Louise WILLY
([1873]->1913)
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Les origines ([1873]-1895)
On ignore tout des origines de Louise Willy. "Willy" est alors un pseudonyme déjà utilisé par Henri Gauthier-Villars (Villiers-sur-Orge, 10/08/1859-Paris 15e, 12/01/1931), à la vie tumultueuse, fils d'un célèbre éditeur parisien. Il fréquente l'écrivaine Sidonie-Gabrielle Colette, "Colette Willy", avant de l'épouser, en 1893. Louise Willy aurait-elle alors choisi son pseudonyme en rapport avec celui d'Henri Gauthier-Villars ? Un curieux entrefilet publié en novembre 1892 pourrait accréditer l'idée qu'elle aurait été la jeune maîtresse d'Henri Gauthier-Villars :
Loulou - je veux dire Louise Willy - était désespérée: on lui répétait qu'il était de très mauvais genre de ne point tromper son amant; or, la chère petite lui est resté jusqu'aujourd'hui fidèle, malgré son désir d'être dans le train, comme ses camarades.
Mais Loulou a trouvé un moyen terme: le matin, elle appelle Henri celui qui fait battre son cœur; le soir, elle l'appelle Emile... Elle veut même, paraît-il, l'obliger à porter perruque blanche une fois par semaine... le jour où ses petites amies reçoivent leur protecteur.
Est-ce assez gentil, ça ?
Le Journal, Paris, dimanche 20 novembre 1892, p. 1.
Élève de Charles Aubert, auteur connu pour ses pantomimes (Pantomimes modernes),. Louise Willy fait ses débuts parisiens, en octobre 1892, au théâtre des Nouveautés où elle est engagée :
Parmi les très jolies femmes que vient d'engager la direction des Nouveautés pour les représentations de la Bonne de chez Duval, nous devons citer Mlle Willy, qui sera charmante, si nous en croyons les on-dit, dans le petit rôle que lui destinent MM. Raymond et Antony Mars.
Le Journal, Paris, mercredi 5 octobre 1892, p. 4.
Elle mène, alors, une vie mondaine intense. Elle va aux courses à Longchamp, à Auteuil... Elle quitte vite les Nouveautés pour le Théâtre Moderne :
Mlle Louise Willy, la charmante pensionnaire des Nouveautés, abandonne ce théâtre; elle vient d'être engagée par M. Chelles, pour débuter dans la revue du Théâtre-Moderne, Tout à la scène, de nos confrères Cottens et Gaveau.
Le Journal, Paris, mardi 27 décembre 1892, p. 4.
S'engage alors une carrière sur les planches parisiennes et, parfois, dans les théâtres de province. Elle joue dans Pierrot cœur d'or de Charles Arnaud (Redoute pour Le Journal, mars 1893), s'apprête à partir pour Vienne (Autriche-Hongrie) pour interpréter la pantomime La Passion de Gilles, se fait applaudir à Chartres dans Au Jeu d'amour (mai 1893), surprend dans Un soir d'hiver (mai 1893), triomphe dans Les Femmes nerveuses (juillet 1893)... En septembre, elle est engagée aux Menus-Plaisirs:
Le nouveau directeur des Menus-Plaisirs vient d'engager une de nos plus charmantes actrices, Mlle Louise Willy, qui doit remplir un rôle important dans les Colles des femmes, la nouvelle pièce de MM. Jaime et Kerroul, musique de Louis Ganne, actuellement en répétition à ce théâtre.
O. Ridot.
La Libre Parole, Paris, lundi 11 septembre 1893, p. 3.
En février de 1894, les Folies-Bergère reprennent leur succès, Fleur de lotus (Armand Sylvestre, 1893), avec Louise Willy dans le rôle principal :
Le rideau de diamants, la pluie naturelle, les deux pas qui ont valu un si vif succès à M"* Campana la saison dernière, la splendeur de la mise en scène si artistique de Fleur de Lotus, sont rendus, aujourd'hui, au public des Folies-Bergère. Un début à sensation, celui de Mlle Louise Willy, ajoutera encore à l'éclat de cette reprise, pour laquelle Chéret a fait une superbe affiche. Succès assuré pour le poétique ballet d'Armand Sylvestre, si délicieusement mis en scène par Mariquita, et dont la partition, signée Desormes, vient de paraître, à la grande joie des amateurs de musique.
Ce soir, également, débuts de la belle Otero dans ses chants et danses espagnols et russes.
Le Journal, Paris, 24 février 1894, p. 3.
Jules Chéret, Fleur de Lotus, [1894].
Avec Fleur de Lotus, Louise Willy change de statut et devient une actrice que les théâtres de Paris et de province vont vite s'arracher. Elle fait même la une de Gil Blas où un journaliste croque ce charmant portrait de l'artiste :
LOUISE WILLY
Une rose mousseuse, étincelante de jeunesse, radieuse de fraîcheur ; semble quelque fée parisienne, quelque papillon qui vient d'éclore. La tête exquise d'un Grévin, avec de grands yeux mouillés et rieurs, le nez d'une Mily Meyer jolie, et, dans le rouge écrin de ses lèvres, des dents !.. ah ! mes amis ! quelles dents ! S'exerçait, dans les soirées de cercles, en de vagues pantomimes où l'applaudissaient les admirateurs du geste et de l'attitude, lorsque les Folies-Bergère la prirent pour interpréter le si joli rôle de Fleur de lotus dans le délicieux ballet d'Armand Silvestre.
Son jeu charmant, original et tout plein de grâce la désigne comme une de celles qui réussiront au théâtre et brilleront au premier rang des artistes vraies. La plus gaie, la plus franche et la plus spirituellement naïve des aimables filles.
- Je suis heureuse et ne désire pas grand'chose, dit-elle à tout bout de champ.
Combien comme elle ?
Gil Blas, Paris, vendredi 9 mars 1894, p. 1
Fleur de Lotus reste à l'affiche jusqu'à la fin du mois de mai, date à partir de laquelle Louise Willy quitte Paris pour Lyon où elle va reprendre le succès Le Coucher d'Yvette, créé en mars au concert Lisbonne (ancien Divan japonais), par Blanche Cavelli. À la suite d'un différent qui oppose cette dernière à Francisque Verdellet, auteur de la pantomime, elle décline l'invitation que lui fait l'Eldorado de Lyon pour son inauguration. C'est donc Louise Willy qui reprend le rôle avec un réel succès :
L'Inauguration de l'Eldorado
Après la brillante soirée de gala dont nous avons rendu compte, M. Verdellet a ouvert au public les portes de l'Eldorado. La salle était archi-comble et nombre de spectateurs n'ont pu trouver de place.
Nous avons mentionné les principales attractions offertes par M. Verdellet à ses invité d'avant-hier; chanteurs et comiques ont été fort applaudis à la soirée d'ouverture, et la composition du programme fait le plus grand honneur au goût artistique de M. Verdellet.
La pièce de résistance est le Coucher d'Yvette, pantomime en deux actes de MM. Verdellet et Arnaud dont nous résumerons sommairement le scénario. Au premier tableaux, le spectateur assiste au coucher suggestif et solitaire d'Yvette, une élégante Parisienne dont le mari est absent, retenu par ses devoirs de réserviste; le second tableau est la mise en action d'un rêve qui trouble le sommeil d'Yvette. La jeune femme croit voir Paul, son mari, tenté le jour même de ses noces par un méphisto fin de siècle, qui soumet sa fidélité à de dures épreuves; toutes les séductions, depuis la Phryné antique, jusqu'aux gigolettes du Moulin-Rouge, emportées dans un quadrille naturaliste, essaient de l'attirer à elles, jusqu'au moment où l'apparition d'Yvette le rappelle à la réalité.
Sur cette agréable donnée, développée en des épisodes variés, M. Arnaud a écrit une pimpante partition, d'un tour mélodique élégant, dont les rythmes alertes sont soulignés par une instrumentation pittoresque. Le public a fait fête aux deux auteurs, qui ont été appelés sur la scène à la chute du rideau.
Le Coucher d'Yvette est monté avec un goût exquis. De jolies femmes, des costumes frais, des mimes de talent, comme la gracieuse Mlle Willy, un corps de ballet nombreux, discipliné par M. Arménis, un bon orchestre que M. Patusset dirige avec autorité et souplesse, en voilà plus qu'il n'en faut pour assurer au Coucher d'Yvette un succès durable et mérité.
Le Progrès, Lyon, lundi 18 juin 1894, p. 3.
Lyon. L'Eldorado (début XXe siècle).
Le second acte est inédit puisqu'il n'a pas été présenté dans la capitale. Ensuite, Louis Willy se rend, en août, à Cabourg, où il interprète la pantomime Les Deux Spadassins, avant de faire sa rentrée parisienne. On la retrouve dans Le Suicide de Pierrot (Jardin de Paris, septembre), La Fée des poupées (Olympia, octobre), Mauvais rêve (Olympia, décembre), Les Turtulaines de l'année (Olympia, février 1895). Le clou de ce ballet-revue en deux tableaux n'est autre que celui de la Parisienne au bain:
À L'OLYMPIA-Les Turlutaines de l'année.
[...]
J'ai gardé pour la fin le clou de la Revue. Il s'agit du tableau de la Parisienne au bain, dont le personnage principal ne pouvait être confié qu'à Mlle Louise Willy, l'étoile de l'Olympia, celle qui fut hier la Fée des Poupées, et qui, tout à l'heure, vient de recueillir avec Irma de Montigny les applaudissements et les rappels dans le rôle de Lucette, du Mauvais Rêve. Mlle Willy est décidément la Parisienne dans toute sa perfection.
L'Événement, Paris, samedi 9 février 1895, p. 3.
La Vie parisienne, Paris, 20 avril 1895, p. 226.
Après ce succès, on retrouve Louis Willy dans Le Suicide de Pierrot (La Bodinière, mars 1895), mais l'on annonce déjà en mai une nouvelle pantomime plus leste :
Le coucher de la mariée !
Cela n'évoque-t-il pas quelque gravure badine du siècle dernier, où une chambrière accorte dégrafe, sous les yeux ardents d'un marquis impatient, une jeune épousée rougissante et timide ?
L'Olympia modernise le sujet et va, sous ce titre, donner mardi la première représentation d'une pantomime de G. Pollonnais, musique d'O. de Lagoanère. Que Royal-Gardenia apprête ses lorgnettes : c'est Louise Willy qui va jouer le rôle de la mariée. Et quel déshabillé, messeigneurs !
Gil Blas, Paris, mercredi 8 mai 1895, p. 1.
Le succès est immédiat et il se prolonge jusque dans les premiers jours de septembre. Mais Louise Willy ne se limite à ces "déshabillés", elle joue également le rôle de "Psacas" dans Le Scandale du Louvre (Olympia, octobre-décembre 1895), on la retrouve dans Le Pochard (janvier 1896). En février, elle va reprendre Le Coucher de la mariée à l'Olympia qu'elle interprète encore en septembre.
Le Coucher de la mariée au cinématographe (1896)
Les succès successifs du Bain de la Parisienne et du Coucher de la mariée vont attirer l'attention du cinématographe qui va se saisir de ces pantomimes pour en faire des vues animées. Le premier à s'intéresser à Louise Willy et à sa pantomime n'est autre que le photographe parisien, Eugène Pirou. Ce dernier est assisté par Albert Kirchner dit "Lear" et de leur collaboration va naître la première version du Coucher de la mariée au cinématographe :
En 1896, le photographe le plus considéré de Paris, le photographe des rois, comme on disait alors, Eugène Pirou, dont l'hôtel particulier du boulevard Saint- Germain n'est qu'une vaste antichambre, comme aussi ses salons de pose de la rue Royale, est gagné au cinéma par son nouveau chef-opérateur, M. Léar, précédemment attaché à la maison Ogereau [sic], installée sur ces grands boulevards où tout déjà est imprégné de la nouvelle merveille. Une série de poses plus ou moins risquées de nos plus jolies, sinon de nos plus grandes actrices, dont il a fait un album de « visions d'art », suggère à Léar l'idée d'un scénario accepté par Pirou. Ainsi fut réalisé le Coucher de la mariée, grand film de 60 mètres, dont le succès fut énorme.
Guillaume-Michel Coissac, Histoire du cinématographe des origines à nos jours, Paris, Éditions du Cinéopse/Librairie Gauthier-Villars, 1925, p. 384.
Pirou/Lear, Le Coucher de la mariée (1896).
On sait, par ailleurs, qu'Henri Joly avec son collaborateur Ernest Normandin vont diffuser les vues grivoises de Pirou. Le Coucher de la mariée devient un film que les cinématographes se disputent alors que Le Panorama propose dans série Paris s'amuse un livraison où l'on découvre Louis Willy dans trente-deux gravures tirées en couleurs.
"Paris s'amuse nº 7. Le Coucher de la Mariée et le Bain de la Parisienne", Le Panorama, Paris, Ludovic Baschet, 1897.
Louise Willy va reprendre ce rôle dans plusieurs autres films.
De la pantomime à la comédie (1897-1907)
Ce tournage ne constitue qu'une parenthèse dans la carrière de Louise Willy que l'on retrouve dans la pantomime Le Chevalier aux fleurs (Marigny, mai-octobre 1897) qui reste à l'affiche pendant plusieurs mois. Trois mois plus tard, elle partage la vedette avec Mme Micheline et le mime Thalès dans Pierrot cambrioleur et Paris toqué (Olympia, janvier-février 1898) et rejoue Le Coucher de la mariée (Olympia, février 1898), interprète Vision (Olympia, mars-mai 1898), Folles amours (Olympia, septembre 1898-mars 1899) où sa performance lui vaut quelques lignes élogieuses dans La Nation :
Mais une vraie révélation, c’est la façon magistrale dont la ravissante Louise Willy a joué le rôle difficile de la Belle Irma. On n’est pas plus séduisante ni plus jolie. Le costume de courtisane antique que porte la jeune artiste fait admirablement valoir l'exquisité de ses formes, sans indécence.
A la pureté de la ligne s'ajoute la vérité du geste, sobre, explicite, gracieux. Et le regard de ces yeux superbes ! Pierrot n’est pas le seul à en subir la fascination, le public y est pris et bien pris. La physionomie adorablement mobile de Louise Willy rend avec tant de justesse les multiples situations scéniques, qu'il n’est pas besoin d'un argument au moins initié des spectateurs : rien ne peut lui échapper. Avec quel art la sirène attire à elle sa victime, avec quelle pitié dédaigneuse elle accueille plus tard ses remords en présence de l’épouse trahie. Quelle attitude farouche elle sait prendre devant la provocation de Pierrette. Enfin quelle émotion douloureuse elle manifeste après l'issue tragique du duel.
Dirons-nous encore que Mlle Willy est une escrimeuse di primo cartello et que plusieurs membres actifs du cercle de l’escrime qui se trouvaient dans la salle, souhaitaient sincèrement de faire assaut avec cette fine lame. Mieux vaut, après avoir chaudement félicité l’artiste, complimenter MM. Isola, les très aimables directeurs de l’Olympia, d’avoir mis Louise Willy à sa vraie place en lui confiant un rôle digne d’elle.
La Nation, Paris, lundi-mardi 3-4 octobre 1898, p. 1.
Le succès du premier film, Le Coucher de la mariée, va donner l'idée à d'autres éditeurs de tourner leur propre version. C'est le cas de Pathé qui sollicite Louis Willy pour une seconde version dans laquelle elle a pour partenaire Henri Desfontaines qui s'est dernièrement illustré dans Chand d'Habits de Catulle Mendès.
Elle joue ensuite (octobre-décembre 1898) le rôle de Poppée auprès d'Émilienne d'Alençon (Marcella) dans Néron un ballet à grand spectacle de Max Maurey et Auguste Thierry sur une musique d'Henri Hirschmann, on la retrouve dans Conte de mai (Olympia, janvier-février 1899), Les Sept Péchés capitaux (Olympia, janvier-avril 1899) où son rôle de Pierrette lui vaut quelques lignes savoureuses dans la presse:
SAMEDI.-A l'Olympia.-Les sept péchés capitaux ont toujours été sept péchés jolis lorsqu'ils ont eu pour symbole sept belles filles de tous poils ; mais les sept péchés capitaux du ballet-pantomime de l'Olympia valent mieux encore mieux que tout ce que j'en pourrais dire.
Il est vrai qu'ils sont représentés par des princesses, ma chère; et ces princesses sont Germaine de Berry, Elsa Mindès, de la Pierre, Casabianca, la Maggi, Andrée Baral et Suzanne Derval.
[...]
Quant à la Pierrette Louise Willy, c'est un bouquet grassouillet qui rit toujours, qui rit de partout, avec ses mollets comme avec ses nichons, avec ses lèvres, avec ses yeux, avec ses bras, avec son derrière, et je me demande avec avec anxiété avec quoi elle peut ne pas rire.
La Fin du siècle, dimanche 19 février 1899, p. 1.
Suivent, toujours à l'Olympia, une reprise de La Fée des poupées (mai 1899), puis à la rentrée le ballet Les Mille et une Nuits (septembre 1899-janvier 1900). Par la suite, on retrouve Louise Willy au Grand Guignol (novembre), au Parisiana (décembre). L'année 1900 marque le déclin et la réorientation de la carrière de Louise Willy que l'on la retrouve encore dans Moins Cinq ! (Palais Royal, janvier 1900), V'nez vous ? (Parisiana, avril-mai 1900) ou La Belle aux cheveux d'or (Olympia, mai 1900) :
J'ai assisté, avant-hier, à la répétition générale de Moins cinq ! le nouveau vaudeville du Palais-Royal, car l'affiche annonce "vaudeville", qui signifiait autrefois "pièce à couplets", et la preuve c'est que tous les ouvrages intitulés ainsi finissaient par dix ou douze couplets chantés par les principaux personnages... Aujourd'hui, on fait des vaudevilles où l'on ne chante plus : signe des temps ! Ils n'en sont pas plus gais pour cela, allez !
[...]
Je devrais pourtant vous parler des débuts de Mlle Louise Willy. Vous ne la connaissez peut-être pas ? Ce fut un moment l'étoile, ou plutôt une des étoiles de l'Olympia et des Folies-Marigny. Elle avait la spécialité de créer les rôles principaux dans les pantomimes d'Armand Silvestre. Mais la débutante n'a qu'un bien petit rôle. Si vous allez au Palais-Royal, souvenez-vous que Mlle Willy...
C'est la couturière
Qui rest' su'l'devant.
Le Matin, Paris, jeudi 22 novembre 1900, p. 3.
Par ailleurs, sa reconversion dans la comédie ne va pas lui permettre de réellement relancer sa carrière et elle est désormais souvent au bas de l'affiche comme dans Le Premier faux pas (Palais-Royal, avril 1901), Sacré Léonce (Palais-Royal, mai 1901)... Cet échec va la conduire à revenir au Music-Hall :
Mlle Louise Willy, la jolie et gracieuse mime qui avait fait l'année passée une incursion fort intelligente dans la comédie, au théâtre du Palais-Royal, renonce à sa tentative.
Elle retourne à ses premières amours, les music-halls.
Tant pis pour l'art dramatique, et tant mieux pour la pantomime !
Le Figaro, Paris, 21 août 1901, p. 4.
Elle fait en effet son retour à l'Olympia en septembre dans le ballet en deux tableaux, Paris-Cascades, puis elle figure dans le rôle-titre Cendrillon (Olympia, janvier-juin 1902) qui lui permet de relancer sa carrière. C'est probablement au cours de cette période plus délicate pour Louise Willy que la maison Pathé va l'engager pour réaliser une nouvelle version du Coucher de la mariée. Le film reprend, on l'imagine, le même scénario.
À la rentrée suivante, elle débute à la Scala dans Cambrioleuse, une scène mimée (octobre 1902) où elle est parfois très déshabillée et où Henri Desfontaines lui donne la réplique :
Comme il était facile de le prévoir, Louise Willy a remporté hier à la Scala un véritable triomphe dans Cambriolage, la scène mimée de M. Jacques Lemaire. Mime enjouée et délicieuse, artiste ravissante, la jolie Willy, secondée habilement par M. Desfontaines, a absolument charmé le public. La partition de M. Paul Fauchey souligne exquisement une action des plus agréables.
Le Figaro, Paris, 18 octobre 1902, p. 5.
Le succès de la pantomime conduit les deux acteurs à Nice pour de nouvelles représentations :
Vers la Côte d'Azur.
M. Desfontaines, du théâtre Antoine, et Mlle Louise Willy, viennent de partir pour quelques jours à Nice où ils joueront la pantomime.
Le Petit Bleu de Paris, Paris, mardi 16 décembre 1902, p.
Sans doute le séjour est-il de courte durée, car Louise Willy joue dès la fin du mois de décembre dans une fantaisie militaire, Pousse-Caillou à l'Olympia (Scala, décembre 1902-janvier 1903). En février, elle est engagée aux Mathurins où elle retrouve Henri Desfontaines dans La Momie :
Le succès de la soirée est allé plus spécialement à la Momie, pantomime de M. Ferrare, musique de M. Aubert, adroitement réglée par M. Desfontaines, qui y tient le rôle d'un jeune égyptologue, plus occupé d'une momie récemment découverte que de la jolie Paulette, qui nourrit pourtant une tendre passion pour lui. Celte passion inspire à Paulette l'ingénieux stratagème de se faire passer, sous des travestissements convenables, pour une réincarnation de la princesse défunte et d’attirer ainsi à soi les yeux indifférents et le cœur rebelle du savant enfin dégelé. Mlle Louise Willy mime délicieusement ce double et gracieux rôle, mutine et enjouée sous ses ajustements modernes, elle est infiniment charmante dans son costume de princesse égyptienne. Dire qu’elle y est jolie à miracle est superflu ; mieux vaut louer l’intelligence pleine de séduction de sa mimique, la grâce de sa danse et l'art de ses attitudes. Son succès personnel a été très vif.
Le Souveraineté nationale, Paris, lundi 9 mars 1903, p. 3.
Les deux artistes se retrouvent peu après dans la pièce Cœur Jaloux (Mathurins, mars-avril 1903). Répondant à une demande du Figaro, Louise Willy va évoquer sa carrière et la pantomime :
SPECTACLES & CONCERTS
Nos artistes crayonnés par eux-mêmes.
Mlle Louise Willy, la jolie et très gracieuse mime de l'Olympia, nous écrit :
Mon cher ami,
Je répondrai rapidement à vos deux premières questions. Ce fut dans Fleur de Lotus, la pantomime du regretté Armand Silvestre, que je fis mes débuts aux Folies-Bergère.
Quant à mes principaux rôles, ils me furent distribués à l'Olympia dans presque toutes les pièces : la Fée des Poupées, le Scandale du Louvre, Pochard ! Folles amours, Cendritlon, etc., etc. Et diable ! j'allais oublier le Coucher de la Mariée.
Votre troisième question m'embarrasse.
Mes espérances artistiques!!
Hélas! aujourd'hui, la pantomime voit bien des portes se fermer devant elle. Calomnié, banni, cet art couramment appelé inférieur ne trouve plus beaucoup de fervents.
On ignore donc les difficultés sans nombre qu'il entraîne et le travail acharné qu'il exige. A Paris, mes chers directeurs, les frères Isola conservent seuls encore la pantomime dans leurs programmes. C'est donc sur leur volonté que reposent mes espérances artistiques. J'espère travailler encore chez eux pendant nombre d'années, et je disparaîtrai un jour, fuyant loin de la ville et du monde méchant, les gens de théâtre jaloux, potiniers et haineux.
Actuellement, le Métier a remplacé l'Art.
A bientôt, cher ami, à mon retour de Londres, croyez-moi votre dévouée
Louise WILLY.
Le Figaro, Paris, dimanche 9 août 1903, p. 5.
L'amertume que trahissent ces lignes annoncent son déclin artistique. Elle joue encore dans Folies-Bergère (Folies-Bergère, février-avril 1904), Pris au piège (Capucines, janvier 1905),, Le Mariage de Pierrot (Aix-les-Bains, juillet 1905) avec Henri Desfontaines. En mars 1906, Louise Willy est engagée à la Nouvelle-Comédie où elle joue dans la pièce, Josiane Eymard, puis elle interprète, à l'Olympia, le rôle éponyme dans Cléopâtre (mai-décembre 1906) où elle connaît un grand succès.
Paris qui chante, dimanche 3 juin 1906.
En 1907, on la retrouve aux Folies-Dramatiques dans Amour et Cie (janvier 1907), puis dans La Lime (Moulin-Rouge, mai 1907). Par la suite, Louise Willy disparaît presque des scènes parisiennes pour quelques tournées en province.
Le cinématographe, les tournées et la disparition (1908-[1913])
A-t-elle, comme l'écrit Charles Ford, collaboré avec Albert Capellani ? Ce que l'on peut penser en revanche c'est que les liens étroits qu'entretiennent Louise Willy et Henri Desfontaines vont la conduire à faire quelques incursions à l'écran. On la retrouve d'abord chez Pathé, puis à l'Éclipse. Elle figure, ainsi, dans la distribution de Falstaff aux côtés de MM. Degeorge, Bacqué, Coste, Denis d'Inés et MME Barjac.
Falstaff (1911) O Paiz, Rio de Janeiro, samedi 24 juin 1911, p. 12. |
En mars 1911, elle est engagée par l'Etoile-Palace pour la pantomime Un Drame à Madrid.
Au cours des années 1911-1912, elle intègre la tournée Dufrenne et Grandjean. Oscar, Louis Dufrenne (Lille, 13/03/1875-Paris, 24/09/1933), directeur de théâtre et entrepreneur de spectacles va faire équipe avec André Grandjean (18xx-19xx), acteur que l'on retrouve dans Prostituée (Théâtre de l'Ambigu, 1910), une pièce d'Henri Desfontaines. Elle part en tournée en octobre :
La Tournée Dufrenne et Grandjean va très prochainement nous ramener Delbret, le chanteur à la mode.
Il sera entouré d'une troupe de comédie remarquable dans laquelle brillera la très belle Louise Willy et qui interprétera le gros succès parisien de la dernière saison "Un tout petit voyage".
Journal de la ville de Saint-Quentin, Saint-Quentin, 8 octobre 1911, p. 5.
Elle va donc jouer dans la comédie en trois actes d'Yves Mirande à Saint-Quentin (octobre), Troyes (octobre), Tours (octobre), Saint-Étienne (octobre), Cette (novembre), Biarritz (novembre), Salon (novembre), Alais (novembre), Beaucaire (novembre), Cavaillon (novembre), Montpellier (novembre)... En 1912, elle refait une tournée avec Dufrenne et jour dans Julot ne reçoit rien des dames, d'Henri Arvan, en trois actes où elle joue le rôle de Micheline et Une nuit troublée : Charleville (octobre), Grasse (octobre), Nice (octobre), [Foix] (novembre), Chatellerault (novembre), Tours (novembre)... On la retrouve encore, en 1913, dans La Princesse des Folies-Bergère (Nadau et Van Trad) où elle joue le rôle de la Môme Kiki : Amiens (avril), Bar-le-Duc (mai)...
En l'absence de documents officiels sur l'identité de Louise Willy, il est difficile de retrouver sa trace et de savoir pour quelle raison elle met fin brutalement à sa carrière et ne fait plus parler d'elle. S'il est vrai qu'elle n'est plus l'actrice qu'elle a été, son décès aurait probablement été relayé par la presse. Cette soudaine disparation, fréquente chez les actrices légères de music-hall, pourrait être due tout bonnement à un changement d'état civil. Elle ne serait pas la première à avoir changer le "Mlle" de l'actrice par un "Mme" plus respectable.
Plus tard, une autre actrice du Théâtre Michel, reprendra son nom.
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1896
Le Coucher de la mariée (Pirou)
1897
Le Coucher de la mariée (Pathé)
1902-1904
Le Coucher de la mariée (Pathé)
1904
Le Coucher de la Parisienne (Pathé)
1909 |
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Le Dîner du 9 | |
La vengeance du coiffeur | |
1911 |
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Falstaff (Henri Desfontaines. Urban Trading Company/Eclipse) | |
L'Homme nu (Henri Desfontaines) |
Elle aurait également joué dans les films suivants, mais les informations ne sont pas sourcées:
1906 : Le Chemineau, film muet d'Albert Capellani
1906 : Aladin ou la Lampe merveilleuse, film muet (250 m) d'Albert Capellani, scénario d'André Heuzé
1906 : La Voix de la conscience, film muet d'Albert Capellani, scénario André Heuzé
1906 : Pauvre Mère, film muet d'Albert Capellani, scénario André Heuzé
1906 : La Loi du pardon, film muet d'Albert Capellani, scénario André Heuzé
1906 : La Fille du sonneur, film muet d'Albert Capellani, scénario André Heuzé
1906 : La Femme du lutteur, film muet d'Albert Capellani, scénario André Heuzé
1906 : Mortelle Idylle, court métrage muet d'Albert Capellani, scénario d'André Heuzé
1907 : L'Âge du cœur / Les Drames du coeur film muet d'Albert Capellani, scénario André Heuzé
1907 : Les Deux sœurs, film muet d'Albert Capellani
1912 : Le Page, court métrage muet d'Henri Desfontaines, scénario de Paul Garbagni
Non daté : L'Idée de Jacob, court-métrage muet de René Chavance.