- Détails
- Création : 24 mars 2015
- Mis à jour : 31 octobre 2023
- Publication : 24 mars 2015
- Affichages : 6327
Edmond BOUTILLON
(Ivry-sur-Seine, 1872-Paris, 1952)
Jean-Claude SEGUIN
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Claude Boutillon ([1841]-) épouse Adèle Chaudiera. Descendance :
- Herminie, Louise Boutillon (Ivry-sur-Seine, 14/03/1870-Paris, 10/12/1935) épouse Pierre Vergne.
- Paul, Edmond Boutillon (Ivry-sur-Seine, 02/05/1872-Paris 13e, 02/12/1952)
- et Eugénie, Victoire Deroit (Thubœuf, 11/04/1882). Descendance :
- Germaine, Herminie Boutillon (Paris 12e, 22/11/1902-Châteaurenard, 18/08/1961).) épouse Jules, Marie, André Valentin (Asnières-sur-Seine, 20/12/1928).
- épouse (Saint-Cloud, 24/11/1908) Eugénie, Victoire Deroit.
- et Eugénie, Victoire Deroit (Thubœuf, 11/04/1882). Descendance :
- Aline, Aurélie Boutillon (Ivry-sur-Seine, 24/03/1874-Paris 13e, 11/03/1960) épouse (Ivry-sur-Seine, 09/08/1898) Quentin, Joseph, Henri Lemmonier.
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Les origines (1872-1903)
Fils d'un mécanicien, Edmond Boutillon exerce la profession de courtier en vins lorsqu'il est appelé sous les drapeaux. Il est incorporé (17/11/1893) au 32e régiment d'Artillerie. Il obtient le grade de sergent et est envoyé dans la disponibilité (22/09/1896). Il s'installe alors à Ivry où tient un restaurant :
Ivry.-Le Ministre de l'Intérieur vient de décerner à M. Edmond Boutillon, âgé de vingt-six ans, restaurateur, 18, rue de la Mairie, une médaille d'argent de 2e classe pour avoir, au mois de mai dernier, arraché à la mort un jeune enfant sur le point de périr sous les pieds d'un cheval emporté.
Le Petit Parisien, Paris, 4 novembre 1898, p. 3.
Il est alors président de la société "Les Tirailleurs d'Ivry" (1897). À l'occasion, il interprète quelques rôles dans la salle des Fêtes comme Un bain qui chauffe.
Acteur chez Pathé (1903-1904)
Dans ses souvenirs, Edmond Boutillon raconte comment, grâce à Lucien Nonguet, il fait ses débuts comme acteur chez Pathé :
- Quand a commencé votre carrière d'impresario ?
- En 1904. Et de singulière façon. Établi négociant en vins à Vincennes, je ne connaissais, en fait de cinéma, que la salle voisine de la Porte Saint-Denis et celle des magasins Dufayel. Aussi fus-je bien étonné lorsqu'un de mes clients, M. Lucien Nonguet, qui était metteur en scène chez Pathé, me fit un matin de 1904 la proposition suivante : "Voudriez-vous tenir le rôle de Gessler dans le Guillaume Tell que nous tournons actuellement ? Vous avez la barbe et la stature du personnage ; l'acteur qui devait l'incarner est souffrant et vous nous obligeriez en prenant sa place." Qu'on juge de mon étonnement ! J'acceptai cependant non sans avoir fait toutes réserves sur mes qualités d'acteur. Ce premier rôle me demanda trois demi-journées de travail (le film mesurait exactement 145 mètres). La photo que voici me montre mourant sous les flèches du héros suisse, dans les bras de Louis Gasnier, devenu metteur en scène, mais qui faisait alors de la figuration. Ce début remarqué sans doute ! me valut d'être engagé comme roi dans Le Chat botté, une féerie ! Les décors étaient de M. Vincent Lorant Hebronn, décorateur de ma Maison Pathé, avec un autre excellent artiste, M. Dumenil.
- Ces rôles vous étaient-ils bien payés?
- Comment, « bien payés ? ! ! » Tout cela se faisait à titre gracieux ! Mais ma carrière artistique fut de courte durée : dans mon troisième et dernier rôle, je fus Kouropatkine, général en chef des armées russes. Il s'agissait d'une « actualité » tirée de la Guerre Russo-Japonaise ; c'était donc en 1904.
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Il va donc ainsi, grâce à son physique et sa belle barbe, tourner dans Guillaume Tell, Le Chat botté et La Guerre russo-japonaise.
Les tournées cinématographiques (1904-1907)
Ces premiers contacts avec le cinématographe vont lui mettre le pied à l'étrier et Edmond Boutillon va se lancer dans l'exploitation cinématographique en diffusant les films Pathé dans la banlieue parisienne. Dans ses souvenirs, il a expliqué dans le détail comment est née sa vocation et le débuts des tournées, en commençant par Ivry-sur-Seine :
Ces petits rôles avaient fait naître ma vocation d'impresario. Je soumis un jour à M. Charles Pathé l'idée que j'avais d'entreprendre dans la banlieue parisienne des tournées cinématographiques qui lanceraient ses films. En toute sincérité, je dois dire que, dans ce domaine, j'ai eu un devancier, bien que sur une petite échelle : un imprimeur du Parc-Saint-Maur, M. Lievens, avait donné des projections cinématographiques dans les cafés et débits de boissons de la région parisienne à l'aide de la lumière oxyéthérique et sans cabine, ce qui était extrêmement dangereux. Encouragé par M. Charles Pathé, je me lançai dans l'exploitation. Ma première représentation volante eut lieu en décembre 1904, dans la salle des Fêtes de la Mairie d'Ivry-sur-Seine. Je n'avais pas obtenu ce résultat sans difficultés ! L'incendie du Bazar de la Charité était encore présent aux esprits et les municipalités se montraient hostiles au cinéma. Je connaissais heureusement M. Roussel. Maire d'Ivry, un homme acquis aux idées nouvelles et qui avait mis à ma disposition la belle salle des Fêtes d'Ivry. Cette amabilité devait m'ouvrir les portes de toutes les grandes salles de banlieue. Pendant trois ans, jusqu'en 1907, j'ai dirigé les fameuses tournées cinématographiques qui jouaient régulièrement dans toute la région parisienne.
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C'est ainsi qu'Edmond Boutillon organise d'autres projections autour de Paris : Saint-Denis (Théâtre Municipal, mai 1905), Montreuil (Salle des Fêtes, octobre 1905), Meaux (mars 1906), Enghien-les-Bains (juillet 1906)... De l'organisation de ces séances cinématographiques, il en donne une description détaillée :
- Et comment organisiez-vous vos représentations ?
- J'achetais d'abord mes films chez Pathé, puisqu'à cette époque les films s'achetaient.
- Combien ?
- « Les films noirs » (films en noir et blanc) valaient 2 francs le mètre et les films en couleurs 2 fr. 80. Mon arrangement spécial avec la maison Pathé me valait un escompte de 35 % . Quand, après deux mois de représentation, j'avais passé ces films dans toute la banlieue, je les revendais 0 fr. 60 le mètre aux forains qui
finissaient de les user.
- Comment étaient composés vos programmes ?
- Ils comprenaient chacun une vingtaine de films, variant entre 25 et 150 mètres de longueur. Prenons au hasard un programme de 1905. Il annonce 8 films comiques, un « plein air », une scène historique, 3 productions en couleurs, une « actualité », 2 drames sociaux, un drame au Far-West. Mais vous pensez bien que les films ne constituaient qu'une faible partie de mon équipement. Mes camions étaient hippomobiles : je me méfiais des automobiles, trop onéreuses et qui auraient pu inciter mon personnel aux escapades. Chaque camion contenait deux postes complets et un groupe électrogène De Dion-Bouton 6 chevaux, permettant d'obtenir sans efforts 30 à 35 ampères, une cabine en tôle, les bobines, une voiture pliante sur laquelle nous collions nos affiches, un réservoir à eau ; en somme tout ce qui était nécessaire à la bonne marche d'une tournée. Soit dit en passant, le meilleur appareil de projection Pathé coûtait alors 500 francs, moins la remise habituelle de 25 % ... Je faisais ma publicité moi-même, distribuant les prospectus une semaine à l'avance, avec mes commis. Comme personnel fixe, j'avais un chef de poste qui s'occupait aussi de la publicité, aidé de l'homme qui traînait la voiture aux affiches. J'employais au cachet les opérateurs et les mécaniciens.
- Combien gagnaient-ils ?
- En 1905, le chef de poste recevait 300 francs par mois, plus le bénéfice sur la vente des bonbons et friandises dans les salles. Il était remboursé de ses frais de déplacement et nourri le jour des représentations, de même que le commis qui, lui, touchait 200 francs par mois. Les opérateurs recevaient 50 francs pour trois jours de représentation et les mécaniciens 60 francs. Quant aux répétitions d'ensemble qui avaient toujours lieu la veille de la représentation et auxquelles je m'efforçais d'assister, elles étaient payées en supplément.
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Il évoque par la suite certains de ses collaborateurs et le type de public qui assiste aux séances cinématographiques :
- Vous souvenez-vous de vos collaborateurs ?
- Je pense bien ! De deux surtout, que je tiens à saluer ici car je leur dois une bonne part de mon succès. Ces remarquables mécaniciens firent qu'au cours de mes innombrables tournées, toutes préparées avec le plus grand soin - vous pouvez m'en croire - je ne connus pas la moindre panne. L'un était Charles Grosmangin, ancien metteur au point chez Georges Richard - il est malheureusement décédé - l'autre, bien vivant et qui est encore mon collègue à La Mutuelle du Cinéma et à L'Œuvre d'Orly, Armand Baubault, ancien metteur au point chez De Dion-Bouton. Il dirige actuellement le Family-Palace d'Aubervilliers. Des techniciens de premier ordre, animés du meilleur esprit. Jeunes gens, saluez !
- Quel public aviez-vous ?
Extrêmement mélangé, surtout au début beaucoup d'ouvriers.
- Quel genre de films réclamait-il ?
- Des mélodrames, des grosses farces. Roman d'Amour, scène dramatique, fit les beaux jours de 1905. Les sept tableaux étaient : Séduite, Du travail au plaisir, Abandonnée, Mourante de faim, La lettre aux Parents, Terrible expiation, A l'hôpital. Le rôle du séducteur était tenu par un très bon artiste, Jacques Normand. Qu'est-il devenu ? Le Rêve à la Lune, ultra-comique, est de célèbre mémoire.
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C'est à l'occasion de ses activités que voit le jour l'une des toutes premières locations de films avec la complicité de Georges Petit :
Un samedi de février 1904, M. Georges Petit reçut la visite de cet excellent Edmond Boutillon, intelligent et actif, qui déjà organisait des tournées volantes dans la banlieue de Paris. L'homme à l'éternel sourire était ce jour-là très ennuyé : Mme Boutillon était partie de son côté organiser des représentations et, par mégarde, avait emporté une partie du programme de son mari ! M. Boutillon, dont la barbe toujours soignée servait de Sézanne, vint donc prier M. Georges Petit de lui prêter ce qui lui manquait. Ce dernier offrit tout naturellement à son collègue de choisir dans sa collection sans qu'il fut question de prix. Lorsque le lundi 11. Boutillon rapporta les bobines el demanda à M. Petit ce qu'il lui devait, celui-ci fut fort embarrassé. Enfin, l'on convint de 5 francs par bobine de 300 mètres. M. Petit reçut donc, en espèces sonnantes et trébuchantes, deux pièces de 5 francs qu'il faisait sauter dans ses mains en traversant son jardin tout en réfléchissant. La réflexion fut longue, car deux heures après, les deux pièces sonnaient toujours et la réflexion continuait. Durant ces deux heures, la location était née : deux jours après, une circulaire était adressée aux cinématographistes de France, Belgique et Suisse. Cette circulaire informait la clientèle que Georges Petit mettait à la disposition de ses collègues tous les films qu'il possédait, au prix uniforme de 0 fr. 25 le mètre. li se portait acheteur, ferme ou en compte, de tous les stocks existant chez ses collègues et que ceux-ci n'avaient plus intérêt à garder.
Au bout de quelques semaines, de nombreuses affaires de locations se traitaient et, six mois après, un stock de 300.000 mètres était constitué au petit pavillon de la rue Perronnet.
La location avail reçu un commencement d'organisation : elle devait, nous l'avons dit, aider puissamment au développement prodigieux du cinématographe. Le nom de Georges Petit s'inscrivait dans les annales de la cinématographie.
Plus tard, les maisons productrices Pathé el Gaumont installèrent à leur tour leurs services de location.
G.-M. C.
Le Cinéopse, 9e année, nº 98, 1er octobre 1927, p. 857.
En 1907 Charles Pathé change, à son tour, son modèle économique et remplace la vente des films par la location tout en restructurant ses systèmes d'exploitation, ce qui conduit Edmond Boutillon à quitter la société.
La Société Cinéma-Exploitation (1907-1911)
Edmond Boutillon est alors nommé directeur général de la société Cinéma-Exploitation dont la première assemblée générale se tient le 16 septembre 1907. La nouvelle entreprise travaille en étroite collaboration avec la maison Pathé :
La Société Cinéma Exploitation s'est assuré par un premier contrat passé avec la Compagnie générale de Phonographes, Cinématographes et Appareils de précision, le monopole exclusif pendant vingt ans de l'exploitation des films Pathé dans les départements de la Seine, de Seine-et-Oise et de Seine-et-Marne. Un second contrat a étendu cette concession à quatorze autres départements.
Journal des finances, nº 30, 25 juillet 1908, p. 704.
Edmond Boutillon évoque dans ses souvenirs cette période de ses activités cinématographiques :
Quant à moi, j'avais été nommé Directeur général de Cinéma-Exploitation et particulièrement chargé de la région parisienne ; c'est à cette société que je vendis en 1907 l'exploitation de mes tournées volantes.
Dès mon entrée en fonctions j'organisai dix tournées qui employaient soixante personnes. Nous jouions dans les salles des fêtes de banlieue, Seine et Seine-et-Oise. Je puis me vanter d'avoir obtenu en un an et au milieu des pires difficultés (c'est ainsi, par exemple, que les tournées devaient fournir leur propre lumière), un bénéfice net de 20.000 francs. Ce chiffre paraît dérisoire aujourd'hui, pourtant je ne l'obtins qu'en restant debout dix-huit heures par jour, déjeunant, dînant et dormant en cours de route.
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C'est dans ce contexte qu'il est conduit à diriger des salles foraines :
- Mais n'a-t-on pas dit aussi que vous aviez dirigé de grandes salles foraines ?
- C'était en 1907. Cinéma-Exploitation avait loué à la Foire aux Pains d'Epices trois magnifiques baraques, celle du lutteur Marseille, celle de Pinçon et le Bal de la Ville de Paris exploité par Rieffel. On y donnait des films Pathé sous ma direction. C'est là que je pus me rendre compte de la vie laborieuse et pénible des forains.
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Peu après, Edmond Boutillon va se lancer dans la création de salles de cinéma :
La grande connaissance du public que j'avais acquise au cours de ma première expérience d'exploitant me donna l'idée de créer des salles de cinéma. J'en fis d'abord construire trois pour Cinéma-Exploitation : Le Casino de la Cigale à Alfortville, le Cinéma-Théâtre de Levallois-Perret, le Cinéma-Théâtre de Saint-Denis.
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En ce qui concerne le casino de la Cigale à Alfortville, il existe déjà en 1905 et il est possible qu'Edmond Boutillon évoque la construction de la salle de cinéma uniquement.
Alfortville-Quai d'Alfortville (à gauche le Casino de la Cigale) (c. 1905)
Cinéma-Exploitation. Rue Saint-Augustin, 8. Concessionnaire du Cinématographe Pathé Frères, Maire de la ville de Montreuil-sous-Bois, 18 juin 1908. [D.R.]
La Société des Cinémas Modernes (1910-1918)
La Société des Cinémas Modernes est constituée le 7 juin 1910 pour une durée de 50 ans. Son objet est l'exploitation sous toutes ses formes du cinématographe et de toutes les industries d'y rattachant. Elle a son siège social à Paris, 68, rue de la Chaussée-d'Antin et dispose d'un capital de 500.00 francs. Elle a été fondée par Edmond Benoit-Lévy et elle est dirigée par Eugène Gugenheim. Dès 1909, son nom figure, au titre de la Société des Cinémas Modernes, comme responsable du Casino de Clichy (51 et 58 boulevard National):
Entre temps, j'avais édifié pour mon propre compte : Le Casino de Clichy ( 1909).
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En 1912, il prend la direction de la société :
Puis, en 1912, ayant quitté cette société pour diriger la Société des Cinémas Modernes, je créai le Kursaal d'Aubervilliers.
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Les plans de la construction du Kursaal ont été conservés. Pour son propre compte, il ouvre également, en 1913, l'Alhambra de Saint-Ouen (5, rue des Rosiers) qu'il revend vite à Lucien Nonguet :
La main passe.
M. Edmond Boutillon, directeur du Cinéma l'Alhambra de Saint-Ouen, 5, rue des Rosiers, vient de vendre cet établissement à M. Lucien Monguet [sic].
Comoedia, Paris, 18 avril 1913, p. 4.
La guerre (1914-1918)
Au début du conflit mondial, il est appelé dans le cadre de la mobilisation générale de 1914.
La guerre arriva; ancien artilleur je la fis tout entière comme maréchal des logis.
EPRON, 1935: 59.
Ses états de service indiquent qu'il a été affecté, successivement, dans plusieurs régiments d'infanterie. Pendant la guerre, il est appelé comme sergent au 34e régiment d'infanterie territorial, 15e compagnie, à Fontainebleau. Après dix mois au front, il est en permission:
Du Cinéma
"Le Cinéma a été favorisé de la visite de M. Boutillon, le cinématographiste bien connu et dont les établissements de la banlieue étaient si prospères.
Sa santé est excellente et les dix mois qu'il a passés sur le front n'ont fait qu'augmenter sa bonne humeur et sa confiance dans l'avenir du cinématographe."
Est-ce que, par hasard, ce brave poilu aurait pris pour des films les scènes de la vie des tranchées qui se sont déroulées sous ses yeux ?
Paris-midi, Paris, 1er février 1916, p. 2.
On va le retrouver, en septembre 1916, au front, pour une soirée cinématographique dont le Ciné-journal donne un récit détaillé dont voici quelques extraits :
Le Cinéma au Front
Une soirée dans la Somme
(Le Ravin de W... 1916)
C'est un soir de septembre, hier, demain si vous voulez, sur le front de la Somme, à quelques kilomètres de nos lignes si vaillamment avancées. [...]
Or, ce soir, il y a fête au cantonnement. le cinéma est au ravin. Point de luxe. Mes vieux camarades Geo Janin, Veber, notre excellent et zélé Boutillon sont là qui dressent l'écran entre deux crêtes arrondies. Le spectacle est pour huit heures et déjà la foule des grands soirs est fébrilement dispersée autour de nos appareils.
[...]
Pendant que, gentiment invité, en voisin, par nos directeurs de passage, je partage un délicieux radis noir -sans sel, hélas!- avec Janin nerveux et Boutillon étourdissant de verve - j'examine dans la demi-obscurité l'étrange foule qui applaudira tout à l'heure.
[...] Mais il est huit heures. Nous savons être exacts et Veber, opératuer accompli, fait sa lumière... en musique, au milieu des vivats de la foule. Le programme se déroule - repris bientôt par les mains expertes de Boutillon, sergent territorial et poilu (et comment !). Tour à tout Max, Rigadin, Gontran, Charlot jettent le rire, d'âge, de condition, d'esprit, de cœur différents, et les font vivre pour quelques minutes l'atmosphère artificielle du théâtre...
G. DUREAU.
Ciné-journal, 23 septembre 1916, p. 3-5.
La Société des Cinémas Français (1919-1929)
A la fin de la guerre, Edmond Boutillon reprend ses activités cinématographiques :
A mon retour je fus nommé directeur de la société des Cinémas Français pour laquelle je fis construire l' Alhambra d'Asnières, le Capitole de Boulogne, le Palais Rémois à Reims.
EPRON, 1935: 59.
Il fait également partie du nouveau syndicat des directeurs de cinématographes de la banlieue parisienne :
Un nouveau syndicat.
C'est celui des directeurs de cinématographes de banlieue. M. Boissel, directeur du Cinéma-Plaine-Saint-Denis en a été nommé président; M. Cottino, secrétaire pour la Seine, M. Goddé pour Seine-et-Oise. Le bureau se complète avec MM. Boutillon, Croz, Cherón et Delalande.
Comoedia, Paris, 7 octobre 1919, p. 3.
En 1920, il fait l'acquisition de l'Alhambra d'Issy-les-Moulineaux (1920) qu'il revend à la société Lamotte et Chanteux :
M. Boutillon a vendu à la Société Lamotte et Chanteux, le cinéma qu'il exploitait 6, avenue de l'Hôtel-de-Ville, à Issy-les-Moulineaux.
Ciné-journal, 9 avril 1921, p. 33.
Il est président de la Mutuelle du Cinéma, structure qui vise à aider les retraités. Il met un terme à ses exploitations lorsque la société vend ses salles de cinéma :
- Quand avez-vous cessé l'exploitation ?
En 1929, quand la Société Cinéma Français vendit ses salles d'Asnières et de Boulogne à Pathé et le Palais Rémois à un groupe de négociants de Reims, qui le revendirent aussitôt à Gaumont. J'aurais pu rester dix-huit mois encore mais par convenance personnelle je préférai me retirer. Et puis, je souhaitais me consacrer à La Mutuelle du Cinéma dont j'avais été nommé Président en 1921.
EPRON, 1935: 59.
Vice-Président de l'Oeuvre de la Maison de retraite d'ORLY, Vice-Président du Syndicat français des Directeurs de Théâtres cinématographiques, il est fait Chevalier de la Légion d'Honneur (1936) avec la mention " A contribué au cours de ces 27 années à la prospérité d'une industrie française qu'il a brillamment défendue."
Il s'éteint à Paris en 1952.
Sources
EPRON Madeleine, "Du cinéma forain à l'exploitation régulière. Souvenirs de M. Edmond Boutillon", La Cinématographie française, numéro spécial "Hommage de la cinématographie française. Louis Lumière. Quarante ans de cinéma 1895-1935, novembre 1935, p. 55-59.
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7-9/05/1905 | France | Saint-Denis | Théâtre Municipal | Cinématographe Pathé |
28-30/10/1905 | France | Montreuil | Salle des Fêtes | Ciné-Royal |
17-19/03/1906 | France | Meaux | Théâtre | Cinématographe Pathé |
21-23/07/1906 | France | Enghien-les-Bains | Kursaal |