Georges BOIVIN

(Paris, 1859-Paris, 1940)

boivingeorges

Jean-Claude SEGUIN

→ JACKSON Sally, "Georges Boivin"

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Cyr, Jacques Boivin ([Étampes], 23/07/1793-Paris 8e, 10/08/1869) épouse (Étampes, 19/02/1822Rose, Virginie Laroche (Étampes, [1799]-Paris 8e, 30/08/1896). Descendance :

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Les origines (1859-1895)

Le grand-père de Georges, Cyr Jacques Boivin exerce la profession de culottier, à Paris, à la naissance de son fils Eugène, Denis. Ce dernier, né à Paris, figure comme négociant (rue Saint-Denis), lorsqu'il épouse Clémence Bercher. Leurs enfants vont naître dans la capitale, Eugène en 1856 et Georges en 1859. À 19 ans, Georges s'engage, le 4 novembre 1878, sous les drapeaux au 3e régiment de chasseurs et arrive au corps le 8 novembre 1878. Un an plus tard, le 7 novembre 1879, il passe dans la disponibilité de l'armée active. Sur son matricule militaire, il figure comme installé à Melbourne à partir du 16 mai 1881. À cette même époque, son frère Eugène va constituer une société en nom collectif "E. Boivin fils et Cie" qui a pour objet le commerce d'étoffes et de chaussures :

2339 — Etude de Me E. CARON, avocat agréé à Paris, place Boieldieu, numéro 4. D’un acte sous seings privés en date à Paris, du vingt-neuf juillet mil huit cent quatre-vingt-un, enregistré, et dont deux originaux ont été déposés conformément à la loi, le dix-huit août présent mois, l’un au greffe du Tribunal de commerce de la Seine, et l’autre au greffe de la justice de paix du deuxième arrondissement de Paris, ledit acte entre :
Un commanditaire y dénommé,
D’une part,
Et M. Cyr-Eugène BOIVIN fils, demeurant à Paris, rue Saint-Denis, numéro 130,
D’autre part,
Il appert :
Qu’ils ont formé entre les parties une Société en nom collectif à l’égard de M. Boivin fils et en commandite à l’égard de la personne dénommée en l’acte, ayant pour objet le commerce d’étoffes et fournitures pour chaussures et la fabrication des tiges pour chaussures, sous la raison et la signature sociales :
E. BOIVIN fils et Cie,
Avec siège social à Paris, rue Saint-Denis, numéro 130.
Ladite Société gérée et administrée par M. Boivin fils, ayant seul la signature sociale pour n’en faire usage que pour les besoins de la Société, à peine de nullité, au capital social de cent trente mille francs, aura une durée de six années qui ont commencé à courir rétroactivement, le vingt juin mil huit cent quatre-vingt-un, et finiront le dix-neuf juin mil huit cent quatre-vingt-sept.
Pour extrait:
CARON.


Le Droit, Paris, samedi 20 août 1881, p. 4.

Il semble que Georges Boivin soit revenu en Europe car, au début de l'année 1882, lui et sa mère Clémence embarquent à Brindisi (Italie) à destination de l'Australie. À bord du Clyde, ils arrivent à Sydney, le 19 mars 1882. Dans les années qui suivent, Georges Boivin navigue entre la Nouvelle-Calédonie et le pays voisin. En mai 1882, une certaine "Eugénie Boivin" fait passer dans la presse des encarts publicitaires où elle met en vente des vêtements "français" conçus par elle. 

bercher clemence 1882 sydneyThe Sydney Daily Telegraph, Sydney, mercredi 24 mai 1882, p. 1.

S'il s'agit sans doute aucun doute d'un membre de la famille "Boivin", le prénom jette le trouble. Peu après, un certain M. Boivin quitte Nouméa pour Sydney où il arrive le 17 mars 1883. Un an et demi plus tard, "G. Boivin" fait passer une petite annonce où il propose de donner des cours de conversation comme le fait également "Madame Boivin" :

FRENCH by a Parisian Lady experienced in Tuition, knowing English well. H. T., 106, William-street.
FRENCH, by Parisian gentleman. Evening Classes. Conversation, priv. lessons. Mr. G. Boivin, 52. Marg.-st.
FRENCH, by Madame Boivin, Parisian. Day and Evening'Classes; conversation. priv. lessons. 52, Marg.-st.


The Sydney Morning Herald, Sydney, lundi 19 janvier 1885, p. 2.

À la fin de cette même année, il déclare résider à Sydney (30 décembre 1885). L'instabilité de l'existence de Georges Boivin, au cours de cette période, trouve sa traduction officielle dans la déclaration d'insoumission prononcée contre lui par les autorités militaires le 26 mai 1886. On peut penser que cette situation le conduit à se rendre particulièrement discret au cours des années qui suivent. En tout cas, on ignore tout de lui jusqu'en 1889. À cette date-là, par l'entremise très probable de son frère Eugène qui est déjà proche du milieu consulaire de Sydney, les autorités militaires reçoivent un signalement provenant du Consul honoraire (26 juin 1889) qui indique que Georges Boivin est bien en Australie, ce qui a pour conséquence directe de le rayer des contrôles de l'insoumission (15 juillet 1889) car il a "été reconnu à cette date en résidence régulière à Sidney (Australie)". Il échappe également aux deux périodes obligatoires d'exercices auxquelles doivent se soumettre, quelque temps après, l'ensemble des appelés. À cette époque, ses activités se concentrent sur l'enseignement comme on peut le lire dans la petite annonce suivante :

TUITION BY CORRESPONDENCE. - Latin : Mr Boivin, graduate of the University of Paris, and Barrister-at-Law, prepares for examinations. French : Mme. Boivin, preparation for all examinations, composition. " CHAMBLY," Ferry-road, Glebe Point, Sydney.
Australian Town and Country Journal, Sydney, samedi 7 février 1891, p. 45.

Quant à ses déplacements, on en trouve des traces dans les informations maritimes : 

Polynesien, F.M.S., 7500 tons, Captain Pellegrin, for Noumea. Passengers: From Sydney [...] Mr. G. Boivin.


The Daily Telegraph, Sydney, lundi 9 février 1891, p. 7.

C'est encore lui (Mr. Boivin), probablement, qui, en provenance de Nouméa, arrive à Sydney le 23 mai 1891 et qui, en septembre, propose des cours de latin par correspondance.

boivin georges 1891 cours par correspondance
The Dawn, Sydney, mardi 1er septembre 1891, p. 7.

L'année 1893 est marquée par le mariage, en février, de sa sœur Clémence.

boivin clemence 1893 mariage
Mariage de Clémence Boivin et d'Edmond Antoine (1893)

Le cinématographe (1896-1897)

Le 6 février 1896, Louis Lumière répond à une demande d'un certain M. Boivin qui vient d'envoyer un courrier de Bordeaux.

1896 02 06 lumiere boivin
Louis Lumière, à M. Boivin (Bordeaux), Lyon, 6 février 1896.

La demande de M. Boivin porte, à en juger par la réponse, sur l'exhibition du cinématographe Lumière à l'étranger, dont on image qu'il souhaite s'occuper. L'absence d'autre "Boivin" que Georges Boivin parmi les pionniers du cinématographe nous autorise à penser que c'est bien lui qui s'intéresse à l'appareil de projection de Louis Lumière. M. Boivin a-t-il attendu la réponse ou bien est-il déjà parti pour l'Australie ? Toujours est-il qu'un M. Boivin, à bord du Polynésien, en provenance de France et via Nouméa, arrive à Sydney, le 17 février 1896.

À la faveur du départ du consul général, M. Biard d'Aunet, le frère de Georges, Eugène Boivin va occuper les fonctions de chancelier : 

Par suite du départ de M. Biard d'Aunet, consul général de France, M. Rigoreau, vice-consul a pris depuis le 21 courant, la gérance du Consulat Général, M. Boivin remplira les fonctions de chancelier.


Le Courrier Australien, Sydney, samedi 25 avril 1896, p. 3.

Un autre événement familial marque l'année 1896: le décès de la grand-mère maternelle de Georges Boivin :

NÉCROLOGIE
La colonie française de Sydney vient de perdre un de ses membres les plus honorés : Madame C. Bercher, grand'mère de M. Eugène Boivin, vice-consul p. i. du Consulat Général de France.
Au nom de la colonie française de Sydney, le "Courrier Australien" adresse à M. Boivin, à sa famille et aux parents de la défunte, ses compliments de condoléances pour la perte douloureuse qu'ils viennent d'éprouver.


Le Courrier Australien, Sydney, samedi 27 juin 1896, p. 3.

Peu après, G. Boivin fait partie des nombreux invités à la Fête Nationale Française à Sydney.

Le Cinématographe Joly-Normandin (avril 1897) 

Dans les premiers jours d'avril 1897, Auguste Plane et son associé Georges Boivin se lancent, sous l'étiquette "MM. Plane et Cie" dans l'exploitation d'un cinématographe à Nouméa (Nouvelle-Calédonie). Le premier arrive le 6 avril, à bord du Ville-de-la-Ciotat, et rapporte avec lui, très probablement, l'appareil de projections animées :

VILLE-DE-LA-CIOTAT
Le paquebot Ville-de-la-Ciotat, commandant Fiaschi, est entré en rade de Nouméa hier soir à 6 h 1/2 avec de nombreux passagers et un courrier de 22 sacs de dépêches.
Liste des passagers:
[...]
De Sydney: [...] Plane.


La France Australe, Nouméa, mercredi 7 avril 1897, p. 2.

Même si les articles de presse - sans doute rédigés par l'un des deux collaborateurs - évoquent avec insistance le cinématographe Lumière, il n'en est rien, car le répertoire des films présentés appartient, sans doute possible, au catalogue de vues animées "Joly-Normandin". Sur les encarts publiés dans La France australe, Georges Boivin apparaît comme "l'agent général" de la "société" MM. Place et Cie.

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La Fance australe, Nouméa, 7 avril 1897, p. 1.

Le probable succès des séances cinématographiques incite les compères à poursuivre l'exploitation du cinématographe. Ils décident alors de se rendre en Australie et embarquent à bord du Tanaïs, à destination de Sydney où ils arrivent le 20 avril 1897.

Le cinématographe Lumière (avril-septembre 1897)

C'est grâce à une annonce publiée dans The Sydney Morning Herald, le 24 avril, que nous savons que MM. Plane and Co disposent d'un cinématographe Lumière.

plane auguste 1897 cinematographe lumiere
The Sydney Morning Herald, Sydney, samedi 24 avril 1897, p. 2.

Si l'on tient compte de la date de cette annonce, on peut penser que cet appareil est l'un des trois dont dispose Marius Sestier et dont il se défait avant de repartir en France.

Ils décident de se rendre à Brisbane, ville orientale de l'Australie et relativement proche de la Nouvelle-Calédonie. C'est quelques jours après la fin des séances que se situe un épisode pour le moins singulier. La presse australienne se fait l'écho de l'arrestation à Brisbane de deux Français accusés d'avoir volé un bateau et dont l'un d'eux porte le nom de "Georges Boivin" :

City Police Court.
Albert Logne et Boivin Georges, two Frenchmen, on remand, were further charged with the larceny of a boat. The evidence of the escorting constable was taken, and the accused further remanded till Thursday.


The Telegraph, Brisbane, mercredi 21 avril 1897, p. 6.

Probable cas d'homonymie. Toujours est-il qu'Auguste Plane, pour sa part, arrive au Queensland à la fin du mois d'avril :

Lumiere's Cinematographe.
M. Auguste Plane has arrived in Brisbane, and having leased a shop in the Telegraph Buildings, it will be opened to-day (Saturday) as a cinematographe parlour. Particulars of the exhibitions appear elsewhere. The instrument used is Lumiere's French cinematographe, which has attracted very large crowds in Sydney. The living pictures to be shown will include a number of street and other moving scenes in various parts of the world, including several in Queensland. Others will be added as the films develop.


The Telegraph, Brisbane, samedi 1er mai 1897, p. 6.

Ce n'est qu'une semaine plus tard qu'arrive G. Boivin à bord de l'Aramac :

SHIPPING
ARRIVALS.
May 6.-ARAMAC, s., 2114 tons, Captain Robert Armstrong, from Melbourne, via Sydney. Passengers : [...] G. Boivin.


The Brisbane Courier, Brisbane, vendredi  7 mai 1897, p. 3.

Contrairement à ce qui s'est passé en Nouvelle-Calédonie, les deux hommes disposent désormais d'un cinématographe Lumière dont on peut penser qu'il s'agit, de fait, de l'appareil de Marius Sestier, car ce dernier a quitté l'Australie quelques semaines plus tôt et que dans le repértoire présenté à Brisbane figurent les vues australiennes tournées par l'opérateur français. Par ailleurs, les vues appartiennent presque toutes au catalogue Lumière. Les séances vont avoir lieu dans le Telegraph Building pendant plus d'un mois et demi et les projections arrivent à leur terme le 26 juin. La collaboration entre Georges Boivin et Auguste Plane prend également fin.

Dès le mois de juin, la presse de Gympie signale que l'agent du cinématographe Lumière est Mr Pearse :

LUMIERE'S CINEMATOGRAPHE
[...]
Mr. Pearse, the agent, is now in town, and he informs us that this is the only town in our colony which the proprietors intend visiting, as they rarely play away from the southern cities, consequently we may congratulate ourselves on having such a high class entertainment at our very doors.


Gympie Times and Mary River Mining Gazette, Gympie, mardi 8 juin 1897, p. 3.

Quelques semaines plus tard, les deux hommes présentent le cinématographe Lumière à Bathurst, avant de poursuivre leur route vers Gympie et Bundaberg. Ce qui jette quelque peu le trouble, au cours de cette tournée, ce sont certains titres  du répertoire qui auraient été tournés en Australie. Mis à part les vues filmées par Marius Sestier et Henry Barnett, d'autres titres semblent avoir un caractère local : Unloading Robertson's J.R.O. whisky in SydneyDiving for s.s. Catterthun GoldBreaking Down a Wall in SydneyEmployees Leaving Dixon's Robacco Factory in SydneyThe Swings in MelbourneDaylight Robbery in SydneyOn the swings in MelbourneSea and breakers. Coogee Bay. SydneyBreaking down a shed in Sydney et Boxing contest in MelbournePlusieurs titres semblent plagier ceux du catalogue Lumière comme les "sorties d'usine" ou "les démolitions d'un mur" et il pourrait s'agir d'une pratique, habituelle à l'époque, visant à berner un public crédule. En septembre, Georges Boivin est de retour à Brisbane et la presse évoque certains tournages locaux :

M. Boivin, the manager, in Brisbane, he has taken a picture of a busy spot in Queen-street, and an account of what has to be done in order to reproduce such a scene will explain the process throughout.


The Brisbane Courier, Brisbane, lundi 13 septembre 1897, p. 7. 

Et après... (1898-1940)

L'année 1908 est marquée par le décès d'Eugène Boivin, père d'Eugène et de Georges et la presse lui consacre une nécrologie :

MR. E. BOIVIN, SENIOR.
Mr. Eugene Boivin, senr., who died on Saturday 21st ult., at his residence, 'Ewenton,' Balmain, was a member of St. Patrick's, Church-hill, choir for about 12 years, during the time the late Auguste Wiegand was in charge of it. Mr. Boivin was a native of France, and arrived in New South Wales about twenty-five years ago. He leaves two sons and one daughter. Although 83 years of age, he was a remarkably active man, but the loss of his wife about two months ago seemed to affect his general health. Mr. Boivin was a member of a distinguished and wealthy French family. Always patriotic, he, during the horrors of the siege of Paris, fitted and maintained an ambulance at a cost of between £12,000 and £14,000. The Funeral March was played at St. Patrick's Church after the High Mass on the following Sunday as a tribute to his memory. The remains were interred in the Rookwood cemetery on Monday. The Very Rev. A. Ginisty, S.M., of St. Patrick's Church, officiated at the grave. — R.I.P.


Freeman's Journal, Sydney, jeudi 2 janvier 1908, p. 17.

On retrouve un G. Boivin lors de la Fête Nationale Française en juillet 1914. Ce même nom figure, en juillet 1916. À la fin de l'année, Georges Boivin est à Paris où il épouse, à la fin du mois de décembre, Marie, Eugenie Costier. Sa présence dans la capitale française ne passe pas inaperçue et la presse austrienne évoque ce mariage : 

Mr. F. J. Gallagher, M.A., is in receipt of letters from Mr. G. Boivin, announcing his marriage at Peglise St. Elizabeth, Paris, on January 2, with Mlle Costler [sic]. Mr. Boivin is well-known to old Fortians, and a large number of University graduates.
The Grafton Argus and Clarence River General Advertiser, vendredi 10 mars 1922, p. 1.

Un autre journaliste a également remarquée sa présence :

I saw M. Georges Boivin recently, and, with him, Professor Nicholson. M. Boivin is busy renewing acquaintance with old friends and old Paris haunts, after an absence of so many years he hopes to return to Sydney very shortly.


Sunday Times, Sydney, dimanche 1er janvier 1922, p. 14.

En 1926, il est déjà installé à Paris (105, rue Richard-Lenoir) avec son épouse Marie Costiel et Marie Eugénie (1877). Il exerce alors la profession de "professeur". Les informations restent les mêmes lors du recensement de 1931 et celui de 1936.

Il décède à Paris en 1940.

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09-15/04/1897 Nouvelle-Calédonie Nouméa Hôtel-de-Ville Cinématographe Joly-Normandin
06/05-26/06/1897 Australie Brisbane Telegraph Building Cinématographe Lumière
15-17/07/1897 Australie Bathurst School of Arts Cinématographe Lumière
06.07.09.10/08/1897 Australie Gympie Theatre Royal Cinématographe Lumière
08/1897 Australie Bundaberg Hospital Cinématographe Lumière
31/08-18/09/1897 Australie Brisbane Queen Street Cinématographe Lumière
30/09-02/10/1897 Australie Rockhampton Theatre Royal Cinématographe Lumière
12/1897 Australie Sydney    
09/06-01/07/1899 Nouvelle-Calédonie      
14-19/07/1901 Nouvelle-Calédonie      
22/10-[15]/12/1902 Nouvelle-Calédonie Nouméa Eden Concert Cinématographe Lumière
12/1903-01/1904 Nouvelle-Calédonie Nouméa Eden Concert Cinématographe

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