Léopold GRATIOULET, dit Léopold MAURICE

(Paris, 1880-Paris, 1972)

gratioulet leopold  

Jean-Claude SEGUIN

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Étienne Gratioulet (Aiguillon, 01/02/1820-≥ 1879) épouse (Aiguillon, 15/01/1840) Anne, Marie Carrère (Aiguillon, 10/05/1819-Aguillon, 03/06/1868). Descendance :

  • Jean Gratioulet (Aiguillon, 24/10/1843-)
  • Jean Gratioulet (Aiguillon, 25/07/1848-≥1906) épouse Jeanne Vincent (Buzet-sur-Baïse, 1857-). Descendance :
    • Étienne, Marius Gratioulet (Buzet, 27/12/1876-) épouse (Aiguillon, 31/01/1899) Louise Poyaud (Aiguillon, 31/12/1878-)
  • Marie Gratioulet (Aiguillon, 08/12/1849-) épouse (Aiguillon, 29/08/1874) Jacques Youlet
  • Jeanne Gratioulet (Aiguillon, 08/02/1851)
  • Clément Gratioulet dit Clément-Maurice (Aiguillon, 22/03/1853-Sanary-sur-mer, 15/07/1933)
    •  épouse (Paris 9e, 17/05/1879) Françoise, Émilie Carrey (Paris, 04/09/1861-Paris 16e, 26/07/1910). Descendance:
      • Léopold Gratioulet dit Léopold Maurice (Paris 6e, 06/10/1880-Paris 16e, 18/03/1972) épouse (Paris 17e, 17/01/1907) Emilie, Henriette, Vincente Le Borgne (Loudéac, 02/03/1886-Paris 16e, 22/07/1980).
      • Louis, Georges Gratioulet dit Georges Maurice (Paris 4e, 02/02/1883-Nice, 02/01/1964) épouse (Boulogne-Billancourt, 26/04/1917) Aurette, Rachel, Kathleer  Mesguich (Willesden, 31/12/1893-12/08/1987). Descendance:
        • un enfant.
      • Jeanne Gratioulet (Paris 5e, 31/03/1886-Souday, 20/09/1886)
    • épouse (Paris 17e, 06/06/1911) Berthe Lévy (Paris 4e, 21/05/1869-)
  • Anne Gratioulet (Aiguillon, 26/07/1858-) épouse (Buzet-sur-Baïse, 19/12/1880) Jean, Baptiste Dumas (Flaujagues, 04/10/1855-)
  • Anne Gratioulet (Aiguillon, 04/02/1861-03/07/1861)

2

Fils du photographe Clément Gratioulet dit Clément Maurice, Léopold Gratioulet dit Léopold Maurice, fait ses études au Collège Chaptal (Paris).

Le Cinématographe Lumière (1895-[1899])

Alors qu'il n'est âgé que d'une quinzaine d'années, Léopold Maurice va assister aux premières projections du cinématographe Lumière dans le Salon Indien du Grand Café :

Cette salle en sous-sol était d'une décoration assez quelconque qui ne justifiait absolument pas son appellation ; l'escalier d'accès, débouchant directement sur le boulevard à côté de la terrasse du « Grand Café », donnait accès à un vestibule d'environ 5 X 6 mètres où se trouvaient des toilettes : deux tourniquets filtraient l'entrée du salon de forme assez carrée. L'appareil de projection avait été placé sur un plancher surélevé de 1 à 2 marches et une toile noire fixée par des punaises à des montants de bois formait une sorte de cabine : l'écran était disposé à l'autre extrémité du salon, et dans un renfoncement à droite, mon Père avait fait installer un ventilateur actionné par l'air comprimé, car il n'existait aucune aération.
La lumière était fournie par une lampe oxhydrique fonctionnant sur le gaz d'éclairage avec une bouteille d'oxygène : on profitait de l'intervalle entre projections pour changer le bâtonnet de chaux lorsqu'il était usé, et le former afin qu'il donne une bonne lumière dès le début de la séance.
Les projections étaient assurées tantôt par MESGHISH, tantôt par DUCOM à raison de deux séances par· heure : parmi les films inscrits au programme figurait en n° 9 « Le mur », une bande représentant la démolition d'un mur de l'usine ; c'est une copie originale que je vais remettre aux « Archives du Film » dans la boîte même sur laquelle mon Père a écrit qu'il s'agissait d'un des films projetés aux sous-sols du Grand Café.
A la fin de chaque séance, il était assez difficile de faire évacuer la salle, car nombreux étaient ceux qui attendaient autour de la cabine en toile pour essayer de voir l'appareil : d'autres allaient à l'inverse vers l'écran pour s 'assurer qu'il n'y avait rien derrière ! ...


VIVIÉ, 1969: 5.

gratioulet leopold 1969 dessin salon indien
Le croquis de la disposition du "Salon Indien" établi par M. Léopold MAURICE au cours de son interview.
VIVIÉ, 1969: 5.

Léopold Maurice commence alors ses activités cinématographiques en aidant son père à perforer les bandes, il joue également dans les films de Clément-Maurice et seconde en outre sa mère qui tient la caisse des salles Lumière. Il s'intéresse par ailleurs à la photographie.

Le Phono-Cinéma-Théâtre (1900)

C'est à l'occasion de l'Exposition Universelle de 1900 qu'il travaille, toujours avec Clément-Maurice, pour le projet de Marguerite Vrignault :

[...] une actrice, sociétaire de la Comédie Française (une très jolie femme) Madame VRIGNAULT avait conçu le projet de faire entendre au public les plus grands artistes en renom en même temps que leur image animée était projetée sur l'écran; elle chargea mon Père de s'occuper de la partie technique: ce fut donc lui qui enregistra les films, les artistes mimant l'enregistrement phonographique qu'ils avaient préalablement effectué.
Ainsi s'ouvrit dans !'Exposition de 1900, rue de Paris, à gauche de la porte 43, le « Phono-Cinéma-Théâtre » ; c'était mon frère Georges qui tournait la manivelle du projecteur, écoutant par une ouverture de la cabine le son qu'émettait dans la salle le phonographe à rouleau de marque EDISON : le synchronisme était approximatif, surtout lorsqu'il m'arrivait de le remplacer, car je n'avais pas son expérience pour suivre le son en accélérant ou ralentissant le projecteur. Qu'importe : le succès était considérable et la salle toujours pleine ; il faut reconnaître que le spectacle était exceptionnel, par la qualité des artistes qui étaient présentés : l'affiche (que j'ai conservée), dessinée par Fr. FLAMENG, cite ainsi entre autres au programme des séances : Mme SARAH BERNHARDT, M. COQUELIN Aîné, COQUELIN Cadet, de FERAUDY, Mlle CLEO DE MERODE, M. POLIN... Les journaux étaient enthousiastes : « Grâce à la combinaison complète et absolue de ces deux merveilles modernes, le phonographe et le cinématographe, on est arrivé à un résultat de rare perfection, dont il faut féliciter M. Clément MAURICE » (Le Figaro : 8 juin 1900).


VIVIÉ, 1969: 5.

Le Docteur Doyen et le docteur Modlinski ([1900]-1905)

Au moment de son conseil de révision, il figure comme photographe, mais il est réformé pour myopie. Il collabore alors avec son père aux travaux du docteur Doyen :

Les laboratoires du Dr DOYEN étaient magnifiques, dans sa clinique sise au coin de la rue Duret et de la rue Piccini ; il était très chic avec son personnel: c'était la maison du Bon Dieu.


VIVIÉ, 1969: 5.

C'est dans ces circonstances qu'il va être amené à partir en Russie pour travailler avec le docteur Modlinski :

Or un de ses amis [du docteur Doyen], chef d'un grand hôpital à Moscou, vint lui demander s'il connaissait un jeune homme désireux de venir en Russie pour lui faire marcher son installation de radiographie; comme j'avais été classé « auxiliaire » à cause de mes yeux, le service militaire ne me retenait pas en France. Je partis donc avec un billet A.-R. de 45 jours... et je restai 3 ans à Moscou : j 'y avais à 21 ans voiture à cheval et traineau : j 'y appris à parler et écrire couramment le russe. Je ne revins en France qu'en octobre 1905.


VIVIÉ, 1969: 5.

Grâce à son matricule, nous savons qu'il quitte la France pour Moscou, le 7 août 1902. Il réside, à partir du 19 mars 1903 à "Moscou: Khodochovski péréoulok chez le docteur Modlinski". Il va installer un studio et un laboratoire de prises de vues photographiques et cinématographiques semblable à celui du docteur Doyen, ainsi qu'un laboratoire de radiologie. Un assez grand nombre de films d'enseignement et de documentation sont tournés alors. Dans ses mémoires, Félix Mesguich rappelle que Leopold Maurice lui donne un coup de main en lui prêtant le laboratoire :

Grâce à mon ami Léopold Maurice envoyé à Moscou par les laboratoires du docteur Doyen, pour y être chargé du service ciné-chirurgical du docteur Modlinski, je profite d'une installation toute prête pour le développement et le tirage des positifs. M. Carles Aumont, directeur du théâtre de ce nom, m'offre aussitôt de les présenter dans son établissement. Mais Moscou étant en état de siège, je dois solliciter au préalable l'autorisation du général Trépov, grans maître de police.


MESGUICH, 1933: 66.

La Raleigh & Robert (1905)

Il est de retour en France en avril 1905 (matricule : 19 avril 1905, 91, rue de Rome. Paris), même si dans ses souvenirs, il évoque plutôt le mois d'octobre :

Je ne revins en France qu'en octobre 1905,
[...]
L'Exposition [sic] terminée, je devins quelque temps reporter chez RALEIGH et ROBERT, au moment de la catastrophe de Courrières où je me rendis pour filmer des scènes tragiques ; j'aidai ensuite à montrer le laboratoire de RALEIGH à la Société "l'Eclipse".


VIVIÉ, 1969: 6.

Il semble, de fait, avoir pris le relais chez Raleigh & Robert (Continental Warwick Trading Cº) de Félix Mesguich qui, après un voyage qui le conduit en Espagne puis en Afrique du Nord, rejoint au début de l'année 1906, la Charles Urban Trading Cº comme le confirme Michaut : 

Il entre à la Warwick Trading Cy, où l'avait précédé son ami Mesguich, qui s'était, depuis l'aube du cinéma, spécialisé dans les reportages et les documentaires, et qui nous a conté ses aventures dans son livre: Tours de manivelle. M. Léopold Maurice assurait la partie technique de cette entreprise  dirigée par MM. Raleigh et Robert. A cette époque, bien entendu, chaque producteur effectuait lui-même le développement et le tirage de ses films.


MICHAUT, 1935: 43.

La Charles Urban Trading Cº (1906)

Cela est également confirmé par le souvenir de Leopold Maurice qui évoque la catastrophe de Courrières de 10 mars 1906 dont il va rapporter des films. C'est à l'été 1906 qu'il rejoint la branche continentale de la Charles Urban Trading Cº :

Puis, toujours en 1906, à la suite encore de M. Mesguisch, il entre à la Urban Trading Cy pour s'y occuper des opérations techniques.


MICHAUT, 1935: 43.

Il va s'occuper, en particulier, du tirage des films que Félix Mesguich a pris à l'occasion du mariage du roi Alphonse XIII :

À Paris, pendant huit jours entiers, dans les laboratoires de la rue Saint-Marc, une double équipe de "développeurs", sous la direction technique de M. Léopold Maurice, dut réaliser des centaines de copies de ces négatifs.
C'est en tirant parti de leur succès que le représentant en France de la Urban Trading Cº, M. Rogers put constituer la Société Française des Films Eclipse.


MESGUICH, 1933: 112.

Et après (1907-1972) 

En janvier 1907, il épouse une laborantine du Dr. Doyen et fonde avec Clément-Maurice et Félix Mesguich, Quelques mois plus tard, il va constituer, avec Clément-Maurice et Félix Mesguich, une nouvelle société cinématographique avec l'appui financier de M. Dumien :

Rentré à Paris, je fais à M. Dumien la visite dont nous avions convenu sur les rives du Nil. Cet homme d'affaires ne se perd pas en préambules. "Voilà! me dit-il, j'ai des capitaux, un vaste terrain disponible à la porte de Paris; proposez-moi deux associés et nous formons une société en nom collectif, pour la production et l'édition cinématographiques.
La semaine suivante nous signons un acte d'association avec MM. Clément Maurice et son fils aîné. Un artcile des statuts me charge spécialement des prises de vues de plein air.


MESGUICH, 1933: 143.

Cette première société est enregistrée le 25 mars 1907. Peu après, la société Eclipse souhaite un rapprochement avec la Radios:

J'apprends que la Société Eclipse désire contracter avec nous une alliance commerciale qui réunirait nos deux productions. Nous créons la "Société Anonyme des Films Radios".


MESGUICH, 1933: 143.

La nouvelle Société Générale des Cinématographes Radios est ainsi constituée le 24 juillet 1907 et Félix Mesguich est bien responsable des vues :

Les premiers directeurs seront: MM. Gratioulet, père et fils, et Mesguich, sus-nommés qui auront la direction des affaires de la Société dans les termes ci-après. M. Gratioulet père aura la direction technique et artistique, M. Gratioulet fils aura la direction des laboratoires et de la fabrication des films, et M. Mesguich sera chargé des prises de vues de plein air et des voyages y relatifs.


Cote de la Bourse et de la banque, Paris, 16 novembre 1907, p. 12.

Un accord va être conclu entre les deux sociétés comme on peut le lire dans le rapport de l'assemblée générale ordinaire du 27 mars 1908 de la Société Générale des Cinématographe Eclipse :

En juillet 1907, nous avons été mis en rapport avec une nouvelle entreprise qui était en voie de transformation en Société anonyme; nous connaissions déjà la valeur des hommes techniques qui étaient à sa tête, nous avons négocié avec ce groupe de façon à constituer la Société sur des plans élaborés par nous-mêmes, et certaines circonstances nous mettaient dans la nécessité de terminer cette opération très rapidement; et il était impossible de convoquer une assemblée à cet effet, dans les délais voulus, c'est pourquoi nous avons assuré cette acquisition à la Société en nous procurant les éléments nécessaires, en dehors des fonds de la Société. Toutefois, elle lui est réservée. Cette opération sera soumise à une assemblée extraordinaire, en même temps que les autres mesures dont nous vous entretiendrons plus loin.
La Société dont nous venons de parler s'appelle le "Radios" et a été constitués par devant le notaire de votre Société, son usine est entièrement terminée et est en production. Jusqu'au moment où l'opération aura été régularisée, la Société "Radios" produit régulièrement des nouveautés qu'elle cède à la Société "Eclipse" dans des conditions déterminées et que votre Société vend dans sa clientèle en même temps que le produit de l' "Eclipse" et de la Charles Urban.
Ce n'est pas le moment d'insister sur l'importance de cette acquisition, qu'il nous suffise de vous dire que les résultats de votre Société devront s'accroître de ce chef d'un bénéfice supplémentaire des plus notables.


Les Assemblées générales, Paris, 10 janvier 1908, p. 122.

Il quitte finalement la société Eclipse pour monter la fime Cinéma-Tirage-L. Maurice (1918-), toujours avec son père et Félix Mesguich.

mesguich felix 1931 Ciné journal   organe hebdomadaire de l'industrie cinématographique
Ciné-Journal, Paris, 23 octobre 1931, p. 7.

Il décède en 1972.

Sources

MESGUICH Félix, Tours de manivelle, Paris, Grasset, 1933, 304 p.

MICHAUT Pierre, "Avec Léopold Maurice du Salon Indien au Cinéma-Tirage L. Maurice", La Cinématographie française, numéro spécial "Hommage de la Cinématographie française. Quarante ans de cinéma", novembre 1935, p. 41 et 43.

VIVIÉ J., "Souvenirs de 75 ans. Léopold Maurice Témoin des débuts du cinéma", Bulletin de l'AFITEC, nº 29, 23e année, 1969, p. 3-8.

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