NOUVELLE-CALÉDONIE

Jean-Claude SEGUIN

La situation géographique de la Nouvelle-Calédonie fait que son sort cinématographique est lié, dans un premier temps, à la proximité relative de l'Australie. Les opérateurs itinérants intègrent Nouméa comme une étape dans leur périple océanien.

À la différence de ce qui se produit souvent ailleurs, la Nouvelle-Calédonie, au cours des dix premières années du cinématographe, va rester dépendante de tourneurs qui se rendent à Nouméa l'espace de quelques jours ou de quelques semaines. En outre, et même la presse évoque à l'occasion des tournages, aucun film ne semble avoir été présenté, ce qui fait peser quelques doutes sur l'existence même de ces bandes locales.

1896

L'arrivée frustrée du cinématographe (septembre 1896)

L'éloignement n'est pas un obstacle pour que dans La France australe on trouve des informations sur les nouveautés techniques et tout particulièrement celles qui ont à voir avec la projection animée. Dès septembre 1896, on peut lire un long article sur le nouveau projecteur d'Edison, le vitascope:

Echos de partout
Le Vitascope
Edison ne fait plus beaucoup parler de lui depuis quelque temps, et cela ne peut évidemment durer. Voici que l'on nous annonce qu'il va nous doter du "vitascope", cinématographe de son invention, qui n'aurait pas de tremblotement.
De plus le vitascope serait doublé d'un phonographe nouveau permettant d'entendre nettement tous les bruits, sons et chants accompagnant les scènes reproduites.
Comme son nom l'indique, le vitascope reproduirait tous les phénomènes de la vie extérieure. Les objets ne se- [sic] plus seulement animés, on percevrait le bruissement des feuilles, les cris de la foule, le sifflement du vent. Et les grands spectacles de la nature pourraient ainsi nous être représentés tant à n'importe quelle distance qu'à un intervalle indéterminé d'années.
Les deux premiers "clous" de cet appareil seraient la vue des chutes du Niagara avec le bruit tonitruant de la légendaire cascade, et le départ d'un transalantique [sic]. Le théâtre mécanique et automatique, sans acteurs, sans figurants et sans musiciens, se trouverait ainsi réalisé. Attendons à l'œuvre le grand inventeur américain.


La France australe, Nouméa, 26 septembre 1896, p. 1.

En attendant qu'un cinématographe ne daigne passer à Nouméa, les Néo-Calédoniens doivent se contenter des concerts des "Enfants de Paris" qui pendant des mois animent la vie nouméenne. Pourtant, à peine quelques jours après l'annonce précédente, La France australe consacre un article en première page au sujet de celui qui est censé présenter un cinématographique Lumière, Marius Sestier.

LE CINÉMATOGRAPHE
Parmi les passagers du "Polynésien" nous signalerons d'une manière toute spéciale l'arrivée à Nouméa de M. Sestier, représentant de MM. Auguste et Louis Lumière de Lyon, les inventeurs de cet ingénieux appareil que l'on nomme le Cinématographe.
Ce curieux instument permet non seulement d'enregistrer par la photographie toutes les scènes animées les plus variées, sans omettre aucun des mouvements qu'elles comportent, mais encore de les reproduire fidèlement, de grandeur naturelle, en les projetant sur un écran, les rendant ainsi visibles pour toute une assemblée de spectateurs.
Grâce aux progrès réalisés on a donc pu arriver à produire des photographies d'une fidélité scrupuleuse qui, dosposées dans des appareils d'une rare perfection, donnent l'illusion parfaite de la vie. Le Cinématographe de MM. Lumière et fils est une véritable merveille qui a fait l'admiration des passagers du "Polynésien".
Le Cinématographe permet de reproduire des scènes où l'on voit des rues entières ou des places publiques avec tout leur mouvement de piétons, voitures, tramways, etc., et l'illusion du mouvement dans les épreuves agrandies est telle que les scènes projetées sont d'une réalité saisissante.
M. Sestier compte séjourner quelque temps à Nouméa où, très certainement, le Cinématographe fera sensation.


La France australe, Nouméa, 30 septembre 1896, p. 1.

Tout est donc prêt pour que tout Nouméa découvre le merveilleux appareil... Mais voilà, Marius Sestier va finalement renoncer à présenter son cinématographe Lumière et se rend directement en Australie. En atendant que quelqu'un veuille bien passer par la Nouvelle-Calédonie avec un appareil de projection, le chanteur comique et monologuiste Steintwal anime les soirées nouméennes (La France australe, Nouméa, 13 janvier 1897), sans oublier bien sûr les "Enfants de Paris".

Bibliographie

La France australe, Nouméa, 1896-1906 BNF.

Martin-Jones Tony, The first projected motion pictures in New Caledonia, 2011-2013.

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