L’incendie du Trèfle-à-Quatre.
Comme une dépêche de notre envoyé spécial nous avait permis de l’annoncer dans notre dernier numéro, l’incendie du Trèfle-à-Quatre a malheureusement jeté un peu de tristesse sur la journée. Cet accident est survenu dans les conditions suivantes :
Il était midi et demi. Le canot avait à bord son propriétaire M. Thubron, qu’accompagnait M. Evans (chargé du moteur), et devait faire une sortie en essai.
M. Thubron venait de mettre le moteur en marche lorsque tout à coup une flamme s’éleva. Les passagers se réfugièrent à l’arrière après avoir fermé le réservoir d’essence. Le canot, en dérivant, vint accoster le yacht du duc Decazes, le Velleda, à bord duquel montèrent les deux pilotes. Fort heureusement, ni l’un ni l’autre n’avaient eu de mal.
Du Velleda, on noya le foyer d’incendie au moyen des pompes puissantes du bord. Malheureusement, au moment ou l’équipage de M. le duc Decazes était presque maître du feu, un canot vint, d’autorité, prendre le Trèfle en remorque pendant qu’un cinématographe fixait cette scène mémorable. Le feu, mal éteint, reprit. Les pompiers se précipitèrent dans l’Exposition, dévalisèrent le stand où se trouvaient les extincteurs, dont entre parenthèses ils ne surent pas se servir. L’un d'eux essayait de crever le cylindre avec un couteau, un autre trouva plus simple de jeter ces extincteurs, tel quels, dans le canot enflammé... ou à côté. Enfin, un jaugeur, M. Jonquet, armé d’une hache gigantesque, monta sur l’arrière du Trèfle et distribua des coups d’estoc et de taille, de taille surtout, dans les 7 m/m de bordé du canot. Ce dernier s'emplit et coula. Un coup de hache dans le réservoir de 250 litres, et... le brûlot eut pris d autres proportions.
Dans la soirée, vers 4 heures, la grue employée aux travaux du port fut amenée à l’extrémité du sleep et l’on commença les opérations en vue du renflouement. Ce travail n’alla pas sans difficultés. On réussit enfin à passer sous le canot deux grosses cordes sur lesquelles tira le bras de la grue. L’extrémité du canot émergea bientôt, puis le tout apparut.
Enfin, dès que le canot fut au niveau du sleep, la grue s’abaissa lentement et le déposa sur un charriot qui le transporta dans l’enceinte de l’exposition où on l’examina. Le moteur n’avait presque pas souffert, il était encore en état de servir.
Yachting gazette, Paris, 21 avril 1905, p. 213.