Étude
Le nom de José María Nunes est associé à l’Ecole de Barcelone . Au cours des années cinquante, José María Nunes occupe divers emplois au sein de studios cinématographiques barcelonais. Il est, tour à tour, scripte, assistant de direction et même acteur avant de pouvoir diriger son premier long métrage, El Toro (1956). Dépourvu de formation académique, Nunes s’est aguerri à la manière des artisans qui apprennent leur métier « sur le tas ». A partir des années soixante-dix, son œuvre prend un tournant expérimental et se place résolument en marge des structures officielles et des circuits commerciaux.
Noche de vino tinto est, avec Biotaxia (1967) et Sexperiencias (1968), du même auteur, un film que l’on inclut habituellement dans le corpus de l’Ecole de Barcelone. José María Nunes propose une sorte de voyage initiatique à travers les ruelles du Barrio Chino. Après une rencontre fortuite, un homme et une jeune femme, qui se croit abandonnée par son amant, errent toute une nuit de bar en bar avec pour objectif déclaré de « parcourir toutes les tavernes jusqu’à ce que nous voyions heureuse cette ville qui est aujourd’hui triste comme jamais ». Le générique précise : «[Film] tourné à Barcelone, dans ses rues, ses tavernes, ses routes et ses plages. Ainsi qu’à Vich et ses environs. Espagne ».
L’auteur explique que le travail de repérage fut très minutieux. À la lumière blafarde des réverbères ou dans les tavernes sordides, hommes et femmes se livrent à leur commerce en marge de la légalité. Le film est, pour ainsi dire, rythmé par les bagarres et les échauffourées. Incessants, conflits qu’alimentent, à l’évidence, l’alcool, la détresse sociale et les trafics en tout genre.
La caméra pénètre dans les ruelles étroites et obscures du Barrio Chino et porte sur ce quartier un regard où se mêle préoccupation sociologique et fascination esthétique pour les bas-fonds, territoires des expériences et des plaisirs interdits. De ce point de vue, il est pertinent de rapprocher le film d’un roman qui lui est contemporain, La Marge d’André Pieyre de Mandiargues.
Il y a dans le film la volonté d’opposer la fascinante noirceur du Barrio Chino à la lumière éclatante de la Barcelone des beaux quartiers et des grandes avenues. Celle-ci est présente, en contre point à la ville basse, dans des plans volontairement surexposés. Le contraste souligne l’opposition entre deux mondes qui s’ignorent.
Le long métrage de Nunes trouve des antécédents dans un film comme Il Momento della verità (1964) de Francesco Rosi dont le tournage en décors naturels avaient fait impression. Il s’inscrit également dans la continuité esthétique et thématique du film Mañana, que José María Nunes avait réalisé en 1957 et dont il retrouve l’ambiance presque totalement nocturne.