el grimh

GRUPO DE REFLEXIÓN SOBRE EL MUNDO HISPÁNICO

Le Bon Écraseur

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Le Bon Écraseur. Montage de 17 photogrammes publiés dans BABIN, 1908: 213.

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Le Bon Écraseur

(Très comique)

GAU 1906


Lightning Surgery

Down the road comes Soaker evidently with more inside than he can carry, for he tries to keep the centre of the road and finally flops down in the middle, where he lies at full stretch. Along comes a doctor's motor and cuts off his legs. He hops after the motor on his strumps. The doctor alights from the car, and, in a few minutes, his legs are replaced and he hops off as well as ever and thoroughly sobered.

The Era, Londres, samedi 3 novembre 1906, p. 34.


Le Bon Écraseur

Comique

Un brave homme est bousculé et renversé par une automobile qui lui coupe les jambes. Heureusement le chauffeur est un habile praticien qui répare le mal séance tenante.

1541

GAU 1908

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1 Gaumont 1541  
2 n.c. (voir ci-dessous)  
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LE BON ÉCRASEUR (Suite).-La prise de vue: la voiture arrive à toute vitesse sur le dormeur et lui ampute net les deux jambes; le rôle de ce dormeur est rempli par un cul-de-jatte, complété à l'aide de fausses jambes de bois et d'étoupe.
BIBON, 1908: 214.
1541 08
Comment on prépare un accident d'automobile dans une allée du bois de Vincennes.
BIBON, 1908: 209.
  1541 06
Dans les coulisses du théâtre de la rue des Alouettes : le maquillage.
La photographie ci-dessus montre un coin de la loge des figurants pendant la première des opérations préliminaires de la prise de vue du Bon Ecraseur : le maquillage. Pour réaliser ce drame cinématographique il faut, comme accessoires, une automobile et deux fausses jambes de bois et d'étoupe; comme acteurs, deux hommes, l'un ingambe, l'autre cul-de-jatte, de ressemblance parfaite, condition aisément obtenue par les savants grimages auxquels l'artiste professionnel procède en ce moment, au milieu des figurants déjà costumés pour quelque autre drame ; et, très docilement, le mutilé se prête à la transformation.
BIBON, 1908: 213.
 
LES COULISSES DU CINEMATOGRAPHE
[...]
Le théâtre de la rue des Alouettes, à Belleville, où tout cela s’élabore; a sa troupe, ses décorateurs, un personnel complet d’acteurs excellents et de praticiens habiles. Il est aménagé, machiné comme la scène même du Châtelet et en offre toutes les ressources, avec ses cintres étagés à n’en plus finir, avec ses trois dessous...
Le drame, ici, se déroule non en scène, mais en pleine route, - au milieu du bois de Vincennes qui, désert, était agreste et charmant, sous un soupçon de gelée blanche, le matin d’hiver où l’on nous y conduisit pour nous révéler le mystère de ce petit drame. Mais il faut pour cette scène un acteur rare, difficile à rencontrer, plus difficile encore à persuader de jouer son rôle quand, une fois, on l'a trouvé.

Le livret est celui-ci : un ivrogne fort avancé zigzague au milieu d’une allée, remontant, j’imagine, des guinguettes à tonnelles de Joinville ou de Nogent II est à bout de force, toute raison éteinte, et ses genoux tremblants se dérobent sous lui. Il tombe. Il s’endort. Une auto vient, dont le chauffeur distrait admire sans doute la délicate dentelle des bois givrés. Pas un coup de corne, pas une hésitation : à pleine vitesse, la véloce machine passe sur les jambes du dormeur, les coupe au-dessus du genou. On imagine le brusque réveil du pauvre diable. Mais c’est une scène comique, — d’un comique seulement un peu macabre. Le mutilé se relève sur son moignon, ramasse ses jambes à pleines mains, hurle des appels, et, en sautillant, comme un lamentable et disgracieux, batracien, se traîne à la poursuite de la voiture qui file de plus belle. Elle s’arrête pourtant, à ses cris, et un voyageur en descend, flegmatique. Quoi, tant de bruit pour si peu ! Voilà-t-il pas de quoi faire ce tintamarre ! II y a, dans le coffre de la voiture, tout l'outillage de mécanicien nécessaire pour réparer les avaries éventuelles du moteur ou des pneus, des tenailles, un marteau, des clous : "l'écraseur" est habile autant que bon ; en quelques coups il a réparé le dégât, remis en place les deux jambes. On se quitte excellents amis.
Or, tout cela, qui paraît, de prime abord, ahurissant, fou, s’explique, est facile à réaliser, grâce aux arrêts, dès qu’on a découvert... un cul-de-jatte. Mais il est indispensable, comme le lièvre pour le civet. Que dis-je, le découvrir n’est que relativement difficile. Tout autre chose est d’obtenir son concours. Le cul-de-jatte est rare, évidemment, sur le pavé, plus rare, même, que le ténor. Il n’est pas moins pénétré, non plus, du prestige, de l’inappréciable valeur que lui confère sa rareté même.
Quand il s'agit de reconstituer, pour illustrer cet article, la prise de vue du Bon écraseur, notre premier souci fut donc de nous mettre en quête de ce collaborateur nécessaire. Sans doute on en rencontre bien, de temps en temps, de ces pauvres invalides, échoués comme des épaves sur l’asphalte, plus pitoyables qu’aucun autre miséreux ; et ils lèvent de si bas, sur vous, des yeux si suppliants, qu’on ne .saurait guère se défendre de leur donner l’obole humblement quémandée. Oui, mais dans ces moments-là, ils ont justement plus besoin de vous que vous n’avez besoin d’eux. Essayez, pour voir, d’en croiser un, à jour fixe... Nous découvrîmes, pourtant, sans trop de peine, l’adresse de l’un d’eux. Tout naïvement, je m'imaginai qu’il n'y avait plus qu'à commander les voitures pour le bois. Hélas quel accueil ! Le funambulesque virtuose de Banville qui, convié par le roi à se faire entendre au palais, finit par faire chanter ce monarque lui-même, était d'abord moins hautain que ne fut ce sportulaire. On eût beau enfler les offres dorées, même à 50 francs l’heure, il refusa de nous accorder sa collaboration. Encore ne réalisait-il pas, à beaucoup près, le type idéal de l’espèce, car il lui restait plus de la moitié de la jambe gauche.
Cependant, on nous en dénicha un second, auprès duquel il fallut renouveler la même démarche. Mais je n'y allais plus avec la même confiance : l’insuccès de la première tentative m'avait rendu étrangement timide et circonspect. Pas assez encore, sans doute ! Car celui-ci daigna à peine entendre jusqu'au bout une requête formulée pourtant, je l’atteste, dans les termes les plus respectueux. Il refusa tout net de discuter une proposition considérée par lui comme attentatoire à la dignité même de la corporation autant qu’à la sienne propre : "Cela me ferait du tort", proclama cet être exceptionnel. Et je songeais, déconfit, décontenancé, en descendant de Belleville : "Qu’en serait-il, grands dieux, de l’accueil d'un homme-tronc, privé non seulement des deux jambes, mais, en plus, des deux bras ?"
Par bonheur, nous finîmes par rencontrer, avec sa petite voiture, ses deux patins de bois aux poings, le collaborateur que nous cherchions, simple, celui-là, modeste dans ses prétentions, exempt, enfin, de cette morgue qui, parfois, dépare si fâcheusement le caractère des grands artistes, un peu trop conscients de leur génie. Il fut exact an rendez-vous que nous lui avions donné au théâtre de la rue des Alouettes, et, de bonne grâce, se prêta à la toilette qu’il fallait, de toute nécessité, lui faire subir. Quand j’arrivai, il avait revêtu déjà le même costume que portait l’acteur dont il devait être le sosie, la cotte de velours sombre et la veste de toile bleue, et, juché sur sa voiturette, il se laissait complaisamment maquiller. Le professionnel, consultant de temps à autre son miroir, s’évertuait à parfaire la ressemblance, travaillant son propre visage après l'autre, utilisant tour à tour le crêpé, dont on fait des moustaches plus conquérantes que nature ou des barbiches indécollables, le pinceau à noir et les crayons gris, blancs ou roses. Quand il se déclara satisfait de son œuvre, on eût dit deux frères jumeaux au point que le wattman qui nous voiturait vers Vincennes s’y trompa.
Arrivés avec nos deux Ménechmes au carrefour propice, tandis que l'opérateur de Gaumont et le photographe de l'Illustration montaient leurs appareils, on commença les préparatifs. Précautionneusement, on descendit notre brave homme de cul-de-jatte, et, après lui, un accessoire non moins indispensable : deux jambes de bois et d’étoupe, pantalonnées du même velours que les deux acteurs.
Le comédien qui allait jouer le rôle du doux pochard arriva du lointain, titubant, se coucha de l’air d’un homme qui n’en peut plus. Le premier acte était joué. L’appareil enregistreur s’arrêtait.
L’auto, à son tour, s’approchait, droit et, en douceur, venait stopper tout contre le dormeur, à lui frôler le genoux, à l'endroit même où, plus tard, elle devait, continuant son chemin, broyer les deux jambes. Elle avait tracé son chemin sur la route. On repéra soigneusement la place où reposait l’ivrogne, et, celui-ci relevé, on y coucha le cul-de-jatte, le complétant avec les. deux fausses jambes, disposées aussi adroitement que possible. L’auto s’en était retournée au détour de l’allée. Au sifflet du régisseur, elle se remettait en marche, suivant rigoureusement le premier tracé de ses pneus ; et le cinéma tournait de nouveau, enregistrant sa marche. À belle vitesse, elle arrivait sur l’homme étendu. Je ne crois pas qu’aucun de nous ait pu se défendre d’un bref frisson. Une minute de trouble du chauffeur, un faux coup de volant !... Non, elle était passée, et le cul-de-jatte s’était relevé, se traînant après les deux membres coupés, les rattrapant, les brandissant.
1541 041541 05Conclusion de l'aventure du "Bon Ecraseur": l'automobiliste, descendu de voiture, remet en place les jambes coupées; puis, au cul-de-jatte, à la faveur d'un arrêt du cinéma, est substitué l'acteur ingambe, et l'écraseur et l'écrasé se serrent la main.
(Ces deux dernières photographies ont été prises avec d'autres figurants que les illustrations préce´dentes.)
On ne prit pas, ce jour-là, la fin de la scène : c’est pour cela que les deux dernières images, agrandissements directs de la bande quotidiennement projetée, sur un point du monde ou sur l’autre, ne reproduisent pas les mêmes personnages que le reste de l'illustration. on devine que, le "bon écraseur", descende de voiture, puis s’étant mis à l’œuvre, pour rapprocher les deux bas de jambes des moignons du cul-de-jatte, un nouvel arrêt permis une nouvelle substitution de l’acteur ingambe à l’invalide. Et voilà encore un grand secret dévoilé...
Gusta.
BABIN, 1908: 214.

3 <03/11/1906 38 m./120 ft.  76 fr./£2 8s. 
4 FranceParis. Le Bois de Vincennes.  

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07/12/1906 France. Paris. Les Invalides (annexes). M. Rives Le Bon Écraseur
07/01/1907 Grande-Bretagne. Darlington. Central Hall. The St. Louis Animated Pictures Lightning Surgery
12/01/1907 Grande-Bretagne. Wakefield. Corn Exchange.   Lightning Surgery
29/01/1907 France. Lyon. Cinematographe Ideal. Le Bon Écraseur
04/02/1907 Grande-Bretagne. Derby. Temperance Hall. The St. Louis Animated Pictures Lightning Surgery
04/03/1907 Grande-Bretagne. Reading. Town Hall. The St. Louis Animated Pictures Lightning Surgery
09/03/1907 Australie. Newcastle. King's Hall New Moving Pictures Lightning Surgery
15/10/1907 France. Bordeaux Palais Electric Modern' Le Bon Écraseur
20/09/1908 France. Besançon. Vitograph Froissart Bon écraseur

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Sources

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Le Bon Écraseur, 100 x 131 cm. 1906.

1541 liebig france recto 1541 liebig france verso
1541 liebig allemand recto  1541 liebig allemand verso 
1541 liebig italien recto  1541 liebig italie verso 
Accident d'automobile. Vignettes Liebig (français. allemand. italien)
© Le Grimh

"The Making of Extraordinary Living Pictures", The Illustrated London News, 18 avril 1908, p. 578.

BABIN Gustave, "Les Coulisses du Cinématographe", L'Illustration, 66e année, nº 3396/3397, Paris, samedi 23 mars 1908/samedi 4 avril 1908, p. 209.211-215/238-241.

BABIN Gustave, "The Making of Moving Pictures", Scientific American Supplement, nº 1697, 11 juillet 1908, p. 24-25.

BERNER Raymond "Féerie, Truquage, Reportage", Cinémonde, nº 293, 7e année, 31 mai 1934, p. 10.

Dans une bande intitulée Le Bon écraseur, on voyait un pochard tituber, puis s'étendre au milieu de la route. Survenait de toute la vitesse de ses deux cylindres, un taxi conduit par un chauffeur à peau de bique, distrait et pressé. Il passait froidement sur les jambes du dormeur et les sectionnait à la hauteur du genou... L'auto stoppait quelques mètres plus loin, un monsieur en haut de forme, descendait du taxi en manifestant la plus vive émotion et, sans même qu'il fût besoin d'avoir recours au baume de Fier-à-Bras, cher à don Quichotte, il rapprochait les jambes des moignons. Et le pochard, à la fois dessaoulé et réparé se remettait sur ses pieds et serrait sans rancune la main du bon écraseur. Inutile de dire que cette scène avait été doublée par un cul-de-jatte assez courageux, toutefois, pour se laisser frôler par un engin diabolique dont la direction seule était flottante. La substitution des personnages avait toujours lieu pendant un arrêt de la caméra-la caméra, mot encore inconnu à cette époque.


Raymond Berner, "Féerie, Truquage, Reportage", Cinémonde, nº 293, 7e année, 31 mai 1934, p. 10.

LAPIERRE Marcel, Les Cent Visages du cinéma, Paris, Grasset, 1948.

Citons encore le Bon écraseur. Dans le bois de Vincennes, un ivrogne est renversé par une automobile: il a les deux jambes coupées. Il les ramasse et se traîne derrière la voiture écraseuse. Celle-ci s'arrête, le conducteur en descend et sort sa caisse à outils. En une minute, il a "réparé" sa victime. L'accidenté, ayant ses jambes rajustées, reprend sa route joyeusement.
Ce film, dont le comique est assez spécial, exige l'emploi de deux hommes pour le rôle de l'écrasé: un qui est normalement constitué et un qui est cul-de-jatte. On les maquille de façon identique et on substitue l'un à l'autre au moment opportun. L'arrêt de la prise de vues, l'inversion et l'accéléré viennent en aide au metteur en scène.


Marcel Lapierre, Les Cent Visages du cinéma, Paris, Grasset, 1948, p. 61.

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