Les Méfaits d'une tête de veau 

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Les Méfaits d'une tête de veau

Comique et à transformations.
Une tête de veau s'échappe du plat où elle était déposée et va se remettre à un clou. Le boucher la replace dans son plat et la nettoie avec rage. La tête enchantée va alors se fixer sur les épaules du boucher, dont la tête prend place au milieu du plat. La tête de veau, devenue boucher à son tour, se venge en la grattant, en l'étouffant à moitié avec le persil et en la coiffant du récipient où elle baignait précédemment et qu'elle lui appuie avec force sur le crâne.

GAU 1900-01

GAU 1905

GAU 1906


Las Travesuras de una cabeza de ternera 

Escena cómica de transformaciones
Una cabeza de ternera se escapa del plato en que estaba colocada y se cuelga ella sola en un clavo. El carnicero la vuelve a colocar en el plato, lavándola antes con rabia. La cabeza encantada va entonces y se coloca sobre los hombros del carnicero, pasando la suya a colocarse en el plato. La cabeza de ternera que se convierte en la del carnicero a su vez. Se venga de la de éste maltratándola, cubriéndola casi de peregil (sic), y metiéndola en el recipiente en que antes había sido ella lavada apretándolo con fuerza el cráneo.

GAU 1903 ESP

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1 Gaumont 244   
2 n.c.  
3 < 10/10/1899 30 m 
4 France, [Paris]  

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10/10/1899 EspagneBarcelone Antigua Casa Rosell  Trasformación de una cabeza vaca
 

Antigua Casa Rosell
Plaza de Palacio, 13
Sr. D. ·Eduardo Gimeno (Zaragoza)
Barcelona 10 de octubre de 1899
[...]
Película            Trasformación de una cabeza de vaca
[...]


Filmoteca Española, MAR/03/100

03/06/1900 France. Pau.   Les Méfaits d'une tête de veau

Les Méfaits d'une tête de veau: état de la question

Les Méfaits d'une tête de veau : état de la question

Jean-Claude SEGUIN

Les conditions de production des Méfaits d'une tête de veau ont donné lieu à des controverses nourries de témoignages contradictoires. Le film, dont le tournage est à situer, avec une assez grande précision en 1899 et avant le mois d'octobre (il est en vente à ce moment-là), est une vue à trucs, production tout à fait exceptionnelle dans le catalogue Gaumont tant par sa nature que par sa précocité. L'origine du film pourrait se trouver dans une histoire dessinée publiée par la revue Le Journal pour tous, supplément hebdomadarie illustré du Journal dans son édition du 16 février 1898, même si l'on est loin du scénario publié.

0244 Le Journal pour tous bpt6k5694926h 5

Le Journal pour tous, Paris, mercredi 16 février 1898, p. 4.

L'information qui suit provient de quelqu'un, Étienne Arnaud, qui est un témoin privilégié de cette époque des origines, et est reprise, en 1948, par Marcel Lapierre.

Mlle Alice Guy, secrétaire de M. Gaumont eut, la première dans son milieu, l'idée de faire jouer une scène dramatique devant l'objectif cinématographique. Un barbouilleur de la rue de la Villette, qui avait la spécialité des paysages pour intérieurs de bars et petits cafés, peignit une toile représentant la rue de Belleville, flanquée de son funiculaire. La perspective était d'un effet comique irrésistible, mais le cubisme n'étant pas encore à la mode, le décor n'ajouta rien au succès de la scène : " les Méfaits d'une tête de veau ".
Devant ce décor fixé contre le mur d'un jardin, Mlle Guy " tourna " son scénario pour lequel un employé de l'Atelier des Appareils Gaumont, et un petit apprenti de l'usine acceptèrent de jouer les deux premiers rôles à côté d'une tête de veau, accessoire principal.


Étienne Arnaud et Boisyvon, Le Cinéma pour tous, Paris, Garnier Frères, 1922, p. 42.

Il faut attendre une quinzaine d'années pour trouver une nouvelle version, celle que Pierre Laroche  évoque dans l'une de ses conférences dans Les Cahiers de Radio-Paris :

C'est, je crois, Léon Gaumont qui tourna chez nous le premier film essayant de raconter une histoire aux spectateurs.
Ce film s'intitulait Les méfaits d'une tête de veau et il avait été réalisé en studio devant un décor : une toile peinte qui représentait naïvement une rue de Belleville. Sa vedette féminine était Mme Alice Guy et deux mécaniciens du studio jouaient les jeunes premiers.
[...]
Nous avons dit qu'en France, le premier film fut inspiré d'une scénario, le premier film essayant de raconter une histoire fut Les méfaits d'une tête de veau, réalisé par Léon Gaumont.


Pierre Laroche, "Du cinéma parlant au cinéma muet", Les Cahiers de Radio-Paris: conférences données dans l'auditorium de la Compagnie française, 1938, p. 922.

Pierre Laroche semble s'inspirer directement de la version d'Étienne Arnaud, même s'il y apporte des modifications substantielles dont nous ignorons l'origine. Il attribue le film à Léon Gaumont lui-même et fait d'Alice Guy l'interprète principale. La troisième version, qui provient directement d'Alice Guy, remet en cause les précédentes et attribue à Ferdinand Zecca, la paternité du film :

Zecca, le seul collaborateur qui resta environ deux semaines avec moi avant de joindre Pathé, tourna les Méfaits d'une tête de veau (film qui me fut faussement attribué par la suite). Intéressant parce qu'il illustrait la méthode des arrêts pendant lesquels on déplaçait l'objet comme dans La Momie. Il me conta qu'avant de venir nous voir, il vendait des savons de porte en porte et les mouillait pour en augmenter le poids.


Alice Guy, Autobiographie d'une pionnière du cinéma (1873-1968), Paris, Denoël/Gonthier, 1976, p. 66.

Tout cela, on s'en doute, entretient une grande confusion. Il s'agit donc de voir parmi ces versions celle qui serait la plus plausible.

Du résumé publié dans le catalogue Pathé, on peut retenir que l'action se limite à un seul personnage masculin et une tête de veau qui vient se substituer à celle du boucher, figure principale de cette vue. Cette situation rend difficile la version Pierre Laroche qui ferait d'Alice Guy l'interprète principale du film, assistée de deux autres comédiens. Par ailleurs, dans la version proposée par Étienne Arnaud, il est question de deux personnages et d'un décor qui ne semblent pas totalement cadrer avec le résumé du catalogue qui ne retient qu'un seul personnage - le boucher - et où le décor ne semble guère avoir d'importance puisque l'action se concentre sur un plat dans lequel se trouve la tête de veau. Reste à examiner maintenant la question du cinéaste: Alice GuyLéon Gaumont ou Ferdinand Zecca. En ce qui concerne la version d'Étienne Arnaud, elle est réfutée par Alice Guy elle-même ce qui est déjà un gage sérieux auquel il faut ajouter qu'en 1899, elle n'a encore tourné aucun film. L'hypothèse Léon Gaumont apparaît bien fragile. D'une part Pierre Laroche semble ne pas être tout à fait sûr de ce qu'il avance... D'autre part, on a du mal à imaginer Gaumont tourner un film de trucage à une époque où les seules vues qui l'intéressent, à titre personnel, sont les vues "générales" (on dirait aujourd'hui les "documentaires") et les vues "d'actualité" (on dirait "reportage"). Resterait alors la version d'Alice Guy qui, alors au Comptoir, rencontre Ferdinand Zecca à l'occasion de ce tournage. Cela pourrait cadrer, n'était la situation de Zecca à ce moment-là. Il est en effet chez Pathé depuis 1898 (au service des "phonographes") et n'a aucune expérience cinématographique. Il considère que son premier film - dont il n'est d'ailleurs pas l'opérateur - est Le Muet mélomane. Il faudrait que Zecca ait fait une escapade chez Gaumont pour tourner le film et qu'il soit rentré immédiatement chez Pathé, ce qui est un peu rocambolesque, en mesurant par ailleurs les risques qu'il pouvait courir à aller ainsi chez la concurrence. Ces différentes versions marquent vite leurs limites. Est-ce à dire que tout cela a été inventé de toutes pièces... on se demanderait bien pourquoi.

L'explication la plus plausible pourrait bien se trouver dans une confusion de films et de titres. Au fond, les récits d'Arnaud, qui n'arrive chez Gaumont qu'en 1905, et d'Alice Guy, qui y travaille depuis [1896] sont sans doute les plus proches de la réalité... d'une autre vue du catalogue. Il faudrait savoir laquelle. De tous les films de la période 1896-1906, un seul, outre Les méfaits d'une tête de veau, évoque une " tête de veau ", il s'agit de Le Boucher - hypothèse formulée par  Maurice Gianati - et dont voici le scénario:

Un boucher rentre des halles, portant sur sa tête des provisions qu'il vient d'acheter. Il est bientôt suivi par sa femme. Celle-ci porte un grand baquet contenant une tête de veau qu'elle pose dans un coin. Malgré son grand âge, la bouchère est restée coquette. Contente d'avoir accompli son travail, elle croit pouvoir satisfaire à son défaut préféré : elle se met donc en devoir de refaire ses frisettes et de mettre un nuage de poudre. Le boucher, agacé, lui met le balai en main ; de mauvaise grâce elle en donne quelques coups au parquet, puis sur les gigots. Fureur du mari, qui lui envoie un coup de pied ; la bouchère tombe ; en même temps sa perruque roule par terre, découvrant un crâne complètement dénudé. Furieuse, elle se relève et vient la main levée sur son mari. Celui-ci lui envoie un formidable coup de poing dans l'œil, qui l'étend de nouveau à terre : elle se relève, l'œil complètement noir. Hors d'elle, elle sort et revient avec un agent à qui elle montre les traces de coups. Celui-ci, indigné, frappe à coups de bâton blanc le mari, qui rejette toutes ses dents. La femme, prise de remords, se précipite sur l'agent pour défendre son mari : aidée de ce dernier, elle plonge l'agent dans un baquet d'où il ressort coiffé de la tête de veau. Ahuri, assommé, il ne tarde pas à expirer sous leurs coups.


(PAT-01] 

paris rue de belleville
Collection P. Fleury, Rue de Belleville (XIXe et XXe arrts). Descente du funiculaire (début XXe siècle)

Il s'agit là d'un scénario, beaucoup plus élaboré que celui des Méfaits d'une tête de veau, où l'on imagine assez bien un décor comme celui que décrit Étienne Arnaud. On y retrouve aussi les deux personnages dont il est question. Certes, il y a un rôle masculin (le boucher) et un rôle féminin (son épouse), mais il est fréquent, dans le cinéma des origines, que certains rôles féminins soient, en fait, tenus par des hommes, ce qui ne serait nullement surprenant compte tenu de la violence des situations. Si cela semble mieux cadrer... reste alors à savoir qui donc a tourné Les Méfaits d'une tête de veau ? Et là, la question reste entière.

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