- Détails
- Création : 24 mars 2015
- Mis à jour : 2 août 2024
- Publication : 24 mars 2015
- Affichages : 10385
Achille LEMOINE
(Paris, 1857-Cauvigny, 1948])
Jean-Claude SEGUIN
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Les origines (1857-1897)
Fils d'un grande éditeur de musique, fondateur (1862) du Monde artistique, Achille Lemoine rejoint, en 1885, avec ses autres frères, la société familiale "Lemoine & Fils" qui devient, en 1895, "Henry Lemoine & Cie".
Jules Chéret. Le Monde Artistique. 1891.
Son intérêt pour la photographie remonte aux années 1890. Il est membre (1896) de la Société française de photographie et du Photo-Club de Paris (1899).
Le Cinématographe (1898-[1906])
Au début de l'année 1898, Achille Lemoine participe, comme photographe, à la mission Amélineau qui va découvrir le tombeau d'Osiris. Il se rend en effet en Égypte comme en témoigne E. Amélineau dont l'ouvrage Les Nouvelles Fouilles d'Abydos, est illustré de "plan, dessins et 24 planches d'après les photographies de M. Achille Lemoine":
Ce n'est que le 8 février 1898 que par hasard j'ai connu la provenance de la calcite. Je fis un jour une excursion dans le désert libyque en compagnie de mon ami, M. A. Lemoine, et de deux autres voyageurs auxquels j'avais donné l'hospitalité, et j'avais choisi la route qui va d'Abydos à l'oasis d'El-Khargeh, afin de voir si, comme on l'avait dit, on trouvait à la descente de la montagne vers la plaine d'Abydos un atelier où l'on avait taillé le silex.
E. Amélineau, Les nouvelles fouilles d'Abydos, Paris, Ernest Leroux Ed., 1902, p. 207.
C'st probablement lors de ce voyage qu'il va tourner plusieurs vues cinématographiques qu'il présente quelques mois plus tard lors d'une séance de la Société d'excursions des amateurs de photographie:
Séance du 14 mai 1899
Après un tour de la Grande Roue de Paris. par M. Lagrange et quelques vues cinématographiques de, M. A. Londe : Au Pied; du Moulin, le Moulin de Saint-Briac, les Pots cassés, la parole est à M. de Las Cases pour sa Causerie sur les Gorges du Tarn." L'auteur nous montre que nous avons en France des paysages admirables, des curiosités de toute beauté, et que nous allons souvent bien loin à l'étranger pour voir des choses moins captivantes. Les projections qui accompagnent sa présentation en sont la meilleure preuve.
M. Achille Lemoine montre alors quelques vues rapportées d'Egypte et nous pouvons suivre les détails des fouilles qui ont abouti à la découverte du tombeau d'Osiris. Notre aimable Collègue nous donne ensuite la primeur d'un certain nombre de vues mouvementées qu'il a rapportées également d'Egypte et qui ont été tirées spécialement pour cette Séance. Elles sont accueillies avec le plus grand succès ; parmi elles nous citerons les Rapides du Nil dans lesquels deux intrépides négrillons se jettent avec une audace incroyable ; le Départ d'une caravane de touristes ; l'Arrivée au Temple de Philée et enfin une Scène prise sur le bord du Nil. A gauche se dresse, un de ces dispositifs primitifs qui servent à puiser de l'eau dans le fleuve. Au second plan, sur' la crête d'un vallonnement des indigènes, des ânes, des chameaux passent et repassent. Ce petit tableau vraiment charmant est chaleureusement applaudi.
Bulletin de la Société d'excursions des amateurs de photographie, nº 26, juin 1899, p. 73.
À cette époque, il crée avec Paul Bergon et René le Bègue, le groupe des "Nudistes", d'inspiration pictorialiste, et l'on retrouve ses œuvres dans les publications photographiques comme Les Maîtres de la photographie (1900) ou la revue L'Étude académique.
Achille Lemoine.-Églogue.
(Salon de Photographie)
Le Figaro illustré, 19e année, 2e série, nº 140, Paris, novembre 1901.
Ses photographies n'hésitent pas à présenter des sujets féminins dénudés dans des poses académiques qui ne laissent pas indifférents les journalistes :
Mais que vois-je ? n'est-ce pas de quoi scandaliser toute l'Angleterre : du nu d'après nature, en pleine campagne !
M. Achille Lemoine, s'il n'a pas craint l'Angleterre, n'a-t-il pas craint le garde champêtre ?
Chut ! L'art a des privilèges, et les gardes champêtres les font respecter au lieu de les gêner.
Le Figaro, Paris, 4 mai 1898, p. 1.
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| Achille Lemoine Deux femmes dans un cabinet de peinture (c. 1900) |
Achille Lemoine La femme et la statue (1900) |
Ce talent photographique va être mis au service du chronophotographe Gaumont. En effet, son intérêt pour le cinématographe va le conduire à participer au Concours de Cinématographie organisé par l'Administration de la Société des Bains de Mer de Monaco, en février 1900. Il va d'ailleurs y remporter un prix :
Concours de Cinématographie de Monaco.-Le jury chargé d'examiner les envois faits à la société des bains de mer a décerné les prix suivants:
MM. le docteur Doyen, Désité-Adolphe Thiberville et Henri Valloury [sic], ex æquo pour le premier et les deux seconds prix, chacun 6.666 fr. 65; Albert Londe, 2.000 fr.; Fesquet, 2000 fr.; Emile Pouche [sic], 1.000 fr.; Achille Lemoine, 1000 fr.; Georges Meurant, 1.000 fr.; Joseph Lemercier, 1.000 fr.; le baron d'Arquivillier, 1.000 fr.; Thévenard, 1.000 fr.
Le Petit Marseillais, Marseille, 5 février 1900, p. 2.
Le dimanche 4 février, une matinée est organisée au Palais des Beaux-Arts de Monaco où sont projetés 27 films. Parmi les titres, l'un d'eux pourrait être de lui et lui avoir valu le prix de 1000 fr, si l'on en croit son titre, Phryné au Bain , en phase avec ses préoccupations créatrices du moment :
Une fort attrayante matinée a été donnée dimanche après-midi, au Palais des Beaux-Arts, à l'occasion de la proclamation des prix du Concours de Cinématographie organisé, on le sait, par l'Administration de la Société des Bains de. Mer. Les sujets primés ont été projetés sur une toile tendue dans le cadre de la scène du théâtre et ont émerveillé la nombreuse assistance, tant par la netteté des images que par leur pittoresque variété.
Voici la liste de ces sujets publiée dans l'ordre où on les a fait défiler, c'est-à-dire en terminant par ceux (cinquième série) qui ont obtenu les premiers prix :
PREMIÈRE SÉRIE
1. Un coin de Paddock (Courses de Nice).
2. Les Pompiers de Monaco.
3. L'Etoile de Monaco (Société de Gymnastique).
4. Départ en excursion.
5. Jeux d'enfants.
6. Le Hardy (Étalon).
DEUXIÈME SÉRIE
7. Défense d'une maison par des Chasseurs Alpins.
8.. A la file indienne.
9. Jeux d'enfants à Pékin.
10. Déchargement de Bois à Nawim (Sibérie) sur le Transsibérien.
11. La mer à Monte Carlo.
TROISIÈME SÉRIE
12. La Boxe Française (Charlemont et son prévot).
13. Course d'Automobiles — Paris-Amsterdam (Le défilé).
14. Phryné au Bain.
QUATRIÈME SÉRIE
15. Course dans les Dunes.
16. Assommage d'un bœuf à la Campagne.
17. La mer à Saint-Briac (Etude de vagues).
18. Déchargement d'un bateau (effet de fumée).
19. Déchargement du poisson à Dunkerque.
20. Vendanges dans le Midi de la France.
CINQUIÈME SÉRIE
21. Machine Agricole.
22. Vaches à l'Abreuvoir.
23. Laveuses au bord de l'eau.
24. Troupeau de Moutons.
25. Chevaux à l'abreuvoir.
26. Intérieur de ferme.
27. Opération chirurgicale du docteur Doyen (L'Ablation du goitre).
Toutes ces projections ont été fort admirées et la dernière. avant laquelle un court entracte avait permis aux personnes trop sensibles de quitter la salle, a vivement impressionné les spectateurs. En résumé, ce concours, auquel ont prix part les premiers amateurs de cinématographie du monde entier,, a donné de remarquables résultats et on, ne saurait trop en féliciter les généreux et intelligents organisateurs. Deux nouvelles séances des mêmes projections ont eu lieu hier et aujourd'hui avec un égal succès.
Journal de Monaco, 6 février 1900, p. 1.
Il présente également ses bandes cinématographiques quelques semaines plus tard à la Société d'Études Photographiques :
Société d'Études photographiques
Séance du 15 mars 1900.
[...]
Projections-Après que M. Carpentier nous a promenés dans les rues de Paris pendant le Carnaval, M. Roy nous montre une série de merveilleux clichés du musée du Trocadéro. Puis, vient M. Gilbert, avec ses dispositions toujours plus jolies, qu'on ne peut se lasser d'admirer et dont on voudrait voir toujours davantage. Enfin, la lanterne est donnée à M. Lemoine.
M. Vérax, sur le cinématographe-projecteur avec moteur électrique de la maison Gaumont, nous fait passer une série de vues cinématographiques dues à M. A. Lemoine. Après nous avoir montré les Danses antiques, M. Lemoine nous fait faire un petit voyage au Caire, où nous assistons au départ des troupes pour le Transvaal et où nous remarquons aussi que le "circulez" des agents parisiens est aussi à la mode. Sur un bateau, nous parcourons les rives du Nil; vous visitons une série de fouilles très intéressantes. Puis instantanément, nous sommes rentrés en France, où nous assistons aux exercices des écoles à feu.
Toutes ces projections sont saluées d'applaudissements, et c'est à une heure assez avancée que M. Roy lève la séance.
Le secrétaire-adjoint
PAUL COLLEMANT.
15 mars 1900.
Le Moniteur de la photographie, 2e série. Tome VII, 39e année,. nº 9, 1er mai 1900, p. 144.
Or dans le catalogue Gaumont figurent deux vues d'Achille Lemoine (désigné par ses initiales) Baigneuse au bord d'un étang et Danse grecque, la première étant très probablement celle qui a été présentée à Monaco, Phryné au Bain. Il existe dans le répertoire Gaumont d'autres vues érotiques, les premières datent probablement de 1897 (La Sortie du bain, Peintres et Modèles, L'Indiscret et Le Tub), les suivantes ont été présentées dans un catalogue spécial "Série de Veilles Estampes" (1907). Il reste difficile de savoir si Achille Lemoine a pu participer à ces tournages. Sur une photographie attribuée à Achille Lemoine, on retrouve des décors et une atmosphère qui rappellent certaines vues de ce catalogue.
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| Achille Lemoine. Théodora choisissant des esclaves (projet d'illustration pour un livre) L'Épreuve photographique (1re série). Paris. Librairie Plon. 1904. |
Le Marchand d'esclaves (c. 1907) "Vieilles estampes" (Elgé) |
Et après... (1907-1948)
Hormis la courte période de collaboration avec Gaumont, on ne connaît point d'autre activité en relation avec le cinématographe. Au cours de cette même année 1900, Achille Lemoine est fréquemment appelé à régler les "tableaux vivants" de spectacles comme La Belle Hélène au théâtre des Variétés, en septembre 1900 :
Le deuxième acte comprend un intermède de tableaux vivants, sorte de revue à la vapeur dans laquelle les artistes des Variétés alternent avec des modèles de peintres.
C'est M. Achille Lemoine, le clubman bien connu, qui règle ces tableaux avec M. Samuel.
Le Gaulois, Paris, 6 septembre 1900, p. 3.
Carton d'invitation à l'exposition de photographies. Paris. 15 février 1902.
En quelques années, il devient une référence en matière de tableaux vivants dont il règle des détails pour la représentation de L'âge d'or aux Variétés:
La nuit est réservée aux travaux de la machinerie et de l'électricité. Le jour est occupé par de méticuleuses répétitions qui commencent dès le matin et s'achèvent à six heures du soir. La troupe des Variétés au grand complet prend part à ces répétitions. Elle vient d'être renforcée d'un nombreux bataillon de jolies femmes qui manœuvrent sous la direction de M. Achille Lemoine, le grand maître "des tableaux vivants". On espère passer du 15 au 18 avril.
Le Figaro, Paris, 3 avril 1905, p. 5.
"Son ami Achille Lemoine"
Comoedia, Paris, 11 août 1910, p. 3.
Il décède à Cauvigny en 1948.
