Eugène, Augustin LAUSTE

(Montmartre, 1857-Montclair, 1935)

lauste eugene 04
© Smithsonian Institution-National Museum of American History

Jean-Claude SEGUIN

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Victor, Désiré Lauste (Paris, 1822-Paris 18e, 18/01/1879) épouse Louise Mayet ([1819]-). Descendance:

  • Adèle, Blanche Lauste ([Paris], 16/12/1844-)
  • Eugène, Augustin Lauste (Montmartre, 17/01/1857-Montclair, 27/06/1935)
    • épouse (Paris 18e, 26/06/1880) Marie, Louise, Philomène Germain (Saint-Pierre, Martinique, 15/04/1856-Epinay-sur-Orge, 03/11/1880). Descendance:
      • Émile, Louis Lauste (Paris 18e, 16/09/1880-Kent, 21/10/1946) épouse (Lambeth, 14/07/1904) Bessie Turley (Londres, 10/1881-1955). Descendance:
        • Doris, Eugenie Lauste (Londres, 23/04/1905-Uckfield, 18/04/1965)
        • Leslie, Wallace Lauste (Brixton, 30/04/1908-Hove, 2001)
        • Alva Louis Lauste (Hammersmith, 28/06/1920-Poole, 11/1991)
    • épouse (Paris 18e, 12/11/1885) Georgette, Eugénie, Justine Chabrol (Paris, 19/10/1866-). Descendance:
      • Madeleine, Marguerite Lauste (New York, [1887]-1970) épouse (Londres, 02/09/1916) William, Walters Hodges ([1886]-)
      • Henri George Lauste (Orange, New Jersey, 17/08/1889-Brixton, 03/04/1929)
    • épouse (New York, 23/04/1930) de Mélanie, Léontine Bertrand (Paris 9e, 29/08/1867-New York, 20/12/1949). Descendance:
      • (beau-fils) Clément, Pierre Leroy (Paris 6e, 14/04/1895-≥1935)
      • (beau-fils) Aristide, Eugene Poirier dit Harry E. Leroy (Paris 6e, 07/12/1900-Delray Beach, 15/04/1975)
        • épouse Elizabeth, Dorothy Geyer (New York, 1900-Brick Township, 10/11/1960)
        • épouse Olivia, Katharine "Ollie" Neumann (Washington, 23/07/1905-Saint Louis, 30/10/1990)

2

Fils d'un père et d'une mère "employés",  Eugène Lauste passe son enfance à Paris. Il montre un intérêt pour la projection animée:

À dix ans, il s'intéressa à la projection animée, et réussit à convertir la bande d'un vieux Zootrope en une sorte de grossier film de vue animée, en se servant d'une lanterne magique d'enfant.


CRAWFORD, 1930: 27.

Sans doute a-t-il reçu une formation comme électricien puisqu'il va fonder, à 21 ans, par acte du 1er octobre 1878, une société en nom collectif E. Lauste et L. Wyder, dont l'objet sont les " sonneries et signaux électriques ", sise 193, rue du Faubourg-Poissonnière, pour une durée de 10 ans. Le capital s'élève à 3, 000 fr. (Archives commerciales de la France, Paris, 17 octobre 1878, p. 1330). La vie de la société est très courte puisque la dissolution est prononcée à partir du 26 décembre 1878 (Archives commerciales de la France, Paris, 5 janvier 1879, p. 18). Léon, Camille Wyder (Paris, 15/04/1848-Paris 10e, 12/03/1914), de dix ans son aîné, est lui-même électricien, après avoir été typographe. Au moment de son mariage avec une professeur de piano, en juin 1880, il est négociant. Ayant donné naissance à Émile, en juin, elle décède en novembre de la même année. Il poursuit ses activités de fabricant d'appareils électriques jusqu'à son deuxième mariage. Le 2 octobre 1886 (19, rue d'Orsel), il se déclare de nouveau en faillite (Archives commerciales de la France, Paris, 29 décembre 1886, p. 152),  prélude probablement à son prochain départ pour les États-Unis.

Les années Edison (1887-1892)

Eugène, Augustin Lauste arrive aux États-Unis en décembre 1886 ou au début de l'année 1887. Dans les mois qui suivent, il rentre en contact avec Thomas Alva Edison et rejoint son équipe. Dans un courrier adressé par John Kruesi à Charles Batchelor, le premier lui recommande le Français Laust [sic].

lauste edison 1887 lauste edison 1892
John Kruesi, Lettre à Charles Bachelor, 12 décembre 1887
[D8713]  Document File Series -- 1887: (D-87-13) Edison, T.A. -- Employment
John F. Randolph, Lettre à E. Lauste, 16 mars 1892
[LB053]  General Letterbook Series: LB-053
(Oct 1891-Oct 1893)
© The Thomas Edison Papers

On peut y lire, dans la phrase manuscrite, que "Laust" est payé 20 cts de l'heure. C'est vers 1888 qu'il se serait intéressé à la question du son grâce à un article publié sur les travaux d'Alexander Graham Bell:

Lauste first conceived his idea of photographically recording sound pictures in the year 1888, when he read an account, published som years before in the Scientific American Supplement (May 21, 1881), of the invention by Dr. Alexander Graham Bell and Sumner Tainter of the Photophone. Lauste reasoned that if sound could be transmitted through space by means of radiant energy these electrical sound waves could also be recorded photographically and reproduced, using the selenium cell in the same manner as Dr. Bell had used it.


CRAWFORD, 1931: 636.

Le même auteur offre une version assez différente, mais peut-être complémentaire dans un texte antérieur :

En 1889, il vit le "Forgeron", un des premiers films du Kinétoscope Edison, dans le laboratoire, et conçut immédiatement la possibilité du film comme support, pour enregistrer et reproduire le son et le mouvement simultanément.


CRAWFORD, 1930: 26.

0016
A Blacksmith (1893)

Il y a là quelques distorsions temporelles qui fragilisent ces écrits. Le film pour kinétoscope, A Blacksmith, n'est tourné qu'en 1893, quatre ans après le prétendu visionnage... alors que Lauste a déjà quitté l'équipe d'Edison. Ce qui ne fait aucun doute, en revanche, c'est que Lauste, en avril 1890, a sans doute l'esprit ailleurs et le regard tourné vers son épouse dont il soupçonne, à juste titre, qu'elle le trompe avec un autre membre de l'équipe, James Harry:

MRS. LAUSTE AND BOARDER HARRIS.
Mrs. Eugenie Lauste, the young wife of a pattern maker employed at the Edison laboratory, Orange, N. J., disappeared from her home early yesterday morning. Her husband believes she has eloped with a boarder named Harris, and that the runaway couple are stopping at a small hotel known as the San Francisco House, on Washington square.
Lauste has suspected his wife of being too friendly with the boarder, and on Sunday night he returned home and found her and Harris in the parlor. He objected to their friendly relations and afterward Mrs. Lauste threatened to leave the house. She packed her trunk and took a train for this city.
Lauste has been married twice. He was married to his present wife four years ago in France. The woman abandoned her baby son, eight months old, and her daughter, three years old. Mrs. Lauste is twenty-four years old, of dark complexion, and has blues eyes. She took her bank book with her, but her husband says that he does not know how much she bad on deposit.


New York Herald, New York, Tuesday, April 15, 1890, p. 6.

Envolée la charmante brunette, voilà donc Eugène Lauste seul et avec deux enfants sur les bras... Il n'en reste pas moins l'un des employés les plus appréciés d'après le témoignage de G. F. Atwood:

Mr. G. F. Atwood, now in charge of the Model Department at the Bell Telephone Laboratories, who occupied a similar post with Mr. Edison in that early day, tells me that Mr. Lauste was rated as one of the ablest mechanics in the Edison organization of that period and was highly regarded by all his superiors, including Mr. Edison himself. His assignments were seldom blue-printed, but were such as might be described as requiring much more than mere mechanical ability, as Mr. Lauste's ingenuity and inventive talents were fully recognized.


CRAWFORD, 01/1931: 106.

Pourtant, au début de l'année 1892, la situation d'Eugène Lauste dans l'équipe se dégrade, et il finit par renoncer à son emploi comme en témoigne le courrier du 16 mars 1892 (voir supra). La période qui s'ouvre alors est  incertaine :

I was working on an explosive motor for traction… with a French engineer Mr Jules Lepontois, we could not finish the model for want of money, so a gentleman who took great interest in our invention and who had great relations, he promises to see some people able to help us. Effectively from his recommendation we had several visitors, mostly engineers, who unfortunately do not believe of the future of our invention, they said that they could not be practicable commercially, and moreover the law never allow to run any vehicle in the streets. We are discouraged when an other gentleman… come to us for investigation of our wonderful motor… this gentleman… said that I was a dam fool to work on a such machine. This was the end of it, and my friend and I, we gave up what we have expected make our fortune, and we sold our unfinished motor to a junk man for $3.00, and now we see others making millions with our dam foolish invention. This serve me for a good lesson, since that, I was always afraid to said a word of recording photographically sound waves.


Crawford, MOMA, Lauste to Crawford (10 February 1930) cité dans SPEHR, 1999: 22-23.

La collaboration avec les Latham (1894-1896)

C'est grâce à W.K.L. Dickson, qui travaille chez Edison, qu'Eugene Lauste va rentrer en contact, fin septembre ou début octobre 1894, avec les Latham. Woodville Latham, le père de Gray et d'Otway, est un professeur qui se lance dans la réalisation d'un appareil pour projeter les films du kinétoscope. L'idée première est de trouver un projecteur pouvant utiliser les films qui passent dans le kinetoscope. Eugène Lauste s'attèle à la tâche, sans beaucoup de succès:

Latham n'avait, lui-même, aucun génie de la mécanique. Il avait seulement une légère idée des problèmes mécaniques et optiques nécessaires à la construction d'une caméra de photos animées ou d'un projecteur. Il s'en rapportait à Lauste pour mener à bien les travaux d'essai en cours [...].
Le Panoptikon, un projecteur conçu pour projeter des films de largeur usuelle (standard), construit par Lauste, malgré ses objections, d’après des plans que Latham lui avait soumis, ne fonctionna jamais.


CRAWFORD, 1930: 26.

C'est donc vers un nouvel appareil que s'orientent les recherches de Lauste. Dans le témoignage conservé, ce dernier explique tout le processus d'élaboration des différents éléments du projecteur et de la caméra, et éclaire en outre les relations qui existent entre les différents partenaires de l'entreprise:

Before began the work, a new meeting took place at their Hotel, for establish a program on what to be decided for the first step. I suggest that before starting on the camera it will be advisable to make a rough projector for experimenting with the Kinetoscope films, which was accepted, and then after, a new one to be built on the same principle as the camera with a device of stop motion. As the first machine was mode, and demonstrate sufficiently the possibility of projecting motion picture on the screen, I began to work on the second one which was more complicated according to the sloping device. It seems to me that Messrs Latham, was not very anxious to hove the projector completed as the camera was more important to them, so I said that I would stop the projector, and start the camera. Everything was going satisfactory as the result of the apparatus, when a little trouble come out, which was the stop motion I had in mind several ways to do it, but our plant was not sufficiently equipped for such line work. So we decide to have it done outside of our workshop. I found amongst several catalogues, one from the Boston Gear Work, in which I notice a sort of internal stop motion gear which was ordered on my instruction, unfortunately the size of it was too large and not suitable for my camera, considering the case, Mr Otway call on Mr W.K.L Dickson, and try to get some ideas for making a stop motion. As Mr Dickson was still with Mr Edison, he had no intention to help Messrs Latham their invention' in any ways, I think to keep his friendship with Messrs Latham, he simply suggested to them to use on escapement similar to those used in the watch, and then he make a little sketch to show how it look. Mr Otway ask me my opinion and what I think of the idea, which I said, No good, too delicate. Of course they trust more Mr Dickson than of me, I was asked to make one and see what would be the result, which naturally was o failure, and prove that I was right.


Crawford, MOMA. Lauste's comments on Terry Ramsaye's A Million and One Nights, 1 February 1927. Cité dans SPEHR, 1999: 24.

Contrairement au format des films pour kinetoscope (35 mm), les bandes prévues pour l'appareil de Latham ont une largeur de 50,8 mm (2 pouces). Après le premier essai du 26 février 1895, c'est donc finalement  le 1er mars que l'appareil est installé sur le toit du Scott Building, 35 Frankfort Street et où différents membres de l'équipe se retrouvent devant la caméra tenue par Otway Lathman :

... I remember we take a picture of on incandescent lamp in February about the 26th; but when the camera is finished you have to wait for the film because Mr Latham gave the order in February, but between the camera's finishing and the taking pictures I had to make a punching machine for perforating the film; as soon as we receive the film we punched the holes and we tried it ...
We find some trouble with the stop motion; and we have to make another one, something similar to the Maltese cross; and when the camera was in good order again we took a picture on the roof, a short time after that, of Mr Latham, Mr Gray Latham, Mr Kleinert and myself and my son; and Mr Otway Latham operated the camera; at that time the camera worked in good order.


ENS, Lauste testimony in 191, Patents Co. v. IMP. (cité dans SPEHR Paul C. “Eugene Augustin Lauste: A Biographical Chronology.” Film History, vol. 11, no. 1, 1999, pp. 18–38. (JSTOR, www.jstor.org/stable/3815254)

Finalement, une première séance a lieu, à New York, le 21 avril 1895 (The Sun, New York, 22 avril 1895, p. 2) avec le pantoptikon, nom donné au projecteur. Par la suite, Eugène Lauste va participer à la diffusion de films avec les Lathman. De El Paso, les collaborateurs continuent leur route vers Mexico, ou tout au moins deux de ses membres, Gray Latham et Eugene Lauste. Il va s'agir de filmer une course de taureaux, spectacle qui rencontre la faveur d'une grande partie du public. Le tournage va s’étaler sur plusieurs jours - et deux arènes différentes - pour prendre fin le 25 mars. Le résultat sera un film, Bull Fight, d'une vingtaine de minutes. Gray Latham en profite pour tourner également une Passion Play, sans doute la première de l'histoire du cinéma, et Drill Engineer Corps, Mexican Army. Pour sa part, Otway Latham est parti aux chutes du Niagara où il prend quelques vues. La production reste limitée, mais elle se caractérise par la longueur des films qui atteignent souvent plusieurs minutes. Elle se prolonge au moins jusqu'à l'été 1896. C'est à ce moment-là que les Latham vont être conduits à mettre un terme à leurs activités et à vendre l'eidoloscope.

The American Mutoscope Company et ses filiales françaises (1896-1900)

La fin des activités des Latham conduit Eugène Lauste à rejoindre la toute nouvelle American Mutoscope Company, fondée à la fin de 1895 par quatre amis : Elias B. Koopman, Harry Marvin, Herman Casler et W.K.L. DicksonKoopman et Dickson, accompagnés de deux opérateurs, C. H. Gibbons  et  Coward, quitte New York, le 12 mai 1897 et arrivent à Southampton, le 19 du même mois. Eugène Lauste les rejoint en juillet 1897 accompagné de deux de ses enfants. Il est tout de suite à l'oeuvre et installe un premier appareil au Casino de Paris, à partir de novembre 1897. L'american biograph va y fonctionner pendant des mois :

Comme le temps passe !
On la fait souvent, très souvent, cette réflexion, et à force, elle est devenue banale. Pourtant, tous les Parisiens l'ont trouvée justifiée, avant-hier matin, en lisant dans le Journal la deux centième exhibition du Biographe, et la soirée de gala annoncée pour samedi, c'est-à-dire pour demain,- au Casino.
Ainsi, depuis plus de six mois, le Biographe charme le public, et celui-ci reste, comme au premier soir, enthousiaste de l'appareil merveilleux. Avez-vous vu le Biographe ? Avez-vous vu ses nouveaux tableaux ? Voyez-les… revoyez-les... On n'entend que cela, partout. 
Demain, et pour fêter la deux centième, séance extraordinaire : trente tableaux présentés par M. Lauste, qui fut l'un des meilleurs lieutenants d'Edison.


Le Journal, Paris, 11 mars 1898, p. 1.

Par ailleurs, des projections sont organisées, dans les mois suivants, dans d'autres salles parisiennes, mais également à Bordeaux (janvier 1898), à Reims (avril-mai 1898), à Saint-Nazaire (juin 1898), à Lille (décembre 1898-janvier 1899)... On trouve également, sous le nom "biograph américain", des séances à Marseille (novembre 1898), Tarbes (janvier 1899), Bagnères-de-Bigorre (janvier 1899)... mais rien ne permet de dire qu'il s'agit bien d'un "american biograph".

En juillet 1899, l'American Biograph d'Eugène Lauste offre une session exceptionnelle à l'occasion du banquet hebdomadaire du Journal. Il présente une belle collection de vues animées : 

NOS CONCOURS CYCLISTES
HEBDOMADAIRES
L'ENSEIGNEMENT ET LES PROFESSIONS LIBÉRALES
[...]
LE JOURNAL.
P.-S. — Samedi soir a eu lieu, dans notre Salle des Fêtes le banquet hebdomadaire auquel assistaient les vingt-cinq premiers de notre , précédente épreuve. L'heure tardive à laquelle on s'est séparé nous a empêchés de donner le compte rendu de cette fête familiale dans notre numéro d'hier.
[...]
L' "American Biograph" était aussi de la fête, et ce merveilleux appareil, qui laisse bien loin tous les cinématographes connus, nous a fait applaudir une série de vues tout à fait saisissantes, passant sans aucune trépidation. Celle du commandant Marchand débarquant à Toulon est une merveille ; ce n'est pas une image que nous avons devant les yeux, mais un véritable tableau vivant, qui a été salué par les bravos, par un ban et un double ban.
Voici les courses à bicyclettes; en automobile, où nous reconnaissons le comte de Dion en voiturette et M. Bouton sur son tri.
L'armée défile aussi ; puis, grâce au « Biograph », nous avons, sans fatigue, fait le délicieux voyage du littoral méditerranéen : Beaulieu, la Turbie, Monaco, Montecarlo.
C'est un spectacle merveilleux ; toutes nos félicitations à M. E. Lauste, l'ex-assistant d'Edison, qui dirigeait cette séance.
F.M.


Le Journal, Paris, lundi 3 juillet 1899, p. 4. 

Les activités d'Eugène Lauste ne se limitent pas à la fonction d'opérateur de projections animées, il a un rôle clé dans la production de vues cinématographiques. Il est en effet responsable des ateliers de la filiale française de l'American Mutoscope Co, la Biograph et Mutoscope Company for France. Les ateliers se trouvent à Courbevoie (27, rue d'Aboukir) et ils permettent toutes les opérations de la production de film, du tournage au tirage des copies. 

courbevoie 01 lauste eugene courbevoie
Biograph Mutoscope Company
27, rue d'Aboukir (c. 1900)
E. Lauste et son équipe, Atelier, Courbevoie, c. 1899
© Smithsonian Institution-National Museum of American History
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Les ateliers et les studios de tournage
(rue d'Aboukir)
Atelier d'E. Lauste, Courbevoie, c. 1899
https://www.shcourbevoie.fr/mutoscope-eclipse/ © Smithsonian Institution-National Museum of American History

On retrouve Eugène Lauste à Rouen (novembe 1899 et en février-mars 1900), Roubaix (mars 1900 et novembre-décembre 1900), Nantes (mars-mai 1900), Lille (mars 1900 et novembre 1900)... Eugène Lauste travaille également pour la galerie Georges Petit :

Quelle extraordinaire leçon de choses l'on prendrait, si l'on pouvait assister aux vues animées de S.S. le pape Léon XIII, dans le réduit où se tient avec ses appareils M. Lauste, le savant directeur de l'usine de l'American Biograph ! Le public qui vient en foule à la galerie Georges Petit, l'après-midi et le soir, ne se doute pas de l'effort mécanique énorme et des soins que réclame, la mise en œuvre de ces bandes à qui l'on doit l'illusion de la vie.


Le Gaulois, Paris, 3 février 1900, p. 1.

Il est probablement responsable d'une part des vues qui figure dans les numéros 5000 du catalogue de l'American Biograph & Mutoscope Co dont celle de l'Exposition Universelle où par ailleurs il a mis en place le biograph du pavillon du Grand Guignol. Pourtant, malgré ces activités, dans une lettre de Julian Walter Orde, manager de la société, Eugène Lauste apprend qu'il est remercié :

29 août 1900
[...] à cause du changement d'administration et des économies qui vont être apportées dans les affaires, la Société n'aura plus besoin de vos services à partir du 1er octobre prochain. 

[...] C'est avec un vif regret que deux jours avant mon départ je suis obligé de vous signaler cette détermination et j'espère que vous trouverez un emploi tout à votre goût.
Julian W. Orde à Eugène Lauste.


Fonds Eugène Lauste. Smithsonian Institution. (cité dans MEUSY, 1997: 703).

Comme on peut le lire, la réorganisation concerne également la direction elle-même puisque Julian W. Orde quitte ses fonctions à la suite du changement d'administration. Pourtant, Eugène Lauste va vite reprendre ses activités puisqu'il va continuer à organiser des séances comme on peut le lire dans ce bref entrefilet :

L'American Biograph qui, en mars dernier, a obtenu à Lille un si grand succès avec ses vues animées incomparables, tient la promesse qu'il avait faite de commencer par notre ville, sitôt l'Exposition close, sa grande tournée de France.
Il a retenu la salle de la Société industrielle pour une série de représentations à partir du 17 jusqu'au 25 novembre, et nous apporte, paraît-il, un programme merveilleux de scènes militaires et historiques, vues panoramiques en même temps qu'animées de l'Exposition, etc., etc.
Mais ne déflorons pas encore les surprises que nous réservent MM. E. Lauste et Richshoffer, les directeurs des voyages de l'American Biograph.


Le Grand Écho du Nord de la France, Lille, 7 novembre 1900, p. 5.

On retrouve également Eugène Lauste en Grande-Bretagne :

AMUSEMENTS IN CARDIFF
[…]
ANDREW’S HALL.—This hall is now open with a Trades Exhibition, interspersed with novelties of varied description, prominent amongst which is Holden's Fantoches, the American Biograph, under the supervision of M. Emile [sic] Lauste; the Wonderful Mystery of De Wet’s Escape; M. Paul, glass blower; and the Ladies’ Orchestra, under the able conductor-ship of Madame Marie Levanti.


The Era, London, Saturday 29 June 1901, p. 7.

Il est de nouveau à Lille en avril 1902. En 1904, l'American Biograph Mutoscope est en liquidation :

LES FAILLITES
Jugements du 28 mai 1904.
American Biograph Mutoscope Français limited (en liquidation), société anonyme au capital de 750,000 francs, ayant eu pour objet l'exploitation d'appareils pour la production de photographies animées, avec siège Londres, Osmond House, 63, Queen Victoria street, E. C. ; siège d'exploitation à Paris, 33, rue Joubert et usine à Courbevoie, rue d'Aboukir, 27.- M. Malesset, juge commissaire M. Lesage, syndic.


Le Matin, Paris, 29 mai 1904, p. 4.

Voici le détail de la liquidation :

19º La cession enregistrée au secrétariat général de la préfecture du département de la Seine, le 25 janvier 1905, faite, suivant acte en date du 24 décembre 1904, à M. Lefebvre (Léonard-Alexandre-Emmanuel), industriel, demeurant à Paris, rue Nollet, n° 19, par M. Lesage (Charles), syndic de faillites, demeurant à Paris, rue Christine, n° 7, agissant au nom et comme syndic de la faillite de la société dite : American Biograph Mutoscope français, avec siège à Londres (Angleterre), Ormond House, 63, Queen Victoria Street E .C. et siège d'exploitation à Paris, rue Joubert, n* 33, des droits de ladite société au brevet d'invention de quinze ans pris, le 9 mars 1897, par M. Koopman, et dont elle est partiellement cessionnaire, pour perfectionnements aux appareils photographiques.
20º La cession enregistrée au secrétariat général de la préfecture du département de la Seine, le 25 janvier 1905, faite, suivant acte en date du 24 décembre 1904, à M. Lefebvre (Léonard-Alexandre-Emmanuel), industriel, demeurant à Paris, rue Nollet, n° 19, par M. Lesage (Charles), syndic de faillites, demeurant à Paris, rue Christine, n° 7, agissant au nom et comme syndic de la faillite de la société dite : American Biograph Mutoscope français, avec siège à Londres (Angleterre), Ormond House, 63, Queen Victoria Street E .C. et siège d'exploitation à Paris, rue Joubert, n* 33, des droits de ladite société au brevet d'invention de quinze ans pris, le 18 mai 1897, par M. Casler, et dont elle est partiellement cessionnaire, pour perfectionnements aux appareils à vues consécutives.
21º La cession enregistrée au secrétariat général de la préfecture du département de la Seine, le 25 janvier 1905, faite, suivant acte en date du 24 décembre 1904, à M. Lefebvre (Léonard-Alexandre-Emmanuel), industriel, demeurant à Paris, rue Nollet, n° 19, par M. Lesage (Charles), syndic de faillites, demeurant à Paris, rue Christine, n° 7, agissant au nom et comme syndic de la faillite de la société dite : American Biograph Mutoscope français, avec siège à Londres (Angleterre), Ormond House, 63, Queen Victoria Street E .C. et siège d'exploitation à Paris, rue Joubert, n* 33, des droits de ladite société au brevet d'invention de quinze ans pris, le 3 août 1897, par M. Casler, et dont elle est partiellement cessionnaire, pour mécanisme d'amenée et de manipulation de tissus pour appareils à vues consécutives, machines à projections et autres appareils du même genre.


Bulletin des Lois de la République Française, nº 2664, p. 1716.

L'usine et les locaux de Courbevoie installés sur un site dont les propriétaires sont M. et Mme Boudet, marchands de beurres à Asnières, sont cédés ensuite à la société Eclipse en 1906.

Et après (1907-1935)

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Henry G. Lauste with his new invention that produces motion pictures that talk. The machine is a portable as the present "movie" camera and makes the visual and oral records simultaneously. It will undoubtedly revolutionize the moving picture industry in time. (From Wide World Photographs)
The Washington Post, Washington, Sunday, December 14, 1919,  p. 9.

lauste eugene 02
Eugène-Augustin Lauste et Merritt Crawford
Le Nouvel Art Cinématographique, nº 6 (2e série), avril 1930, p. 23.

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L'inventeur écoutant un film sonore fait en 1910 (Cliché Cinema, mai 1930)
Le Nouvel Art Cinématographique, nº 6 (2e série), avril 1930, p. 25.

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"Eugene Lauste with the first 'talkie' apparatus. Note the huge magnet and microphone. The original from which this is reproduced is signed "E. A. Lauste" and dated 1906 [Bioscope Exclusive]
The Bioscope, Wednesday 8 Mayo 1929, p. 59.

Sources

CRAWFORD Merritt, "Eugène-Augustin Lauste, Père du film sonore", Le Nouvel Art cinématographique, Brest, avril 1930.

CRAWFORD Merritt, "Some Accomplishments of Eugene Augustin Lauste-pionner sound-film inventor", Journal of the Society of Motion Picture Engineers, vol. XVI, nº 1, January 1931, p. 105-109.

CRAWFORD Merritt, "Pioneer Experiments of Eugene Lauste in Recording Sound", Journal of the Society of Motion Picture Engineers, vol. XVII, nº 4, October 1931, p. 632-645.

MEUSY Jean-Jacques et Paul C. SPEHR, "Les débuts en France de l'American Mutoscope and Biograph Company", Histoire, économie et Société, vol. 16, nº 4, décembre 1997, p. 671-708. 

SPEHR Paul C. “Eugene Augustin Lauste: A Biographical Chronology.” Film History, vol. 11, no. 1, 1999, pp. 18–38. (JSTOR, www.jstor.org/stable/3815254)

SPEHR Paul, The Man Who Made Movies: W.K.L. Dickson, New Barnet, JL, 2008, 706 p.

Société historique de Courbevoie (https://www.shcourbevoie.fr/mutoscope-eclipse/)

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20-28/11/1899 France Rouen Boulevard Beauvoisine American Biograph
         

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