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GRUPO DE REFLEXIÓN SOBRE EL MUNDO HISPÁNICO

Adrienne DUPRÉ dite Mme BOB-WALTER

(Toulouse, 1856-Paris, 1907)

bob walter

Jean-Claude SEGUIN
Rosario RODRÍGUEZ LLORÉNS

1

Élie, Cyrille Dupré (Valloire, 04/03/1823-Aumale, 09/12/1869) épouse (Aumale, 04/06/1850) Adèle, Joséphine, Marguerite Chanut (Toulouse, 119/09/824-Aumale, 11/07/1874). Descendance :

  • Alexandre Dupré (Aumale, 10/04/1851-)
  • Laurent, Onésime Dupré (Aumale, 10(08/1853-)
  • Adrienne, Dorothée, Baptistine Dupré dite Bob-Walter (Toulouse, 29/11/1855-Paris 7e, 09/02/1907).
  • Léon Dupré (Bordeaux, 30/11/1857-Boufarik, 19/03/1871)
  • Joseph, Henri Dupré (Aumale, 28/03/1861-Boufarik, 16/01/1932) épouse Victorine, Lucette Chapelet (Larba, 08/02/1897-Frejus, 02/06/1978). Descendance :
    • Maurice, Paul Dupré (Blida, 06/12/1914-Saint-Raphaël, 12/08/1993).
  • Joseph Duprè (Aumale, 02/02/1863-) épouse Jeanne Alzina (Bonzaréah, 1871-Bouzareah). Descendance:
    • Maurice, Cyrille Dupré (Alger, 04/01/1894-Alger)
  • Eulalie Dupré (Aumale, 13/02/1865-)

2

Les origines (1855-1895)

Élie, Cyrille Dupré est un entrepreneur de transports militaires installé en Algérie avant son mariage (1850). Le couple donne naissance à leurs deux premiers enfants à Aumale. Après quoi, ils rentrent en France où ont naître, à Toulouse, Adrienne, la future Bob Walter  (1855) et, à Bordeaux. Léon (1857). Peu après la famille rentre à Aumale où voient le jour leur autres enfants (1861-1865). Adrienne Dupré, dont l'oncle est général de brigade ayant commandé à Alger, va donc vivre son enfance et une partie de son adolescente en Algérie. Le décès de son père, en 1869, alors qu'elle est âgée d'une quinzaine d'années entraîne probablement des changements dans son existence. Toujours est-il qu'on la retrouve propriétaire du café-restaurant Français, à Alger, boulevard de la République. C'est en 1885 qu'une declaración de faillite est prononcée :

Déclaration de faillite.
Faillite Dlle Dupré
D’un jugement rendu par le tribunal de commerce d’Alger, le 14 janvier 1884,
Il appert :
Que le tribunal a déclaré en état de faillite, la Dlle Dupré (Adrienne-Baptistine), tenant le café-restaurant Français à Alger, boulevard de la République,
A ordonné que la personne de la faillite serait affranchie du dépôt;
A fixé provisoirement l’ouverture de la faillite à la date du même jour, 14 janvier 1885 ;
A nommé M. Faure, l’un de ses membres, juge-commissaire, et M. Lallemant, syndic provisoire.


Akhbar, Alger, dimanche 18 janvier 1885, p. 4.

La procédure de faillite se complète trois ans plus tard :

TRIBUNAL DE COMMERCE
D'ALGER
Homologation de concordat.
Faillite Demoiselle Dupré.
Par jugement en date du 21 janvier 1888, le Tribunal de commerce d'Alger a homologué le concordat intervenu le 7 décembre 1887, entre la demoiselle Adrienne-Baptistine Dupré, ayant tenu café-restaurant, à Alger et ses créanciers.


La Dépêche algérienne, Alger, dimanche 4 mars 1888, p. 2.

Rentrée en France, Bob-Walter se fait connaître, comme chanteuse, au début des années 1890 :

Soirée très réussie, mardi, au Cercle des Lettres et des Arts.
Au programme: Bérardi, de l'Opéra; le comique Cristin, madame Bob-Walter, qui a délicieusement chanté la sérénade de Grétry et d'autres chansons du siècel dernier, accompagnée par l'éminent pianiste André Gresse.


Gil Blas, Paris, vendredi 28 mars 1890, p. 1.

Dès 1891, on sait que Bob-Walter participe au concours hippique de Paris et se fait remarquer comme écuyère dans de nombreuses manifestations :

Madame Bob-Walter, qui est, comme on sait, une de nos meilleures sportswomen, a eu hier, au Concours hippique, un vrai succès. Elle a obtenu le prix avec son village-car attelé à Black, un fort joli poney que tout le monde admirait.
C'était justice, car la voiture était fort correctement attelée.


Gil Blas, Paris, vendredi 3 avril 1891, p. 1.

C'est à la fin de cette même année qu'elle va faire ses débuts au Moulin-Rouge :

Tout Paris sera ce soir au Moulin-Rouge où a lieu le début de Mme Bob-Walter, cette chanteuse d'un nouveau genre appelée à créer une vraie révolution dans le café-concert.
C'est la chanson "comme il faut" que va inaugurer Mme Bob-Walter. Elle débutera par une chansonnette de Xanroff, écrite spécialement pour elle, et par Rosette de M. G. Boyer.
Jennius.


La Liberté, Paris, 2 décembre 1891, p. 4. 

À la fin de cette même année, elle est engagée (décembre 1891) au Moulin-Rouge par M. Zidler.

Son répertoire, quelle que soit sa spécialité, est vaste et de bon goût, et il est courant qu'elle chante accompagnée d'un piano ou d'une harpe. En 1892, le sculpteur Emmanuel Villanis expose au Salon deux sculptures en plâtre, dont l'une est précisément dédiée à cette artiste : Mlle Bob Walter dans son répertoire, pour laquelle il obtient une mention honorable. Lorsqu'elle se produit en tant que danseuse, elle exécute des fantaisies de toutes sortes. C'est le cas de la danse du XVIIIe siècle qui est représentée dans le film Saynète, où l'artiste porte la même tenue de style Louis XV avec laquelle elle a été photographiée à l'Atelier Nadar.

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Mlle Bob Walter, 1875-1895. Photographe : Atelier Nadar 
Source : Gallica.bnf.fr
Mlle Bob Walter, 1875-1895. Photographe : Atelier Nadar
Source : Gallica.bnf.fr 

Diseuse, mime et chanteuse, elle se fait remarquer par ses chansons " comme il faut ", des airs du XVIIIe siècle, son pas de danse " fin-de-siècle ", ses pantomimes Pierrot-Poète (Georges Palicot, 1892)Le Rêve de la vieille marquise... Demi-mondaine, elle est l'une des figures les plus en vue des soirées parisiennes. Aux Folies-Bergère, en janvier 1892, elle présente une  "danse serpentine", devenant ainsi l'une des plus brillantes imitatrices de Loïe Fuller :

Une des attractions de la revue du Théâtre-Moderne sera la scène où Bob Walter imitera la Loïe Fuller. Il sera piquant de comparer l'adresse et la grâce de cette Parisienne d'esprit avec la sveltesse et la virtuosité de la célèbre danseuse américaine. Il paraît que Bob-Walter portera des costumes absolument merveilleux. On raconte qu'elle a été à Londres tout exprès pour étudier le " truc " de la Loïe mystérieuse.


Gil Blas, Paris, 15 décembre 1892, p. 4.

Elle se retrouve à l'affiche de nombreuses salles parisiennes, mais elle fréquente également les soirées mondaines où elle côtoie d'autres célébrités du moment dont Liane de Pougy. Elle commence aussi une carrière européenne à Bruxelles (Alcazar royal, août 1892), à Saint-Pétersbourg (mai 1893)...À la fin du mois de juin 1893, Bob Walter se produit au Palace Theater de Londres, annoncée comme "La Serpentine Mondaine Parisienne". Cependant, elle ne semble pas susciter beaucoup d'enthousiasme de la part de la critique londonienne, avec des danses qui commencent à devenir répétitives :

Another attraction at the Palace Theatre is a little French dancer, who styles herself Mdlle. Bob Walter, “La Serpentine Mondaine Parisienne”. Although this lady's treatment of her skirts does net present any very marked novelty, yet her performance is fully equal to that of her other famous sister artistes. Her nightly programme includes four dances, “Les Fleurs”, “Le Papillon”, ”L’Espagnole” and “Le Fantôme”; while on the occasion of my visit an enthusiastic reception produces a fifth, “Les Rosières”. Her first dance, executed in flower – embroidered skirts, is singularly expressive of the poetry of motion; but “Le Papillon” is more voluptuous and the silvery undulating fluttering of her prismatic wings makes a beautiful spectacle of colour.


The Sketch, Londres, 19 juillet 1893, p. 13 (631).

walter bob 1893 portrait
Benque, Paris. Mdlle. Bob Walter
The Sketch
, Londres, 19 juillet 1893, p. 13 (631) 

Vers le mois d'août, elle se rend en Irlande et se produit au Stars Theatre of Variety de Dublin, où elle rencontre cette fois un grand succès :

STAR THEATRE OF VARIETIES. A novel and exceedingly beautiful feature is afforded by Mdlle Bob Walter, in her serpentine hand butterfly dance. In her bewildering  manipulation of a wondrous muslin skirt during the serpentine dance, or in the marvellous menage of diaphanous draperies in the course of the “butterfly” act, Mdlle Walter achieves a distinct artistic triumph, and she has to respond to repeated recalls.


Sport, Dublin, 12 août 1893, p. 7.

À l'automne, la presse anglaise annonce que l'artiste est retournée à Paris pour présenter un spectacle innovant dans lequel sa danse serpentine se déroule à l'intérieur d'une cage avec des lions sauvages. C'est le dompteur Georges Marck qui a eu l'idée de ce numéro particulièrement dangereux. Ce dernier raconte à Marcel Coulaud comment les choses se sont faites :

" Etre dompteur de foire ? J'avais d’autres ambitions...
" C'était le temps où la Loïe Fuller faisait courir tout Paris aux Folies-Bergère, avec sa danse serpentine.
" J'avais une idée... J'allai l'exposer à M. Holler [sic], directeur de l'Olympia.
"— Que diriez-vous d'un numéro de danse avec des lions ?
" M. Holler me conseilla d'aller intéresser à mon projet une artiste qui se proposait d’imiter la Loïe Fuller : Mme Bob Walter.
" J'allai trouver cette dame en son hôtel de la rue Dumont-d'Urville. Je lui fis passer ma carte, qui portait ce titre pompeux : " belluaire ".
" Je proposai à Mme Bob Walter d'exécuter la danse serpentine au milieu de " mes " lions.
"— Combien en avez-vous donc ? me demanda-t-elle...
"— Je n'en ai pas, dus-je confesser, mais j'en aurai..
" Juvénile enthousiasme qui plut. Elle accepta.
" Je rendis visite à Adrien Pezon.
" — Ce n'est plus un ours que je veux... Ce sont des lions...
" Et je lui demandai de m’en faire vendre à crédit par son père...
" Brave Pezon ! Grâce à lui, j’eus bientôt un lion : César, et trois lionnes. Je leur fis faire une cage. Et bientôt, on installait celle-ci — et mes fauves — dans les écuries de Mme Bob Walter.
" Nous commençâmes les répétitions... Je domptai les fauves sous la lumière de puissants projecteurs. C’était magnifique.
" Mais déjà le commissaire du quartier s’inquiétait. Nos lions, en rugissant le jour, et même la nuit, importunaient les voisins. Il fallut se hâter, mettre les bouchées doubles...
" Mais Holler s'était repris...
" Mme Bob Walter, un soir, convoqua plusieurs journalistes pour voir son numéro. Elle dansa... je domptai... Les critiques, les chroniqueurs se montrèrent enthousiastes.
" Pierre Giffard, Séverine... et d'autres... Nous eûmes de rudes alliés...
" Mais il fallait " jouer " en public.
" Grâce à La Bruyère, notre " numéro " fut intercalé à la Gaîté, dans Les cyclistes en voyage. Durant un mois et demi, ce fut le succès...
" Puis, nous partîmes pour l’Angleterre.


Le Quotidien, Paris, 9 mai 1930, p. 2.

C'est donc grâce à Joseph Oller et à l'audace de Bob Walter que le spectacle est mis en place. Ce nouveau numéro est promu dans la propre maison de la danseuse, située Rue Dumont d’Urville à Paris, où des représentants de la presse ont été invités :

Madame Bob Walter, the graceful serpentine dancer and the beloved of all Paris, has determined to bring out something quite chic and novel, a rehearsal of which was given recently at her house in the Rue Dumont-D'Urville to the Press and a few favoured friends. This performance consists of a huge cage, in which the danseuse gyrates, surrounded by four huge lions, who, fortunately, have a dompteur in attendance, who is known as M. Georges Marck." It appears, however, that he is Pézon fils. This is sure to draw everybody to Olympia, as there is nothing a Parisian audience love so much as something with a good spice of danger in it.


The Sketch, Londres, 8 novembre 1893, p. 6.

Le spectacle est donc inauguré le 11 novembre 1893 au théâtre de la Gaîté :

Théâtre de la Gaîté : La danse serpentine dans la cage aux lions.
C'est dans les Bicyclistes en voyage que Mme Bob Walter, la danseuse serpentine, et M. Marc, le dompteur amateur, ont fait leurs débuts hier soir au théâtre de la Gaîté.
Tout le monde connaît aujourd'hui, grâce au Petit Journal, l'association réalisée entre un homme du monde, pris de la passion de dompter les fauves, et une femme élégante, fine diseuse et chanteuse habile, tourmentée du désir de créer à la scène quelque numéro original.
On sait également que M. Debruyère, convié à voir dans l'hôtel de Mme Bob Walter la danse serpentine exécutée par la maîtresse de la maison dans la cage aux lions de M. Marc, n'hésita pas un instant à faire profiter son public ordinaire de ce spectacle troublant.
Troublant, il l'est, en effet ! On pourrait dire effrayant ! Après une scène préparatoire, ajoutée à la pièce par les auteurs Chivot et Blondeau, le rideau se relève sur le théâtre, muni de ses lampes électriques multicolores ; au milieu est placée une cage de 9 mètres de largeur sur 5 mètres de profondeur, dans laquelle s'agitent et se tourmentent trois belles lionnes et le lion César, celui-là même qui a blessé son dompteur au cours d'une répétition.
M. Marc pénètre dans la demeure des fauves, Mme Bob Walter y entre à son tour, et là, pendant que le dompteur accule avec une rare puissance les lions dans un coin, elle exécute avec un brio extraordinaire, avec peut-être plus, d'aisance et de grâce que la créatrice, les danses qui ont fait la gloire de la Loïe Fuller.
C'est merveille de voir cette crâne petite femme aller, venir, voltiger, dans cette cage où elle risque sa vie, d'où, n'étaient l'habileté et l'énergie de M. Marc, elle ne sortirait pas vivante.
Le public d'hier soir, littéralement empoigné, dans un véritable élan d'enthousiasme, lui a fait ainsi qu'au dompteur quatre ovations successives. C'est un spectacle inoubliable, dont il faut profiter : nul ne regrettera son voyage à la Gaîté.
Pédrille.


Le Petit Journal, Paris, 12 novembre 1893, p. 3.

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Mlle Bob Walter Georges Marck, Théâtre de la Gaité, 1893, Imp. Verger & Baret, Paris [D.R.] Bob Walter, Dans le feu, Olympia, 1898
© Bibliothèque Nationale

Cependant, se produire à l'intérieur d'une cage avec des fauves comporte un danger réel et non négligeable. Lors d'une des répétitions, l'artiste échappe de justesse à un accident grave grâce à l'intervention rapide et déterminée du dompteur, qui est légèrement blessé. L'un des lions s'est enragé à cause des changements constants de lumières :

Danse serpentina au milieu des fauves.
Notre confrère le Petit Journal révélait, il y a un huitaine de jours, les exercises étranges que la rivale de la Loïe Fuller Mme Bob Walter, répétait dans son propre domicile sous la garde du dompteur amateur M. Marc. L'intelligent directeur du théàtre de la Gaité, toujours à la recherche de clous nouveaux, n'hésita pas un instant, et il engagea nos deux artistes pour venir répéter en public cette curieuse danse au milieu des faves. La scène reproduite par notre dessinateur se passait à la répétition générale : le lion César, d’humeur peu sociable ce jour-là, a bien failli empêcher les représentations. M. Marc heureusement en a été quitté pour une simple égratignure sans gravité, et depuis tout Paris court applaudir ces artistes peu ordinaries.


Le Réveil illustré, 19 novembre 1893, p. 6.

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Le Réveil illustré, 19 novembre 1893.

En février 1894, les deux artistes se produisent à l'Aquarium Westminster de Londres, où ils rencontrent un grand succès avec le même spectacle de fauves qu'ils ont présenté l'année précédente à Paris. Cependant, ce qui attire vraiment l'attention de la presse, c'est une plainte pour mauvais traitements envers les animaux :

“At the Westminster Police Court on March 28, the magistrate disposed of a summons granted, on the application of The Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals, against M. Georges March (sic), a Frenchman performing at the Royal Aquarium with four lions and a lady, Mdlle. Bob Walter, who enters the cage. It was alleged that one of the lions was cruelly beaten during the performance with a heavy whip that made forty or fifty deeps cut in the skin. The magistrate dismissed the summons on the ground that a lion was not “a domestic animal” within the terms of the Act of Parliament”; but the case is to be argued in a higher court of law.


Illustrated London New, Londres, 07 avril 1894, p. 17.

Bien qu'ils soient sortis indemnes de l'affaire, la décision du magistrat ne plaît ni au directeur de l'Aquarium, Josiah Ritchie, ni au couple Walter-Marck, qui ont toujours soutenu que les animaux ne souffrent pas pendant leurs représentations. Ce qui les dérange particulièrement, c'est que lors de l'audience, il n'a pas été clairement établi qu'aucun mauvais traitement n'avait été infligé aux lions. Au lieu de cela, le tribunal a conclu que cette situation ne justifiait pas de sanction parce que les lions ne sont pas considérés comme des animaux domestiques. Cette décision entre en contradiction avec des déclarations récentes de Bob Walter, où elle affirmait que son lion Cesare dort avec elle dans sa maison à Paris :

IN THE LION'S BEDROOM. Mddle. Bob Walter, who dances among lions at the Aquarium, has said to an interviewer :—" I do not know what nervousness is. Why should I ? The lions are friends of mine, and Cesare would not hurt me for the world. When l am at my own house in Paris, he sleeps in my bedroom, with nothing but a collar round his neck and a cord to keep him from roaming about too much.


Dewsbury Chronicle and West Riding Advertiser, Yorkshire, 24 février 1894, p. 3.

Quoi qu'il en soit, l'incident apporte une grande popularité aux représentations de danses dans la cage des lions, et le spectacle se poursuit dans le même théâtre jusqu'au mois de mai. De retour de Londres, elle va confier ses lions à la garde du dompteur Juliano :

Revenue dernièrement de Londres avec ses lions, elle les garda dans la cour de son hôtel de la rue Dumont d'Urville. Mais, dans la crainte que ce repos absolu ne les rendît malades, elle ne tarda pas à les mettre en pension à la ménagerie dont je viens de vous parler plus haut et qui est tenue par le dompteur Juliano.
Chaque jour, elle allait les voir. C'est dans une de ces "visites", où j'accompagnai madame Bob Walter, que j'appris de patron de la ménagerie qu'une des lionnes de la Fosse aux lions, appelée Saïda, allait accoucher...


Gil Blas, Paris, samedi 26 mai 1894, p. 2.

L'affaire finit tristement avec le décès de la lionne Saïda, mais scelle également les débuts d'une amitié entre Bob Walter et le dompteur Juliano

Dans les derniers jours de ce mois, un incident insolite se produit : l'une des lionnes du dompteur Juliano va périr alors qu'elle va accoucher de deux lionceaux. Vers la fin de l'année 1895, l'infatigable Walker décide de reconstruire des danses grecques, tâche dans laquelle elle reçoit l'aide de quelques-uns de ses amis renommés. Bob est souvent invitée à des fêtes et diverses célébrations où elle est très appréciée et entourée de prestigieux intellectuels. Lors d'un dîner au Restaurant des Sociétés Savantes où elle est invitée à chanter, Demetrious Kalogéropoulos, député du parlement hellénique, et l'ethnologue Paul Sébillot l'orientent et la conseillent sur les traditions grecques..

walter bob danseuse grecque
Photographe : Atelier Nadar. Me Bob Walter. Danseuse grecque, 1890-1910.
Source : Gallica.bnf.fr

Le Cinématographe et l'automobile (1896-1908)

À l'instar des autres demi-mondaines, Bob Walter n'hésite à se dévêtir sur les scènes des music-halls parisiens, dans des Déshabillés qui font fureur à la fin du XIXe siècle, et qui a ses vedettes comme Louise Willy et son célèbre Bain de la Parisienne qui est porté à l'écran par Albert Kirchner pour le compte d'Eugène Pirou

bob walter 04"Le Triomphe"
Paris la nuit, nº 10 " Le Lit ", c. 1896
Le spectacle que nous allions voir était l'un de ces spectacles, dits suggestifs, présentement à la mode. Après le Lever d'une Parisienne et le Coucher d'Yvette, il ne paraissait point facile d'aller plus avant dans cette voie. Lorsque mademoiselle Bob Walter a pris un bain en scène, les amateurs ont trouvé que cela était truqué, et que, somme toute, on n'apercevait rien qui vaille. La pantomime dont c'était ce soir la première marque pourtant un nouveau progrès ; elle s'intitule : Le Tub d'Aglaé. Il faut tirer l'échelle, et je ne crois pas qu'on puisse déshabiller davantage, à moins d'enlever la peau après la chemise, et d'exhiber des femmes écorchées après des femmes nues [...].
Abel Hermant, "Les Petits Carnets", Gil Blas, Paris, 21 septembre 1894, p. 1

Si Bob Walter a dévoilé ses charmes sur papier, on ignore si elle en a fait autant sur la pellicule. Toutefois, elle a tourné plusieurs vues animées dont une danse serpentine, Danse serpentine par Mme Bob-Walter, pour la société Gaumont, une Danse du papillon pour Paul Nadar et une vue non identifiée, Bob Walter: saynète qui figure dans le fonds "Uzès" des Archives Gaumont sans qu'il soit possible d'affirmer qu'elle appartienne au répertoire de ce producteur.​

0250C 07 01
Danse serpentine par Mme Bob-Walter Danse du papillon
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Bob Walter: saynète 

Dans son ouvrage, Les Déshabillés au théâtre, Georges Montorgueil consacre de nombreuses pages à Bob Walter, faisant d'elle une des figures principales du monde de la nuit parisienne. En 1898, elle connaît à nouveau un succès certain avec un nouveau spectacle, Dans le feu, dont le réalisme impressionne les spectateurs. La presse va s'en faire amplement l'écho :

La danse du feu.
Il ne faut pas s'imaginer que cette apparition surnaturelle d'une femme dansant au milieu des flammes soit le monopole d'une ou deux artistes. Outre Bob Walter dont la supériorité semble incontestable dans ce tourbillonnement fantastique, il y a la Loïe Fuller à qui sa soeur elle-même fait concurrence.
C'est un art très particulier d'eurythmie, d'éclairage, de costumes et de mise en scène dont le succès a été tout à fait prodigieux en Russie.
Mme Bob Walter vient de passer trois mois à Saint-Pétersbourg, à Moscou, à Kiew et à Odessa et ses poses, l'illusion qu'elle donne d'oiseaux gigantesques et de fleurs animées ont produit un véritable émerveillement qui mérite quelques détails.
Mme Bob Walter danse sur un " sol lumineux " et cet effet est produit par des lampes électriques pour le maniement desquels une vingtaine d'hommes sont nécessaires. La durée du spectacle est de 20 minutes environ pendant lesquelles l'artiste change six fois de costume et chacun de ces changements ne lui prend pas plus de 5 secondes.
L'un de ces costumes est fait d'une robe qui exige QUATRE CENTS MÈTRES d'étoffe, d'une souplesse et d'une légèreté tout à fait extraordinaires. Un simple mouvement des bras fait voltiger cette étoffe en spirales capricieuses qui, selon les changements de l'éclairage, se transforment en fumées légères, en incandescences diaprées, en ruissellements de couleurs délicates.
Le plus curieux de cette apparition, c'est qu'elle peut être tour à tour joyeuse et triste, gaie comme une féerie ou mystérieusement fantômale.
L'ingénieuse artiste qu'est Mme Bob Walter a créé là un spectacle d'un grand raffinement et d'un intérêt constant.


Le Monde artistique, nº 36, Paris, 4 septembre 1898, p. 571.

Alors qu'elle continue sa carrière d'artiste, Bob Walter va se découvrir une nouvelle passion : l'automobile. Elle se lance le défi de relier, en voiture, Saint-Sébastien à Madrid, un exploit à l'époque qu'elle réalise en quatre jours et demi.

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Bob-Walter
Automobilisme
2e collection Félix Potin (c. 1900)

La chauffeuse Bob Walter
L'aimable et gracieuse artiste Bob Walter comparaissait hier devant le tribunal de simple police, présidé par M. Becker, juge de paix du XIIIe arrondissement, pour avoir conduit son automobile " à une vitesse exagérée" au Bois de Boulogne.
Après plaidoirie de Me Charles Lambert, le tribunal a condamné Mlle Bob-Walter à 10 francs d'amende.


Gil Blas, Paris, 11 octobre 1900, p. 3.
UNE INTRÉPIDE CHAUFFEUSE
C'est Mme Bob-Walter qui est venue me voir avant-hier, pour me faire part de son projet de traverser une partie de l'Espagne en automobile.
L'aimable artiste est partie hier soir pour Saint-Sébastien, où elle doit trouver la voiture (avec le mécanicien) qui la mènera à Madrid.
Ce sera la première fois qu'une Française tentera une pareille, entreprise. De Saint-Sébastien à Madrid la route est très mauvaise les montées et les descentes, ainsi que les tournants brusques, s'y succèdent à chaque instant. Aussi les amis de l'artiste ont-ils essayé de la détourner de ce projet. Mais Mme Bob-Walter a résisté à leurs conseils. Elle a acheté une automobile en forme de Victoria, qui l'attend depuis trois jours à Saint-Sébastien. Et, dimanche prochain, à moins d'accident, elle fera son entrée dans Ia capitale de l'Espagne, où une réception enthousiaste lui sera faite aux portes de la ville. La distance de la frontière à Madrid est de 660 kilomètres ; Mme Bob-Walter doit donc l'accomplir en quatre jours.
Sainte-Panne, priez pour elle !
PIERRE LAFFITE.
La Presse, Paris, 20 avril 1899, p. 3. 

Cette artiste polyvalente et entreprenante trouve encore le temps de réaliser une tournée en Espagne, où elle reçoit d'excellentes critiques tant pour ses danses que pour la présentation riche et complexe de celles-ci, avec des effets de lumière élaborés, des colonnes de fumée ou des flammes rouges. Artiste multidisciplinaire, Bob Walter édite même des oeuvres dramatique comme par exemple {tip La Época, Madrid, 29 avril 1899, p. 2.} La rêve de la vieille marquise [/tip}. À Madrid, elle se produit à la fin de l'année 1899 au Circo de Parish et, en 1900, au Teatro Novedades de Barcelone :

L’artista francesa que baix el pseudónim de Bob Walter, debutá en aquest teatro el dijous pasat, executa una série de balls fantástichs per l’estil dels que haviem vist en Miss Fuller anys enrera; la Bob Walter, ah tot i ser el seu treball conegut, demostra un refinament dintre del genero, produhint completa ilusió al espectador en las cascadas luminosas, el vol del papalló, la dansa del parasol y particularmente en el ball de las flamas, aquest número executat amb molta brillantés.
El públich ha premiat á la Bob Walter el seu treball com se mereix.


Catalunya artística, Barcelone, 20 décembre 1900, p. 361.

L'automobile prend de plus en plus de place dans sa vie. Cette passion la conduit à participer à des courses comme celle du "kilomètre" pour l'Automobile-Club (septembre 1902), la course de 500 mètres (Deauville, septembre 1903) et elle finit par ouvrir un garage à son nom (83, rue de la Grande Armée). Pourtant ce sont les " enlèvements en automobile ", une spécialité qui émoustille les jeunes mariés et que l'on retrouve également à l'écran et qui contribue à sa renommée dès 1902.

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Garage Bob Walter
83, avenue Grande Armée, Paris
Un enlèvement bien moderne
Les enlèvements par le mode automobile deviennent vraiment à la mode. Quand deux jeunes gens, désolés du refus de leurs chers parents, ne savent plus quel moyen prendre pour arriver à la légitime possession d'eux-mêmes et au but de leur tendresse, ils s'en vont au garage de Mme Bob-Walter, providence des amoureux, et arrêtent, avec arrhes à l'appui, contrat de location d'une rapide automobile. M. Jack, le chauffeur préposé à ces heureuses expéditions, mène la voiture au bon endroit. Le prince charmant s'y tient sous le masque du voyageur. Sa fiancée arrive, allant à la promenade, à la messe ou au cours, et... on l'enlève.
Mademoiselle est assise, comme de force, sur les moelleux coussins de la voiture qui trépide, envoie des pétarades et bondit, et glisse, et file dans le vent et vers tous les vents.
Et les infortunés parents pleurent la disparue, en appellent à la justice contre les fugitifs... et, les amoureux retrouvés sous les cieux d'Italie ou d'Espagne, accordent infailliblement ce qu'ils refusaient auparavant impitoyablement.

Gil Blas, Paris, 23 mai 1906, p. 3.

Sans doute faut-il situer, vers cette époque, l'anecdote savoureuse racontée, quelques années plus tard, par Louis Marsolleau. On y dévoile aussi les relations privilégiées que Bob Walter entretient alors avec le dompteur Juliano :

A Propos...
Histoires de lions
Il y eut, comme on sait, avant-hier, un grand lâcher de fauves dans la forêt de Saint-Germain. Lions, singes et, surtout, un sanglier qui, de tous, se trouvait le moins dépaysé sous ces futaies de l’Ile-de-France. Ces bêtes s'étaient échappées d'un cirque-ménagerie de la fête des Loges, mais les plus bêtes, au cours des rencontres quelles firent, ne furent pas celles qu'on pense. Il se produisit une grande débandade de cyclistes, et les cris les plus sauvages n'étaient pas poussés par les animaux.
De fait, il n'est pas spécialement agréable, quand on est un paisible promeneur et un citadin sédentaire, de se trouver face à face, au tournant d'une route sous bois de la banlieue parisienne, avec l’un de ces seigneurs à longue crinière qui possèdent toujours griffes et dents et peuvent avoir conserve leurs mauvaises habitudes du désert.
Je me souviens de la figure que firent, il y a une quinzaine d'années, plusieurs Parisiens qui ne s'avéraient point pour des froussards professionnels, mais qui n’en passèrent pas moins un très fichu quart d’heure.
Cela advint chez Mme Bob Walter, dans un petit hôtel particulier qu’elle habitait, avenue de Wagram, encastré entre deux hautes maisons de rapport. De l'avenue à l’habitation, régnait un jardin de la dimension d'un mouchoir de poche ; et, dans ce jardin, un lion était hospitalisé. Ce lion appartenait au dompteur Juliano, pour qui Bob Walter avait des bontés, — elle dansait les danses de Loïe Fuller dans les cages ! — mais. pris de la nostalgie de l'Atlas et devenu neurasthénie, il faisait une cure de repos dans le parc minuscule de l’amie de son patron. Il y avait environ une semaine qu'il était là, inoffensif et pantois, l'œil languissant et la patte molle.
Ce jour-là, Bob Walter donnait à déjeuner. Feu Caran d’Ache, je me le rappelle, était de la fête. Tout à coup, on entendit, de la salle à manger, des clameurs lamentables, de véritables hurlements d'agonie monter du jardin. On se précipita aux fenêtres et on assista à un spectacle imprévu : une véritable curée chaude, sans flambeaux mais au soleil. Le lion, vraisemblablement guéri, ou tout au moins, se trouvant beaucoup mieux, s'était élancé sur le chien de la maîtresse de la maison, un grand danois gris et bien en chair, et il le dépeçait et dévorait avec un évident plaisir et un bel appétit de convalescent. Et voilà qu’il se mit à regarder ceux qui le regardaient d’un air de se demander lequel d’entre eux il choisirait pour dessert. Il n'avait qu'un bond à faire. Ah ! ce ne fut pas long. Tout le monde grimpa aux étages supérieurs, en verrouillant les portes derrière soi. Et en vitesse !
Heureusement. Juliano était convié à prendre le café. Il arriva, reprit en laisse son lion qui, repu, était redevenu plus doux qu'un mouton et chacun se remit d'une alarme aussi chaude. Mais on avait sué !
O muthos deloi oti, cette anecdote prouve que tel qui ferait peut-être du mal à une mouche ne ferait pas de mal à un lion et qu’à moins d’être Tartarin de Tarascon, on aime mieux rencontrer celle-là que celui-ci ! Et encore ! Tartarin se vante !
LOUIS MARSOLLEAU. 


L'Éclair, Paris, lundi 1er septembre 1919, p. 3.

C'est en février 1907 que Bob Walter décède d'une pneumonie. Le corps est transporté en Algérie où a lieu l'inhumation. La succession est réglée à l'Hôtel Drouot, à partir du 17 avril 1907. Charles Fromentin lui rend hommage en quelques lignes dans Gil Blas :

Bob Walter
[...]
Petite, ronde, bien faite mais point jolie, plutôt laide, très crâne et d'une intelligence merveilleusement en éveil, sans charmes ni sans charme, elle savait s'imposer au premier abord. Ella avait eu des amours qui ne l'avaient point laissé pauvre. Elle s'imagina d'être artiste, se découvrit " trois notes seulement, mais trois notes dans la voix " ainsi qu'elle aimait à dire, et se mit à chanter - elle, prévoyante cigale. Elle chanta Béranger, Nadaud surtout, la vieille chanson de France, en costumes du temps - elle qui commençait à dater. Elle les chanta faux, mais assez joliment, avec de l'émotion et des gestes mignards. Elle plut. Cela ne lui suffit pas. Elle entra - avec ses chansons, dans la cage du dompteur Marck - la cage de ses fauves. Elle ne les apprivoisa pas, mais elle dompta, dit-on, le dompteur. Elle " dansa dans le feu ". Elle n'avait pas créé le genre. Elle l'emprunta à Loïe Fuller et, ne pouvant inventer, cette fois, elle plagia quelque peu.
Bob Walter fut aussi à Wagram. Ce ne fut pas, certes, sous Napoléon Ier, mais beaucoup plus récemment, sous M. Paul Déroulède. Il y avait séance patriotique à la salle Wagram, Bob, qui habitait, en face, le petit hôtel, agita des drapeaux à sa fenêtre. Une bannière, sans doute, aurait suffi...
Par surcroit, elle eut quelques démêlés avec Jean Lorrain. Le poète avait trouvé chez elle bon souper et bon gîte. Le " reste ", il s'en souciait assez peu. Dans ce journal même - ancienne manière - il se montra dur pour la " bonne hôtesse ". La fille Bob, comme il disait avec une absence plutôt caractérisée de galanterie, estima qu'on " n'esquinte pas les gens chez qui on a dîné ". A une soirée de " l'Oeuvre ", son réticule, qui dissimulait méchamment plusieurs clefs, brandi par la main vengeresse de l'artiste, vint frapper l'écrivain à l'arcade sourcilière. Le sang coula. Le commissaire de police intervint. - " Quelle belle réclame ! " susurrait le poète à qui la célébrité n'avait point encore souri. [...]


Charles Fromentin. Gil Blas, Paris, 9 février 1907, p. 1.

Sources

ANDRIEU Pierre, Souvenirs des frères Isola, Paris, Flammarion, 1943, 238.

MONTORGUEIL Georges, Les Déshabillés au théâtre, Paris, H. Floury Éd., 1896, 122 p.

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