el grimh

GRUPO DE REFLEXIÓN SOBRE EL MUNDO HISPÁNICO

 Marius SESTIER

(Sauzet, 1861- Sauzet,1928)

sestier

Jean-Claude SEGUIN

→ JACKSON Sally, "Marius Sestier"

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Joseph, Antoine Sestier (Sauzet, 1808-Sauzet, 16/01/1873) épouse Euphrasine Arnaud (Sauzet, 1809-Sauzet, 1882). Descendance :

  • Euphrasine, Elisa Sestier (Sauzet, [1832]-Sauzet, 22/02/1853)
  • Joseph Euphrosine Sestier (Sauzet, 05/12/1836-Sauzet, 17/12/1894) épouse (Grane, 09/02/1858) Marie, Eugénie Ducros (Grane, 02/09/1837-). Descendance:
    • Marie, Josephine, Elisa Sestier (Sauzet, 19/04/1859-) épouse (Sauzet, 31/07/1888) Elie, Joseph Julien (Gap, 31/12/1858-)
    • Arthur, Eugène, Joseph Sestier (Sauzet, 19/05/1860-Sauzet, 27/08/1861)
    • Marius. Ely, Joseph Sestier (Sauzet, 08/09/1861-Sauzet, 1928) épouse (Beaucaire, 27/09/1893) Marie, Louise Puech (Beaucaire, 27/09/1873-Grenoble, 1950). Descendance:
      • Madeleine, Joséphine, Marie, Rose Sestier (Lyon 3e, 08/11/1894-La Tronche, 12/11/1977) épouse Paul Jeune.
      • Eugène, Aimé, Marius, Joseph, Jackson Sestier (Lyon 3e, 11/03/1898-Marseille, 10/11/1979) épouse (Lyon 4e, 12/01/1920) Marguerite, Perrine Hildgen (Lyon 3e, 22/05/1897-)
    • Eugène, Louis, Jérémie Sestier (Sauzet, 19/06/1863-Sauzet, 21/08/1864).
    • Louis, Eugène, Leclair Sestier (Sauzet, 20/12/1864-Sauzet, 20/03/1897)
    • Victor Sestier (Sauzet, 23/04/1866-) épouse (Loriol, 09/07/1914) Joséphine, Lydie Sestier.
    • Daniel, Louis, Eloi, Germain Sestier (Sauzet, 14/09/1867-Sauzet, 01/09/1868)
    • Marie, Eugénie, Germaine Sestier (Sauzet, 18/04/1869-Montélimar, 03/01/1952)
    • Borny, Marie, Louise, Aminthe Sestier (Sauzet, 14/08/1870-Sauzet, 06/04/1871)
    • Honoré, Léon, Eugène, Antoine Sestier (Sauzet, 03/09/1872-Sauzet, 06/09/1872)
    • Marie, Eugénie Sestier (Sauzet, 11/07/1873-)
    • Benjamin, Léon, Émile Sestier (Sauzet, 17/02/1875-)
    • Eloi Sestier (Sauzet, 02/12/1879-)

2

Les origines (1861-1895)

Fils du propriétaire du Café de la Poste à Sauzet, Marius Sestier est le troisième enfant de Joseph Sestier et Marie Ducros. Il est recensé avec sa famille, à Sauzet, en 1866, en 1872 et en 1876.

sauzet cafe poste
Sauzet (Drôme)- Place du Bourg (c. 1915).

Après avoir poursuivi sa scolarité, il engage à Lyon des études de pharmacie avant d'être appelé sous les drapeaux. Incorporé à compter du 14 novembre 1882 à la 21e section d'infanterie, il arrive au corps le 22 du même mois. Il fait la campagne d'Afrique entre le 20 novembre 1882 au 25 juillet 1886. Il passe caporal le 4 février 1885. Parti en congé de convalescence de deux mois le 25 juillet 1886, il est maintenu dans ses foyers (40 cours Richard-Vitton) avant de passer dans la réserve de l'armée active le 1er juillet 1887. Il réside par la suite à Paris (Pantin, 109 rue de Paris. 29/11/1888-11/09/1889). En 1890, il obtient son diplôme de pharmacien de 2e classe. À partir du 5 septembre 1890, il réside à Lyon, au 177, avenue de Saxe où il ouvre une pharmacie. Deux ans plus tard, il épouse la Beaucairoise Marie, Louise Puech, et dans l'année qui suit, 1894, cette dernière donne naissance à Madeleine Sestier. Le père poursuit ses activités dans sa pharmacie jusqu'en 1895 alors que l'on commence à parler de cinématographe à Lyon.

Le cinématographe Lumière (1896-1898)

L'intérêt que suscite le cinématographe Lumière chez Marius Sestier - a-t-il assisté à une présentation au cours de l'année 1895 ? - trouve une première manifestation dans un cahier personnel intitulé "Publicité" où l'on trouve, d'une part, des exercices de langue anglaise - s'agit-il pour lui de se perfectionner en vue d'un prochain voyage ? - et, d'autre part, de multiples coupures de journaux consacrées au cinématographe Lumière et tirées de la presse française principalement, entre janvier et juin et de la presse indienne entre juin et juillet 1896. Quand aux liens directs entre les frères Lumière et Marius Sestier, ils sont peut-être à trouver dans le milieu professionnel de la pharmacie, sachant qu'Auguste Lumière, s'il n'est pas pharmacien, consacre une part importante de ses recherches aux produits pharmaceutiques. À cela, il faudrait évoquer également leur appartenance à la franc-maçonnerie. Quoi qu'il en soit, Marius Sestier se charge de la concession "Lumière" pour l'Inde et l'Australie. Pour cela, il met en vente sa pharmacie, récupère un cinématographe, une sélection de films et de la pellicule vierge.

L'Inde (30 juin-26 août 1896)

Le couple va donc quitter Lyon et embarque à bord du "Yarra" le 13 juin 1896:

Le Port
Le "Yarra," des Messageries Maritimes, courrier de Chine, via Bombay, est parti hier soir, à 4 h, avec 25 passagers, dont M. Pilinski, consul de France, et un plein chargement de vins et liqueurs, provisions diverses et objets manufacturés.


Le Sémaphore de Marseille, Marseille, dimanche 14 et lundi 15 juin 1896, p 1.

sestier marius yarra
"Le Yarra vue de babord avant entre 1895 et 1905"
Photo Collection P. Ramona. Messageries-maritimes

Après une quinzaine de jours de traversée, Marius Sestier et son épouse débarquent, le 30 juin 1896, dans le port de Bombay où ils résident à partir du 30 juin 1896.Cette arrivée est également confirmée par la presse :

SHIPPING INTELLIGENCE.
THE Messageries Maritimes Co's s s Yarra, 2084 tons, Captain LeCoispellier, arrived in harbour yesterday from Marseilles (11th [sic] June), with a general cargo and the following passangers:– [sic] Mr J Pilinski, [...], Mr and Mrs Cestier, [sic] [...].


The Bombay Gazette, Bombay, mercredi 1er juillet 1896, p. 3.

Dès qu'il met le pied en Inde, Marius Sestier récupère les articles sur le cinématographe et les vues animées en général. À la fin de son cahier "Publicité", figurent ainsi de nombreuses coupures de presse dont l'origine n'est pas toujours indiquée, même si la plupart d'entre elles proviennent des quotidiens The Advocate of India ou Bombay Gazette, Le premier dans son édition du 2 juillet annonce la présence de l'opérateur :

THE LIVING PHOTOGRAPHY.
Monsieur Sestier, who arrived by the s.s. Yarra has brought to our city tle Cinematograph, the wonderful invention of Messrs August and Louis Limière [sic] of Lyons. This instrument is a wonderful improvement on the Edison Kinetoscope. We can see before it a moving panorama with living life size people.
The instrument is so perfect that it can both photograph as well as project scenes. A railway train arrives, the station master is moving about, the passengers hurry on the carriage doors open, the passengers get in or alight, etc., etc. The sea waves, the smoke that comes from a cigar or from some herbs that are burning, all this is faithfully reproduced to life and unlike the kinetoscope, is visible to as large an audience as required.
A public exhibition will shortly be given and we ins India will be able to see in work the instrument which gave a vivid life size realization of the Prince of Wales' Derby in one of the London Music Halls the same night as the historic event was run. Monsieur Sestier is open to private engagements.


The Advocate of India, Bombay, jeudi 2 juillet 1896.

Dès le 4 juillet, il engage des dépenses chez un imprimeur, puis il contacte la presse locale: Times of IndiaAdvocate of India et Bombay Gazette qui vont donc relayer l'information que va leur transmettre Marius Sestier. Dans un courrier conservé, on peut lire une présentation, en anglais, du cinématographe sous le titre "Living Pictures". Difficile de connaître l'origine de cette lettre manuscrite qui ne semble pas, par comparaison, être de la main de Marius Sestier. En en-tête, on trouve le nom de la société "C. J. Nicoud & Co", 54, Apollo Street, qui se consacre à l'import-export, et qui dispose d'une autre adresse à Calcutta (10, Jackson's Lane).

sestier bombay nicoud bombay nicoud
"Living Pictures". C. J. Nicoud. 1896.
collection Sestier
C. J. Nicoud & Co-Bombay

Cette société est l'agent exclusif de la manufacture de soierie lyonnaise, L. Permezel & Co dont le fondateur est Ambroise, Léon Permezel (La Côte-Saint-André, 03/04/1845-Rillieux-la-Pape, 15/11/1910). Il y a tout lieu de penser que la C. J. Nicoud & Co et cette "route de la soie" ont pu faciliter les contacts entre Marius Sestier et les autorités locales. Il engage en outre un interprète, M. Pochon, afin de mieux communiquer avec la population locale.

Le temps de trouver un lieu pour organiser des séances - ce sera l'hôtel Watson - et la première est prévue pour le mardi 7 juillet, mais on sait également qu'il a loué le Novelty Hotel pour des séances ultérieures.

bombay Watson's Hotel, Bombay in the 19th century
Watsons' Hotel (c. 1900). Bombay. Inde.

De cette séance inaugurale, The Advocate of India offre un compte rendu particulièrement détaillé :

"Wonders never cease," was the trite remark that was expressed last night by one of the audience that had assembled at Watson's Hotel to see the "Cinematograph" exhibition which Mons. Sestier was giving. Human ingenuity has controlled wind and wave, mind has made matter subservient to it and science has made most things possible. We must surely be coming within measurable distance of ruling the elements. The search for the Philosopher's Stone has long been abandoned as a serious pursuit, but practical scientific researches have gone on apace, and in this century of ours we have come within an ace of aerial journeys on artificial wings. Two researches in science, however, have long baffled scientists, on was -I say was advisedly, for the fact has been accomplished-the reproduction of sound, an the other that of action. That marvel of modern invention, Edison, overcame the matter of reproducing sound, and from the Phonograph we may now hear the voices of the dead and the living, stored up on little rollers that will give back at will the sound that was breathed into them, with unerring precision. Edison next turned his genius to the reproduction of action, the task proving more difficult for the reason that the retina of the human eye takes in scenes at the rate of thirty distinct actions to the second. Taking. the Zooetrope for the basis of his work, the great inventor was able to attain his object by revolving pictures photographed on pin heads and a drum at the rate of 1,000 to the minute, to reproduce human action to life. The "Kinetoscope" soon after made its appearance and proved only to be the forerunner to a more. perfected machine. In the "Kinetoscope" the pictures were very minute and detracted from the reality of the scene, but the" Cinematographe" projects the scenes. on to a screen life-size, the pictures having living, moving action.
___
A scene in Hyde Park is wonderfully realistic, so much so that one feels impelled to rush across and join the merry party that are assembling on the walk. A group of ladies are first observed; presently a gentleman, with every indication of pleasure, hurries across the ride and joins them, the meeting being most cordial, anon equestrians canter up, dismount and join the merry group "Sweet seventeen," on a bicycle next, comes along, and tripping gracefully off her bike, joins the party. The scene is so realistic that one is transported to London and the Park, forgetting for a while that Bombay harbour lies beyond the place of entertainment. The arrival of a train is another most interesting scene. The living panorama is true to every detail. The engine appears small as it rounds the corner and increases in size till it scenes to be rushing upon the audience. The passengers enter and leave the carriage in various degrees of speed, and the bustle and confusion is there just as we have realized it times without number. The old traveller taking things cooly, the prentice hand pushing aside everyone else in his eagerness not to be left behind-all are depicted for our delight. One of the best scenes is "Leaving the Factory." The gates open, and at once the human stream flows out; no one seems to have time to talk, all seem in a desperate hurry to get home. The variety of costume, the disparity of ages, are all vividly brought out, and to vary the monotony of the human exodus, at intervals a bicyclist wheels his machine to the gate, mounts and wobbles off in the midst of the crowd. The rushing-out of a brougham and pair, bearing the master of the factory home, causes a momentary stoppage of the human flow, and then it rushes on again faster, faster, as the moments fly, all eager to earn the sweets of rest after honest toil. We shall look forward to the development of Messrs. Lumiere's Cinematograph, when sound will be added to motion and we can sit out here in Bombay and hear an Opera which has erstwhile been performed in Covent Garden. Edison is perfecting such a machine and we shall hail its advent with delight.


The Advocate of India, Bombay, mercredi 8 juillet 1896.

Au bout de quelques jours, les conditions de projection et l'exigüité de la salle conduisent Marius Sestier à solliciter le Novelty Theatre afin de continuer à organiser des séances. Il organise alors une soirée d'inauguration, le mardi 14 juillet, qui se révèle désastreuse car l'énergie électrique mise à la disposition de l'opérateur est insuffisante. Il va donc revenir pour quelques jours au Watson's Theatre, avant de s'installer définitivement au Novelty Theatre, à partir du 24 juillet et jusqu'au 15 août. Grâce à son Carnet de compte, l'on sait que Marius Sestier engage des hommes-sandwichs afin de faire la publicité du cinématographe en langues gujarati et marathi. Les séances se déroulent normalement avec un renouvellement limité de vues animées. La fin des projections a lieu le samedi 15 août, mais la presse, contrairement à l'habitude, l'annonce sans en préciser les raisons qui nous sont connues, malgré tout, grâce, ici aussi au Carnet de compte :

Exploit.[ation]
Bombay
arrêtée par suite du retrait de la Locomobile par le Port Trust.

La locomobile permet en l'occurrence de produire l'énergie nécessaire pour faire fonctionner le cinématographe. Pour des raisons inconnues, le Port Trust récupère la machine et met ainsi un terme aux projections de vues animées.

bombay port trust
Port Trust Offices. Bombay (c. 1905).

Si les projets de Marius Sestier sont contrariés sur Bombay, il semble avoir eu l'intention de continuer à exploiter son cinématographe en Inde. En date du 17 août, la mention "Voyage Poona", ville située à environ 150 km, pourrait indiquer que l'opérateur a l'intention de continuer à organiser des projections animées dans ce vaste pays. Il semble même avoir eu l'intention d'aller au Viet-Nam, à Saigon et à Hanoi

De fait, ses intentions ont été contrariées par les conditions climatiques - la mousson - comme le signale Jean Sestier, son petit-fils:

Ma grand-mère n'a regretté qu'une chose, c'est qu'aux Indes, ils soient tombés au moment de la mousson parce que sinon ils seraient revenus couverts de bijoux, parce que maharadjas distribuaient ça ...


SESTIER Jean, 1993.

Grâce aux documents Carnet de compte et Crédit Lyonnais, nous pouvons avoir une idée des recettes que ce mois et demi d'exploitation du cinématographe en Inde a générées.

Reste la question d'éventuels tournages lors de ce séjour indien. Les projections réalisées dans le pays ne font apparaître aucune vue locale. Peut-on penser pour autant que Marius Sestier ne disposait pas de pellicule vierge pour d'éventuels tournages ? Si Sestier a tourné la manivelle, il est également possible que les conditions climatiques d'une part (la mousson) et la perte ou destruction possible d'une partie des négatifs lors de l'expédition vers la France d'autre part expliquent cet absence de vues animées indiennes. Sur ce dernier point, le Carnet de compte confirme les problèmes qui se sont posés lors d'envois, en septembre 1897, de négatifs :

Reponse recu ce 24 Sept.
12 mots.
Sestier telegraphe restant Sydney
Impossible empecher négatif ouvert Douane Soignez Emballage.
Lumière.


SESTIER, Carnet de compte

Pourtant, un 2e câblogramme confirme bien que des négatifs sont arrivées à Lyon même si le résultat n'est guère du goût des Lumière :

Reponse reçue le 27 au matin.
17 mots
Telegr. restant Sestier Sydney
Donnons exclusivité jusque mois de mai expedions pellicules.
Choisissez mieux sujets.
Lumière.


SESTIER, Carnet de compte

Si l'on considère le temps nécessaire au transport jusqu'à Lyon, ce câblegramme reçu à Sydney le 27 septembre ne peut que faire référence à un envoi antérieur, effectué, sans nul doute, depuis l'Inde, à la fin du mois d'août ou dans les premiers jours de septembre. Si le répertoire des vues présentées par Marius Sestier en Australie ne comporte aucun titre faisant référence directe à l'Inde, il pourrait exister une trace d'un tournage dans le corpus des vues cinématographiques que présente Georges Boivin à Gympie, et qui comporte le titre Negro street cleaners in Bombay.

gympie 1897 cinematographe lumiere 01
Gympie Times and Mary River Mining Gazette, Gympie, jeudi 5 août 1897, p. 2.

Mais, comme Georges Boivin, profitant de la candeur des spectateurs, n'hésite pas à "localiser" certaines vues cinématographiques (cf. Breaking down a shed in Sydney, manipulation du titre Démolition d'un mur ou Boxing contest in Melbourne pour Boxeurs), il est fort probable que le titre "indien" ne soit en réalité que le film tourné au jardin d'acclimatation de Paris, en 1896, et qui porte le titre Nègres en corvée. Il faut dire que Boivin est loin d'être le seul à user de ce type de stratagème pour attirer le public...

À la fin d'un séjour plus court que prévu, le couple Sestier va donc attendre l'arrivée du Calédonien, en provenance de Marseille,  afin de rejoindre l'Australie :

SHIPPING INTELLIGENCE.
THE Messageries Maritimes Co's s s Caledonien, 2,093 tons, Captain L Blanc, sailed yesterday for China and Japan, with a general cargo and the following passengers:- [...]. For Sydney - Mr and Mrs Sistier. [sic] [...]


The Bombay Gazette, Bombay, jeudi 27 août 1896, p. 3.

Le steamer fait une halte à Colombo avant de reprendre sa route, ce qui permet au couple de monter à bord du Polynésien qui va les conduire en Australie. C'est probablement à cette époque que Marius Sestier écrit à la maison Lumière afin de recevoir un second appareil si l'on en croit le câblogramme suivant:

Réponse le 16 oct =Sestier Poste Restante Sydney appareil envoyé 15 septembre adressons vues Lumière=


SESTIER, Carnet de compte

L'Australie (septembre 1896-1897)

En provenance de Colombo, le Polynésien va faire halte à Albany (9 septembre) et les époux Sestier figurent sur la liste des passagers. Le steamer fait également escale à Adelaïde (12 septembre) et à Melbourne (14 septembre) où le couple effectue quelques achats.

sestier marius polynesien
Guende phot. (Marseille). Messageries Maritimes "Le Polynésien".
https://www.messageries-maritimes.org/polynes.htm

Peu après, Marius Sestier et son épouse embarquent pour Sydney, terme de leur traversée, et, par une pure coïncidence, l'impresario Harry Rickards et sa famille, sont également du voyage :

sestier marius 1896 polynesien
The Daily Telegraph, Sydney, jeudi 17 septembre 1896, p. 7.

La presse néo-calédonienne annonce même la venue de Sestier à Nouméa, ce qui finalement ne se produit pas :

LE CINÉMATOGRAPHE
Parmi les passagers du "Polynésien" nous signalerons d'une manière toute spéciale l'arrivée à Nouméa de M. Sestier, représentant de MM. Auguste et Louis Lumière de Lyon, les inventeurs de cet ingénieux appareil que l'on nomme le Cinématographe.
Ce curieux instument permet non seulement d'enregistrer par la photographie toutes les scènes animées les plus variées, sans omettre aucun des mouvements qu'elles comportent, mais encore de les reproduire fidèlement, de grandeur naturelle, en les projetant sur un écran, les rendant ainsi visibles pour toute une assemblée de spectateurs.
Grâce aux progrès réalisés on a donc pu arriver à produire des photographies d'une fidélité scrupuleuse qui, dosposées dans des appareils d'une rare perfection, donnent l'illusion parfaite de la vie. Le Cinématographe de MM. Lumière et fils est une véritable merveille qui a fait l'admiration des passagers du "Polynésien".
Le Cinématographe permet de reproduire des scènes où l'on voit des rues entières ou des places publiques avec tout leur mouvement de piétons, voitures, tramways, etc., et l'illusion du mouvement dans les épreuves agrandies est telle que les scènes projetées sont d'une réalité saisissante.
M. Sestier compte séjourner quelque temps à Nouméa où, très certainement, le Cinématographe fera sensation.


La France australe, Nouméa, 30 septembre 1896, p. 1.

En revanche, Marius Sestier a organisé des projections à bord du steamer qui le conduit à Sydney où il accoste le 16 septembre 1896 et la presse va immédiatement lui consacrer quelques lignes :

THE M.M. LINER POLYNESIEN.
The French mail steamer Polynesien has fully maintained her reputation for speed, arriving yesterday from Marseilles several days in advance of time. Fine weather marked the trip, and those on board spent an enjoyable time, there being no lack of deck games by day and concerts, etc., in the evenings. The wonders of the "cinematographe" were also displayed during the evenings by Mons. Sestier, who proposes to hold exhibitions of this wonderful invention in the colonies.


The Daily Telegraph, Sydney, jeudi 17 septembre 1896, p. 7.

À peine est-il arrivé qu'il organise une séance privée, le 18 septembre, au Lyceum Theatre :

LUMIERE'S CINEMATOGRAPHE.
M. Marius Sestier arrived in Sydney last week direct from Paris to exhibit in Australia the French Cinematographe, invented by the Messrs. Lumière. A successful private exhibition of the machine was given at the Lyceum Theatre last Friday, and shortly a public demonstration of ist power will be made. The Lumière invention is the one which has been drawing crowds at the Empire Theatre, London, and elsewhere.


The Sydney Morning Herald, Sydney, mardi 22 septembre 1896, p. 6.

Pourtant, il a du mal à trouver une salle de libre afin d'organiser des projections et il se voit contraint d'attendre quelques jours. Il faut dire que la situation ne lui guère favorable, car plusieurs cinématographes - ceux de Joseph Mac Mahon et Carl Hertz - se sont donné rendez-vous à Sydney en ce mois de septembre et l'on mesure son inquiétude en lisant son Carnet de compte où il transcript le texte d'un cablegramme qu'il a fait parvenir aux Lumière :

Envoyé le 21 sept au matin ce cablegramme
--
Lumiere Lyon
Concurrent usurpant nom Cinematographe Cablez ordres expediez nouveautés Sestier
12 mots  2£


SESTIER, Carnet de compte

Peu après, il reçoit la réponse suivante :

Reponse recu ce 24 Sept.
12 mots.
Sestier telegraphe restant Sydney
Impossible empecher négatif ouvert Douane Soignez Emballage.
Lumière.


SESTIER, Carnet de compte

Dès le lendemain, il envoie un nouveau câblegramme à Lyon où il annonce, en particulier, que les séances vont bientôt commencer :

2e Cablegramme
envoyé le 25 Sept. 6 h soir
24 mots 5£ 18
Lumière Lyon-Urgence Cablez Concession exclusivité pour toute Australasie grosse affaire envoyez vingt pellicules sensibles première poste quarante par Australien Debut Lundi.
Sestier.


SESTIER, Carnet de compte

Conscient du danger de la concurrence, Marius Sestier s'empresse donc de demander une exclusivité pour l'Australasie. Quelques jours plus tard, le samedi 26 septembre, une nouvelle séance privée est organisée au Lyceum Theatre. Le lendemain, il reçoit un nouveau câblegramme de la maison Lumière :

Reponse reçue le 27 au matin.
17 mots
Telegr. restant Sestier Sydney
Donnons exclusivité jusque mois de mai expedions pellicules.
Choisissez mieux sujets.
Lumière.


SESTIER, Carnet de compte

Compte tenu du temps qu'il faut pour que les négatifs parviennent à Lyon, la remarque "Choisissez mieux sujets" fait référence, comme nous l'avons dit, à des vues indiennes.

La question du brevet Lumière va connaître un écho dans la presse locale comme on peut le lire ci-après :

The name « Cinematographe » seems to have been devised and registered by the Messrs. Lumière before they were any rival machines in the field. Sestier, their agent in charge of the newly-arrived « Cine », is said to carry power of attorney to fight the question re infringement of title, which is undoubtely an important consideration as things are going. JOurnal non identifié, [10] octobre 1896.]


SESTIER, "Publicité"

Finalement l'inauguration pour le public a lieu le lundi 28 septembre, au nº 237 Pitt-Street. Afin de consolider l'exploitation de son cinématographe, il va s'adjoindre les services de M. C.B. Westmacott et d'Henry Walter Barnett.

Mons M. Sesher [sic], who has brought the machine to Australia, has been accredited directly from the patentees, Messrs Lnmiere, of Lyons, France and gives an identical series of views with those now drawing all London to the Empire Theatre. Mons M Sesher is to be congratulated not only on the business he is doing, but also on having been able to arrange to do his business through such gentlemen as Mr Wettmacott and Mr Barnett. It is hardly possible to describe the wonderful beauties of the Cinematographe.
Truth, Sydney, dimanche 4 octobre 1896, p. 2.

La presse publie, à plusieurs reprises, des portraits de Marius Sestier et lui consacre des articles élogieux comme le suivant : 

The gentleman whose photograph we publish herewith first introduced the original Lumière Cinematographe to Sydney. He came out unostentatiously in one of the French mailboats, and was immediately seized upon by Mr. Walger Barnett, of the Falk Studios, who, in conunction with Mr. C. B. Westmacott, arranged for him to exhibit his wonderful machine in Pitt-street. The result has more than exceeded expectatious, for the place has been thronged daily ever since it was opened, and the pictures have become the talk of the town. The photograph is reproduced by permission of the Falk Studios.


Referee, Sydney, mercredi 14 octobre 1896, p. 7.

sestier marius portrait 02
Referee, Sydney, mercredi 14 octobre 1896, p. 7.

De nouveaux films sont annoncés alors que le cinématographe organise ses dernières séances :

THE FRENCH CINEMATOGRAPHE
The last nine days of the French Cinematographe are notified at the Salon Lumiere, where a change of programme will introduce tableaux of "London in a Fog" the "Champs Elysées," "Unter den Linden at Berlin," and other fresh subjects. Yesterday morning M. Sestier had the honour of giving a special private exhibition of the marvellous instrument before his Excellency the Governor, Lady Hampden, and suite. The Governor before leaving expressed to M. Sestier his admiration of the pictures shown.


The Sydney Morning Herald, Sydney, samedi 17 octobre 1896, p. 10.

Un câblegramme, dont le contenu est consigné dans le Carnet de compte, indique que Marius Sestier (re)demande à la maison Lumière de lui faire parvenir un deuxième Cinématographe :

Câblegramme envoyé le 14 octobre 1896
15 mots 3 £ 13 = Lumière Lyon = Recette 7 400
Envoyez urgence menagarie appareil complet Nouvelles
vues Czar Réponse Sestier.


SESTIER, Carnet de compte

Dans la réponse, reçue le surlendemain, la maison Lumière indique que le second appareil a été envoyé le 15 septembre, soit un mois auparavant :

Répons le 16 oct =Sestier Poste Restante Sydney appareil envoyé 15 septembre adressons vues Lumière=


SESTIER, Carnet de compte

Si l'on ne peut précisément donner la date de ses premiers tournages, ils ont lieu au cours du mois d'octobre. Grâce au photographe Henry Walter Barnett, il est fort probable qu'il ait la possibilité de développer sur place ses négatifs. On sait en tout cas que l'une de ses premières vues animées est Arrival of S.S. Brighton at Manly. :

THE FRENCH CINEMATOGRAPHE.
The closing day of the French cinematographe at the Salon Lumiere was marked by crowded audiences at every performance. After the day's work was ended M. Sestier exhibited the first tableau from a local subject yet made in Australia. Mr. H.W. Barnett (of Falk's) had joined M. Sestier in preparing the films, and a fine picture of the crowd disembarking from a Manly boat at Manly was the result. Afterwards the health of Messrs. Sestier and Barnett was toasted in acknowledgment of their artistic work, when the latter announced that a whole series of Australian scenes was in preparation, and that both at the Paris and London halls M. Lumiere would exhibit these pictures, and would thus put Sydney and Melbourne in touch with the great capitals named in a manner which could never have been approached but for the invention of this marvellous machine.


The Sydney Morning Herald, Sydney, mercredi 28 octobre 1896, p. 8. 

Il s'agit là, d'ailleurs, de la dernière séance, mais, dans une note brève publiée par The Daily Telegraph, Marius Sestier fait savoir qu'il compte revenir :

LUMIERE CINEMATOGRAPHE.
M. Sestier, representative of the Lumiere Cinematographe, returns thanks for the patronage accorded him during his season in Sydney, which ended on Tuesday, and announces that he will return to re-exhibit the Lumiere machine in this city shortly.


The Daily Telegraph, Sydney, samedi 31 octobre 1896, p. 10.

Marius Sestier part pour Melbourne où il va exploiter son cinématographe Lumière au Princess Theatre le 31 octobre. Lorsqu'il arrive, deux autres appareils sont en fonctionnement : l'animatographe d'Harry Rickards et Fred Aydon, le cinographoscope de G. Neymark et d'Albert James Périer. Un troisième s'installe en même temps que lui, le vitascope et un dernier fonctionne au Theatre Royal à l'occasion de la Melbourne Cup. Mis à part l'exploitation du cinématographe, Marius Sestier et H. W. Barnett envisagent d'imprimer sur la pellicule plusieurs événements sportifs. Le premier semble avoir été le Derby Day (31 octobre 1896)

 

 

, la Melbourne Cup et Austral Wheel Race (4-5 décembre).

Il profite de son séjour pour tourner des vues animées de deux événements sportifs, le Derby Day et la Melbourne Cup.

Le cinématographiste dispose cependant d'un sérieux avantage, car il est en mesure de tourner des vues animées et il va profiter de la Cup pour faire tourner sa manivelle :

CUP DAY
[...]
But the Cup of 1896 boated, at least, one novel feature. The photographer, of course, we have always with us, but this year the cinematographe, for the first time, played its part on an Australian course, and by the Lumiere principle a series of views were taken, which will carry to London and Paris and St. Petersburg an actual presentment, not only of the Cup meeting, but of the most wonderful Cup race ever run over the classic course.


The Argus, Melbourne, mercredi 4 novembre 1896, p. 5.

Quelques jours plus tard, la presse évoque la préparation d'un nouveau tournage :

ARRANGEMENTS are being made to have the finish for the Austral Wheel Race taken for the Lumiere Cinematographe.


Table Talk, Melbourne, vendredi 13 novembre 1896, p. 6.

 

Albany, 18 janvier 1897, passagers.

Albany. 31 janvier 1897. passagers

Albany, 2 avril 1897, passagers

 

1901: Marius Sestier, 9, cours de la Liberté, Lyon.

Et après...

recensement 1906 (Sauzet)

"Dans le canton de Marsanne, M. Aymé-Martin aura, dit-on, comme concurrent soit M. Puissant, soit M. Marius Sestier, pharmacien à Lyon, attaché à la Société Lumière.Journal de Montélimar, 20 juillet 1907, p. 2.

recensement 1911 (Lyon 3e)

1920: Pharmacien. 9, cours de la Liberté.

Produits Spéciaux des Laboratoires LUMIÈRE. PARIS, 3, Rue Paul-Dubois-Marius SESTIER, Pharm., 9, Cours de la Liberté, LYON.

Manufacture Française des Produits "Regia". (Le Salut Public, Lyon, samedi 24 avril 1920, p. 6.). M. Marius Sestier, pharmacien demeurant à Lyon, avenue de Saxe nº 186. (Administrateur). Henri Lumière et Paul-André Vigne sont également administrateurs.

Sources

JACKSON Sally, "Marius Sestier".

MARTIN-JONES Tonay, "Marius Sestier and the Lumière cinématographe in India". 3 septembre 2020. http://www.apex.net.au/~tmj/sestier-in-India.htm [03.09.2020].

Messageries-maritimes

SEGUIN Jean-Claude, "Marius Sestier, opérateur Lumière. Inde-Australie: juillet 1896-mai 1897", 1895, revue d'histoire du cinéma, 1994, p. 34-58.

SEGUIN Jean-Claude, "Entretien avec Jean SESTIER, petit-fils de Marius SESTIER", Marseille, 1993 (Video).

SESTIER Marius, "Publicité" (cahier personnel), janvier-août 1896.

SESTIER Marius, "Sydney" (cahier personnel), août 1896-janvier 1897.

SESTIER Marius, "Adelaïde" (cahier personnel), décembre 1896-février 1897.

SESTIER Marius, "Crédit Lyonnais", 1896.

SESTIER Marius, "Expedit hors rayons", 1896-1897

SESTIER Marius, "Carnet de compte", 1896-1897.

Remerciements

Jean Sestier.

3

1896

Patineur grotesque

Arrival of S.S. Brighton at Manly (octobre)

New South Wales Artillery at Drill 1 (octobre)

New South Wales Artillery at Drill 2 (octobre)

Derby Day (The Betting Ring) (31 octobre)

Lady Brassey placing the Blus Ribbon on "Newhaven"

Arrivée d'un train à Melbourne ([3] novembre)

La Foule [The Lawn near the Band Stand]

On the Lawn, near the Grand Strand

Arrivée du Gouverneur [Arrival of H. E. Lord Brassey and Suite]

Enceinte du pesage [The Sadding Paddock]

Sortie des chevaux [Weighing-out for the Cup]

La Course [Finish of the Melbourne Cup Race]

Présentation du vainqueur ["Newhaven," his Trainer, W. Hickenbotham, and Jockey, Gardiner, after the race]

  • 4. Start of Cup Race.
  • 5. Finish of Cup Race.
  • 7. Finish of Hurdle Race.
  • 8 Newhaven, his trainer Higinbotham and Jockey Gardner
  1. Finish of Hurdle Race, Cup Day
  2. Weighing-out for the Cup
  3. Near the Grandstand
  4. Afternoon Tea under the Awning

 

 

*The Austral Wheel Race

Sea and Breakers. Coogee Bay

4

30/06-26/08/1896 Inde Bombay Wastons' Hotel/Novelty Hotel cinématographe Lumière
18/09/1896 Australie Sydney Lyceum Theatre cinématographe Lumière
26/09/1896 Australie Sydney Lyceum Theatre cinématographe Lumière
28/09-27/10/1896 Australie Sydney Salon Lumière (237 Pitt Street) cinématographe Lumière
31/10-20/11/1896 Australie Melbourne Princess's Theatre cinématographe Lumière
  Australie Sydney   cinématographe Lumière

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