moins attentive mais plus exigeante, n’hésite pas à relever le défaut majeur de l’appareil et annonce que " si M. Itier corrigeait le papillonnement de son appareil qui fatigue les yeux, son succès serait plus grand encore " (La chronique mondaine littéraire et artistique, 13 novembre 1897).
Ferdinand Itier inaugure en quelque sorte un nouveau modèle de spectacle cinématographique par l’adjonction d’une vue longue, format dont l’ensemble des titres préexistants chez les producteurs parisiens se limite à moins de dix vues et n’excèdent pas 60 mètres de longueur. Son innovation ne va pas se limiter à l’allongement des vues. Il y apporte également le son en couplant à ses séances un phonographe dès le début de l’année 1898.
1898
le cinématographe de Ferdinand Itier (janvier 1898-1898)
Au cours du premier semestre 1898, Ferdinand Itier va changer de local à plusieurs reprises. S'il finit l'année 1897 dans le grand magasin Paris-Nîmes (angle de la place des Carmes et rue Séguier), il se retrouve au théâtre d'été, dès le 9 janvier 1898, puis à l'Eden-théâtre-concert (4, rue J. B. Godin) pour le concert organisé par le Club Taurin le samedi 26 février 1898 (L’Eclair, 2 mars 1898). À cette occasion, il semble avoir utilisé un autre nom à moins qu'il ne s'agisse simplement d'une coquille :
GARD
Nîmes
[...]
Le concert suivi de bal annoncé par le Club taurin aura lieu le 26 février courant à l'Eden-Concert. Le programme sera des mieux composés ; le cinématographe Stive montrera toutes les phases de la grande course de Guerrita donnée à Nîmes le 26 septembre dernier. Une tombola sera tirée pendant l'entr’acte. Le club taurin compte que tous les aficionados se rendront à cette fête.
Le Petit Marseillais, Marseille, 20 février 1898, p. 3.
Dès janvier 1898, Ferdinand Itier fait paraître une publicité dans Le Petit Républicain du Midi de manière quasi continue du 11 janvier au 21 mars, puis du 18 au 20 mai 1898 : il propose ses services aux familles, pensionnats, cercles et autres sociétés, pour un spectacle mixte associant cinématographe et " phonographe sans tube ". Itier devient, par la force des choses, un " intermittent ".
Spectacles et concerts.
Intéressantes soirées de famille. - Les familles, pensionnats, cercles, sociétés, doivent à l'heureuse initiative d'un de nos concitoyens le moyen de passer une soirée à la fois agréable et instructive, avec les projecteurs cinématographiques et les auditions d'un nouveau phonographe sans tubes. L'un et l'autre appareil peuvent pendant une ou deux heures charmer à la fois les yeux et les oreilles. Le prix de ces intéressantes expériences est modique. On peut s'adresser au bureau du journal pour renseignements complémentaires.
Ce changement radical de stratégie commerciale confirme sans doute la mauvaise rentabilité de son ancienne salle. Les souvenirs de Mme Yette Servière-Itier, sa fille, confirment qu’à cette époque son père organise le week-end des tournées dans les communes rurales du département. Elle est chargée de changer les disques du phonographe qui sonorise certaines vues du répertoire (Midi Libre, 4 août 1956). La presse locale atteste ponctuellement de l’existence de ces tournées. Grâce aux publicités, Ferdinand Itier est sollicité pour des projections au théâtre Pagès à Saint-Gilles les samedi 15 et dimanche 16 janvier 1898 (des projections préalables ont eu lieu à Vauvert, Saint-Laurent d’Aigouze, Beauvoisin,Clarensac, Sauve, Saint-Jean-du-Gard, etc.) puis de nouveau à deux reprises dans la commune de Vauvert, où il se produit dans la salle de l’Alcazar Valentin, le 20 mars et le 22 mai 1898 (Le Petit Midi, 20 mars 1898 et Le Petit Républicain du Midi, 22 mai 1898). On le retrouve aussi à Arles aux Folies-Arlésiennes, boulevard des Lices, le 11 juin 1898.
Le Primoscope de la foire de la Saint-Michel (septembre-octobre 1898)
Lors de la foire de la Saint-Michel 1898, La Chronique Mondaine Littéraire et Artistique du 24 septembre 1898 ne cite que la présence d’un « primoscope ». Si ce terme semble désigner un appareil optique, rien ne permet d’affirmer qu’il s’agisse réellement d’un cinématographe. La foire qui commence le 20 septembre s'achève une vingtaine de jours plus tard.
1899
La troisième saison de Ferdinand Itier (janvier-mars 1899)
Après une année sabbatique pour les Nîmois en raison de tournées rurales, Itier décide de renouer avec ses concitoyens en 1899. Le jeudi 19 janvier, une nouvelle salle installée au centre ville, à l’angle du boulevard Victor Hugo et de la rue Saint-Antoine,ouvre ses portes (Le Petit Républicain du Midi, 18 janvier 1899). Les séances ont lieu trois jours par semaine à 20 heures et durent une heure. Ponctuellement, une séance est organisée à 16 heures. Le spectacle comprend aussi l’audition du " puissant graphophone " et ne coûte que 20 centimes (Le Petit Républicain du Midi, 2 février et 6 mars 1899). En moins de deux ans, le spectacle d’Itier s’est allongé de 45 minutes pour 30 centimes de moins. Les spectateurs bénéficient, par conséquent, de séances proportionnellement dix fois moins chères qu’en 1897, ce qui confirme la forte dépréciation du spectacle cinématographique. Les projections s’arrêtent momentanément le 26 février. Après une semaine de fermeture, elles reprennent le 5 mars avec l'arrivée de toutes nouvelles vues : les Funérailles de Félix Faure, enregistrées le 23 février 1899. La presse ne mentionne que deux autres films, relativement anciens, tournés en 1897 : Course de taureaux avec mise à mort du 4 juillet - Entrée de la quadrille (2 février 1899) et Le Manoir du diable de Méliès (2 février 1899). La clôture définitive a lieu le 16 mars 1899.
Le samedi 11 mars 1899, une séance de cinématographe est organisée chez le vicomte et la vicomtesse d'Adhémar à Nîmes, après un dîner privé (La Vie montpelliéraine, 12 mars 1899), mais rien ne permet d'affirmer que Ferdinand Itier en soit l'organisateur.
Répertoire (autres films) : La bénédiction de Léon XIII au Vatican (Léon XIII est assis, ses mains s’élèvent au dessus des fidèles agenouillés à ses pieds. Quelques membres du Sacré-Collège et plusieurs gardes-nobles entourent le vénérable pontife (25 février 1899).
Le Biographe d'Estanislao Bravo (septembre-octobre 1899)
Il faut attendre l’ouverture de la foire pour retrouver un cinéma à Nîmes. Estanislao Bravo est l'une des figures les plus connues des origines du cinéma. Après avoir commencé ses tournées en Espagne, d'où il est originaire, il mène une vie de forain en France pendant plusieurs années. C'est sans doute à Nîmes qu'il apparaît pour la première fois sur le territoire français (L'Industriel forain, Paris, 1-7 octobre 1899, p. 1). Il y présente le " Biographe, musée vivant ", sur le boulevard de la République, à côté des Jardins de la Fontaine, du 21 septembre au 22 octobre 1899. Cet établissement forain connaît un réel succès car les séances ne coûtent que 15 centimes et quelques films sont judicieusement choisis pour attirer le public régional, notamment les aficionados :
Un tour au champ de foire. - [...]
Nous avons d'abord à côté de la Fontaine un établissement où l'on peut y voir une course de taureaux mis à mort par le célèbre matador Mazzantini, au prix de 15 centimes. Toutes les diverses phases d'une corrida de muerte y sont représentées. On croirait être dans les arènes.
Tout le monde voudra aller voir cet établissement où est représenté aussi la Passion [...].
Le Petit Républicain du Midi, mercredi 27 septembre 1899.
Le 18 octobre, une nouvelle série de vues tauromachiques est projetée dans l’établissement :
Cinématographe. - Champ de foire - A partir d'aujourd'hui on donnera dans la même séance, avec les vues des courses de toros à Nîmes, celle qui a eu lieu le 8 octobre dernier à Béziers, avec 3 matadors. Semaine de clôture.
- Nous avons eu l'occasion de visiter les nouvelles vues de cet établissement. Nous avons été émerveillés de voir avec quelle facilité sont représentées tous ces sujets.
Surtout à remarquer la dernière course de taureaux qui a eut lieu à Béziers le dimanche 8 octobre dernier avec les diestros Guerrita, Conejito et Bombita.
Nous invitons donc les personnes à aller voir ces nouveautés. On peut donc assister à ces représentations jusqu'au dimanche 22 octobre courant. La clôture a lieu cette semaine.
Le Petit Républicain du Midi, mercredi 18 octobre 1899.
Alors que la foire signale sa prochaine clôture, le directeur du Biographe annonce qu'il dispose d'un second appareil, un Wargraph, une variante du cinématographe qui connaît un certain succès en 1898-1899 :
"Nîmes – Champ de foire.
Parmi les attractions restant sur le champ de foire [...] Le Biographe, à côté de la fontaine, offre tous les soirs de nouvelles surprises. Corrida de muerte dans les arènes de Nîmes avec le concours des célèbres matadors Mazzantini et Reverte.
La direction du Biographe fait appel à toutes les personnes qui ont vu le cinématographe d’aller voir le Wargraph et elles seront absolument surprises de ce spectacle inédit que la plume est impuissante à décrire.
Ce surprenant appareil résume tout ce que l’art du merveilleux a de secrets.
Dans un récent voyage à Paris, à la recherche de nouveauté, le Directeur n’a pas hésité à faire grand sacrifice pour acquérir le "Wargraph", ce magnifique appareil, dernier cri de la science, et dont les merveilles seront offertes au public avant son prochain départ de la charmante cité nîmoise et cela sans augmentation de prix.
Les courses de taureaux au Cinématographe et le "Wargraph" forment chacun une séance. En conséquence, les personnes qui voudraient assister aux deux représentations sont priées de se munir de deux cartes d’entrée."
Le Petit Républicain du Midi, vendredi 13 octobre 1899
La vie de forain d'Estanislao Bravo le conduit à parcourir la région. On le retrouve plus tard, à Béziers, en janvier 1900.
Répertoire (autres vues) : Artistes parisiens, Danseurs espagnols, La Passion (Le Petit Méridional, Nîmers, 21 septembre 1899), Baignade en mer (Le Petit Mëridional, Nîmes, 30 septembre 1899).
La quatrième saison de Ferdinand Itier (décembre 1899-juin 1900)
Itier, après deux installations sédentaires en 1897 et 1899, abandonne pour quelques années, l’idée de fixer son activité cinématographique à Nîmes. Il lui est sans doute difficile de rentabiliser une location de salle avec ses seuls spectacles cinématographiques car le public dicte ses exigences : il veut des séances longues, attractives avec un bon taux de renouvellement des vues, ce que le marché ne peut encore lui fournir. Ainsi, de fin 1899 jusqu’à 1906 (année de référence butoir dans le cadre de ce site), Itier devient en quelque sorte un itinérant sans être un forain à part entière bien sûr. Comment fait-il vivre son commerce de photographie pendant des tournées qui peuvent s’avérer longue ? La question reste en suspens. À l’approche des fêtes de fin d’année 1899, Ferdinand Itier fit paraître une nouvelle publicité le 23 décembre dans Le Petit Républicain du Midi.
Spectacles et concerts.
Les soirées de famille sont rendues plus agréable par le cinématographe, M Itier, photographe, 30 boulevard Gambetta, traite à forfait à des prix modérés. Il possède un choix de nouvelles vues excessivement intéressantes.
Le Petit Républicain du Midi, 23 décembre 1899.
En écho peut-être à cette annonce, nous retrouvons d’abord Itier à Montpellier, à l’Eden-Concert, 13, rue Boussairolles le 30 décembre 1899. Le lendemain, il s’installe à Nîmes au Grand Café de la Poste, 34, boulevard Gambetta lors d’un concert-bal avec des artistes régionaux organisé par la 31e division de la France Prévoyante (Le Petit Républicain du Midi, 29 décembre 1899). L’enthousiasme suscité par les projections du 31 décembre 1899 conduisent Henri Martin, le patron du Grand café de la Poste, à renouveler l’expérience. Il organise, le 4 janvier 1900, une soirée cinématographique avec le concours d’Itier. Les projections d’Itier vont perdurer à l’échelon régional délaissant davantage Nîmes. Ainsi, on ne le retrouve que très sporadiquement à Nîmes. Il s’installe à la terrasse du Café Gambrinus, boulevard Victor Hugo, face à la place Questel, à partir du 17 juin 1900 :
Le cinématographe au café Gambrinus. - M. Reboul, le sympathique propriétaire du café Gambrinus, a l'heureuse idée de procurer à sa clientèle une distraction des plus intéressantes. Tous les soirs, M. ITIER, photographe qui s'est créé une réputation régionale dans cette nouvelle et originale branche de l'art photographique, présente aux nombreux consommateurs de la terrasse du café Gambrinus une variété de projection fort curieuses par leur originalité et leur réalisme. Aussi, le high-life, se donne-t-il rendez-vous, tous les soirs, au " Café Gambrinus ", où on peut déguster des bières exquises et se régaler de glaces savoureuses.
Echo du Midi du 17 au 24 juin 1900.
Le photographe y établit son projecteur en terrasse, inaugurant ainsi une nouvelle méthode d’exploitation en plein air. Il s’agit de séances gratuites pour les clients du café. L’installation d’Itier ne fait pas grand bruit et dure probablement un mois ou deux au maximum. Les souvenirs de sa fille retranscrivent l’évènement :
En été, le café de l'Univers et le Café Gambrinus tendaient un écran sur le trottoir et les clients, tout en dégustant leur bière, s'émouvaient ou riaient en regardant les drames ou les comiques...
C'était du reste le temps où les places qui subissaient la plus importante majoration du prix des consommations, étaient évidemment celles qui étaient situées face à l'écran !
Les autres, celles de derrière l'écran, celles qui payaient un supplément dérisoire, connaissaient leur petit succès d'affluence, car les spectateurs avaient trouvé "la combine" : ils tournaient carrément le dos à la toile blanche cernée de noir et redressaient images, et surtout écritures, grâce à un petit miroir de poche !
Jean Mistral, « Les balbutiements du ciné... : Un photographe Nîmois, père de Mme Servière-Itier fut le premier à présenter dans notre cité le "cinématographe Méliès" », Midi Libre, 4 août 1956, p. 5.
1900
Le biographe français (20-29 juin 1900)
Le biographe français est un appareil inventé par Albert Kirchner, dit Léar, qui est encore en vente au printemps 1900. Les Nîmois n'ont pas eu encore l'occasion d'en voir un fonctionner.C'est un certain Baillac, Bailac ou Bailar - l'orthographe est hésitante -, du Casino de Paris, dit la presse, qui en est l'opérateur. Il pourrait s'agir en réalité de Victor Baïlac, tristement célèbre pour avoir le responsable de l'accident qui a provoqué, le 4 mai 1897, le terrible incendie du Bazar de la Charité, et qui continue au début du XXe siècle à organiser des projections cinématographiques. L'appareil est installé au Casino (Théâtre d'Été), sur le boulevard Sergent Triaire :
Théâtre d’été. - On annonce pour demain, mercredi, les débuts du “ Biographe français ” qui, dernièrement, au casino de Paris et dans les principaux concerts de l’Europe, a fait courir tout le monde avec ses scènes animées de la guerre du Transvaal.
De plus M. Bailar, le directeur de cette attraction, possède de merveilleuses vues couleur qui seront reproduites grandeur naturelle et qui intéresseront au plus haut point le public nîmois.
Le petit méridional, 19 juin 1900.
L'appareil et l'opérateur ne restent que peu de jours et nous n'avons connaissance que d'un petit nombre de vues. Elle provienne de différents éditeurs de films dont Méliès et Pathé. Nous ignorons vers où se dirige ensuite après la fin des séances nîmoises
Répertoire (autres films) : Les Funérailles de Félix Faure, L'arrivée du commandant Marchand à Paris (Le Petit Midi, 19 juin 1900), Cendrillon (Le Petit Méridional, 23 juin 1900).
Le Cosmographe (30 juin-10 août 1900)
Dans le même temps, un « cosmographe » s’installe au café de l’Univers, boulevard Victor Hugo, à une cinquantaine de mètres du café Gambrinus. Ici, l’appareil se produit à l’intérieur de l’établissement où il projette notamment une Course de taureaux et le très à la mode Cendrillon en six tableaux :
Cosmographe Café de l'Univers - 1ere partie : dix vues nouvelles ; 2e partie : Course de taureaux, à 10 heures ; 3e partie : Cendrillon, 6 tableaux.
Le Petit Républicain du Midi, mercredi 1er août 1900.
Il y séjourne du 30 juin au 1er août 1900.
Répertoire (autres vues) : Vue de l’exposition universelle de Paris le long de la Seine (10 août 1900).
Le Cinématographe Lumière de F. Meunier (5, 6 et 8 octobre 1900)
Les 5, 6 et 8 octobre 1900, F. Meunier, conférencier-projectionniste de l’Université Populaire de Marseille, organise des conférences dans les écoles nîmoises (école communale de filles de la place Belle-Croix, école du Mont-Duplan, école de la Croix-de-Fer, école de la rue des Bénédictins) illustrées par des projections lumineuses fixes. Ses exposés se terminent par la présentation de vues animées avec un Cinématographe-Lumière. Ces projections gratuites ne sont accessibles qu’aux élèves des écoles. F. Meunier à fondé, en 1897, à Marseille, La Projection, revue mensuelle illustrée des conférences et de l’enseignement par l’aspect dont le premier numéro est daté du mois de novembre. Il en est le propriétaire, le directeur et l’un de chroniqueurs. C’est en 1897, qu’il se convertit à quelques séances récréatives de cinématographie qui feront très vite partie de ses conférences éducatives et artistiques. Il pourrait être à l’opérateur qui donne les premières représentations de projections fixes et animées dans la commune de Lunel (Hérault) le 4 juillet 1897 (L’Eclair, 3 juillet 1897). Il revient à Nîmes au cours des années suivantes :
Conférence avec projections dans les écoles. - C'était une véritable fête vendredi à l'école communale des filles de la place Belle-Croix où M. F. Meunier, conférencier-projectionniste, faisait revivre à l'aide de superbes projections lumineuses en couleurs : " les gloires coloniales de la France ".
Cette conférence par l'aspect, suivie de vues amusantes et animées avait mis en liesse pendant plus d'une heure cette partie de la population scolaire que dirige avec tant de dévouement la sympathique directrice Mme D. Serres.
Bon succès au vaillant conférencier des écoles qui sera ce soir à l'école du Mont-Duplan, demain samedi à l'école de la Croix-de-Fer et lundi à l'école de la rue des Bénédictins, où il traitera de la Guerre de cent ans et la Vie de Jeanne d'Arc.
Le Petit Républicain du Midi, samedi 6 octobre 1900
L'Athéneum-Théâtre d'Abraham Dulaar (16 septembre-10 octobre 1900)
C'est l'un des représentants les plus éminents de la famille de forains, les Dulaar, qui s'installe à Nîmes à l'occasion de la foire de la Saint-Michel qui ouvre le 16 septembre 1900. Sur le champ de foire, Boulevard de la République. On y trouve soixante-huit établissements dont sept panoramas et quatre théâtres. L’un d’eux, " l’Athéneum-théâtre " d’Abraham Dulaar présente quelques vues cinématographiques en fin de spectacle, dont la Course de muerte à Nîmes par Mazzantini de Lumière (10 octobre 1900) :
Athéneum Théâtre. - Une attraction à la fois instructive et intéressante que nous recommandons à nos lecteurs est l'Athéneum théâtre qui se trouve à notre champ de foire. Tous les spectateurs sont émerveillés à la vue d'une véritable femme qui vole dans l'espace sans aucun soutien, ou du moins, si bien présentée que l'on est porté à le croire. Cette femme exécute ainsi plusieurs tours dans tous les sens. C'est une attraction tout à fait nouvelle et de bon goût que tout le monde ira voir. En dehors de cette principale attraction l'Athéneum théâtre donne plusieurs vues très nettes de cinématographe, entre autres une corrida de muerte à Nîmes par Mazzantini, et enfin la danse des milles couleurs.
Toutes ces attractions fort bien présentées attirent tous les soirs beaucoup de spectateurs.
Le Petit Républicain du Midi, mercredi 10 octobre 1900.
La conjoncture commerciale a finalement eu raison des petits cinémas forains. Le cinématographe, quoique toujours prisé du public, n’est plus qu’un spectacle de complément.
1901
Le Cinématographe Lumière de F. Meunier (mai-juin 1901)
Le Marseillais F. Meunier revient à Nîmes, du 30 mai au 5 juin 1901, pour de nouvelles conférences avec projections du cinématographe Lumière :
Conférences artistiques par projections dans les écoles. – Nous somme heureux d’apprendre à nos lecteurs la présence à Nîmes de M. F. Meunier, le sympathique conférencier es écoles qui a fait hier soir jeudi une remarquable conférence par l’aspect sur les guerres de 1870-71., à l’école normale des institutrices. A l’aide des projections en couleurs d’une remarquable netteté, M. F. Meunier, qui a particulièrement vécu cette triste page de notre histoire contemporaine a su intéresser son aimable auditoire.
Au cours de cette belle soirée terminée par des projections animées et des vues comiques, M. L. Roux a par un intermède de Shadowgraphie, fort réussi pour un débutant, provoqué l’hilarité et les applaudissements des maitresses et élèves institutrices.
Muni d’autorisations spéciales, M. F. Meunier se propose comme les années précédentes de visiter les écoles de Nîmes. Samedi il sera à la Croix-de-fer et lundi à l’école de la place Belle-Croix.
Le Petit Républicain du Midi, samedi 1er juin 1901.
Comme à son habitude, il donne ses conférences dans différentes écoles : École normale des institutrices, école communale de filles de la place Belle-Croix, école de la Croix-de-Fer, école supérieure de la rue Jean Reboul et école de la rue Saint-Laurent.
L'Athéneum-Théâtre d'Abraham Dulaar (28 septembre-19 octobre 1901)
Abraham Dulaar est de retour sur le champ de foire, boulevard de la République, entre le 28 septembre et le 19 octobre 1901. Il s'agit, cette année-là, du seul établissement forain à proposer des projections cinématographiques :
Au champ de foire. – […]. Un petit théâtre dont nous avons déjà parlé et qui mérite d’être vu, est l’Atheneum Théâtre. Les amateurs du beau et du bien fait ne manqueront pas d’y rendre visite. La femme aérogyne en vaut vraiment la peine. Un cinématographe des mieux perfectionnés représente tous les soirs des vues très nettes.
1902
Le Cinématographe Lumière de F. Meunier et Ferdinand Itier (juin 1902)
F. Meunier est de retour à Nîmes pour de nouvelles projections, en juin 1902. Dans un premier temps, du 3 au 10 juin, il offre des représentations dans des écoles, puis dans la caserne du 38e régiment d'artillerie, au mess des sous-officiers et manège :
Conférences artistiques par projection et cinématographe dans les écoles. - Nous sommes heureux d’apprendre à nos lecteurs le retour annuel du conférencier populaire des écoles, M. F. Meunier à Nîmes. Notre sympathique confrère de Marseille s’est fait une spécialité de l’enseignement par l’aspect et obtient ainsi par ses conférences intuitives soit sur l’Histoire de la révolution, soit sur la vie de Jeanne d’Arc, soit sur la guerre de 1870 un grand succès près de la population scolaire nîmoise.
Afin de rendre ses conférences artistiques plus attrayantes encore, M. F. Meunier y a ajouté une partie cinématographique qui est une véritable nouveauté pédagogique.
Le Petit Républicain du Midi, mardi 3 juin 1902
Ferdinand Itier le rejoint pour effectuer des soirées au profit des sinistrés de la Martinique, du 10 au 13 juin 1902 dans la chapelle de l’ancien lycée, Grand Rue. Itier est l’opérateur tandis que Meunier tient le rôle de conférencier. Quelques nouvelles vues locales sont projetées, ce qui atteste encore de l’activité d’Itier en tant que réalisateur.
Séance de cinématographe au profit des sinistrés de la Martinique.- Hier soir dans la salle de conférences, ancienne chapelle de l’ancien lycée, M. Itier a donné pour les sinistrés de la Martinique une magnifique séance cinématographique fort réussie.
La vaste salle à moitié pleine vers huit heures et demie le sympathique photographe de l’avenue Gambetta a commencé ses superbes projections animées. Du haut du tambour qui domine la porte, M. Itier lançait sur une toile de vingt cinq mètres carrés, placées à environ trente mètres plus loin, ses scènes les plus choisies. [...].
M. F. Meunier le conférencier populaire des écoles, avait prêté son concours, et annonçait et commentait les vues du haut de l’estrade. [...].
Le Petit Républicain du Midi, jeudi 12 juin 1902.
Répertoire : La Chenille et le Papillon, Nouvelle course de taureaux à Nîmes, Le Bal du 14 juillet sur le boulevard Gambetta, Le voyage de M. Loubet en Russie, L’éruption du Mont-Pelé, Le panorama de Saint-Pierre (10 juin 1902), Fêtes du 9 mars 1902 à Nîmes en l’honneur des anciens combattants de la guerre 70-71, défilé du cortège officiel et défilé des sociétés, Santos-Dumont et son ballon dirigeable (13 juin 1902).
Le Théâtre Josépha (Champ de Foire, octobre 1902)
Le " Théâtre Josépha " s’installe au champ de foire (Boulevard de la République) du 4 au [11] octobre 1902 et présente le cinématographe en seconde partie.
Le théâtre Josepha nous offre encore une nouveauté : il est représenté à chaque séances les vues cinématographiques de la Martinique ; on y voit Saint-Pierre avant et après l’éruption du Mont-Pelé. Nous somme sûrs que tout le monde voudra voir ce superbe panorama.
Le Petit Méridional, samedi 4 octobre 1902.
Il est difficile de connaître l'origine de ces vues qui, si elles sont françaises, sont sans aucun doute des reconstitutions qui figurent dans différents catalogues, si elles sont américaines, il est possible, alors, qu'il s'agisse de vues d'actualité.
Le Cosmographe Faraud (décembre 1902-janvier 1903)
Depuis 1899, Victor Faraud exploite son " cosmographe " dans un bonne partie du territoire français. À Nîmes, il s'installe dans la coquette salle de l’Eden-Théâtre-Concert (4, rue J. BL Godin) pour les fêtes de fin d’année. Il y séjourne peu de temps, du 24 au 28 décembre et du 31 décembre 1902 au 4 janvier 1903.
Eden-Théâtre-Concert. – A l’occasion des fêtes de Noël, 7 grandes représentations, mercredi 24, jeudi 25, vendredi 26, samedi 27 et dimanche 28 décembre 1902.
Les Jupiters e l’Olympia, les plus célèbres barristes du monde.
Grinda le Napoléon du rire.
Les petits Singers, acrobates équilibristes miniatures, des Folies-Bergères.
Bresina, gommeuse excentrique, dans ses dernières créations.
[…].
Le spectacle sera terminé par le Cosmographe Faraud, « le rêve de Noël », féeries comiques et vues nouvelles, spécialement engagé pour les fêtes. […].
Le Petit Républicain du Midi, mercredi 24 décembre 1902
Les vues dont on connaît le titre sont aisément identifiables et appartiennent au catalogue Méliès : Rêve de Noël et Jeanne d’Arc. Peu après, un " cosmographe Faraud " offre des projections à Bordeaux.
1903
Le Cinématographe Lumière de F. Meunier (avril 1903)
Une nouvelle fois, F. Meunier revient à Nîmes où il offre, avec l'aide l'opérateur Henri Delaye, des conférences dans différents établissements scolaires : École communale de filles de la place Belle-Croix, École de la rue des Bénédictins, École de la rue Pavée, École de la place de l’Oratoire, Lycée de Nîmes, Collège des jeunes filles, École primaire de l’enclos Rey. Les séances ont lieu les 16, 23, 24 et 25 avril 1903).
L'American Cinematographe du Pr. Nesterson du Petit Moulin-Rouge de Jules Pinard (Champ de Foire, septembre-octobre 1903)
C'est sur le Champ de Foire (Boulevard de la République) que s'installe le théâtre music-hall " le Petit Moulin-Rouge " de Jules Pinard, dit " Mel-Kior ". Il y présente l’American Cinematograph du Pr Nesterson » où l’on peut voir plusieurs films, en particulier des maisons Pathé (par exemple la vue du comique Dranem) et Méliès.
Répertoire : Dranem, le comique des comiques parisiens, Voyage en Suisse, collision de deux trains, Le combat du lion et du taureau, Triste nuit de noces, Manœuvres alpines, artillerie et infanterie, Les Sept Châteaux du diable en 40 tableaux, Charges de cuirassiers, Cendrillon en 25 tableaux (23 septembre 1903).
Music-hall Gallici-Rancy d'Henri Gallici (septembre-octobre 1903)
Henri Gallici présente des " Living Pictures " dans son " music-hall Gallici-Rancy". Bien que la probabilité soit forte, rien ne permet d’affirmer qu’il s’agit de vues cinématographiques.
Le Lentielectroplasticromomimocoliserpentegraph de José Fessi Fernandez (septembre-octobre 1903)
Le forain espagnol, José Fessi Fernández s'installe avec son cinématographe au nom imprononçable, le Lentielectroplasticromomimocoliserpentegraph sur le champ de foire (Boulevard de la République) du 26 septembre au [11 octobre] 1903 et fait face au théâtre Mel-Kior.
1904
Le Théâtre International Scientifique Urania de Ferdinand Somogyi ([21] septembre 1904)
Le Théâtre international scientifique Urania, propriété de Ferdinand Somogyi, effectue une importante tournée en France.
Théâtre. - [...] ce soir mercredi, à 8 heures 1/2, représentation scientifique "Urania" donnée par M. Somoggi de Budapest.
200 tableaux de projections : Guerre Russo-japonaise, Chefs d'oeuvre de peinture, Autour du monde, riche série de tableaux cinématographiques sans oscillation, Quo Vadis, corrida de toros, danses de diverses nationalités, etc., etc.
Le Petit Méridional, Mercredi 21 septembre 1904
Théâtre International Scientifique "Urania", imp. Nîmes, 1904
© Archives Municipales de Nîmes
Répertoire (autres titres) [certains titres pourraient renvoyer à des photographies] : À travers le firmement (Photographie de l'Observatoire de Lick (Californie). La Lune. Jupiter. Mars, Saturne, Voie lactée), Jardin zoologique de Londres, Paris (Boulevards, Monuments, Versailles, Bois de Boulogne), Chefs-d'oeuvres de la peinture des Galeries célèbres (Raphael, Tiziano, Rubens, Veronèze), Guerre Russo-Japonaise (Tokio. Iokoama. Kobé. Tempes. Costumes Japonais. Harakiri. Volcans. Cascades. Geisha. Troupes Russes, Flotte Russe.-Corée. Troupes Japonaises, Flotte japonaise), Autour du monde (Budapest, Vienne, Tyrol, Stockolm, Londes, Paris, Monaco, Gênes, Milan, Venise, Florence, Sienne, Rome, Naples, Pompeï, Sicile, Malte, Tunis, Egypte, Suez, Bombay, Amérique), Assassinat du duc de Guise, Affaire Humbert, Course d'automobiles, Quo Vadis ? (Grande bacchanale à la cour de Néron, Entrée de Licia et Vinicio. Les Gladiateurs au Cirque. Les danseuses romaines. Ursus sauve Licia. L'incendie de Rome. Néron déclame), Danse serpentine, Danse tunisienne, Danse japonaise, Danse russe, Danse espagnole, La Corrida de toros (L'entrée des taureaux dans l'arène de Barcelone. Le quadrille de Toréadors. Un taureau féroce. Le grand combat. Les matadors Don Luis et Mazzantini. La mort du taureau), Infanterie anglaise, Cavalerie russe, Bersagliers japonais, Artillerie française, La Cour de Guillaume II, La Poule miraculeuse, Humoriste américain, Une rue à Tokio, Après la chasse en Angleterre, Peintre instantané, Scène de l'Opéra (Bohème), Du Photographe, Pierrot, Mieux que Fregoli, Quatre Têtes, Une erreur.