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- Création : 24 mars 2015
- Mis à jour : 30 août 2024
- Écrit par Jean-Claude Seguin
- Affichages : 11357
Georges DE BEDTS
(Gand, 1857-Bruxelles, 1910)
Jean-Claude SEGUIN
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François De Bedts (Ghistelles, 16/11/1778-Antwerpen, 24/07/1838) épouse Isabella Dautricourt. Descendance :
- Auguste ,Germain, François De Bedts (1813-≤ 1887) épouse Elisabeth Radoux (Anvers, [01/10/1831]-Bruxelles, 02/03/1901)
- Georgius, Josephus, Franciscus, Augustus De Bedts (Gand, 30/07/1857-Bruxelles, 24/12/1910) épouse (Cleveland, 20/04/1881) Minnie Carey [Mimmie Kearey] (1861-). Descendance :
- De Bedts (Cleveland, 22/04/1882-)
- Léonie, Georgette, Catherine, Elisabeth De Bedts épouse (Bruxelles, 23/01/1909. Div.) Joseph, Guillaume, Théodore Meert (Bruxelles, 02/04/1882-Paris 4e, 05/03/1951)
- Leonie, Thérèse, Isabelle De Bedts (Courtrai,04/05/1859-) épouse (Courtrai, 09-05-1883) Jean Guillaume Edouard Marynen (Bruxelles, 06/04/1855-)
- Georgius, Josephus, Franciscus, Augustus De Bedts (Gand, 30/07/1857-Bruxelles, 24/12/1910) épouse (Cleveland, 20/04/1881) Minnie Carey [Mimmie Kearey] (1861-). Descendance :
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Origines (1857-1889)
François De Bedts, grand-père de Georges, conservateur des bâtiments militaires d'Anvers, est fait chevalier de la Légion d'Honneur (14/04/1807). Auguste De Bedts, le père de Georges, fonde son studio photographique en 1850, à Courtrai où il a installé son atelier dans l'ancien couvent des Recollets. Il est connu pour avoir réalisé ce que l'on considère comme le premier reportage photographique à Courtrai : " Incendie de la tour et de l'église de St-Martin, à Courtrai, détruites par la foudre, le 7 août 1862 ", un ensemble de trois tirages albuminés. Peu après, il transfère son commerce, rue de la Lys.
Aug. De Bedts, Incendie de la tour et de l'église de St. Martin à Courtai, 1862 [D.R.] | Aug. de Bedts, Courtrai, Couple inconnu, années 1880 [D.R.] |
L'Écho de Courtrai, Courtrai, 5 décembre 1858, p. 4 | L'Écho de Courtrai, Courtrai, 14 août 1887, p. 2. |
Après son décès, c'est son épouse, Elisabeth Radoux qui va reprendre le commerce jusqu'en 1887, date à laquelle elle cède son établissement photographique :
Madame Ve Auge De Bedts, à l'honneur d'informer sa nombreuse clientèle, que depuis le 1r Mars, elle a cédé son établissement Photographique, 12, rue de la Lys, à Courtrai, ainsi que les clichés faits depuis 1859, à Monsieur MACAIRE.
Le beau travail de Mr et Mme Macaire les recommandent particulièrement à notre honorable clientèle des Flandres.
Se mettre en garde contre des courtiers en photographie se disant les successeurs de notre établissement. La maison De Bedts, trop bien connue, n'a aucun voyageur allant de maison en maison solliciter du travail.
L'Écho de Courtrai, Courtrai, 14 août 1887, p. 2.
C'est dans ce contexte photographique et artistique que s'éduque Georges - le prénom " William ", dont on trouve une occurrence au moins sur son brevet du 14 janvier 1896, pourrait être un nom usuel qui ne figure pas sur son acte de naissance - De Bedts. À l'âge de 23 ans, il quitte Anvers, à bord du Rhineland, le 1er janvier 1880 et arrive le 14 janvier à New York. Il s'installe alors à Cleveland, dans l'Ohio. Moins d'un an après, il épouse, en 1881, Minnie Kearey (ou Carey). Il semble avoir exercé la profession de pharmacien. Le couple part peu après pour l'Europe, avant de revenir aux États-Unis, à bord du Nederland, le 24 octobre 1881. Le couple habite à Cleveland, au 408, Saint-Clair et a un fils, en 1882. Il réside dans l'Ohio pendant cinq ans, temps nécessaire à sa naturalisation qu'il obtient en octobre 1885. Il exerce, à cette époque-là, la profession de voyageur de commerce. L'environnement de Georges De Bedts est également complété par sa sœur qui épouse, en 1883, un photographe belge, installé à Bruxelles, Jean Marynen.
Représentant de l'Eastman Cie (1890-1894)
C'est dans les premiers mois de l'année 1890 que Georges De Bedts retourne en Europe. Il est désormais le représentant de l'Eastman Cie et, à ce titre, il parcourt l'Europe. Ainsi, on le retrouve, à Göteborg (Suède), en février où la presse signale sa présence :
I Rochester vid Newyork började Eastman i anspråkslösa dimensioner sin verksamhet. Snart lyckades han att för sina uppfinningar intressera penningemän, och sedan nödigt kapital stälts till hans förfogande, gick det hurtigt framåt med arbetet. En filtal för den europeiska marknaden visade sig, hvad det led, af behofvet påkallad, och en sådan grundades då i London med mr W. H. Walker som chef. För så väl den amerikanska som den engelska afdelningen är mr De Bedts representant.
Sjelf skicklig fotograf, är han icke allenast i stånd att framvisa firmans tillverkningar och de arbeten, som på det af dem producerade, verldsbekanta rapidförstoringspapperet kunna utföras, utan han förstår äfven att låta apparaterna verka och att praktiskt visa, huru bilderna åstadkommas.
Göteborgs-posten, Göteborg, 22 février 1890, p. 2.
Dans ces quelques lignes, on apprend que l'homme clé d'Eastman à Londres est W. H. Walker et que Georges De Bedts agit bien comme représentant de la maison américaine. Dans l'article, il est présenté comme photographe autodidacte, ayant une très bonne connaissance des appareils photographiques et de la technique. Il se rend également à Courtrai, pour des affaires privées qui concernent sa mère :
Photographie à céder. Aff. 18000. S'adres. De Bedt, à Courtrai.
Le Petit Journal, Paris, 21 mai 1890, p. 4.
En fait, le couple Macaire, successeurs de la mère de De Bedts, a ouvert son nouvel atelier dans la Leiestraat, en 1890, et Georges ou sa propre mère sont à la recherche d'un nouvel acquéreur. Il est probable que De Bedts soit déjà installé, à ce moment-là à Paris. On va le retrouver un peu plus tard, en août 1890, à Vienne (Autriche-Hongrie) en août 1890 où il organise une présentation-démonstration des appareils, papiers et films de la maison Kodak, dans les salons de l'hôtel Metropole.
Vor einigen Tagen weilte hier Mr. G. W. de Bedts, Repräsentant der Eastman Photographic Materials Comp. in den Vereinigten Staaten und London, um die Fach- und Amateur-Photographen zur Besichtigung seiner neuen Erfindungen auf photographischem Gebiete einzuladen, und zwar Vergrößerungen bis zu 1 Meter 70 Centimeter, Negative auf sogenannte Transparent-films, Rollcassetten, Kodak-Cameras u. s. w. Mr. de Bedts gab in deutscher Sprache Aufklärungen über die neuen Processe und Verfahren seiner Transparent-films, welche aus Celluloid hergestellt sind und das Glas in der Photographie vollständig ersetzen. Diese films sind hochempfindlich, dünn wie Papier, durchsichtig wie Glas, lassen sich rollen und werden wie Trockenplatten behandelt. Im Reiche der Photographie bereitet sich somit eine gewaltige Umgestaltung vor: die Verdrängung der Glasplatten, was gewiss von hohem Interesse ist. | |
Österreichische Kunst-Chronik, 10. August 1890, p. 491. | Neue Freie Presse, Vienne, 3 août 1890, p. 13. |
Il retourne à Vienne, en avril 1891, où il descend à l'hôtel Metropole.
Dans la capitale française, depuis 1886, c'est l'Office Général de Photographie de Paul Nadar qui est l'agent de l'Eastman Cie. Si l'on en croit certains entrefilets, il semble qu'une concurrence illégale ait pu exister :
Ajoutons que la Compagnie américaine Eastman, dont Nadar est seul représentant en France, a également obtenu une médaille d'or.
La Cocarde, Paris, 4 octobre 1890, p. 2.
Dans le deuxième numéro de la nouvelle revue lancée par Nadar, Paris-Photographe, en mai 1891, il apparaît encore comme " représentant général de la Compagnie Eastman ". Dans ce numéro d'ailleurs, dans un article signé Balagny, il est question des " plaque souples " qui sont en train de se développer à partir de celles fabriquées par Eastman et distribuées par le représentant Nadar.
Il convient aussi de citer ici l'heureuse idée, l'invention de notre ami M. David, membre de la Société française de photographie, qui, le premier, imagina d'étendre le bromure d'argent sur des couches de celluloïde. La France à bon droit peut revendiquer cette intervention.
Les Plaques Souples de la maison Lumière, préparées d'après les procédés Balagny, sont aujourd'hui fabriquées d'une façon très égale, très régulière, et d'une grande rapidité. Avoir un insuccès avec ces plaques est aujourd'hui chose rendue presque impossible.
Quelques mois après l'apparition des Plaques Souples, la maison Eastman mit dans le commerce ses papiers réversibles positifs et négatifs.
Tout récemment encore la même maison les a perfectionnés en les fabriquant comme nous-mêmes en bandes et en morceaux transparents. Nous nous sommes servi souvent de ces produits, et oubliant un instant que nous avons une fabrication du même genre, nous ne pouvons qu'adresser nos compliments à notre confrère et ami M. Paul Nadar, qui a eu l'heureuse idée de mettre la haute notoriété de sa maison au service de ces nouveaux procédés, en prenant la représentation des papiers et pellicules Eastman. [...] BALAGNY.
Balagny, " Historique des procédés pelliculaires ", Paris-Photographe, Paris, vol. 1, nº 2, 25 mai 1891, p., 73.
L'intérêt de cet extrait d'article réside dans le fait qu'il évoque la concurrence déjà naissante entre Balagny et Eastman, le premier fournissant la maison Lumière pour ses " Plaques souples ". Nous sommes, ne l'oublions pas, à la veille de la découverte du cinématographe pour lequel les pellicules vont être un enjeu majeur.
Annuaire-almanach du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration Paris, Firmin Didot et Bottin réunis, 1888, p. 1781 © Bibliothèque Nationale de France |
Le Figaro, Paris, 16 décembre 1888, p. 4 |
Paris-Photographe, vol. 1, nº 1, 25 mai 1891 |
Pourtant, au cours de l'année 1891, les choses se gâtent entre la Eastman Cie et son représentant en France, Paul Nadar. De fait, dès le mois de juin 1891, la formule " représentant général de la Compagnie Eastman " a disparu de la revue. En réalité, Nadar va attaquer la société pour non-respect du contrat qui les lie. Ça n'est pas tout : la situation financière s'est compliquée parce qu'en 1891 certains actionnaires n'ont pas été réglés. C'est alors que Georges Eastman décide d'ouvrir une succursale dans la capitale française et, il va de soi, que son homme dans cette affaire, n'est autre que le propre George Bedts qui va reprendre les choses en main, dès l'automne 1891. Il commence d'ailleurs à faire parler de lui. Dans le compte rendu d'une séance du Photo-Club de Paris, nous savons qu'il a voyagé en Amérique :
Photo-Club de Paris : Séance du Mercredi 11 novembre 1891.
[...]
M. de Bedts montre une série de vues exécutées par lui en Amérique et en Égypte avec un appareil "Kodak".
La Société remercie MM: Balagny et de Bedts de leurs belles projections.
Bulletin du Photo-Club de Paris, Paris, 1891, p. 306-307.
Par ailleurs, il a apparaît, dès novembre 1891, comme directeur de la succursale d'Eastman, à Paris, et à ce titre, il se montre généreux, comme l'indique le Bulletin de la Société Française de Photographie :
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHOTOGRAPHIE
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE LA SOCIÉTÉ
Procès-verbal de la séance mensuelle du 6 novembre 1891
[...]
M. Maurice Bucquet, Président du Comité du Photo-Club, adresse la lettre suivante :
Monsieur Le Président,
J'ai l'honneur de vous faire remettre un agrandissement du groupe des Membres du Congrès de Bruxelles fait pendant l'excursion de Villers-la-Ville.
Je vous serais reconnaissant de vouloir bien l'offrir à la Société française de Photographie, de la part du Photo-Club de Paris, comme un hommage de notre jeune Société.
Nous avions chargé la compagnie Eastman d'exécuter cet agrandissement et quand M. de Bedts, le Directeur de la succursale de Paris, a su qu'il était destiné à la Société française, il a tenu à nous l'offrir à titre gracieux.
Veuillez agréer, etc.
Cet agrandissement 45 x 60, très bien réussi, provient d'un cliché 9 x 12 fait par M. Maurice Bucquet.
Des remerciements seront adressés au Photo-Club ainsi qu'à la compagnie Eastman pour cet hommage.
Bulletin de la Société française de photographie, 1891, p. 359-360.
Peu de temps après, la Eastman Compagnie va également ouvrir une autre succursale à Nice, le 1er décembre 1891 (L'Amateur photographe, supplément au nº du 15 décembre 1891). Nous ne connaissons pas précisément la structure de la succursale de Paris, mais il semble que Georges De Bedts ait eu pour collaboratrice une certaine Mlle Leonardon comme l'indique le compte rendu d'une réunion de l'Eastman Company, organisée à Londres, au Bloomsbury Hall. Outre les employés de la société, les succursales parisiennes et niçoises y sont également représentées :
Paris, represented by Mr. De Bedts and Mlle. Leonardon, Nice, Harrow, represented by about 120, and Oxford-street turned out to a man, were unanimous in their regret at the loss of such a chief, and in their love for and admiration of his great abilities and attractiveness of character.
The British Journal of Photography, Londres, 6 janvier 1893, p. 12.
On peut estimer à environ trois ans la durée de la direction de la succursale par Georges De Bedts. Nous avons la chance de disposer de la correspondance privée de George Eastman qui nous éclaire, en partie du moins, sur les rapports qu'il entretient avec le responsable parisien et sur la situation de la succursale. Il se trouve à Paris, à l'été 1892, et il rend compte à sa mère Maria Kilbourn Eastman, de façon assez précise, des étapes de ce séjour. Dans un premier courrier, en date du 11 août 1892, voici ce qu'il écrit :
George Eastman to Maria Kilbourn Eastman, 11 August 1892 George Eastman Legacy Collection © George Eastman Museum |
Deux éléments dominent dans ce courrier, d'une part, la satisfaction qu'éprouve George Eastman en découvrant, au 4 rue Vendôme, la boutique installée par De Bedts qu'il n'a pas l'air de très bien connaître, d'autre part, des considérations plus " privées " où l'on découvre un Eastman gastronome à la recherche d'un cuisinier français en Belgique... Les affaires pourtant ne marchent guère et la succursale va vite perdre de l'argent. Un nouvel homme rentre en jeu, George Dickman (-1899), qui a rejoint la société en mars 1892. Il va reprendre les rênes de l'agence parisienne dès 1893 et constate la détérioration de la situation. Georges De Bedts, pour sa part, cherche à monter sa propre entreprise de papiers et plaques photographiques... Il ne fait pas de doute que, sans en avoir alors conscience, il va se retrouver dans une position idéale lorsque deux ans plus tard, il sera partout question du cinématographe.
Les activités ciné-chronophotographiques (1894-1898)
Il existe une continuité certaine entre les activités de la Eastman Cie et celle de The European Blair Camera Co Limited. Thomas Blair (1855-1919), dès 1891, a commencé à produire industriellement des rouleaux de films celluloïde et devient vite le premier fournisseurs en pellicules du kinetoscope d'Edison. La crise que traverse la compagnie conduit Blair à en quitter la direction et à s'installer en Grande-Bretagne où il fonde The European Blair Camera Co Limited.
Photographie |
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Bulletin de Photo-Club de Paris, 1895 | Le Journal de la Jeunesse, nº 1201, janvier 1896, p. 421 |
Pour sa part, Georges De Bedts ouvre une boutique au 368, rue Saint-Honoré, The Anglo-American Photo Import Office, en 1894. Il dispose alors d'un véritable réseau qui va lui être particulièrement utile. La chance et l'opportunisme vont faire de Georges De Bedts une figure originale des origines du cinématographe. À une époque où la question des films pelliculaires devient essentielle, il se retrouve au centre de l'aventure. Il devient, dès 1894, le représentant de The European Blair Camera Co Ld. Dans un premier temps, il va se rapprocher de Georges Demenÿ qui a fondé, en 1892, la société du Phonoscope et qui vient de breveter, le 10 octobre 1893, une caméra chronophotographique à came battante. Dès l'automne 1894, Georges De Bedts se charge de la commercialisation de l'appareil de Demenÿ :
ECHOES OF SCIENCE
M. George Demeny has invented a chronophotographic camera, by which a quick succession of photographs of a person smiling can be taken, suitable for combining in a zoetrope apparatus, so as to give an animated reproduction of the future, in short a “speaking likeness.” The problem to be solved is the same as that of Edison’s kinetograph, but M. Demeny’s apparatus is much simpler than Edison’s and quite portable. We have not space to describe the mechanism, but the instrument can be seen at the Anglo-American Import Office, 368, Rue Saint-Honoré, Paris.
The Globe, London, Friday, October 5, 1894, p. 6.
Les deux hommes semblent au mieux puisque un projet de contrat, daté du 15 juillet 1895, envisage de formaliser une réelle commercialisation exclusive de l'ensemble des appareils inventés par Georges Demenÿ :
Mr. Demenÿ concède à Mr. de Bedts qui accepte sous les conditions suivantes, le dépôt général exclusif pour la France et ses Colonies, des appareils et inventions brevetées lui appartenant relatives à la photographie du mouvement, savoir : 1º L'appareil à séries photographiques, modèle pour amateurs, 2º L'appareil " Phonoscope " de salon et pour projections animées, 3º Les disques à images positives pour phonoscopes et zootropes ordinaires.
Ne sont pas compris dans le dépôt, les appareils destinés à projeter les positifs en longues bandes pour illusions théâtrales, les appareils à séries photographiques pour professionnels donnant de grandes images négatives et les appareils phonoscopes automatiques. Les appareils précédents n'étant pas encore construits feront l'objet d'une autre branche d'exploitation que se réserve Mr. Demenÿ.
Cité dans Laurent Mannoni, Le Grand Art de la lumière et de l'ombre, Nathan Université, 1994, p. 387.
Le propre Demenÿ a évoqué les difficultés qu'il a rencontrées pour " placer " son phonoscope dans la conférence qu'il donne à la Ligue Française de l'Enseignement et qui est publiée sous le titre Les Origines du cinématographe :
Mon affaire passa alors entre d'autres mains sans aboutir à l'exploitation. MM. de Bedts, Otto, Krauss, Martin, Prieur, Watillaux, Barbou, etc., l'eurent tour à tour sans oser l'entreprendre. Autant de projets de contrats, autant d'insuccès, autant de ruptures.
Pourtant la collaboration ne prospère pas, et c'est finalement avec Léon Gaumont que Demenÿ va signer un contrat, le 22 août 1895. Le volte-face peut surprendre, mais souligne surtout l'effervescence qui parcourt toute l'année 1895 depuis les premières projections organisées par les Lumière et, surtout, les doutes réels qui pèsent sur l'intérêt commercial de l'appareil de Demenÿ. Georges De Bedts reste malgré tout au cœur de ces échanges, car il a pour lui, bien entendu, sa parfaitement connaissance de la pellicule qui va devoir être produite en quantité pour " nourrir " les appareils. Le 6 mai 1895, il a déposé la marque "Impérial" pour désigner des papiers photographiques. En octobre c'est la marque "Bull's Eye" qui désigne des appareils photographiques.
On oublie souvent que la pellicule, d'abord envisagée pour la photographie, va trouver, avec les appareils chronophotographiques, un débouché exponentiel, à 16 photographies animées par seconde. Comme dans le cas des Lumière, Georges De Bedts est avant tout intéressé par la pellicule bien plus que par les appareils qui ne sont, en fin de compte, qu'une machine qu'il faut alimenter. Et question pellicule, il est bien entendu aux avant-postes. D'ailleurs, il fournit Léon Gaumont comme en témoigne le courrier suivant :
Paris, le 7 septembre 1895
Monsieur Demenÿ
Chez Monsieur Desjobert,
à Locquirec, près Morlaix, Finistère
Cher Monsieur
J’attendais, pour faire l'expédition des pellicules, de pouvoir faire un envoi de quelque importance. En dehors des trois rouleaux que vous avez emportés, la maison Debetz n'en avait que trois autres en magasin. Pour nous donner satisfaction, Monsieur Debetz a bien voulu faire couper en deux des bobines de 12 cm, ce qui me procure le plaisir de vous adresser aujourd'hui, par colis postal, à l'adresse que vous nous avez indiquée, 15 bobines de 60 mm de largeur.
J'espère que vous nous rapporterez des vues intéressantes de votre voyage..
Monsieur Debetz m'a appris qu'il venait d'obtenir la concession pour la France, d'appareils genre Edison, il m'a montré de petites vues en bandes de 10 mètres de loin que j'ai trouvé très réussies.
Veuillez agréer, Monsieur, mes bien sincères salutations.
L. Gaumont & Cie
Corcy, 1998, p. 45.
En fait, Georges De Bedts semble avoir préféré une imitation du kinetoscope Edison - nous savons que les Werner sont sur la brèche et viennent juste de déposer, en juin 1895, un brevet pour leur kinetoscope - pour écouler ses pellicules. De Bedts a très bien compris que son heure est arrivée et il veut sans doute coiffer les Lumière sur le fil. Il lui manque un appareil qui puisse concurrencer le projet du cinématographe. Qu'à cela ne tienne, il va se lancer dans la construction d'un chronotographe, au cours de l'automne 1895 - et, suivant en cela la technique d'Edison, il annonce à qui veut l'entendre qu'il est sur le point de réaliser son Xronos, ce qui ne peut qu'éveiller l'inquiétude des Lyonnais comme le démontre la lettre suivante envoyée à Jules Carpentier :
2 novembre 1895
Cher Monsieur Carpentier,
Je viens vous demander de vouloir bien nous retourner le premier appareil de vous avez construit, pensant que les modifications projetées sont maintenant apportées. Nous avons un certain nombre de promesses d'exhibitions à remplir et cet appareil nous manque beaucoup, étant donné son fonctionnement si précis.
Nous serions très désireux d'avoir quelques nouvelles de la construction des vingt-cinq premiers. On nous talonne de tous côtés et mon père, en particulier, voudrait que ce fût déjà prêt, car il désire s'occuper de cette affaire.
D'autre part, De Bedts (the anglo-americain import officer) continue à faire le plus de bruit possible avec son chronos et il serait vraiment très regrettable qu'il montrât quelque chose avant nous.
Nous comptons donc, mon Cher Monsieur Carpentier, sur votre bonne amitié pour activer le plus possible la construction et dans l'attente de vous lire, nous vous prions de croire à nos sentiments bien amicalement dévoués. L. Lumière.Lumière, 1994, 53-54.
Beaucoup de bruit, pour presque rien, c'est ce que semble penser Jules Carpentier dans la réponse qu'il fait parvenir, deux jours plus tard, aux Lumière :
Le 4 novembre 1895
[...]
Je sais que Monsieur De Bedts se remue beaucoup : son appareil d'essai existe ; il a fait des bandes et les a projetées. Leurs dimensions sont rigoureusement celles du kinétoscope d'Edison. Mais il n'est pas encore près, je crois, de livrer des appareils. De notre côté nous ne perdons pas une minute
[...]
J. Carpentier
Lumiere, 1994, 55
Incontestablement, Georges De Bedts se démène comme un beau diable et, après l'échec du projet avec Georges Demenÿ, il va tenter de dévoyer Henri Joly, alors collaborateur de Charles Pathé, comme le raconte ce dernier :
Je remarquai sur ces entrefaites que, depuis quelques jours, M. Joly sortait sans raison toutes les après-midi. Chaque fois, il revenait dans un état de fébrilité croissante. Que pouvaient bien cacher ces mystérieuses allées et venues ? J'avais beau chercher, je n'arrivais pas à le découvrir.
Au bout d'un certain temps on me livra le clef de l'énigme. Mon associé était entré en pourparlers avec un certain M. Debets. Il s'engageait, me disait-on, à lui fabriquer des appareils cinématographiques inspirés par les articles que la Maison Lumière commençait à révéler au grand public dans la revue La Nature.
Charles Pathé, De Pathé frères à Pathé Cinéma (1940), Premier Plan, nº 55, 1970, p. 29-30.
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Finalement, l'accord avec Henri Joly tourne court. Une information non dénuée d'intérêt c'est que les frères Lumière reçoivent un courrier daté du 11 novembre 1895, de " Marynen ". Or il se trouve que ce dernier n'est autre que Jean Marynen, photographe lui-même, le propre beau-frère de Georges De Bedts... difficile de croire à une pure coïncidence.
Lumière à Marynen, 14 novembre 1895
© Collection Lefrancq
La réponse que les Lyonnais envoient est similaire à toutes celles qu'ils expédient au cours du mois de novembre, alors que la décision sur le devenir des appareils n'est pas encore prise. Georges De Bedts a-t-il mandaté son beau-frère pour obtenir des informations ? Toujours est-il qu'il est donc bien obligé de se lancer, lui-même, dans la construction de son propre appareil, mais il lui faut du temps pour le mettre au point... Malgré l'agitation de De Bedts, il semble que les choses ne soient pas aussi simples, et ce dernier échoue dans sa tentative de doubler les Lumière. Ça n'est que dans les premiers jours de janvier 1896 qu'il dépose, presque coup sur coup, deux brevets, le premier pour une poinçonneuse, le second pour un " système de mécanisme à mouvement intermittent applicable aux appareils chronophotographiques " :
253103, 10 janvier. De Bedts-Poinçonneuse destinée au perforage des pellicules utilisées pour la photographie et la reproduction des images mouvementées.-Elle se compose essentiellement d'une poinçonneuse mise en mouvement par une manivelle, et d'un cylindre portant les poinçoins qui servent à l'entraÎnement de la pellicule et qui est mis en mouvement par une roue à rochet.
L'Ingénieur civil, 01 juillet 1896, p. 975.
Bulletin Officiel de la Propriété Industrielle et Commerciale, année 1896, p. 92 | Kinetographe George De Bedts, B.F. n° 253 195, 14 janvier 1896 © Cinemateca portuguesa |
Marques. Photographie et Lithographie. 1895-1901. INPI | |
Le Xronos ou Kinétographe et [Georges De Bedts] |
Kinetographe pour amateurs George De Bedts, B.F. n° 260 841, 29 octobre 1896 © Cinémathèque Française |
253195. 14 janvier De Bedts.-Système de mécanisme à mouvement intermittent applicable aux appareils chronophotographiques et aux appareils pour projections animées.-Il est principalement caractérisé par la disposition de deux roues à dentures spéciales et leur combinaison avec les organes de déroulement de la pellicule, la bobine inférieure étant entraînée par un ressort à boudin faisant l'office de courroie.
L'ingénieur civil, 01 juillet 1896, p. 975.
Quelques jours plus tard, la marque "Xronos" est déposée, mais elle ne sera pas réellement utilisée par De Bedts. Enfin, une société en commandite simple " G. de Bedts et Cie " est enregistrée le 22 janvier 1896. Elle est formée entre G. W. De Bedts, gérant et seul associé responsable, G. Sabatier et André Castelin. Le premier Guillaume Sabatier (Paris 8e, 01/03/1863-Paris 7e, 13/11/1920), figure importante du journalisme parisien de la fin du XIXe siècle, fonde l'Eclair en 1888 dont il devient directeur-rédacteur en chef, L'Actualité, journal illustré et Le Quotidien illustré. Il est, par ailleurs, propriétaire de la Grande Imprimerie Centrale (16, rue du faubourg Montmartre). Quand à André Castelin, c'est un publiciste assez connu qui écrit dans plusieurs périodiques de l'époque. La société a pour objet l'exploitation et la vente d'appareils chronophotographiques pour prise de vue ou pour projections, ainsi que ceux décrits dans les différents brevets déposés par De Bedts. En outre, elle exploite les différentes concessions concédées par la maison Blair et a enfin pour objet la publicité qui peut être faite avec les différents appareils. Le capital s'élève à 15 000 francs. Tout est désormais prêt. L'activité redouble au 368, rue Saint-Honoré où l'on embauche du personnel dès le mois de mars :
ON DEMANDE DES OUVRIERES PHOTOGRAPHES pour le tirage et jeune homme pour agrandissements au gélatino-bromure d'argent. S'adresser, de 8 à 9 heures du matin, à l'Anglo-American Photo Import Office, 368, rue Saint-Honore, Paris.
Le Journal, Paris, 31 mars 1896, p. 4.
Les premiers mois de 1896 voient se multiplier les appareils cinématographiques dans la capitale, et sur le boulevard de la Madeleine, la concurrence se met en place. Depuis le 22 mars, un deuxième cinématographe Lumière fonctionne à l'Olympia des frères Isola, et c'est précisément en face, que quelques jours plus tard, s'installe le premier kinétographe De Bedts :
C'est une vogue ; depuis tantôt trois mois, c'est à qui ira voir les tableaux animés du cinématographe. L'appareil a pénétré aussi dans les salons. Et quand sur l'invitation, la banale mention : " On dansera " était remplacée par les mots : "A onze heures, cinématographe", on était bien certain d'avoir foule. Encore aujourd'hui, il faudra agrandir le rez-de-chaussée du boulevard de la Madeleine pour satisfaire les curieux. Aussi bien la concurrence va venir et déjà on voit un autre système, le système de Bedtz, fonctionner en face chez les frères Isola.[...]
Henri de Parville, Les Annales politiques et littéraires, Paris, 26 avril 1896, p. 269.
Georges Hatot, une figure importante des origines, se souvient de ce photographe et de sa boutique située rue Saint-Honoré :
M. HATOT : Langlois était photographe Boulevard de Strasbourg. Ils étaient deux photographes qui se sont mis à faire du Cinéma. J'en ai fait un pour Langlois. C'est un nommé Debetz qui était rue St Honoré, la boutique face au nouveau cirque. Langlois a fait quelques films. Il s'est arrêté tout de suite.
Cinémathèque Française, Les Débuts du Cinéma, Souvenirs de M. Hatot, 15 mars 1948, p. 23.
La première annonce de la vente du kinétographe De Bedts nous la trouvons, en juillet 1896, dans la revue britannique de photographie, The British Journal of Photography qui offre, en outre, un certain nombre de renseignements techniques :
KINETOGRAPHY.—We have received the following particulars relating to the De Bedt's Kinetograph for showing pictures in motion :—The films are made for exhibition on the standard size Edison kinetoscope. They are fifty feet to 100 feet and 250 feet in length. The De Bedt's kinetograph takes pictures at the rate of five to eighty per second, and can be loaded with 100 feet of film. The same camera can also be used as an optical lantern for projecting the pictures life size on to a screen. The same camera can also be used as a kinetoscope. The weight of the De Bedt's kinetograph is ten pounds, the size is 8 x 8 x 6 inches. The price complete is 40L., with a discount to the trade. The address is. The Anglo-American Photo Import Office, 368, Rue Saint-Honore, Paris.
The British Journal of Photography, Londres, July 17, 1896, p. 461.
Georges De Bedts ouvre une autre boutique, à Londres, qui porte également le nom de Anglo-American Photo-Import Office, au 65 Chancery Lane.
Cecil M. Hepworth, Animated Photography. The ABC of the Cinematograph, Londres, Hazell, Watson & Viney Ld., 1897, p. XVIII.
En Espagne, l'appareil - en fait quatre modèles - est vendu sous le nom d' " Americanógrafo " comme cela figure dans l'Anuario Almanaque de Comercio (Bailly-Baillère, 1897) :
AMERICANÓGRAFO. Cinematógrafos americanos fotografiando y proyectando tamaño natural en cuatro modelos garantizados.– Núm. 1: 75 francos; núm. 2: 125 francos, núm. 3: 250 francos, núm. 4: 350 francos. FILMS al estilo de Edison. 200 efectos y escenas variadas al precio de 25 francos. Catálogo 1897, franco a quien lo pida. The Anglo-American Photo-Import Office, 368, rue St.-Honoré, PARIS.
C'est également au cours du printemps 1896 que l'on peut situer le début de la commercialisation des vues qui figurent au catalogue De Bedts. Des vues de Moscou et du couronnement du tsar, le 25 mai 1896, se trouvent en effet en tête de la liste. L'année 1896 est d'ailleurs celle de plus grande activité et, le 29 octobre 1896, De Bedts dépose un brevet (FR 260.841) pour un modèle de kinétogaphe pour amateurs. La presse se fait l'écho des activités de la société.
It is barely an exaggeration to say that during the last two or three months a camera for taking continuous film photographs of moving objects to be utilised for projection purposes would have sold at famine price. But such an instrument has not been obtainable in the open market for love or money. There were, until a few days ago, probably not more than three or four actually in use in this country, and those who possessed them would not, for obvious reasons, supply would-be rivals. The animated picture "boom" has been skilfully restrained within certain channels; but, if all I hear be correct, within a very few weeks cameras and lanterns for taking and showing the pictures will be commercially available. A firm that advertised one of the former some weeks ago is not yet ready to deliver. Meanwhile, in Paris, the Anglo-American Photographic Import Office, 368, Rue St. Honoré, advertise the De Bedts Kinetograph for taking the negatives and projecting the positives. This costs 40l., and besides the two purposes named is also available as an ordinary kinetoscope. |
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Société G. W. de Bedts & Cie, Catalogue 1897 | The Lantern Record (British Journal of Photography, Septembre 4, 1896, p. 65) |
De nombreuses incertitudes subsistent sur le ou les auteurs de ces vues animées. Certes, on peut penser que Georges De Bedts a pu en réaliser une partie, sans doute, parmi celles qui sont tournées à Paris ou en Belgique. Parmi ses collaborateurs directs, nous trouvons Arthur Roussel qui est alors un adolescent :
MR. ARTHUR ROUSSEL, at present the general agent of the Eclectic Film Company, first started in the motion picture business as a boy with M. De Bedts in 1896 in Paris. Mr. De Bedts was one of the pioneer producers and manufacturers, and at the time that Mr. Roussel went with him, twenty-live feet of film taken at a street corner was considered the maximum length and was accepted as a great novelty in all the theaters. Mr. Roussel there got his grounding in the technical and mechanical end of the moving picture business. The methods were very crude and the production was not very large, and the future of the business seemed so uncertain that he left it to go into the manufacture of picture post cards and photo advertising.
The Moving Picture World, New York, April 11, 1914, p. 197.
Aucune information complémentaire ne permet de savoir quel est son rôle précis, mais compte tenu de son jeune âge, il est probable qu'il n'ait eu guère de responsabilité, au moins dans les premiers temps. En revanche, il acquiert une bonne connaissance de la photographie et du cinématographe, ce qui lui sera utile par la suite. On peut également penser que certains acquéreurs du kinétographe ont pu tourner des films et les envoyer à De Bedts comme cela se produit pour la production Joly-Normandin. C'est très probablement le cas du Portugais Paz dos Reis qui assiste, dès juin 1896, aux projections qu'Edwin Rousby organise au Portugal. Peu après, il achète un kinétographe De Bedts grâce auquel il va tourner plusieurs films dont Saida do Pessoal Operario da Fabrica Confiança, Feira da Gado na Corujeira, Ruas Augusta, Lisboa... Certains de ces films portugais figurent dans les catalogues Vitagraphe et De Bedts et ils sont dus, sans aucun doute, à Aurélio da Paz dos Reis. Cela est probablement le cas également de l'Autrichien Wilhelm Müller (successeur de Rudolf Lechner), qui propose un kinetograph, dès juillet 1896 avec lequel il présente des vues dont certains titres se retrouvent dans les catalogues français :
Kinetograph. So benennt die Lechner’sche Manufactur ihre Aufnahms und Projectionsapparate für Serienaufnahmen zum Unterschiede von den Brüdern Lumière, die ihnen den Namen Kinematograph beilegten.
Der Kinetograph ist insoferne ein Fortschritt, als er 30-35 Aufnahmen in der Secunde zulässt, wenn er als Aufnahsmapparat functionirt und die gleiche Anzahl in der Secunde projicirt und dadurch den Uebergang eines Momentbildes in das andere besser vermittelt, als dieses bisher der Fall sein konnte. Am 15. Juli d. J. fand nun im Kartendepot der Lechner’schen Hof-Kunsthandlung eine Probevorstellung statt, wozu der Firmainhaber Wilh. Müller verschiedene Sachverständige aus photographischen Kreisen geladen hatte, namentlich den Präses des Cameraclubs, Philipp Ritter v. Schöller, den Secretär der Photographischen Gesellschaft Dr. Szekely; den Procuristen der Firma S. M. v. Rothschild Karl Langbein, Herrn Gemeinderath Einsle und F. Goldschmidt, Vertreter der Presse und andere Interessenten.
Es kamen viele Serien zur Vorführung, darunter der Moskauer Krönungszug, Moskauer und Wiener Strassenbilder, eine Scene aus der Wiener Equitation, Exercitium der Wiener Feuerwehr und ein farbiges Bild: „Serpentintänzerin“, welches recht hübsch wirkte, weil bei der Schnelligkeit des Vorübergleitens die grössere oder geringere Technik in der Farbengebung viel weniger entscheidend ist als beim feststehenden einzelnen Projectionsbild.
Photographische Correspondenz, nº 431, 1896, 410.
En tout état de cause, on imagine qu'une part significative du catalogue est constituée de films provenant d'opérateurs indépendants ou d'autres éditeurs, même si la publicité que fait Georges De Bedts vise à faire croire que " Toutes nos bandes sont faites par nous et avec le kinétographe De Bedts " . Il en est de même sur la production réelle. Le seul catalogue connu propose 80 films environ dont les titres figurent en français, en anglais et en allemand, surmontés de l'indication 310 sujets... et dans la publicité espagnole - voir supra - il est question de 200 scènes variées. On ne peut qu'émettre quelques doutes sur le nombre réel et l'origine de ces vues animées. Les derniers films du catalogue datent, environ, du mois de mars 1897. De Bedts va déposer une nouvelle marque "1900" pour des "appareils et produits photographiques" (22 juillet 1897).
Marques. Photographie et Lithographie. 1895-1901. INPI.
Pendant quelque temps encore, les activités vont se poursuivre au 368, rue Saint-Honoré comme en attestent plusieurs petites annonces : " On demande coloristes pour bandes cinématographiques " , " On demande bons retouch. pour agrandiss." , " On dem. bons retoucheurs" ... La situation va se précipiter lorsque De Bedts va céder sa marque "Bull's Eye" à "The Esatman Kodak Cie (Rochester).
Marques. Photographie et Lithographie. 1895-1901. INPI.
C'est finalement le 15 juillet 1898 qu'est prononcée la dissolution de la Société de Bedts et Cie qui a renoncé depuis plusieurs mois à s'occuper de questions cinématographiques.
Société de Reproduction Photographique Industrielle (1899-1905)
Pourtant Georges De Bedts n'a pas renoncé à ses activités photographiques. On le retrouve à Asnières, au 135, rue d'Argenteuil, dans un local loué par sa mère. On recrute même du personnel : " Retoucheurs photographiques.-On demande 135, avenue d'Argenteuil, à Asnières, jeunes gens ayant disposition pour le dessin". Peu après, De Bedts va se lancer dans une nouvelle aventure en fondant la Société de Reproduction Photographique Industrielle, le 9 mai 1899, qui a pour objet " toutes opérations industrielles et commerciales relatives à la photographie en France et à l'Étranger ". Le siège se trouve 14, rue Duphot et le capital est fixé à 200.000 fr. Les ateliers sont à Asnières, 135 avenue d'Argenteuil, avec bail consenti à Madame Veuve De Bedts, la mère de Georges.
Annuaire-almanach du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration, Paris, Firmin Didot et Bottin réunis, 1900, p. 2344. | Annuaire-almanach du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration, Paris, Firmin Didot et Bottin réunis, 1905. |
Nous n'avons que très peu d'informations relatives aux activités de cette société. Pourtant plusieurs éléments indiquent qu'au cours du dernier trimestre de l'année 1899, les affaires se mettent en place et que les embauches se multiplient : " on demande jeune homme intelligent pour bureau, 18 à 20 ans", " on demande très bon retoucheur pour agrandissements", " On demande représentants et courtiers librairie visitant clientèle province. Ces demandes, peu ou prou, apparaissent à plusieurs reprises jusqu'en décembre. On sait également que la Société, qui s'occupe de Publicité photographique, demande des " ouvrières coloriant au patron "
Deux événements d'ordre privé marquent cette période. D'une part, il figure comme témoin au mariage d'Henri Léonardon (Paris 17e, 27/07/1877-Évreux, 01/09/1916), son collaborateur de la première heure pour Eastman. La cérémonie a lieu à Paris, 17e arrondissement, le 26 octobre 1899 et il figure comme " négociant ". D'autre part, au début de l'année 1901, sa mère disparaît :
MM. Georges de Bedts et J. Guillaume Marynen ont la douleur d'annoncer le décès de leur mère regrettée, Mme veuve Auguste de Bedts.
L'enterrement aura lieu le mardi 5 courant, à 10 heures. Réunion à la maison mortuaire, 39, Montagne aux Herbes Potagères, à 9 h. 3/4.
Le Soir, Bruxelles, 5 mars 1901, p. 3.
Par ailleurs, la situation de la Société - le nom de marque est RPI - semble assez chaotique. Le 18 mai 1901, le capital est porté de 200 000 à 300 000 francs, peut-être faut-il y voir une conséquence du décès de la mère de Georges De Bedts ; en 1902, une homologation de concordat renforce l'idée que les affaires ne tournent pas rond. Par ailleurs, nous disposons d'un témoignage du sculpteur espagnol Miguel Blay qui vit à Paris, en 1902. Dans ses carnets, il évoque incidemment The Anglo-american Photo Import Office :
6 de enero: Sala, Juan, calle Cambont [sic], 22, The Anglo-American Photo Import Office, antes 368 rue St. Honoré 368, ahora en casa de M. Printemps. Aparato senior.
Miguel Blay, carnet, Paris, 1902, dans Luis Estepa et Pilar Franco de Lera, " París y 1902, un año en la vida del escultor Miguel Blay ", Anuario del Departamento de Historia y Teoría del Arte Nº 3, 1991, p. 180.
Quelles relations existe-t-il entre The Anglo-American Photo Import Office et le magasin Le Printemps, qui semble accueillir la " boutique " de Georges De Bedts ? Difficile de le savoir. À moins qu'il ne s'agisse d'un énigmatique M. Printemps. Quoi qu'il en soit, la fondation d'une nouvelle société en nom collectif, en septembre 1902 semble indiquer qu'il tente à nouveau de se refaire. Il reprend le nom de sa première société, " Georges de Bedts Cie " et obtient l'appui d'Henri Léonardon qu'il connaît depuis plusieurs années. L'objet de la société est " l'exploitation d'un fonds intermédiaire entre fabricants et négociants pour l'importation en France et l'exploitation à l'étranger de produits fabriqués de toute nature. " Le siège social est fixé à nº 5 de la rue de Stockholm, alors que De Bedts réside alors à Asnières, 6 rue du Progrès. Si le capital est fixé à 35 000 francs, lui-même n'apporte que 10 000 francs. En fait, il s'agit de faire de l'import-export.
R.P.I. Saute la crèpe ! (1903}) |
Les activités de la Société de Reproduction Photographique Industrielle se prolongent encore quelque temps et le nom " Anglo American Photo-import Office " est récupéré, en 1904, pour désigner le local d'Asnières qui continue à embaucher du personnel : "On dem. repr. séri. impres. photo au cour. des aff. de publicité " ou " On demande retoucheur photographe" . Finalement, l'annulation du concordat et la déclaration de faillite sont prononcées :
Sté de Reproduction Photographique Industrielle.-Annulation du concordat.-Déclaration de faillite.-D'un jugement rendu par le Tribunal de commerce de la Seine, séant à Paris, le 8 août 1905; il a été extrait ce qui suit : le Tribunal déclare résolu pour inexécution des conditions le concordat passé le 16 avril 1902, entre la Société de Reproduction Photographique Industrielle et ses créanciers. En conséquence déclare ladite Société en état de faillite ouverte, et nomme M. Leclerc, juge-commissaire et M. Raynaud, 6, quai de Gesvres, syndic.
Côte de la Bourse et de la Banque et le Messager de la Bourse réunis, Paris, 9 août 1905, p. 3.
La faillite de la Société de Reproduction Photographique Industrielle marque aussi la fin des activités connues de Georges de Bedts. Au-delà, nous ne disposons d'aucune information le concernant. Par ailleurs, son beau-frère, Jean Marynen vend (janvier 1903) à Rodolphe Cachaux, son magasin de fournitures photographiques (39, Montagne-aux-Herbes-Potagères, Bruxelles) qui devient la " Maison Rodolphe ".
On ignore ses activités par la suite. En 1909, sa fille épouse Joseph Meert, artiste dramatique. Georges De Bedts décède à Bruxelles en 1910.
Sources
BRAYER Elizabeth, George Eastman, a biography, University of Rochester Press, 1996, 638 p.
BRETON J.L., La Revue Scientifique et Industrielle de l'année, Paris, La Revue Scientifique de l'Année/LIbrairie E. Bernard et Cie, 1897, p. 179-216.
CORCY Marie-Sophie, Jacques MALTHÊTE, Laurent MANNONI, Jean-Jacques MEUSY, Les Premières années de la société L. Gaumont et Cie, Paris, AFRHC, 1998, p.
DEMENY Georges, Les Origines du cinématographe, Paris, H. Paulin, 1909. (BNF)
LUMIÈRE Auguste et Louis, Correspondances 1890-1935, Paris, Cahiers du Cinéma, 1994, 400 p.
MANNONI Laurent, " Georges William de Bedts et la commercialisation de la chronophotographie ", Les Vingt premières années du cinéma français, Paris, FRHC/Presse de la Sorbonne nouvelle, 1996, p. 39-51.
MANNONI Laurent, Le Grand Art de la lumière et de l'ombre, Nathan Université, 1994.
MEERT Joseph, "Mernet (pseudonyme de Joseph Meert) (1882-19.)", dossier N° 383 4-TFS-003-08914-TFS-003-0891 Archives administratives de l'Association de la régie théâtrale (1918-2004
SCHWILDEN Joseph, T. , M.-C. CLAES. Directory of Photographers in Belgium 1839-1905, 2 tomes, Belgique, Antwerpen, 1998, p. 107.