BRUXELLES

Jean-Claude SEGUIN

Bruxelles est la capitale de la Belgique.

1895

Le Cinématographe Lumière de Charles Moisson (Association Belge de Photographie, 10 novembre 1895)

L'association Belge de Photographie a fait parvenir un courrier à la maison Lumière, en date du 31 octobre 1895 où elle demande quelques précisions techniques à propos des conditions de projections du cinématographe et, le 4 novembre, la réponse précise les prérequis électriques pour organiser une séance. Il s'agit en fait de préparer l'inauguration qui doit avoir lieu à Bruxelles, le dimanche 10 novembre comme l'annonce la presse belge :

Arts, Sciences et Lettres
L'Association belge de Photographie organise une séance de projections au cinématographe, qui aura lieu le 10 novembre, à 2 heures, au local de l'Association à l'Ecole industrielle, Palais du Midi, boulevard du Hainaut, Bruxelles.


Le Soir, Bruxelles, samedi 9 novembre 1895, p. 3.

La séance à peine terminée, Charles Moisson, logé à l'hôtel de l'Espérance, s'empresse de faire parvenir un télégramme à la maison Lumière pour indiquer que tout s'est bien déroulé.

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Charles Moisson (Bruxelles), Télégramme, Lumière (Lyon), 10 novembre 1895. 

Curieusement, la presse belge de rend pas compte de cette séance dans les jours suivants comme on aurait pu s'y attendre. Il est en fait probable que cette séance ait eu un caractère tout à fait particulier et privé motivé sans doute par la présence d'un hôte de marque, le prince Albert de Belgique en personne. C'est ce que l'on peut penser à la lecture du courrier envoyé par le Service de S.A.R. le comte de Flandre où l'on transmet aux frères Louis et Auguste Lumière toutes les félicitations et les remerciements pour les projections cinématographiques ainsi que pour les photographies reçues dernièrement.

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Service de S.A.R. Le Comte de Flandre, Auguste et Louis Lumière, Bruxelles, 20 novembre 1895. 

Le Cinématographe Lumière de Charles Moisson (Le Cercle Artistique et Littéraire, 11 novembre 1895)

C'est le lundi 11 novembre que va avoir lieu la première présentation publique du cinématographe Lumière. C'est bien entendu Charles Moisson qui est aux manettes. Si cette séance n'est pas annoncée par la presse, en revanche, les journaux bruxellois vont publier des comptes rendus peu après. C'est Le Patriote qui ouvre le feu avec un article sur cet événement qui permet de connaître le programme proposé :

Arts, Sciences et Lettres
Intéressante séance au Cercle artistique,  lundi soir, pour les débuts à Bruxelles, du Cinématographe, inventé par les frères Lumière, de Lyon. L'impression de ces projections photographiques en mouvement est réellement saisissante; c'est l'image de la vie prise dans toute sa plénitude d'animation.
Le cinématographe a eu pour point de départ le kinétophone d'Edison, qu'on a promené cet été dans toutes nos stations balnéaires. Mais l'effet produit ici est bien plus complet. Parmi les scènes qui ont excité particulièrement l'intérêt du public, citons une sortie d'atelier, curieux tableau de foule, avec cyclistes, chiens, voitures; les forgerons au travail; une séance de saut au régiment; des baigneuses de l'Océan jouant dans l'onde houleuse; un incendie; le fontainier dupé par un gamin, avec poursuite, tripotée, et tout ce qui s'ensuit.
Enfin une conversation mimée entre M. Jansen, l'observateur du Mont-Blanc, et un autre savant; là est peut-être le véritable avenir de l'invention nouvelle: au lieu des froides et muettes photographies que nous possédons maintenant de nos chers défunts, on arrivera à reproduire leurs gestes, leurs attitudes; on y joindrai le phonographe, et ce sera complet.
Une exposition d'art photographique s'ouvrira au Cercle le 23 de ce mois.


Le Patriote, Bruxelles, jeudi 14 novembre 1895, p. 3.

Le quotidien Le Soir y va également de son propre commentaire :

LE CERCLE ARTISTIQUE ET LITTÉRAIRE a inauguré lundi sa saison d'hiver par une soirée qui avait réuni chambrée complète et a obtenu un vif succès.
Il s'agissait de nous montrer une innovation curieuse: le cinématographe.
Sur un écran nous avons vu en projection des photographies animées, laissant bien loin derrière elles les miniatures qu'on aperçoit dans les kinétoscopes qui nous on été présentés en ces derniers temps.
Ce sont des scènes complètes, des foules en mouvement, reproduites avec un soin merveilleux de dessin et une intensité de vie qu'on croirait incompatible avec la reproduction d'une série de mouvements. Et pourtant c'est bien ce qui produit l'illusion: neuf cents instantanés passent avec une régularité mathématique devant la lumière en une minute et quart environ, affectant notre œil comme si d'une manière continue hommes et bêtes se livraient à leurs mouvements coutumiers. Chacun de ces instantanés n'occupe guère qu'un centimètre carré sur le ruban de gélatine de quinze mètres qui contient une scène.
Cela tient du prodige: l'inventeur aurait, à coup sûr, été brûlé, il y a quelques siècles.
La salle du Cercle a subi depuis l'hiver dernier une très heureuse transformation: des gradins disposés dans la salle permettent enfin aux membres du Cercle qui n'occupent pas les premiers rangs de voir quelque chose... pourvu qu'ils n'aient pas devant eux une dame ornée d'un chapeau de théâtre: dans ce cas, on a beau être perché sur les gradins, les rubans et les oiseaux à la vaste envergure vous masquent sûrement la vue.
Mais il faut espérer que l'administration du Cercle consignera les chapeaux au vestiaire.


Le Soir, Bruxelles, vendredi 15 novembre 1895, p. 2.

Pour sa part, la Gazette évoque la sortie de l'usine où:

Sortie des Usines Lumière à Lyon [...] La rue tranquille s'anime en un instant et par la grande porte de la fabrique sort tout un monde d'ouvriers et d'ouvrières qui, d'un pas pressé, regagnent le logis Un chien passe, un travailleurs enfourche sa bicyclette, puis part en pédalant; une voiture quitte l'usine au trot de deux chevaux que fouette le cocher, la porte se referme et l'image s'évanouit...


La Gazette, 12 novembre 1895. [cité dans CONVENTS, 2000: 75].

Le Cinématographe Lumière de Charles Moisson (Waux-Hall/Le Cercle Artistique et Littéraire, 12 novembre 1895)

Si l'on en croit la presse bruxelloise, une nouvelle séance se déroule le mardi 12 novembre toujours organisée par Charles Moisson :

La saison des fêtes d'hiver va recommencer au Cercle artistique et littéraire. Mardi, 12 novembre, à 8 h 1/2, MM. A. et L. Lumière, chimistes à Lyon, donneront au Cercle une séance de projections photographiques en mouvement, à l'aide du cinématographe, appareil de leur invention.


Le Soir, Bruxelles, lundi 11 novembre 1895, p. 3.

C'est le Petit Bleu du matin qui offre, le premier, un compte rendu de cette séance :

Le Salon de l'Art photographique a offert mardi soir aux membres du Cercles artistique et littéraire, une soirée très intéressante de projections lumineuses à la lumière électrique avec le cinématographe de M. Lumière.
Après une description détaillée de l'appareil par M. Léon Gerard, ingénieur et professeur à l'Institut Solvay, a commencé la série des projections.
Comme l'a très bien expliqué le distingué professeur, cet appareil permet de prendre, sans interruption, une série de photographies successives au moyen d'un mouvement mécanique commandé à la main qui entraîne par une roue dentée une pellicule sensible percée de trous sur les côtés de 3 1/2 cm. de large sur 16 m. de long, mais dont la dimension peut être indéfinie. On peut obtenir de cette façon 15 épreuves a la seconde ou plus, soit 900 épreuves à la minute.
Ce procédé permet d'analyser les mouvements les plus rapides et de les reconstituer ensuite de façon à donner l'illusion complète du mouvement dans toute sa réalité.


Le Petit bleu du matin, Bruxelles, mercredi 13 novembre 1895, p. 3. [même article dans L'Indépendance belge, Bruxelles, jeudi 14 novembre, p. 3.]

Répertoire (autres titres): La Place des CordeliersLe Bébé et les poissons rouges [cités dans ONCLINCX, 1955:220].