Triple-Guigne

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Triple-Guigne

SCENE I
Enfin seule
Triple-Guigne s'apprête à partie en voyage. Sa femme, beaucoup plus jeune que lui, l'aide à mettre son pardessus, lui tend son chapeau, sa valise, car elle est très pressée de le voir partir. Son mari pourtant l'embrasse longuement, à plusieurs reprises, et semble s'en aller à regret. Elle, au contraire, voudrait le savoir déjà loin et donne les marques de la plus vive impatience. Lui toujours prêt à partir, revient sur ses pas pour embrasser encore sa femme et, enfin, après avoir regardé sa montre qui lui indique qu'il n'a plus une minute à perdre, le pauvre mari finit par s'en aller, mais à reculons, toujours en envoyant des baisers à celle qu'il va quitter. La femme qui n'attendait que ce moment pour aller retrouver "l'Ami" qui l'attend, endosse prestement un manteau et court à son rendez-vous.
SCENE II
Fruit défendu
L'amoureux impatient attend sa bien-aimée. Elle arrive enfin, empressée, souriante et dissipe le nuage qui couvre le front du jeune homme. Elle lui explique que son mari ne pouvait arriver à s'en aller, mais que maintenant, ils sont bien libres et après force baisers, ils 'en vont, lui l'enlaçant par la taille et se promettant dans un instant, de plus grandes félicités.
SCENE III
Qui trop embrasse... manque le train
Il faut voir Triple-Guigne courir, soufflant, suant, pour arriver à prendre le train. En route, il lui arrive nombre d'incidenta amusants qui le retarderont encore. Enfin, il arrive à la gare, mais trop tard, hélas !... Le mécanicien a sifflé et malgré ses supplications, l'employé empêchera de passer ce mari, vraiment peu chançard et, désespéré, il n'a plus qu'à retourner chez lui où il pense retrouver son épouse ! - Il la reverra, mais dans quelles conditions !
SCENE IV
Triple Guigne
Le pauvre homme est trompé par sa femme. Il a manqué son train et voilà qu'il est dévalisé et attaqué par des cambrioleurs. Le premier malheur, il l'ignore, mais il va bientôt l'apprendre et comment !
Deux malandrins ont fait irruption dans son domicile et font main basse sur tout ce qui leur tombe sous la main, lorsque le mari arrive. Ils l'ont entendu monter l'escalier et se tiennent en arrêt derrière la porte. A son entrée, ils sautent sur lui, le bâillonnent, lui prennent sa montre, sa chaîne, son portefeuille et l'attachent au pied du lit. Ceci fait, ils s'esquivent au plus vite et le malheureux guignard, abasourdi par cette attaque soudaine, ne reprend ses sens qu'à l'arrivée de sa femme et son heureux... rival. Il croit à un retour des cambrioleurs, mais il est vite détrompé. Les deux amoureux s'embrassent frénétiquement, ne connaissant pas la présence du mari. Bientôt vont se prouver leur amour et commencent même à se dévêtir, lorsque le mari outragé se détache d'un effort suprême et se dresse devant eux. La femme s'évanouit tandis que l'amoureux s'enfuit à toutes jambes, emportant sous son bras son gilet et son paletot, dans il s'était trop hâtivement défait. Il reçoit à la tête une de ses bottines dont Triple-Guigne, furieux, s'était emparé, et ce dernier dans un accès de rage très compréhensible, va pour frapper l'épouse infidèle qui l'implique les mains ointes.
C'est au moment où il a le poing levé que se termine la scène, car nous n'avons pas voulu nous mettre en désaccord avec le poète qui a dit qu'il ne fait jamais battre une femme, même avec une fleur, pas plus que nous n'avons tenu à nous brouiller avec un auteur qui prétendait que celui qui lève la main sur le sexe faible est un lâche... s'il ne la laisse pas retomber !


Phono-ciné-gazette, 2e année, nº 32, Paris, 15 juillet 1906, p. 274.

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1 Continental Warwick Trading Co/Raleigh & Robert  
2 n.c.  
3 <15/07/1906  
4 France.  

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