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Faits divers comiques

Les journaux de Paris et après tous ceux de la province viennent de raconter les faits suivants qui, par leur originalité, se passent de tous commentaires.
"Un individu, reconnu pour un repris de justice des plus dangereux, vient d'être arrêté à la suite des circonstances suivantes que nous allons relater dans tous leurs détails:
"Après avoir tenté vainement de fracturer un appartement du premier étage, il est monté au sixième où il a pu pénétrer dans une mansarde où, du reste, il n'y avait rien à prendre.
"La locataire, une vieille fille qui revenait des vêpres, se trouva en présence du bandit qui profita de son évanouissement pour se sauver par la tabatière ouverte. La vieille demoiselle poussa ensuite des cris terribles qui furent entendus d'une voisine qui appela son mari. Ce dernier courut chercher un agent qui se mit de suite à la poursuite du fuyard.
"Ce fut alors une chasse à l'homme des plus mouvementées. Sur les toits, l'agent tenta inutilement d'atteindre le malfaiteur, et un habitant de la maison qui voulut se joindre à l'agent, ayant fait un faux pas tomba dans le vide, au grand émoi de sa femme. Après avoir passé dans une cheminée, l'individu poursuivi se trouva dans la chambre d'un malade qu'il n'aperçut même pas, et sans doute pour se reposer de ses émotions, il se coucha dans le lit. Le malade, effrayé, se sauva et sa femme apporta un médicament qu'elle laissa tomber en voyant l'homme qu'elle ne sut reconnaître pour son époux. Prise de peur, elle s'enfuya aussi à toutes jambes. L'agent ayant suivi le même chemin que celui qu'il voulait atteindre, arriva dans la chambre, et, attaqué par le misérable, il se vit dépouillé de ses vêtements, jeté sur le lit et à demi étouffé. Le repris de justice, habillé en agent se sauva de nouveau. L'homme malade et sa femme étaient revenus avec un autre agent, qui, au lieu de retrouver le voleur, reconnut son confrère. Toute la maison fut sur pied. On courut de nouveau après Lamenpeine (c'est le nom du voleur). On le poursuivit dans la cave, où il s'était réfugié, puis il sortit par un soupirail, toujours suivi de la police et des locataires. La concierge fut très malmenée par lui et par un savant croc-en-jambes, il la fit tomber, lui retira sa robe, qu'il endossa, et se rendit ainsi presque méconnaissable et continua sa course.
"Harassé par cette course folle, il profita de ce qu'un marchand de tonneaux était allé payer le montant d'une futaille qu'il venait d'acheter, pour se cacher dans ladite futaille. Le marchand partit lorsque les poursuivants, qui décidément ne voulaient pas lâcher leur proie, arrivèrent toujours courant et l'ayant aperçu vont pour s'en emparer. Lamenpeine sortit du tonneau, arriva à percer la foule, et, exténué, après une course aussi agitée tomba au pied d'un arbre. Un agent de service le prit pour une femme, voulut lui faire la cour, mais l'homme, peu disposé aux plaisanteries, surtout en un pareil moment, prit de nouveau la fuite. La foule a retrouvé sa trace et la voilà de nouveau aux trousses du malfaiteur. Par une manœuvre savante, pris pour ainsi dire entre deux feux, Lamenpeine est enfin capturé, ,et comme s'ils avaient voulu se venger d'avoir pris part à une poursuite aussi épique, où plus d'une reçut force horions, les agents et la foule qui les suivait, tombèrent à bras raccourcis sur Lamenpeine qui avait beau crier et se débattre, n'en recevait pas moins la plus formidable raclée que jamais homme au monde n'a pu en recevoir de pareille."
Tous les faits racontés ci-dessus ont été reproduits par le cinématographe et rendus avec une saisissante vérité. Ce film est d'un comique irrésistible et son succès égalera celui de nos plus belles éditions.

Phono-ciné-gazette, 2^e année, nº 34, Paris, 15 août 1906, p. 313.