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- Mis à jour : 1 juin 2021
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PHONO-CINÉMA-THÉÂTRE
Jean-Claude SEGUIN
Historique
Le Phono-Cinéma-Théâtre à l'Exposition universelle (avril-novembre 1900)
Lors de l'Exposition Universelle, une curiosité cinématographique allie les vues cinématographiques et le phonographe. C'est Marguerite Vrignault qui a eu l'intuition de ce type de spectacle, et elle est parvenue à convaincre Paul Decauville de financer l'affaire et Clément-Maurice d'assurer le tournage des films sonores. Le pavillon dispose de deux salles de projection et il revient à Félix Mesguich de s'occuper du bon fonctionnement des appareils :
Pour les projections parlantes, l'installation était également très simple. Devant l'écran, à la place de l'orchestre, se trouvaient deux petits boxes pour le phonographe et les appareils à bruit. Dans le cornet du phonographe, il y avait un microphone qui prenait le son, qu'un tube acoustique amenait à la cabine de l'opérateur, Félix Mesguich. Une lampe rouge s'allumait au déclenchement du cylindre phonographique pour permettre le départ simultané du film. L'opérateur, au moyen d'un casque ou simplement du cornet acoustique, avait le son dans l'oreille : il réglait alors sa manivelle au son et tournait plus ou moins vite pour que les paroles ou les bruits tombassent " juste ".
Henry Cossira, " La Résurrection du Phono-Cinéma-Théâtre ", L'image, nº 55, 31 mars 1933, p. 24-25.
Dans la seconde salle, ce sont les fils de Clément-Maurice, Georges et Léopold qui font tourner les appareils :
C'était mon frère Georges qui tournait la manivelle du projecteur, écoutant par une ouverture de la cabine le son qu'émettait dans la salle le phonographe à rouleau de marque Edison [sic] : Le synchronisme était approximatif, surtout lorsqu'il m'arrivait de le remplacer, car je n'avais pas son expérience pour suivre le son en accélérant ou ralentissant le projecteur. Qu'importe, le succès était considérable et la salle toujours pleine.".
Bulletin de l'Association Française des Ingénieurs et Techniciens du Cinéma, nº 29, 1969, p. 6.
Il reste deux jours avant la fin de l'Exposition Universelle de 1900, lorsque s'ouvre une salle, au 42 bis boulevard Bonne-Nouvelle, le 10 novembre 1900, pour l'exploitation du Phono-Cinéma-Théâtre. On peut penser que Félix Mesguich et, bien sûr, Marguerite Vrignault participent à la mise en place du local et à son inauguration. Pendant de longs mois, le spectacle est annoncé dans la presse jusqu'à sa probable clôture au début du mois de mai 1901. Mais très rapidement, une autre équipe d'opérateurs - peut-être les enfants de Clément-Maurice, Georges et Léopold - va faire tourner le dispositif audio-visuel.
La première tournée européenne du Phono-Cinéma-Théâtre (janvier-[octobre] 1901)
Le succès tout à fait modeste du Phono-Cinéma-Théâtre à l'Exposition universelle de 1900 conduit Marguerite Vrignault à mettre en place plusieurs tournées afin de rentabiliser le spectacle déficitaire comme elle l'explique ci-après :
À la fermeture de l'Exposition, de tous les établissements de la rue de Paris, le Phono-Cinéma-Théâtre fut le seul à ne pas faire faillite ! J'avoue que cela me coûta fort cher. Avec Mesguich, nous promenâmes le Photo-Cinéma-Théâtre dans toute la France et dans l'Europe entière.
Henry Cossira, " La Résurrection du Phono-Cinéma-Théâtre ", L'image, nº 55, 31 mars 1933, p. 26.
Félix Mesguich le confirme bien et apporte quelques informations complémentaires sur ce périple :
Les portes de l'Exposition à peine fermées, je pars pour une tournée de trois mois avec le programme du Phono-Cinéma-Théâtre.
Commencé à Reims, notre itinéraire traverse l'Allemagne, l'Autriche et la Suisse. Dans les villes du Duché de Bade et de Bavière, puis au Victoria-Hall à Genève, nos représentations sont accueillies comme un triomphe.
Mesguich,1993, 33.
En réalité, et cela s'explique, la mise en place des tournées prend un peu de temps. Des projections ont lieu à Madrid et Lyon sans que nous sachions qui les organise, ce qui n'est pas le cas à Genève. Ainsi, la présentation du Phono-Cinéma-Théâtre au Victoria-Hall a lieu précisément le 2 février 1901, le jour où lui-même est en train de filmer les funérailles de la reine Victoria à Londres... A-t-il eu le temps de rentrer précipitamment et arriver le jour même en Suisse ? À moins qu'un autre collaborateur - peut-être l'un des enfants de Clément-Maurice - ait lancé le spectacle avant son arrivée. Ce que l'on sait c'est que Les Obsèques de la reine Victoria sont projetés à partir du 11 février, ce qui indique que Mesguich est sur place avec son film.
Les déclarations respectives de Marguerite Vrignault et de Félix Mesguich accréditent l'idée qu'il n'y aurait eu qu'un seul appareil. Toutefois certaines incohérences chronologiques et la présence de deux Phono-Cinéma-Théâtre - dans un cas - laisse planer le doute. N'oublions que les enfants de Clément-Maurice ont aussi les qualités techniques pour faire fonctionner l'appareil. Le dispositif est en tout cas très présent entre 1900 et 1902 : Dijon, Troyes, Chalon-sur-Saône, Saint-Étienne, Reims, Châlons-sur-Marne, Karlsruhe, Stuttgart, Stockholm...
Le Phono-Cinéma-Théâtre à l'Olympia (octobre-[décembre 1901])
Au terme de ces tournées, Félix Mesguich, pendant quelques semaines, s'installe à l'Olympia avec le Phono-Cinéma-Théâtre. Il l'évoque dans Tours de manivelle, même s'il situe cela, par erreur, au début de l'année 1901, alors qu'il s'y trouve en octobre-décembre 1901 :
À notre retour à Paris, au début de 1901 [sic], c'est à l'Olympia, sous la direction des frères Isola, que nous présentons désormais le programme du Phono-Cinéma-Théâtre.
Cela ne va pas toujours sans difficulté. je me souviens notamment, qu'un soir. j'étais enfermé dans ma cabine, au premier étage, tandis que M. Berst était placé avec son phono à l'orchestre. La salle se trouvait plongée dans l'obscurité, lorsqu'une main malveillante coupa le fil de transmission acoustique qui me permettait de suivre à distance, au moyen d'un récepteur, la marche du cylindre. Sans interrompre la séance, je réussis néanmoins à terminer ma projection dans un synchronisme parfait, et personne ne s'aperçut que l'opérateur avait été subitement frappé de surdité.
Mesguich,1993, 33-34.
Les phono-cinéma-théâtres en Europe (1902-1904)
La production initiale de l'année 1900 est complétée par de nouvelles vues chantantes qui sont distribuées, au moins à partir de 1903, par la maison Mendel.
Le phono-cinéma théâtre va connaître une diffusion européenne assez remarquable à paritr de 1902. Il semble qu'il y ait en fait plusieurs appareils qui tournent sur le continent, mais il reste délicat de savoir si Félix Mesguich fait toujours équipe avec Marguerite Vrignault. Un premier phono-cinéma-théâtre circule dans l'Europe du Nord et du Centre, puisque des séances sont sont organisées à Amsterdam (janvier 1902), à Munich (janvier 1902), à Vienne (février 1902), à Salzbourg (juillet 1902)... Un second appareil fait une tournée en Espagne: Valence (Teatro Principal, juillet-août 1902), Palma de Majorque (décembre 1903) présenté par M. Ribas qui a l'exclusivité puor les Baléares.
La production espagnole de phono-cinéma-théâtre (1904)
Palmira GONZÁLEZ LÓPEZ
Jean-Claude SEGUIN VERGARA
Dès 1904, des productions espagnoles de phono-cinéma-théâtre sont produites. C'est à Barcelone que l'on trouve les premières exploitations connues. au jardín de Novedades, des films sonorisés sont présentés: Sevillanas, Jota aragonesa, Duo de Marina...