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GRUPO DE REFLEXIÓN SOBRE EL MUNDO HISPÁNICO

Gaston ROUSSEAU

(Saint-Étienne, 1856-Le Mayet-d'École, 1927)

rousseau gaston portrait

Jean-Claude SEGUIN

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Jean Rousseau épouse Marie Chavaroche. Descendance :

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Les origines (1826-1895)

Fils d'un jardinier installé à Bergerac (Dordogne), François Rousseau, père de Gaston et de Charles, se fait connaître à Paris, comme chanteur amateur, dès 1850, sous le pseudonyme de "Chéri-Rousseau" :

Nous connaissions de longue date le talent photographique de M. Chéri et ses triomphes dans la chansonnette, car tous les journaux de Paris, la Presse, le Siècle, la Patrie, lui ont jadis consacré des articles excessivement flatteurs.
En novembre 1850, la Patrie disait: "M. Chéri-Rousseau fait en ce moment les délices des soirées parisiennes, etc.; c'est un amateur qui peut être classé au rang des artistes de premier mérite, etc."


Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire, Saint-Étienne, 6 janvier 1859, p. 3.

S'est-il alors initié à la photographie à Paris où il est l'ami de l'artiste Eugène Disdéri ? 

En 1856, il épouse Marie, Mélanie, Clotilde Labry à Cusset (Allier). Sur l'acte de mariage, il figure comme "photographe". Il est probable qu'il exerce, déjà, cette profession à Saint-Étienne où voit le jour quelques mois plus tard (Petite rue Saint-Jacques), son fils aîné, Gaston Rousseau. Il figure alors comme "artiste peintre". Si ses talents de photographe semblent avoir été reconnus dès cette époque, il n'hésite pas à pousser la chansonnette comme le rapporte le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire 

En effet, M. Chéri, qui n’a jamais chanté qu’en amateur dans des concerts au bénéfice d’infortunes quelconques, a donné hier aux Stéphanois un brillant échantillon de son mérité dans deux chansonnettes qui ont provoqué un succès des plus retentissams et lui ont valu les honneurs du rappel. Ces chansonnettes, le Docteur Croquinouillac et les Cris de Paris, sont tout ce que l’on peut imaginer de'plus comique, surtout avec la manière ori ginale dont elles ont ejé interprétées par M. Chéri, imitant à s’y méprendre la faconde des empiriques et les cris multiples qui assourdissent dans la capitale.


Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire, Saint-Étienne, 6 janvier 1859, p. 3.

À la naissance de son deuxième fils, en 1859, Charles, il est "peintre-photographe" et réside place Mi-Carême, nº 7, avant de s'installer, en 1862, nº 8 place de l'Hôtel de Ville.​

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Chéri-Rousseau Chéri-Rousseau. 1864.
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Chéri-Rousseau. 1868   Chéri-Rousseau. c. 1870

Parfois connu aussi comme M. Chéri, François Rousseau est une figure tout à fait singulière qui fait l'admiration de la bonne société :

M. Chéri-Rousseau, un jeune artiste dont j'aurai à reparler à propos de musique, s'est acquis ici une fort belle réputation. Homme du monde, photographe habile, délicieux chanteur comique, M. Chéri est de tous les bals, de toutes les fêtes. Pas un dandy, pas une danse du monde qui n'ait son portrait fait par lui. Peu de chanteurs comiques peuvent lui être comparés. Il réunit en lui Levassor, Brasseur et les frères Lionnet.
L'an dernier, S. M. l'Empereur le fit appeler à Vichy, à la villa Strauss. Ce fait seul est le plus bel éloge que l'on puisse faire du talent de M. Chéri. Si les grands l'applaudissent, les pauvres doivent le bénir, car il n'est pas une bonne oeuvre à laquelle il ne prête son gracieux concours.


La Comédie, Paris, dimanche 24 mai 1863, p. 6-7.

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Étienne Carjat, Caricature de François Chéri-Rousseau, Saint-Étienne, 1863.

Outre ses nombreux portraits carte-de-visite, on lui doit égament des photographies artistiques.

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François Chéri-Rousseau, Femmes et enfants au poney. c. 1865. [D.R.]

En 1870, le gouvernement français lui demande d'étudier la photographie microscopique. Avec Adolphe, Henry Braun, artiste peinte, il va constituer, le 12 février 1874, une  société en commandite simple ayant pour objet l'exploitation d'un fonds pour la fabrication et la vente de produits pour la photographie et la peinture, soit directs soit appliqués aux arts et à l'industrie. La raison sociale est "Henry Braun et Cie" et le siège se trouve 5, rue Damrémont (Paris).

Les enfants Gaston et Charles Rousseau s'initient à la photographie dès leur plus jeune âge. Afin de se perfectionner, l'aîné, Gaston, est envoyé en Allemagne :

Tout jeune, il partit pour l'Allemagne faire ses premières études photographiques. C'est là qu'il apprit le procédé au charbon, persuadé déjà que tout l'avenir de la photographie était dans les papiers à développements, les seuls qui puissent permettre une interprétation artistique.


L'Art photographique, nº 27, Paris, 1er septembre 1905, p. 1-2. 

Appelé sous les drapeaux, rejoint le 30e Bataillon de chasseurs à Clermont Ferrand en novembre 1876. Il passe dans la disponibilité le 8 novembre 1877. Il s'installe ensuite, en avril 1878, à Marseille au nº 14 du boulevard du Musée où il reprend l'atelier photographique de Waléry et inaugure la "Photographie Chéri Rousseau".

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Le Petit Marseillais, Marseille, mercredi 15 mai 1878, p. 4. Chéri Rousseau. Marseille

Cette année 1878, François Rousseau est l'un des photographes qui participent à l'Exposition universelle. Le Moniteur de la photographie lui consacre un long article :

L’exposition de M. Chéri-Rousseau est incontestablement à tous égards une des plus remarquables parmi les meilleures. La dimension de ces portraits qui atteignent les proportions de la nature, la ressemblance frappante de ceux dont les originaux, appartenant au théâtre, sont connus de tout le monde et parmi lesquels nous citerons particulièrement l'excellent et spirituel Berthelier, le mode d’impression choisi par l’auteur, sont autant de particularités qui les distinguent et fixent l’attention de tous les visiteurs. Parmi ces épreuves, les unes sont tirées tout simplement en noir, au charbon, et montrent toute l’expérience que l’auteur a acquise dans ce mode d’impression ; les autres, habilement teintées, ressemblent à de beaux dessins exécutés au crayon noir et à la sanguine. Ces derniers rappellent les intéressants spécimens exposés par M. Fry dans la section anglaise, mais ils sont plus largement exécutés. En somme, ce sont là des résultats d’un grand intérêt et dont l’habile photographe stéphanois peut être fier, car ils joignent à la nouveauté des moyens employés des qualités artistiques tout à fait estimables.
Nous ne savons rien du procédé dont M. Chéri-Rousseau fait usage pour arriver à produire ces images teintées, mais nous sommes disposé à croire que c’est à l'aide de poudres inertes, colorées, mélangées au charbon. Dans ce cas, il aurait le premier réalisé, de la façon la plus heureuse, une application rêvée par Poitevin et qui a été longtemps jugée impossible. Quoi qu’il en soit, M. Chéri-Rousseau mérite de chaleureuses félicitations dont nous nous faisons ici de grand cœur l’interprète.


Le Moniteur de la photographie, 17e année, nº 18, 16 septembre 1878, p. 138-139.

L'année 1885 semble être celle où Gaston Rousseau quitte Marseille pour rejoindre Saint-Étienne. Après son expérience, il va devenir un collaborateur de son père et l'établissement, dès 1889 au moins, prend le nom de "Chéri-Rousseau & Fils" tout comme les photographies carte-de-visite.

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Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire, Saint-Étienne, samedi 10 août 1889, p. 4.

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Chéri Rousseau. 1885 Chéri Rousseau & Fils. c. 1889

Au cours des années 1890, Gaston Rousseau se rend de plus en plus indispensable. Le 1er juillet 1894, les ateliers de photographie inaugurent leurs nouveaux locaux, 3, rue de la Paix et l'on peut penser que désormais, Gaston Rousseau a pris la succession de son père. D'ailleurs, dans plusieurs publications de l'année 1895, dont l'Almanach Hachette, le nom est précédé de l'initiale "G." qui laisse à penser que le père a passé la main.

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Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire, Saint-Étienne, 9 juillet 1894, p. 4.

C'est à cette époque qu'il publie un traité sur les Épreuves de petit format dont la première édition date de 1893.

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Gaston Chéri-Rousseau
Épreuves de petit format par le procédé au charbon. 1894
Chéri Rousseau. Rue de la Paix. Saint-Étienne. c. 1895.

L'Aléthorama (1896-1898)

Le 7 février 1896, Gaston Rousseau envoie un courrier à la maison Lumière dans le but d'acquérir un cinématographe. La réponse négative s'explique simplement parce que les frères Lumière n'ont pas choisi de vendre leur appareil.


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Pr Perrigot, M. Paris, Monsieur Chéri-Rousseau à Saint-Étienne, Lyon, 8 février 1896.
Cahier Lefrancq

Sans doute lié à cet échec, Gaston Rousseau va se tourner vers l'ingénieur Paul Mortier. Ce dernier dépose un brevet, le 17 février 1896, pour un "appareil dénommé ALETHOSCOPE, destiné à enregistrer photographiquement les scènes animées et à les reproduire soit par projection, soit par vision directe avec ou sans l'illusion du relief" (FR 254090 du 17 février 1896). Il s'agirait donc d'un appareil réversible qui aurait en outre la capacité de projeter des vues en relief. Dans un article publié en août 1896, il apparaît que l'appareil, désormais appelé "aléthorama", n'est toujours pas en état de fonctionnement :

Les rayons X.
M G. Chéri Rousseau, fidèle aux traditions de sa maison, suit avec un soin jaloux tous les progrès de son art : les rayons X qui permettent de photographier l'invisible, et le cinématographe qui reproduit, au moyen d'une série de clichés photographiques, le mouvement des personnages enregistré par l'objectif, ne pouvaient le laisser indifférent.
De concert avec notre savant électricien M. Mortier, M. Chéri-Rousseau a eu l'excellente idée d'organiser au n°13 de la rue de Paris un cabinet de physique, où le public, pour une somme très modique, pourra venir s'initier aux progrès de la science nouvelle.
C'est aux premières expériences de ce cabinet mystérieux que MM. Rousseau et Mortier avaient convié hier un petit comité spécial et auxquelles il nous a été donné d'assister avec nos confrères de la presse stéphanoise.
[...] Quant au cinématographe, on dit merveille du nouveau que vient d'inventer M. Mortier et qu'il a appelé l'Aléthorama, mais auquel il est en train d'apporter un dernier perfectionnement. On parle surtout d'un "pêcheur à l'épervier" dont tous les mouvements sont rendus avec une fidélité étonnante. Mais ne le déflorons pas !...
Inutile d'ajouter que l'art ne pouvait être négligé là où M. Chéri-Rousseau mettait la main. Aussi a-t-il justifié le nom de Salle des Nouveautés artistiques et industrielles qu'il a donné à son nouveau salon de la rue de Paris, en y exposant de vrais petits chefs-d'œuvre.
[...]
Tant de science et tant d'art réunis justifient le succès et, sans poser au prophète, nous le prédisons très grand à MM. Gaston Rousseau et Paul Mortier.
Ce ne sera que justice.


Le Stéphanois, Saint-Étienne, 12 août 1896, p. 2-3. 

Si des essais semblent avoir eu lieu - évocation d'une vue Un pêcheur à l'épervier -, Paul Mortier doit procédé à certains ajustements. En attendant, il dépose un brevet pour un "appareil servant à photographier des scènes quelconques et à les reproduire par projection sur un écran" (FR254.697 du 12 mars 1896) et un autre pour un "appareil pour la reproduction de scènes animées dit Le Moto-Simplex" (FR268.145 du 25 juin 1897/CH) qu'il cosigne avec les deux frères Rousseau. La mise au point de l'aléthorama va, semble-t-il, prendre plusieurs mois et ce n'est que le 27 novembre 1897, lors de l'inauguration des séances à Saint-Étienne, qu'un public choisi assiste pour la première fois aux projections de cet appareil. L'une des singularités de l'aléthorama est de choisir le défilement continu des photogrammes, contrairement au choix opéré par la plupart des appareils cinématographiques. Pendant plusieurs mois, de novembre 1897 à juin 1898, l'aléthorama est ainsi exploité avec un succès signalé par la presse.

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René Péan. Le Monde animé par l'Aléthorama. c. 1898.

Et après... (1899-1927)

L'exploitation de l'aléthorama constitue, en fait, un parenthèse assez brève dans ses activités de photographe. Dans son établissement de la place de l'Hôtel-de-Ville, il organise régulièrement des expositions. Il va également participer avec un succès certain à l'Exposition Universelle de 1900 :

Succédant à son père, il sut à merveille le continuer et porter très loin la réputation de sa maison de photographie. Qui ne se souvient, en effet, des remarquables productions qui passèrent dans ses vitrines de la rue de la Paix et dans son salon d'exposition: Place de l'Hôtel-de-Ville. Toutefois, ses plus belles oeuvres furent exécutées pour l'Exposition Universelle de 1900 où il obtint seulement une médaille d'or alors qu'il méritait le grand prix. Tous les sujets présentés étaient des épreuves au charbon traitées comme lui seul savait les traiter: paysages, fleurs, portraits, à peu près tous les genres s'y retrouvaient. Il avait consacré à la composition, l'exécution, la présentation de chaque tableau, toutes les ressources sans nombre de son âme d'artiste.


LASSABLIÈRE, 1927: 78.

Son frère, Charles Rousseau, fonde, à Saint-Étienne, le journal Le Forézien, avec la collaboration de Jean Barbier. Vers 1906, Gaston Rousseau quitte ensuite Saint-Étienne pour s'installer à Paris, vers 1906 :

Quelques années plus tard, il quitta Saint-Etienne pour aller s'installer à Paris. Les débuts furent durs, mais ses qualités remarquables firent qu'il se plaça bientôt en tête des photographes de la capitale. Depuis, dans ses salons défilèrent: écrivain, artistes, représentants de la haute société. Les beaux portraits qu'il fit du roi Albert et de la famille royale furent reproduits dans le monde entier.


J-B. LASSABLIÈRE, 1927, p. 78

En 1907, il crée la société en nom collectif Chéri-Rousseau et Glauth" :

Paris.-Formation.-Société en nom collectif CHERI-ROUSSEAU et GLAUTH, photographie, 33, Boissy-d'Anglas-12 ans - 30.000 fr.-1 oct. 1907-P.A.


Archives commerciales de la France, Paris, mercredi 30 octobre 1907, p. 1374.

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Cl. Chéri-Rousseau et Glauth. Toilettre La Porta et Niémaz
Revue illustrée,  20 décdembre 1907, p. 396.
Chéri-Rousseau
33, rue Boissy-d'Anglas. Paris

Il se retire au Mayet-d'École, non loin de Cusset où il est recensé (recensement 1926). Il décède en 1927 au Mayet-d'École.

Sources

"CHÉRI-ROUSSEAU. Photographe à Saint-Étienne (Loire)", L'Art  photographique, nº 27, Paris, 1er septembre 1905, p. 1-2.

CHÉRI-ROUSSEAU Gaston, Épreuves de petit format par le procédé au charbon, Paris, Gauthier-Villars, 1894.

DURAND Marc, De l'image fixe à l'image animée 1820-1910, Tome 2. L-Z, Paris, Archives Nationales, 2015, p. 1014-1015.

LASSABLIÈRE J-B., "Gaston Chéri-Rousseau", Art et Photo, 4e année, nº 43, avril 1927, p. 78.

LONDE Albert, "L'Aléthorama", La Nature, nº 1520, 17 septembre 1898, p. 253-255.

TRUTAT Eugène, "Aléthorama, nouvel appareil cinématographique (système P. Mortier)", La Photographie animée, Paris, Gauthier-Villars, 1899, p. 133-138.

Remerciements

Mairie du Mayet-d'École.

Thierry Lecointe.

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