Georges Marck and his Lions

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Georges Marck and his Lions

Showing the famous trainer in a den of four South African lions, which he forces to perform various tricks.

AMB 1902-11

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1 American Mutoscope & Biograph Company 5074  
2 [Eugène Lauste] Georges Marck  
3 [1899] 26 ft
4 France, Paris  

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LE QUOTIDIEN CHEZ LES FAUVES
GEORGES MARCK, BELLUAIRE FAMEUX, NOUS DIT COMMENT IL SE FIT DOMPTEUR

Nom fameux. Tête et buste de Romain. Il était bien fait pour devenir dompteur, celui que je vois aujourd’hui, en son salon de l’avenue Charles-FIoquet, entouré de ses chiens familiers, les pieds posés sur les fourrures de deux lionnes, et ayant derrière lui le portrait de sa fille, dompteuse, elle aussi : j'ai nommé le dompteur Georges Marck.
Sa face et ses bras attestent, par des coutures, d'anciennes blessures dont il est, à juste titre, fier.
— Vous avez dit " devenir dompteur ", me dit-il. Le suis-je bien devenu ? Ne l’étais-je pas déjà lorsque je suis né ?
" Je n’ai pas eu de dompteur en mes ancêtres, et cependant, dès mon plus jeune âge, mon père, qui était industriel, m'emmenait .souvent, pour me faire plaisir, dans les ménageries.
" C'est dans l’une d’elles que je fis la connaissance d’Adrien Pezon, fils du grand Pezon.
" Je le rencontrai, un soir, alors qu'il venait d'être blessé par un ours de l'Hymalaya, Misko.
"— Je ne travaillerai plus avec lui, me dit-il.
"— Eh bien ! moi, je te remplacerai, lui proposai-je.
" Et le père Pezon, devant cette prétention, déclara à son fils :
" — Ton ami aime mieux le métier que toi.
" La ménagerie Pezon tenait alors ses assises à la foire des Invalides.
" Vous pensez bien que l'on voulut, à la première rencontre avec le terrible Misko. m’éviter d'être dévoré. Garçons d'écurie, dompteurs, et les Pezon eux-mêmes, se tenaient autour de la cage avec des piques en main.
" J’entrai... Je dois dire que j’avais pris la précaution de me munir d’un solide gourdin...
" J’étais dans la cage, et déjà Misko se dressait, sur ses pattes de derrière, de toute sa taille. Un pas en avant... Un coup de bâton... Et Misko, peu habitué à ce genre de réception, courait le long des grilles, cherchant la porte...
" Ce fut mon premier début. Il suffit à me brouiller avec ma famille...
" Etre dompteur de foire ? J'avais d’autres ambitions...
" C'était le temps où la Loïe Fuller faisait courir tout Paris aux Folies-Bergère, avec sa danse serpentine.
" J'avais une idée... J'allai l'exposer à M. Holler [sic], directeur de l'Olympia.
"— Que diriez-vous d'un numéro de danse avec des lions ?
" M. Holler me conseilla d'aller intéresser à mon projet une artiste qui se proposait d’imiter la Loïe Fuller : Mme Bob Walter.
" J'allai trouver cette dame en son hôtel de la rue Dumont-d'Urville. Je lui fis passer ma carte, qui portait ce titre pompeux : " belluaire ".
" Je proposai à Mme Bob Walter d'exécuter la danse serpentine au milieu de " mes " lions.
"— Combien en avez-vous donc ? me demanda-t-elle...
"— Je n'en ai pas, dus-je confesser, mais j'en aurai..
" Juvénile enthousiasme qui plut. Elle accepta.
" Je rendis vigile à Adrien Pezon.
" — Ce n'est plus un ours que je veux... Ce sont des lions...
" Et je lui demandai de m’en faire vendre à crédit par son père...
" Brave Pezon ! Grâce à lui, j’eus bientôt un lion : César, et trois lionnes. Je leur fis faire une cage. Et bientôt, on installait celle-ci — et mes fauves — dans les écuries de Mme Bob Walter.
" Nous commençâmes les répétitions... Je domptai les fauves sous la lumière de puissants projecteurs. C’était magnifique.
" Mais déjà le commissaire du quartier s’inquiétait. Nos lions, en rugissant le jour, et même la nuit, importunaient les voisins. Il fallut se hâter, mettre les bouchées doubles...
" Mais Holler s'était repris...
" Mme Bob Walter, un soir, convoqua plusieurs journalistes pour voir son numéro. Elle dansa... je domptai... Les critiques, les chroniqueurs se montrèrent enthousiastes.
" Pierre Giffard, Séverine... et d'autres... Nous eûmes de rudes alliés...
" Mais il fallait " jouer " en public.
" Grâce à La Bruyère, notre " numéro " fut intercalé à la Gaîté, dans Les cyclistes en voyage. Durant un mois et demi, ce fut le succès...
" Puis, nous partîmes pour l’Angleterre.
" Le quatrième jour, je fus blessé par César : ma première blessure. Quant à Mme Boo Walter, elle fut renversée deux fois par les lionnes...
" Après un long voyage, je revins à Paris, et je montai, à la foire de Neuilly, la " Ménagerie mondaine ", avec des ours blancs, des lions, des tigres, des panthères... Même un éléphant... Magnifique ménagerie, recouverte de tôle ondulée, avec des colonnes d'aciers, et qui ne pesait pas moins de 99.000 kilos.
" La Ménagerie mondaine fut bientôt le lieu de rendez-vous des Parisiens les plus chics, les plus élégants...
" Depuis lors, j'ai eu bien des fauves... dont le lion le plus fameux : Champion, par qui je fus blessé gravement... Et tant d’autres lions : César, Satan, Dadjah, qui vient de mourir au Jardin des Plantes. "
Et M. Georges Mark me parle — non sans amour — de tous les fauves qui le blessèrent au cours de sa carrière.
Par moment, son regard s'arrête sur les portraits ornant ses murs : ceux de sa femme, qui fut souvent sa collaboratrice dans les " sketches " qu'il interpréta parmi les tigres ou les lions, et de sa fille, dompteuse, elle aussi, et depuis son plus jeune âge...
— Quand il est dans la cage, je ferme les yeux, murmure sa charmante femme.
— Moi... J'ai peur... Oui, j'ai peur, a pu dire sa fille.
Mais la crainte qu’elle éprouve au milieu des fauves, ce n’est pas pour elle... C'est pour son père.
MARCEL COULAUD.


Le Quotidien, Paris, 9 mai 1930, p. 2.

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