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- Mis à jour : 8 décembre 2023
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Henri DESFONTAINES
(Paris, 1876-Paris, 1931)
Jean-Claude Seguin
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Antoine, Émile Lapierre épouse Marie, Aimée, Lise, Nicole Reine. Descendance :
- Paul, Henri Lapierre dit "Henri Desfontaines" (Paris 6e, 12/11/1876-Paris 10e, 07/01/1931)
- épouse (Paris 6e, 30/10/1912. Divorce: 18/04/1921) Jeanne Grumbach (Brunoy, 24/05/1871-).
- épouse (Chennevrières-sur-Marne, 11/04/1922) Pauline, Augusta Danjou (Paris 18e, 31/01/1876-).
- épouse (Paris 10e, 05/07/1930) Cécile, Edmée Leroy (Paris 1er, 19/01/1878-).
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Les origines (1876-1895)
Fils d'un représentant de commerce, il figure comme artiste dramatique lorsqu'il est appelé sous les drapeaux en 1896. Placé dans le service auxiliaire, il est ajourné à plusieurs reprises. Sans préjuger de possibles prestations antérieures, Henri Desfontaines va connaître un réel succès dans le rôle du "marchand d'habits" dans Chand d'Habits, auprès du célèbre mime Séverin. La pantomime de Catulle Mendès est donnée pour la première fois au Théâtre-Salon, le 16 mai 1896, mais la salle ferme une quinzaine de jours plus tard. C'est finalement aux Folies-Bergère que l'oeuvre est reprises à partir du 19 novembre 1896.
Jean de Paleologue, Chand d'Habits. Folies-Bergère (1896) | Leonetto Cappiello, Folies-Bergère. Chand d'habits! (1896) Source: New York Public Library |
Son interprétation va séduire le propre auteur de la pantomime, Catulle Mendès :
M. Nerey, — je ne dois pas dire le véritable nom de ce jeune artiste, — a joué le rôle du marchand d'habits et du spectre avec un don d'horreur tragique qui pas un instant n'a exclu la part de farce indispensable dans un ouvrage funambulesque. Il a été sinistre, drôlement; ou drôle, sinistrement. Il a fait rire et il a fait frémir; je ne sais pas d'artiste qui, dans un tel rôle, l'aurait pu surpasser.
[...]
CATULLE MENDÈS.
Le Journal, Paris, 19 novembre 1896, p. 2.
Et le mime Séverin, qui joue le rôle de Pierrot, n'est pas en reste. Il écrit ces quelques lignes dans ses souvenirs. Après une dispute avec l'acteur qui devait jouer le rôle du marchand d'habits, il décide d'engager Desfontaines :
- Voilà chose réglée, constata Mendès. Mais qui va jouer le rôle ?
- Si vous le voulez bien, ce sera ce jeune homme qui répète le docteur, Desfontaines.
- Vous croyez ? Il est bien jeune !
- Je réponds de lui.
Mendès annonça donc à Desfontaines qu'il allait remplacer X... C'était son premier rôle important, à l'aube de sa carrière. Il répéta avec ferveur, écouta mes conseils et fut merveilleux. On sait quelles belles compositions cet excellent artiste devait faire pas la suite sous la direction d'Antoine.
SÉVERIN, 1929: 192.
La presse elle-même ne tarit pas d'éloges :
Et, à côté de ce poème de chair rose et de gaze, l'épouvante macabre et l'hallucination des remords rendus dans cette grimace figée de cadavre, cette face déjà décomposée et verdie, cet œil vitreux et fixe et surtout dans ce geste et ces mains, ces mains aux doigts convulsés et raidis, cette main de mort émergeant hors du gouffre comme un ordre et comme une menace dans la figure du Chand d'habits.
Oh! l'importance de ces mains, la terrible signification mise en elles par l'artiste chargé du rôle... Elles m'ont rappelé, ces impérieuses mains d'épouvante, pareilles à des serres et aussi à des tentacules, les compositions d'un très curieux artiste, M. Manoël Orazi, un déformateur presque génial, et qui, dans ses hallucinantes illustrations des contes de Poë, a donné aux mains de ses personnages cette effroyable et symbolique importance.
L'affiche consultée donne le nom Nérey à l'acteur chargé de ce rôle ; je ne sais pourquoi j'ai cru reconnaître M. Défontaine. Défontaine ou Nerey, il a créé là une inoubliable silhouette, et les directeurs des théâtres de drames feront bien d'avoir l'œil sur lui.
Le Journal, Paris, mercredi 25 novembre 1896, p. 1.
L'acteur va, ainsi, se faire remarquer et piquer la curiosité du cinématographe naissant.
Le Coucher de la mariée (1896-1897)
Dans les souvenirs qu'il évoque avec René Jeanne, Henri Desfontaines, parle précisément du succès de Chand d'Habits et son premier rôle au cinématographe :
LE CINÉMA D'AVANT-GUERRE.
Dans la loge d'Henri Desfontaines.-Comment en 1902 on débutait devant l'objectif.
Du théâtre Antoine à Vincennes. De Ch. Pathé à A. Capellani.
Deux minutes plus tard, j'étais en tête-à-tête avec H. Desfontaines dans sa loge nue comme une cellule de chartreux.
[...] c'est en 1902 que je me suis trouvé pour la première fois en face d'un appareil de prise de vues cinématographiques. J'étais au théâtre Antoine, mais, avant d'être le pensionnaire du fondateur du Théâtre Libre, j'avais créé aux Folies-Bergère, à côté de Thalès, une pantomime de Catulle Mendès : Chand d'Habits.
René Jeanne, "Le Cinéma d'avant-guerre", Ciné Magazine, nº 2, 10e année, février 1930, p. 22-23.
La date qu'il donne ne correspond évidemment pas, comme nous l'avons vu. Il faut donc situer la rencontre avec Louise Willy au cours des premiers mois de l'année 1897. Voici comment il rapporte les circonstances qui lui ont fait jouer le rôle du mari dans Le Coucher de la mariée :
C'est sans doute à cette création dans une œuvre dont on avait beaucoup parlé que je dus d'être convoqué pour être le partenaire de Louise Willy dans un film dont elle devait être la vedette. Louise Willy était une jolie fille blonde et grassouillette qui depuis plusieurs mois faisait courir tout Paris à l'Olympia où elle jouait une courte pantomime, Le Coucher de la mariée, qui semblait alors être le comble de l'audace et qui nous apparaîtrait aujourd'hui comme une saynète d'une insignifiance insupportable. C'était cette pantomime qui allait être portée à l'écran !... Vous voyez que déjà à cette époque on empruntait au théâtre —et au music-hall — leurs plus grands succès pour en faire des films. J'acceptai naturellement la proposition qui m'était faite et, au jour, fixé je me rendis à l'adresse qui m'avait été donnée : 4, rue du Polygone, à Vincennes. Le local qui allait voir mes débuts dans l'art cinématographique était un quelconque atelier de photographe situé au 4e étage d'un immeuble semblable à tous ceux qui l'entouraient. Il y avait un appareil de prise de vues devant lequel Louise Willy joua la pantomime qu'elle jouait chaque soir sur la scène de l'Olympia, comme elle la jouait chaque soir et sans paraître se douter qu'elle aurait pu la jouer différemment. Mon rôle se bornait à quelques apparitions. Je m'en acquittai en imitant la belle indifférence que ma partenaire éprouvait pour l'avenir de l'art dont nous étions les premiers fidèles et je suis sûr, quand je revois cette scène, que l'opérateur qui tournait la manivelle de l'appareil n'était pas plus clairvoyant que nous... Tenez-vous bien, je vais vous dire son nom : Charles Pathé ! [...].
René Jeanne, "Le Cinéma d'avant-guerre", Ciné Magazine, nº 2, 10e année, février 1930, p. 22-23.
À ce époque-là, Charles Pathé ne dispose pas encore de collaborateur de la qualité de Ferdinand Zecca, et il n'y a rien d'étonnant qu'il ait mis la main à la pâte dans les premiers temps. Ce tournage ne constitue, en réalité, qu'une simple parenthèse, car Henri Desfontaines se consacre alors à la scène.
La scène (1897-1907)
Dans les souvenirs d'Antoine, ce dernier explique comment il réunit ses anciens collaborateurs dont Henri Desfontaines pour se lancer dans l'aventure du "Théâtre Antoine":
1er juillet 1897.-J'ai signé le bail avec Mme Cantin ete me voici enfin chez moi. J'ai immédiatement battu le rappel de mes anciens camarades du Théâtre Libre et tous arrivent avec empressement. Gémier des premiers, Arquillière, Janvier, Luce Colas, Henriot, Desfontaines et d'autres. Mon ancienne troupe est reconstituée; il n'y a plus qu'à se mettre à l'ouvrage.
ANTOINE, 1928: 118.
Il dirige ensuite le Château-d'Eau, puis il intègre le théâtre de l'Odéon. L'historiographie, se fiant probablement aux déclaration d'Henri Desfontaines lui-même, a situé le tournage du Coucher de la Mariée en 1902. En outre, nous savons que la maison Pathé inscrit à son catalogue sous le numéro 1059, une nouvelle version de la vue animée accompagné d'un photogramme où l'on peut identifier Louise Willy et Henri Desfontaines.
On serait tenté de croire qu'en réalité Henri Desfontaines a interprété le rôle du marié à plusieurs reprises. Dans la version de 1907 du Coucher de la mariée, on retrouve un jeune marié dont la physionomie n'est pas sans rappeler celle d'Henri Desfontaines.
Henri Desfontaines (1904) | "Le marié" (1907) |
Et après (1908-1931)
L'année 1908 marque un changement dans la vie d'Henri Desfontaines. Après avoir consacré sa carrière à la scène, il va se tourner vers le cinématographe, d'abord comme acteur, puis comme réalisateur.
Sources
ANTOINE André, Mes souvenirs sur le théâtre Antoine et sur l'Odéon, Paris, Bernard Grasset, 1928, 298 p.
BILLAUT Manon, "Un échange épistolaire pendant la guerre: André Antoine et Henri Desfontaines, de la scène à l'écran" Revue de la BNF, nº 49, 2015/1, p. 72-81.
FORD Charles, Albert Capellani, précurseur méconnu, CNC, 1984, 57 p.
JEANNE René, "Le Cinéma d'avant-guerre", Ciné Magazine, nº 2, 10e année, février 1930, p. 22-23.
JEANNE René, "Le Cinéma d'avant-guerre", Ciné Magazine, nº 3, 10e année, mars 1930, p. 62-63.
SÉVERIN, L'Homme blanc. Souvenirs d'un Pierrot, (introduction et notes de Gustave Fréjaville), Paris, Plon, 1929, 308 p.
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La participation d'Henri Desfontaines dans les films suivants est attestée par différents documents (scénario, photogramme...). Dans de nombreuses filmographies - qui s'inspirent apparemment de l'ouvrage de Charles Ford sur Capellani qui ne donne aucune source -, on fait état de contribution non sourcées.
1896-1897
[1902]
1907 |
|
[Le Coucher de la mariée] | |
1908 |
|
Hamlet (Henri Desfontaines) | |
Don Juan (Albert Capellani) | |
L'Arlésienne [Frédéric] (Albert Capellani) | |
L'Homme aux gants blancs [Jules, l'Apache] (Albert Capellani) | |
1909 |
|
L'Héritage de Zouzou (Nadane Maxime Villemer) | |
La Dernière Conquête (Jean Reibrach) | |
Pauvre gosse (Maurice Kéroul) | |
La Peau de chagrin (Michel Carré) | |
Le Roman d'une jeune fille pauvre (Charles Jeandet) | |
1910 |
|
La Main verte (Henri Desfontaines) | |
Shylock (Henri Desfontaines) | |
Un invité gênant (Henri Desfontaines) | |
Le gendre ingénieux (Henri Desfontaines) | |
1911 |
|
L'homme nu (Henri Desfontaines) | |
Cromwell (Henri Desfontaines) | |
La Mégère apprivoisée (Henri Desfontaines) | |
Falstaff (Henri Desfontaines) | |
Assassinat d'Henri III (Henri Desfontaines) | |
1912 |
|
Elisabeth d'Angleterre (Henri Desfontaines) | |
Le Page (Henri Desfontaines) | |
1915 |
|
Le Secret du châtelain | |
1921 |
|
Les Trois Lys (Henri Desfontaines) | |
Chichinette et Cie | |
1922 |
|
Le Mystérieux Insigne | |
La Fille des Chiffonniers | |
Son Altesse | |
1926 |
|
Capitaine Rascasse | |
1928 |
|
Le Film du Poilu (Henri Desfontaines) | |
1931 |
|
L'Aignon (Films Osso) |