- Détails
- Création : 24 mars 2015
- Mis à jour : 12 juillet 2024
- Publication : 24 mars 2015
- Affichages : 11059
Victorin JASSET
(Fumay, 1862-Paris, 1913)
Jean-Claude SEGUIN
Joseph-Hippolyte Jasset épouse Marie-Euphrasie Picart. Descendance:
- Hippolyte Victorin Jasset (Fumay, 31/03/1862-Paris 12e, 22/06/1913)
2
Les origines (1862-1904)
Après avoir passé son enfance dans les Ardennes, Victorin Jasset s'installe à Paris, en 1880, avec sa compagne Mathilde Dehoulle afin d'étudier la sculpture avec Jules Dalou, grand sculpteur de l'époque. Appelé sous les drapeaux (1882), il effectue son service militaire à la 6e section des infirmiers (Mézières). La séparation avec sa compagne se révèle assez dramatique :
LE VITRIOL
La cour d'assises de la Seine jugeait hier une petite couturière de vingt-cinq ans, Mathilde Dehoulle, accusée d'avoir jeté du vitriol à la figure de son amant.
Celui-ci, un sieur Jasset, originaire, comme l'accusée, de Fumay (Ardennes), l'avait séduite en 1880 et l'avait emmenée vivre avec lui à Paris, boulevard du Temple. Une petite fille était née de cette union qui, pour être irrégulière, n'en avait pas moins duré neuf ans avec toutes les apparences d'un ménage légalement constitué.
Au mois de juillet dernier, Jasset avait résolu de se séparer de Mathilde Dehoulle ; il songeait à se marier. Il déménagea brusquement, abandonnant sa maîtresse qui vint inutilement le supplier de la reprendre.
Au bout de cinq ou six visites infructueuses, Mathilde Dehoulle, à bout de patience, acheta une fiole de vitriol et en lança le contenu au visage de Jasset qui a eu un oeil complètement perdu. Elle alla ensuite se constituer prisonnière au poste de police le plus voisin.
Malgré le réquisitoire de l'avocat-général Rau, les jurés, sur une plaidoirie émue de Me Lagasse, ont acquitté Mathilde Dehoulle.
La Lanterne, Paris, 2 décembre 1889, p. 3.
En 1900, il réalise à l'Hyppodrome, dont il est directeur, une pantomime très ambitieuse :
Le spectacle d'ouverture composé de numéros choisis parmi lesquels de hardis gymnastes, la famille Neiss et dix chevaux alezans présentés par M. Ch. Germain qui ont été particulièrement applaudis, avait comme morceau fondamental Vercingétorix, pantomime à grand spectacle avec choeurs, de M. Victorin Jasset. Musique de M. Justin Clérice.
M. Clérice a écrit une musique superbe sur le livret de M. Jasset et c'est un régal pour les oreilles en même temps que pour les yeux, car la pantomime a été montée avec un luxe dont rien n'a approché. Il y a dans la piste plus de 800 personnes et une centaine de chevaux. Des défilés superbes. Et sur la scène qui occupe une des extrémités de la piste des décors de M. Lemeunier qui donne une profondeur et une illusion extraordinaire aux évolutions des masses qui se meuvent avec un ensmeble parfait.
Somme toute une soirée d'ouverture fort intéressante.
Le Sport universel illustré, nº 200, Paris, 19 mai 1900, p. 320.
L'Hippodrome, la 1re épopée Vercingétorix : [affiche] / Victorin Jasset et Ch. Brum, 1900, 170 x 119 cm
Source: Ville de Paris / BHVP [Domaine public]
L'année suivante, Victorin Jasset se dispose à créer un cirque-théâtre:
M. V. Jasset, qui dirigea l'Hippodrome en 1900, va créer un cirque-théâtre dont l'organisation intérieure sera une innovation, et qui sera situé en plein centre de Paris.
Le Journal, Paris, 21 août 1901, p. 5.
Toutefois, il semble travailler au Ba-Ta-Clan en décembre:
Ba-Ta-Clan :
La revue à thèse, Les avariétés de l'année, de M. L. Garnier, conduite par l'excellent compère Maréchal et Mme Molka, s'annonce comme un très gros succès à Ba-Ta-Clan, - grand luxe de mise en scène, décors splendides, changements à vue, apothéose, et un bataillon de jolies femmes habillées ou plutôt déshabillées si artistiquement par Jasset, a été une véritable révélation et va faire courir tout Paris.
La Lanterne, Paris, 26 décembre 1901, p. 3.
Il se spéciale dans des spectacles monumentaux et on le retrouve en tant que principal responsable du défilé du Boeuf-Gras de 1903 :
LA FÊTE DU BOEUF GRAS
[...]
M. Jasset, ancien directeur de l'hippodrome et organisateur général du cortège, avait donné rendez-vous à tout son personnel de chefs de groupes, figurants, etc., etc., pour neuf heures du matin. Trois heures en effet sont nécessaires pour équiper et assigner sa place à chacun. Aussi, dès la première heure, l'aspect du marché aux bestiaux est-il extrêmement pittoresque.
Seul, dans son box, Théodoros II, le nivernais à robe jaune que l'on va pompeusement promener dans Paris, semble attendre sans impatience le moment de prendre place sur son char triomphal et d'apparaître à la foule admirative. Au fur et à mesure que les figurants sont costumés et armés, M. Jasset et ses lieutenants les groupent, et c'est avec beaucoup de méthode que le cortège se forme.
Le Petit Parisien, Paris, 30 mars 1903, p. 1.
Le Petit Journal, Paris, 5 avril 1903.
On le retrouve comme responsable des costumes au Parisiana pour la revue T'en aura. En mai 1905, il participe à la création d'un nouveau spectacle auquel collabore également Georges Hatot:
Le Palais Hippique
[...]
Il faudra reparler du programme du Palais Hippique, dont l'ouverte a été irrévocablement fixée au 1er juin, mais dès maintenant, citons les principaux collaborateurs de ce spectacle colossal, auquel vont être conviés les Parisiens: [...] M. Jasset, qui, avec une expérience consommée, a mis en mouvement et réglé ces masses inaccoutumées d'acteurs, aidé par l'habile metteur en scène Georges Hatot.
Le Journal, Paris, 26 mai 1905, p. 3.
Chez Gaumont (1905-mai 1906)
Arrivé chez Gaumont, probablement vers le milieu de l'année 1905, Victorin Jasset va collaborer avec Alice Guy:
J'étais heureusement secondée par d'excellents assistants dont j'ai déjà parté et enfin, en 1905 (deux ans avant mon départ pour les États-Unis) par Victorin Jasset, un artiste qui avait mis en scène les grands défilés de Jeanne d'Arc et de Vercingétorix à l'Hyppodrome, avant que l'énorme salle ne devînt le Gaumont Palace.
GUY Alice, Autobiographie d'une pionnière du cinéma (1873-1968), Paris, Denoël/Gonthier, 1976, p. 81.
Pour le tournage d'Au pays noir, Jasset suggère un tournage à Fumay, d'où il est originaire:
Afin de mettre en scène un drame minier, inspiré d'un roman de Zola, Jasset, mon assistant, m'avait suggéré Fumay petite ville triste et noire des Ardennes qui se reflète dans la Meuse.
M. LANGLOIS : Pourquoi Jasset a-t-il quitté Gaumont ?
M. HATOT : Je crois que c'est à la suite d'une discussion avec Mlle Alice Guy. À l'entrée de Feuillade, il n'y avait pas place pout tout le monde. Cela se situait vers 1906. C'est en somme Jasset qui a mis Feuillade en place chez Gaumont, parce que je lui ai dit : "Faites entrer ce garçon-là". Il m'avait demandé de rentrer chez Pathé. Il m'avait dit ensuite : "Après tout, je préfère aller chez Gaumont, parce que chez Gaumont vous n'y êtes pas". Je lui répondis : "J'ai quelqu'un dans la place qui vous aidera. Allez le voir, il vous aidera".
Jasset l'aida pour entrer. Ensuite, il y a eu des petites discussions. Jasset avait un défaut : il frôlait les petites femmes. Et Mlle Alice, comme Charles Pathé [sic] [Léon Gaumont] c'étaient des marchands de pudeur. Il a été obligé de partir. C'est là que je l'ai pris avec moi chez Pathé. Cela se situe un mois de mai-juin 1906. (p. 9-10) .
M. LANGLOIS : Quand Jasset est-il rentré dans le cinéma ?
M. HATOT : en 1905.
M. LANGLOIS : Par conséquent, avant, il n'avait jamais eu de rapports avec le cinéma. C'est très important. Il y a eu Jasset qui a fait en 1911 un article où il parle des origines du cinéma.
M. HATOT : A l'origine, il était dessinateur de costumes chez Landoff. (p. 13-14)
Chez Pathé (mai 1906)
M. HATOT. À ce moment-là, j'avais fait venir Jasset chez Pathé. Jasset était un homme d'une autre classe, qui certainement ne pouvait pas s'accorder avec la mentalité d'un Zecca, c'était un homme de talent, un dessinateur de costume. Il était l'auteur de " Vercingétorix " et directeur à l'ouverture de l'Hyppodrome qui est devenu depuis le Gaumont Palace. Jasset n'a pas plu. On lui tirait toujours dans les pattes, et pour m'attraper, on a traqué aussi Jasset, à telle enseigne, qu'un jour Jasset est parti.
M. LANGLOIS : Quels sont les films qu'il a faits chez Pathé ? On m'a dit que " Le Chat botté " était de lui.
M. HATOT : Non. Il n'était pas metteur en scène non plus. Il mettait un peu en scène. Je le laissais faire parce qu'il avait de la valeur. Le plus beau film qu'il ait fait, c'est "Cendrillon". C'était très bien pour l'époque. On a tourné dans le château de la Dubarry à Louveciennes. C'était pas mal pour l'époque. Moi je m'occupais des autres. Je lui ai dit : "écoutez, je voudrais essayer de vous faire faire une affaire. Vous allez aller à l'Eclipse de ma part. Vous allez voir Rogers et s'il ne me téléphone pas, s'il ne vient pas me voir pour partler de vous, c'est qu'il vous prend tout de suite.
L'affaire de l'Eclipse ça s'appelait Urban. C'était passage de l'Opéra. Il va là bas et en effet, il s'arrange pour tourner un film. Pour ce film, il est venu me dire : ·Est-ce que tu ne pourrais pas me donner quelques acteur ? Je lui ai répondu affirmativement et je lui ai donné entre autre un nommé Debray. Je ne sais pas comment on a su à Montreuil que des acteurs de chez Pathé avaient tourné ailleurs. Ils ont acheté la bande chez Urban et ils l'ont passés à Charles Pathé, en disant que c'était moi qui avait fait l'affaire.
J'avais précisément l'intention de m'en aller. Je faisais un métier de mercenaire. Le jour de "Cendrillon" j'ai fini de payer le personnel à minuit et demi Boulevard de Strasbourg. Un samedi le vieux Charles Pathé me fait demander. Il me dit : "savez-vous que nous ne sommes pas mariés ?" "Nous allons divorcer." Je lui réponds : "Bien ; vous me rendez service, je suis bien content. J'avais justement l'intention de m'en aller". Il n'en revenait pas. Il savait que j'avais une grosse situation. Je lui expliquais : "J'ai fait d'assez bonnes choses chez vous. Je vous ai fait gagner assez d'argent. J'en ai pris aussi, mais à la sueur de mon front. Il me demanda des explications. " Je ne peux vous répondre qu'une chose, quel est mon bénéfice ? Vous savez que j'ai une grosse affaire chez vous. Je veux m'en aller. Tout ce que je vous dis là, ce n'est pas pour rester. Je suis un homme d'affaires, et quel bénéfice aurais-je à aller faire un film chez Urban ? C'est tellement idiot. Vous savez que vous avez Ferdinand qui vous écoute... Ferdinand c'était Zecca. C'était une petite vengeance corse, car Zecca était Corse.
Le Directeur du studio était M. Dupuis qui avait une très bonne éducation. Le fils de M. Dupuis, était secrétaire de Charles Pathé.
Mme MUSIDORA : Existe-t-il toujours ?
M. HATOT : Je ne l'ai jamais revu. J'ai revu le père une fois. Il est mort deux ou trois ans après. (p. 7-9)
Cinémathèque Française, Les Débuts du Cinéma, Souvenirs de M. Hatot, 15 mars 1948, p. 6-7.
M. HATOT : Ce pauvre Jasset avait un physique ingrat. Il était borgne, blessé, et puis ce n'était pas la même mentalité (p. 11)
M. HATOT : C'était un peu le défaut de Jasset. C'était un type qui avait du talent. Ce serait maintenant, il aurait du talent et il ferait des choses épatantes. Il avait énormément de conscience pour lui et aucune pour les autres. Quand il commençait un film, il était tout feu, tout flamme. Quand il était pour le finir, il sabotait. C'était inconscient. Il commençait en faisant le maximum. Après, ça traînait : il pensait déjà à l'autre film. Il avait un manque d'équilibre. Je lui disais : "Allez-vous en et je terminais le film. Après avoir fait "Le Corsaire", nous devions partir en Tunisis. On se trouvait à Marseille. On va au cinéma. On se rencontre. Je le revois le lendemain matin. Il me dit : "vous êtes-vous amusé ?..... p. 15-16.
Afin de mettre en scène un drame minier, inspiré d'un roman de Zola, Jasset, mon assistant, m'avait suggéré Fumay petite ville triste et noire des Ardennes qui se reflète dans la Meuse. La principale cheminée était soi-disant en mauvais état, je dus, au grand amusement du personnel de la mine, revêtir la salopette des mineurs et m'étendre dans une benne pour descendre à cinq ou six cents mètres sous terre par l'étroit boyau servant de puits. Les galeries basses, étayées d'un boisage qui me paraissait insuffisant, les explosions ébranlant d'énormes tranches d'ardoise, dont les ingénieurs surveillaient minutieusement le glissement à l'aide de cire coulée entre les lames, tout cela me paraissait assez menaçant. J'éprouvai, je l'avoue, un certain soulagement à me retrouver en plein air. Heureuse cependant de cette nouvelle expérience, de cet enrichissement.
Ce furent ensuite les charrettes aux attelages de chiens transportant les boîtes de lait, les habitants en costumes du pays, les douaniers belges qui nous fournirent un excellent matériel. Nous eûmes malheureusement à déplorer deux accidents assez graves : un enfant fut renversé par les chiens, une figurante fit une mauvaise chute. Mes artistes superstitieux, comme tous les gens de théâtre, attribuèrent ces accidents à une malheureuse salamandre recueillie dans les bois, que je comptais rapporter au docteur François-Franck pour ses études. Pour comble de malheur, durant la nuit, la pauvre bestiole mit au monde sept petits salamandreaux. Au moment de monter en wagon, transportant moi-même la précieuse salamandre et ses petits, je fus un peu bousculée, le bocal m'échappa, roula sous le train qui partait et tout le monde respira.
GUY Alice, Autobiographie d'une pionnière du cinéma (1873-1968), Paris, Denoël/Gonthier, 1976, p. 83.
1907:
Jasset a donc fait "La Passion". Il était metteur en scène attitré mais il fallait aller de l'avant, alors, à ce moment-là, Pathé lui a fait aller de l'avant, alors, à ce moment-là, Pathé lui a fait une offre de venir pour tourner Cendrillon. Et il a quitté Gaumont pour tourner Cendrillon chez Pathé. (Commission 050p. Menessier).
3
1905
L'Industrie du fer et de l'acier (Gaumont)
La Esmeralda (Gaumont)
Ballet de singes (Gaumont)
Les Rêves du fumeur d'opium (Gaumont)
1906
Les Gendarmes sont sans pitié (Gaumont)
1907
Cendrillon (Pathé)
1911
Etude sur la Mise en scène en Cinématographie
Vous commençons aujourd'hui, sous ce titre, la publication d'une intéressante étude due à la plume de M. JASSET, un de nos plus distingués metteurs en Scène Cinématographiques. Ces notes sont absolument personnelles et nous n'avons pas besoin d'ajouter qu'elles engagent seule la signature de leur auteur.
A l'aurore du cinématographe, nul ne prévit l'essor formidable qu'allait prendre la jeune industrie ni l'évolution constante qui suivrait son développement.
La représentation du mouvement était trouvée. L'on ne songea tout d'abord qu'à en utiliser l'application. Les scènes les plus simplistes parurent : trains arrivant en gare, sorties d'usine, murs abattus produi- sant de la poussière, chutes d'eau, vagues déferlant sur les rochers, tout était prétexte à un filin, pourvu que le mouvement en fut pittoresque ou apparent.
La longueur générale des films en 1898- 1899 était encore de 20 mètres. On fit des scènes humoristiques, pas très longues.
A cette époque, le journal le Chat Noir, qui pendant dix ans avait absorbé l'esprit des dessinateurs de Montmartre de même que le supplément du Gil Blas furent mis à contribution. Les dessins sans légende de Stemlein, Villette, Dors, Guillaume, Caran-d'Ache, etc., firent longtemps les frais des scènes comiques.
Puis ce fut le tour du plein air, des actualités, vues pittoresques, randonnées en chemins de fer à travers le monde. Le ciné n'apparaissait encore en ce moment que comme un engouement et nul n'eut pris au sérieux de l'opposer au théâtre.
Ce furent ensuite les représentations des scènes de tableaux célèbres, de scènes historiques, faites à la diable avec les rebuts des magasins de costumes, dans de vieux décors pris n'importe où, des scènes d'actualité de guerre, de combats de taureaux, etc., etc. On utilisait alors pour n'importe quelle scène, n'importe quel coin de Paris pour éviter les frais de transport du matériel. Les Buttes-Chaumont gardent encore le souvenir de la galopade des vieilles russes chevauchées par l'armée anglaise battue, fuyant devant les Boërs victorieux.
Mais à cette époque, tout passait et le public croyait avoir sous les yeux une scène prise sur le champ de bataille même.
Quels étaient au juste, à cette époque, les dessous de la fabrication des films ? C'est ce qu'il importe d'établir, car de ce début dé- pend certainement la lente transformation de l'art cinématographique.
Comme nous l'avons dit, les industriels n'entrevoyaient pas le lendemain, ne songeaient qu'à sortir, hâtivement, des films sans s'occuper d'en soigner la confection. Nul théâtre n'existait. On travaillait au petit bonheur. On cherchait surtout des prétextes à figuration et à mouvement.
On ne pouvait songer aux artistes qui, à cette époque, eussent été inutiles, et les fournisseurs de personne de théâtre, autrement dit les chefs de figuration furent les artisans du ciné.
Ils y apportèrent leurs connaissances rudimentaires du maniement des masses, leurs rapports de métier avec les fournisseurs de théâtre, et ce fut tout.
Par contre, ils s'iinplantèrent dans l'industrie, en restèrent les maîtres. Ils y introduisirent les éléments les plus disparates au point de vue artistique. Ils suivirent le le mouvement en maîtres d'un métier qu'ils avaient acquis, seuls, par l'expérience et dès lors, ne laissèrent entrer dans leur cénacle, que ceux qui ne pouvaient ni les gêner ni porter atteinte à la situation qu'ils s'étaient créée.
Le résultat fut que, de 1893 à 1903, le ciné piétina presque, ne faisant aucun progrès, chacun étant prêt à lâcher une industrie que l'on disait avoir atteint son apogée.
La première, l'Angleterre si mal partagée avec sa lumière brumeuse, incompatible avec le ciné, avait formé une école humoristique différente. Et de son école sortit le type qui fit le succès populaire du ciné : la poursuite.
La maison Pathé entrevit l'intérêt que pouvait offrir l'industrie qu'elle commençait. Elle posa des règles et chercha à perfectionner toutes ses branches. Le succès couronna vite ses efforts.
Les premiers metteurs en scène de la maison, ignorants et sans métier, fuient cependant ceux à qui le ciné doit d'avoir pris d'aussi vastes proportions. Ils eurent l'intuition, la persévérance des qualités primesautières qui leur firent régler et présenter le ciné sous son véritable aspect. L'école anglaise, imparfaite mais originale, pillée par eux, fut transformée, mise au point et ils créèrent dans le genre comique, des petits chefs-d'œuvre qui restent encore les modèles du genre. Ce lut la première école française. (à suivre)
Une école se forma.
Elle visa à l'effet d'ensemble plus qu'au détail, chercha à étonner : elle entassa décor sur décor, mit en mouvement des masses de figuration, réglées avec entrain, souvent avec pittoresque, mais pas toujours avec le souci nécessaire de l'exactitude du costume et de la reconstitution.
Elle sembla avoir une prédilection marquée pour les épisodes de notre histoire et de notre littérature, qu'elle traduisit quelquefois un peu légèrement et sans les avoir étudiées. Si cela ne se remarquait pas ailleurs, cela choquait fort en France, où notre Ecole apportait beaucoup plus de soins à ces détails, qui semblaient insignifiants à l'Italie.
L'épopée napoléonienne fut mise à contribution, mais les Italiens ne la comprirent guère et la traitèrent en opérette.
Le jeu des interprètes fut généralement insuffisant et pour cause. Les artistes italiens jugèrent indigne d'eux, au début, de travailler pour le cinéma. L'Ecole n'avait pas eu, comme chez nous, pour les petits emplois, un long apprentissage qui les avait formés. On reconnaissait la mimique italienne emphatique, que ne tempérait pas la science de la comédie, jouée par des gens ignorants du métier cinématographique. Aussi la tenue générale des scènes s'en ressentait.
Pourtant, presque à ses débuts, l'Italie produisit un chef-d'œuvre qui, trois ans après, malgré la rapide évolution faite en ce laps de temps, apparaît encore une des meilleures œuvres de la mise en scène au Ciné. Je veux parler des Derniers Jours de Pompeï, qui, dès sa présentation, révolutionna le marché par son sens artistique, sa mise en scène soignée, l'habileté de ses trucs, sa largeur de conception et d'exécution, en même temps temps que par son exceptionnelle qualité photographique.
Le film était hors pair et classa la maison Ambrosio parmi les meilleures marques.
Ce qui fut fait depuis fut certes inférieur, quoique bien souvent encore de premier ordre.
L'Italie s'essaya au comique. Elle dut pour y parvenir renoncer à ses artistes et faire venir des artistes français, qui y apportèrent une note originale, entre autres le Gribouille d'André Deed, qu'essaya d'imiter un artiste italien. Un autre artiste français fut également avec succès la vedette d'une autre maison.
En somme, l'Ecole italienne n'aide pas à l'évolution de l'art cinématographique. Elle serra de près l'Ecole française, dont elle exagéra les défauts, suffisamment grands déjà.
Par contre, l'industrie italienne fut féconde. Son labeur fut considérable et consciencieux.
L'Italie s'imposa au gros public souvent mieux que l'industrie française. Si elle produisit des choses incomplètes au point de vue de l'art proprement dit, elle nous donna des œuvres qui amusèrent, étonnèrent souvent, tant par leur audace que par leur grandeur et leur mouvement. Les défauts mêmes en firent l'originalité: les Italiens osèrent ce que n'aurait osé l'Ecole française, reculant devant l'impossibilité d'interpréter certains sujets. L'Italie interprétait quand même, à sa façon, mais interprétait.
L'œuvre était créée. Qu'à l'analyse on s'aperçût qu'elle fourmillait d'anachronismes ou d'erreurs, elle n'en restait pas moins amusante souvent — et se vendait.
La réussite commerciale donnait raison aux novateurs et le marché français s'en ressentait. Mais il n'y avait pas à lutter, le prix de revient en France ne permettait pas à nos maisons de telles prodigalités de matériel ou de personnes.
Le comique que produisit l'industrie italienne fut souvent excellent, mais il était de création française et joué par nos artistes. Les éditeurs suivaient constamment l'évolution de notre Ecole avec un luxe de trucs, de constructions que nous n'atteignîmes jamais.
L'Italie devint donc pour nous une concurrence des plus redoutables.
Pendant ce temps, l'industrie française avait rapidement progressé.
De nouvelles marques se créaient.
La maison Pathé avait formé une école qui, après s'être imposée, s'essaimait. Metteurs en scène et techniciens apportèrent à d'autres fabriques les règles précises qu'on leur avait apprises ou qu'ils s'étaient tracées. Ils emportaient aussi les procédés techniques de fabrication, qui étaient alors presque un secret.
La maison anglaise Urban s'était transformée en marque française, l'Eclipse. Abandonnant l'actualité, elle avait abordé la scène. Elle mit sur le marché des films très réussis qui la firent rapidement con naître. Une filiale en naquit : la marque Radios, ayant à sa tête un des premiers artisans du Ciné, en même temps qu'un des techniciens les plus réputés : M. Clément Maurice.
La marque s'imposa.
La maison Gaumont élargit son champ de production d'une façon énorme. Elle créa, la première, un genre comique d'une originalité toute parisienne, et qui est restée sa spécialité. Ce n'était ni la poursuite, ni la comédie ; c'était une chose spirituelle, pleine de mouvement, d'entrain avec des idées neuves et des procédés neufs. La plupart de ces scènes sont encore trop présentes à la mémoire pour avoir à les citer ; mais, entre autres : « Le thé chez la Concierge ». « l'Homme aimanté », « le Facteur embullé », « le Récit du Colonel », « la Journée d'un non-gréviste » et cent autres déridèrent les plus moroses.
Dans les autres genres, elle ne créa rien, serra quelquefois L'Ecole italienne dans ses grandes scènes.
L'« Eclair » arrivait sur le marché,
La jeune marque se lit remarquer de suite. Elle adapta au Ciné la scène policière avec Nick Carter, qui la rendit célèbre, et, la première, inaugura la série, c'est-à-dire l'idée d'intéresser le public par un artiste revenant dans chaque bande, ce qui forçait le public à demander la suite de ce qu'il avait vu. L'idée fit son chemin depuis. L'Eclair se fit une spécialité des drames et des aventures, qui la classèrent.
On voyait, vers cette époque, apparaître sur le marché des films informes, de mauvaise qualité photographiquement, mal joués, aux personnages sans jambes, avec des scénarios incompréhensibles ou ridicules, qui nous regardaient avec stupeur ou ironie.
C'était l'Ecole américaine qui naissait.
Pendant toute cette période, si la recherche des scénarios, le goût apporté à la mise en scène avaient progressé, l'Ecole n'avait guère évolué.
Les artistes, que n'effrayait plus autant le cinématographe, commençaient à y apporter leur concours, Mais ils étaient aussitôt formés à l'Ecole existante; assujettis aux règles strictes d'une formule, leur personnalité était nulle. On en était toujours à la rapidité d'exécution, qui supprimait tout ce que le tempérament personnel d'un interprète pouvait apporter d'intéressant.
On soignait de plus en plus la mise en scène, au point de vue costumes, matériel, décors; mais l'interprétation était toujours la même : rapide, saccadée, sans nuances possibles.
Pourtant une tendance se manifestait chez certaines maisons contre cet état de choses Elle était aussitôt réprimée par les exploitants, qui demandaient non du jeu, mais de l'action et du court métrage.
Un événement vint décider l'évolution.
L'industrie du Cinéma, que les pessimistes déclaraient chaque jour à l'agonie, grandissait, envahissait tout, effrayant le théâtre, qui redoutait maintenant sa concurrence.
Paris, les grandes villes d'Europe s'emplissaient d'établissements cinématographiques.
La jeune industrie abordait tout, absorbait tout : scènes de voyage, d'actualité, de reconstitution, de drame, comiques, aux- quelles venaient s'ajouter quelques essais d'adaptation du phonographe au cinématographe.
C'est alors que les vedettes des grands théâtres et de la Comédie-Française suivirent le mouvement qui se propageait.
Ne pouvant battre en brèche le Cinéma, ils résolurent d'en profiter.
Le film d'Art fut créé.
V. JASSET
Ce fut une révolution qui amena l'évolution lente mais continuelle, des anciens procédés.
Quand on annonça que M. Le Bargy allait mettre en scène des artisles de la Comédie-Française et faire des scènes cinématographique, on attendit en discutant ce qu'allaient produire des gens de théâtre ignorants des régies du ciné; on parlait de métrage énorme, de frais effrayants.
L'élaboration fut lente, le film d'Art se heurta à des difficultés d'interprétation, de méter, de ficelle. Enfin des bandes sortirent. Certes, ce fut un étonnement. Le gros public resta froid, ne comprit pas. Mais les gens de métier s'aperçurent que toutes les règles que l'on avait observées jusque-là étaient vaines. Des artistes de valeur jouaient, ils obtenaient des succès comme au théâtre et cela portait comme au théâtre. Ils jouaient posément, sans courir, restaient immobiles, et l'intensité grandissante d'effet fut obtenue. Ce fut une stupeur. Il faut dire, d'autre part, que la première bande présentée parle film d'Art était merveilleusement exécutée. Si l'on y relevait des fautes de métier compréhensibles et d'autant plus excusables qu'elles témoignaient de l'effort considérable qu'avaient dû faire les artistes pour surmonter des difficultés en face desquelles ils se trouvaient pour la première fois, la Mort du duc de Guise était cependant un chef-d'œuvre.
Le Bargy avait composé avec soin son personnage, l'avait détaillé, joué avec un luxe de détails qui était une révélation pour les esprits attentifs. Ce que n'auraient osé faire les metteurs en scène les plus exercés au métier, craignant de rompre avec les anciennes traditions, un novice l'avait fait.
Il apportait des principes nouveaux et ne tenait aucun compte de l'expérience faite par les précurseurs, et sa méthode était la plus juste. Sauf quelques règles techniques, rien n'existait plus de ce que l'ancienne école avait si lentement élaboré. C'était la débâcle des vieux principes.
Quelle fût, au juste, l'influence du film d'Art sur l'Ecole cinématographique. Presque nulle au début, énorme comme conséquences. Elle ouvrit les yeux à l'Ecole américaine, la transforma et en fit l'Ecole qu'elle devint par la suite.
L'affaire du Film d'Art en elle-même, n'eut pas grand suite au point de vue commercial. Les espérances que l'on avait fondées ne se réalisèrent pas. Le public accueillait froidement cette transformation trop rapide qu'il comprenait mal. Les sujets traités étaient souvent ennuyants. Pour quelques bandes réussies, combien furent ratées. Le prix de revient était trop élevé. Bref, les artistes se lassèrent. Le Bargy qui en était l'âme, abandonna l'affaire qui n'eut plus du Film d'Art que le nom et redevint une entreprise commerciale ordinaire, avec une marque connue.
Mais le principe restait. Et petit à petit l'Ecole française s'assagissait. De tous côtés, les artistes ayant vu ce que pouvait produire le Ciné, apportaient leurs concours.
Que la première période de transformation fût ridicule, il n'y a pas à en douter. On ne romp pas d'un seul coup avec les traditions. Mais le coup était porté, les exploitants commençaient à comprendre, à admettre que le public pouvait s'intéresser aux choses d'art. Et de tout côté surgirent des séries d'art, des séries d'or, des séries de diamant, des séries princeps et des séries esthétiques. Les Italiens ajoutèrent deux cents figurants en plus de leurs bandes et ce fut du Film d'Art.
Vers le même temps une autre école se formait. Les auteurs et gens de lettres français l'avaient fondée. Elle avait pour but la régénération du scénario cinématographique.
Qu'elle produisit souvent des choses excellentes, interprétées par d'excellents artistes, mises en scène par des gens de goût et de métier, cela n'est pas douteux. Mais le Film d'Art l'avait devancée et avait atteint un degré d'originalité artistique qu'elle n'attaignît jamais. Elle eut le tort aussi, de rééditer pour le public, des scènes cinquante fois faites par le vieux Ciné, pas plus mauvaises certes, mais pas supérieures. Pour cette raison elle n'eut aucune inlluence sur l'évolution de l'Ecole française, mais elle demeura une excellente affaire commerciale qui se maintint toujours dans un niveau de production correct ne dépassant pas le niveau de production des autres maisons. Dans l'ensemble de ses scénarios quelques uns lurent des trouvailles ingénieuses, mais en somme elle ne créa aucun genre, et n'apporta aucun élément nouveau.
L'Ecole du Film d'Art avait ouvert la voie aux scènes tragiques. Tous suivirent le chemin mais aucun genre n'était spécialement cultivé. Cependant vers la fin 1909, une série de l'S.C A.G.L. « Mimi Pinson », lut remarquée partout. Elle donna pendant quelque temps le ton à la note sentimentale. Pendant ce temps, les artistes avaient cherché à se spécialiser. André Deed avait fait école presque en même temps que Linder, son précurseur. Chaque artiste cherchait une série. Prince fut le Rigadin de l'S.C.A.G.L. Le public commençait à s'intéresser, à réclamer son artiste favori, Dopée, dans les drames et comédies ; les artistes habituels étaient remarqués, connus, goûtés. La maison Gaumont avait trouvé dans le petit Abellard une vedette qui commençait à plaire.
On n'était plus au temps où l'on prétendait que la vue des mêmes artistes fatiguait le public. Au contraire. On cherchait à se les attacher par des contrats.
V. JASSET.
(A suivre)
L'Industrie cinématographique était devenue une industrie prospère, forte. Elle avait ses ingénieurs, ses techniciens; toutes les branches s'étaient spécialisées. Ce n'était plus, comme au début, une industrie de raccroc. Elle employait un nombre considérable d'ouvriers et d'ouvrières. Entre toutes les branches, celle du théâtre était la plus importante. Des maisons naissaient tous les jours, de tous côtés. La France, qui naguère régnait en maîtresse sur le marché mondial, à son tour était envahie par les marques étrangères, qui primaient souvent sur sa production. Une poussée Formidable arriva d'un seul coup de l'Amérique.
Pendant longtemps les Américains avaient talonné, cherchant leur voie. Leurs premiers lilms avaient été mauvais. Leurs insuccès ne les avaient pas découragés, car ils avaient d'énormes capitaux à leur disposition et ils voulaient arriver. Ils avaient essayé de tout . Nous avions vu des bandes historiques, le théâtre de Shakespeare, mis à mal par eux. Ils firent ensuite des scènes beaucoup mieux réussies, avec les chemins de fer, la cavalerie américaine, Indiens, cowboys, scènes pour lesquelles ils avaient des éléments de première main. Ces scènes plurent beaucoup, mais ne se différenciaient des nôtres que par plus d'audace et plus d'habileté de la part de leurs exécutants. Puis, la Compagnie Vitagraph sortit une bande, « l'Hôtel Hanté », qui fit sensation et à bon droit. Abandonnant tous les vieux trucs du ciné, elle avait forgé de toutes pièces une combinaison de procédés nouveaux et absolument inattendus. Nous vîmes, pour la première fois, les objets inanimés se mouvoir, vivre, pour ainsi dire, sans que l'œil le plus prévenu, le plus attentif, devinât Ia ficelle, s'il n'avait pas été mis au courant du procédé. Des indiscrétions mirent les metteurs en scène européens au courant du truc. Le champ était d'ailleurs limité, et, après avoir en un succès aussi énorme que mérité, le procédé américain fut presque aban donné, parce qu'il n'offrait plus assez de ressources. Mais il fit honneur à l'Ecole américaine, que l'on commençait à remarquer et à craindre.
Vers 1909-1910, apparurent les premières comédies de la Vitagraph. Jusque-là, toute la production avait été mauvaise, puis banale. Et tout d'un coup des chefs-d'œuvre sortirent. Une nouvelle Ecole était née, s'imposait au marché tout entier, non seulement aux artistes, mais au gros public, qui l'accueillait avec enthousiasme.
L'Ecole américaine différait de la nôtre sur trois points principaux :
1º Le champ de l'appareil ;
2° Le jeu des artistes;
3º La construction des scénarios.
C'était une méthode absolument nouvelle, se scindant nettement, de l'Ecole européenne.
Les Américains avaient remarqué l'intérêt que pourrait donner le jeu de physionomie dans les premiers plans et ils s'en étaient servis, sacrifiant le décor, l'ensemble de la scène quand il le fallait pour présenter au public les figures des personnages qui restent à peu près immobiles.
Le jeu rapide les avait effrayés et le jeu était absolument calme, d'un calme exagéré, De plus, le scénario actuel comportait des situations dramatiques, pathétiques théâtrales ; ils avaient fait des scènes aussi sim ples, aussi naïves que possible, évitant les ficelles, les coups de théâtre, cherchant le plus qu'ils pouvaient à se rapprocher de la vie réelle et bâtissant souvent une action sur une pointe d'aiguille avec un dénouement gai ou heureux. Telle qu'elle était, leur méthode était de beaucoup supérieure à tout ce que l'on avait fait jusqu'alors, et l'engouement du public en était la meilleure preuve. Leur troupe, quoique nombreuse, ne comportait, en vérité, que quelques artistes que le public remarqua de suite, connut, réclama. Le retour périodique de ces mêmes altistes était attendu, acclamé. On ne voulut plus que du Vitagraph. Dès lors, les marques françaises cherchèrent à l'imiter.
Quelle était au juste, la théorie des scènes Vitagraph ?
Pour le public simpliste, l'opinion se résumait à ceci. Les scènes américaines étaient jouées par des artistes de talent, qui jouaient posément à l'appareil. Donc, il était facile et très simple d'en faire autant avec nos artistes français.
C'était là une opinion de la plus grave erreur.
La méthode américaine représentait, au contraire, un travail de patience, de méthode, d'assouplissement des artistes, de longues observations du metteur en scène. Ce n'était pas un jeu d'un seul jet. C'était, au contraire, un assujettissement complet à des règles dont on ne devait pas se départir sous peine de retomber à l'ancienne méthode.
Lorsque l'on voyait passer un film à l'écran, l'harmonie, le jeu calme et pondéré de artistes donnait à tous l'illusion vraie de la vie. Mais, pour le metteur en scène qui l'observait en détail, celle prétendue simplicité était du truquage, de la ficelle, et tout le jeu était absolument faux. Cependant, tout cela était nécessaire pour pou- voir donner au public la complète illusion du réel. Je m'explique.
V. JASSET. (A suivre).