MEAUX

Jean-Claude SEGUIN

Meaux, commune du département de la Seine-et-Marne (France), compte 12.833 habitants (1894).

1896

Le Cinématographe de M. Delaune (Salle de la Renaissance, 11 octobre 1896)

M. Delaune sillonne les routes de la région, au même titre que M. Armand, avec son cinématographe. Il brûle d'ailleurs la politesse à ce dernier puisqu'il arrive le premier à Meaux. Tourneur lui aussi, il privilégie les projections uniques. Celle qu'il organise ici a lieu dans la salle de la Renaissance, le dimanche 11 octobre 1896 au soir. La presse rappelle, à l'occasion, l'origine de la nouvelle invention et la relation qu'elle entretient avec le kinétoscoscope d'Edison :

Il y a 18 mois environ, tout Paris défilait, au boulevard Montmartre, devant le kinétoscope. Ce merveilleux petit instrument d'optique, inventé par Edison, était la mort du stéréoscope : à l'aide d'une fort ingénieuse combinaison de lentilles devant lesquelles passaient, avec une rapidité vertigineuse, des clichés photographiques à projection, éclairés par la lumière électrique, les spectateurs avaient la véritable illusion du mouvement. Personne de ceux qui l'ont vu  n'a perdu le souvenir de la Scène chez le coiffeur, des Danses de la Loïe Fuller, des Exercices de gymnastique de l'homme-poisson, etc. Mais les proportions des objets représentés étaient relativement minimes. La découverte a fait un grand pas dans ces derniers temps, grâce aux travaux d'Edison et de MM. Lumière. Le kinétoscope a fait place au cinématographe. Les vues sont maintenant projetées, en grandeur naturelle, sur un écran, et l'illusion est complète pour les nombreux assistants, qui peuvent, ensemble, jouir du spectacle. Ce spectacle sera offert ce soir, samedi, à la salle de la Renaissance. Nul doute que les amateurs ne soient nombreux qui voudront connaître la merveilleuse invention.


Le Publicateur de l'arrondissement de Meaux, Meaux, 11 octobre 1896.

La salle de la Renaissance, inaugurée en 1889, est une dépendance du Café de l'Hôtel-de-Ville où le propriétaire, Alfred Verrier, organise de nombreux spectacles en tout genre, en particulier des concerts. C'est le Publicateur qui offre un compte rendu, mitigé, de cette séance d'un nouveau type :

La séance annoncée samedi soir, à la salle de la Renaissance, n'a pas conforté peut-être tout le succès sur lequel comptait le public. Il y a eu par-ci par-là de petits accrocs résultant de la rapidité avec laquelle l'expérimentateur, pris par le temps, avait dû procéder à son installation. Néanmoins, l'attention du public ayant été mise en éveil par l'exhibition de cette belle invention, c'est devant une salle comble que, dimanche, les expériences ont recommencé. Et elles ont parfaitement réussi. Chacun est parti émerveillé d'avoir vu, de ses yeux vu, " L'arrivée du tsar au Ranelagh ", et s'être complu aux scènes de " L'arrivée du train à la gare de Vincennes ", du " Mouvement des abords de la gare Saint-Lazare ", de " La Parisienne au bain ", des " lutteurs ", de la " Danse de la 'bourrée' " et de tant d'autres. C'était absolument vivant et, comme disait l'annonce, une autre fois " ceux qui n'ont pas vu voudront voir, ceux qui ont vu voudront revoir. "


Le Publicateur de l'arrondissement de Meaux, Meaux, 14 octobre 1896.

Le programme, curieusement, est assez voisin de celui de M. Armand et les différences restent minimes, peut-être dues simplement à la transcription du journaliste. Ainsi, L'Arrivée du train à la gare de Vincennes pourrait faire penser au film Méliès, mais dans le répertoire de M. Armand. il est question de la gare de Versailles. La prudence est donc de mise, même si certaines vues sont tout à fait identifiables comme Danse de la bourrée ou La Parisienne au bain - cette dernière, oeuvre du photographe Pirou, est commercialisée dans le format "Joly-Normandin" ou "Lumière" chez l'éditeur-revendeur Vitagraphe. Le répertoire est donc peu homogène, ce qui rend l'identification des autres vues plus délicate. Ainsi L'Arrivée du tsar au Ranelagh pourrait être l'une des nombreuses vues prises lors du voyage du Tsar en France et qui a été amplement filmé. Après cette représentation unique, M. Delaune poursuit sa tournée en se rendant à La Ferté-sous-Jouarre.

Répertoire (autres vues) : La Loïe Fuller, L’Entrée du Tzar à Paris avec le splendide défilé des troupes d Afrique et des cuirassiers (Le Journal de Seine-et-Marne, Meaux, 14 octobre 1896, p. 2), Défilé des troupes (L'Avenir de l'Aisne, 16 octobre 1896).

Le Cinématographe de M. Armand (Brasserie parisienne, 18 octobre 1896)

Le tourneur M. Armand vient d'organiser, la veille, une séance à Esbly où le succès a été au rendez-vous. À Meaux, il n'est pas le premier à présenter des vues animées, et son passage, ici encore, est finalement bien furtif. Une seule soirée est ainsi prévue à la Brasserie Parisienne :

M. Armand donnera demain soir, à 8 h 1/2, une séance de cinématographie à la Brasserie parisienne. Nous relevons au programme, indépendamment de l'histoire de Jeanne d'Arc en 30 tableaux de projections lumineuses, les reproductions photographiques animées de : 1. " Scène du déjeuner " ; 2. " Les lutteurs " ; 3. " Le couronnement du tsar " ; " Loïe Fuller " ; 5. " Les chevaux de bois " ; 6. " Le chemin de fer " ; 7. " Une sortie d'usine " ; 8. " Danse auvergnate " ; 9. " Place de la Concorde " ; 10. " La baignade "


Le Publicateur de l'arrondissement de Meaux, Meaux, 18 octobre 1896.

Bien peu d'informations, sauf sur la programmation identique, ou presque, à celles de Lagny ou d'Esbly. D'ailleurs l'autre périodique Le Journal de Seine-et-Marne passe même sous silence cette séance. Comme dans le cas de M. Delaune, qui l'a précédé de quelques jours, les cafés constituent le lieu privilégié pour ces séances cinématographiques. M. Armand poursuit sa tournée dans la Marne, département voisin.

 

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