CHARTRES

Jean-Claude SEGUIN

Chartes, chef-lieu du département d'Indre-et-Loir (France), compte 22.000 habitants (1894).

1896

Le Cinématographe Lumière (Théâtre, 17 mai 1896)

C'est à l'occasion de la réunion annuelle des Sauveteurs d'Eure-et-Loir qu'une séance exceptionnelle de vues animées est donnée au théâtre. C'est sous la responsabilité directe d'Alexandre Promio, chef du service cinématographique de la maison Lumière, que ces projections sont organisées :

LE CINÉMATOGRAPHE
Après la réunion annuelle des Sauveteurs d'Eure-et-Loir, qui aura lieu aujourd'hui à 3h au théâtre, le public assistera à une séance très intéressante du Cinématographe qui fait en ce moment courir tout Paris. Des appareils électriques ont été installés dans la salle du théâtre par les soins de M. Coudray, électricien et la force motrice sera fournie par une locomobile routière de M. Gois-Pardet. Le Cinématographe est, comme chacun le sait, la photographie animée dont le procédé a été découvert par M. Lumière. Nous n'en dirons pas davantage aujourd'hui afin de ne pas nous exposer à diminuer la surprise que ce spectacle réserve à nos lecteurs.


Le Journal de Chartres, Chartres, dimanche 17 mai 1896, p. 2.

Trois jours plus tard, le même journal offre un compte rendu de cette séance :

Fête annuelle des Sauveteurs
Pour la cinquième fois depuis sa fondation, la Société des Sauveteurs d'Eure-et-Loir a célébré dimanche sa fête solennelle, et l'on peut dire que cette fête a dépassé en éclat toutes celles qui l'avaient précédée.
[ ... ]
Vingt minutes d'entracte pendant lesquelles on prépare la scène pour les projections du Cinématographe.
Bien des personnes ignoraient ce qu'est le Cinématographe, cette merveilleuse découverte de MM. Lumière, de Lyon, et encore à l'heure qu'il est, beaucoup de celles qui l'ont admirée dimanche ne se doutent pas que chaque tableau qui a passé sous leurs yeux a exigé 900 clichés photographiques qui ont été pris à une vitesse de 16 par seconde.
Ces clichés sont reproduits sur des bandes pelliculaires de 20 mètres de longueur et passent derrière une lentille qu'éclaire un puissant foyer de lumière électrique.
Cette lumière électrique a été fournie par M. Coudray, électricien à Chartres, qui a fait actionner son dynamo par la machine routière de M. Gois-Pardé.
C'est M. Alexandre Promio, un ingénieur de l'usine de MM. Lumière, qui a fait défiler sous les yeux émerveillés du public ces ravissantes reproductions photographiques. Toutes ont été très réussies, mais celles qui ont plus particulièrement excité l'admiration du public sont : L'abreuvoir d'une casernela Partie de cartesla Discussion politiquel'Arrivée du régimentle Lever de la Garde au Palais de la Reine à Londres, la Sortie de l'Atelier, la Démolition d'une maison, le Chemin de fer et le Bain de mer....


Journal de Chartres, Chartres, mercredi 20 mai 1896, p. 2-3.

Les frères Lumière, qui ont mis en place le système des concessions, organisent parfois des séances ponctuelles pour présenter leur cinématographe. En revanche, on ignore les raisons pour lesquelles, ils ont demandé à Alexandre Promio celle -ci.

Le Cinématographe Lumière (Rue du Marché-à-la-Filasse, 6-[14] juin 1896)

Après la première présentation du mois de mai, le cinématographe Lumière revient à Chartres, mais cette fois dans le cadre du système de concession mis en place, même si, en l'occurrence, on ne connaît pas le nom du concessionnaire. En tout état de cause, il est probable que la Société de Photographie d'Eure-et-Loir soit partie prenante 

Société de Photographie d'Eure-et-Loir
LE CINÉMATOGRAPHE
Nous nous empressons d'apprendre à nos lecteurs que, grâce aux démarches faites par la société de photographie, le Cinématographe de MM. Lumière va être installé dans notre ville. 
C'est une nouvelle dont on peut se réjouir, car rien n'est plus curieux que ce spectacle. Nous ne pouvons songer à le décrire en détail, il faut l'avoir vu pour se rendre compte de l'impression extraordinaire qu'il produit : si grands que soient les progrès accomplis par la science, on était loin de se douter qu'un jour viendrait où l'on pourrait communiquer la vie et le mouvement à une photographie. 
Supposez, en effet, que l'opérateur vienne braquer son objectif sur la place des Epars, au moment où les voitures roulent, où les piétons circulent, où l'animation enfin bat son plein. Ce n'est pas une épreuve ordinaire que l'on vous montrera, si belle qu'elle puisse être ; non, on vous placera devant un grand écran, devant lequel on projettera la photographie, et tout d'un coup, comme si une fée avait touché le cliché de sa baguette, vous verrez les voitures se mettre en marche et rouler comme auparavant, les piétons traverser la place pour vaquer à leurs affaires, toutes les scènes enfin, qui se sont déroulées dans le champ de l'objectif, se reproduire comme si vous regardiez la place au lieu de fixer l'écran.
Croyez-moi, cela vaut la peine d'être vu, d'autant que c'est le dernier progrès de la science et que nous n'en profiterons que quelques jours.
Du reste, quelques privilégiés ont déjà assisté à ce spectacle, au théâtre, où une séance particulière a été donnée par la société des Sauveteurs.
Nous avons vu, hier, le concessionnaire de MM. Lumière. Les séances seront ouvertes au public dimanche prochain 7 juin, à 2h de l'après-midi, dans la salle de Loëns, rue du Marché-à-la-Filasse. Elles auront lieu toutes les demi-heures, de 2h à 6h et de 8h à 10h du soir.
Ajoutons qu'une séance sera consacrée exclusivement et gratuitement aux élèves des écoles de la ville que la Société de Photographie a tenu à faire profiter les premiers de cet intéressant spectacle.


Le Journal de Chartres, Chartres, mercredi 3 juin 1896, p. 2.

chartres marche filasse

ND Phot, Chartres.-Place du Marché à la Filasse (début XXe siècle)

C'est finalement le samedi 6 juin 1896 qu'à lieu l'inauguration des séances de photographies animées. Dans l'article du Journal de Chartres, quelques titres sont évoqués :

Photographie animée.-C'est aujourd'hui qu'a lieu l'ouverture du Cinématographe de MM. Lumière. L'attrait exceptionnel de ce spectacle et le choix des scènes projetées en font une attraction dont le succès promet d'être considérable.
Nous sommes persuadés que chacun sortira de là charmé, car la direction n'a rien négligé pour satisfaire les spectateurs. Quel est l'enfant qui ne sera pas émerveillé à la vue du "Serpent" ou des "Poissons" et réjoui par la scène comique du "Cantonnier". Les amateurs d'art trouveront leur profit dans les vues comme celles de la "Mer", du "Mur" ou du "Train". Les mères pourront admirer la scène si gracieuse des "Petites filles". Enfin il était réservé à l'armée d'avoir la primeur de deux scènes militaires, les dernières créées, toutes deux d'un attrait puissant : le "Boute-selle" et la "Charge des cuirassiers".
Nous rappelons au public que les séances ont lieu toutes les demi-heures dans l'ancienne manutention de la salle Loëns, rue du Marché-à-la-Filasse, et que le prix donnant droit à l'entrée de l'Exposition de photographie et du Cinématographe est fixé à 1f. seulement.


Le Journal de Chartres, Chartres, dimanche 7 juin 1896, p. 2.

Le compte rendu, publié dans l'édition suivante du Journal de Chartres, n'offre que peu d'informations supplémentaires :

LE CINÉMATOGRAPHE
Samedi a eu lieu la séance d'inauguration du Cinématographe Lumière. Comme chacun le sait, les représentations ont lieu place du Marché-à-la-Filasse, dans l'ancienne manutention. Ce spectacle, vivement apprécié par tout le monde, a remporté l'énorme succès auquel on s'attendait, et la Société de photographie d'Eure-et-Loir peut compter recevoir la visite de toute la ville de Chartres et des environs.
Les spectateurs se sont en effet vivement intéressés aux diverses scènes qui se sont animées sous leurs yeux.
La "Charge des cuirassiers", l"'Arrivée du train", les "Mauvaises herbes", "Le mur" qui s'écroule sont à citer parmi les plus étonnantes.
Nous ne saurions trop engager ceux de nos lecteurs qui ne connaissent pas encore cette merveilleuse invention à aller faire un tour à la salle de Loëns ; ils en reviendront enchantés et ils y retourneront
Nous croyons utile de rappeler que les séances du Cinématographe ont lieu tous les jours, de 2 heures à 6 heures de l'après-midi, et de 8 heures à 10 heures du soir ; elles se renouvellent toutes les demi-heures.
Les prix des places sont ainsi fixés :
premières 1  franc.
Secondes et enfants au-dessous de 15 ans : 50 centimes.


Le Journal de Chartres, Charles, mercredi 10 juin 1896, p. 2-3.

La dernière annonce est publiée deux jours plus tard qui évoque la séance du mardi 9 juin réservée aux invités :

À l'occasion du concours régional
LE CINÉMATOGRAPHE LUMIÈRE
sera ouvert samedi et dimanche depuis 10 heures du matin jusqu'à midi et, comme tous les jours, de 2 heures à 6 heures et de 8 heures à 10 heures du soir.
Le cinématographe installé dans les salles de Loëns continue de fonctionner tous les jours avec un égal succès.
Mardi soir, une séance spéciale avait été réservée gracieusement aux autorités et à la presse. M. le préfet d'Eure-et-Loir et Mme Maitrot de Varennes y assistaient.
C'est toujours avec le plus grand plaisir et le même étonnement que les spectateurs voient se dérouler devant eux la série des amusantes scènes animées.
Les prix des places sont ainsi fixés :
Premières : 1 franc.
Secondes et enfants au-dessous de 15 ans : 50 centimes.


Le Journal de Chartres, Chartres, vendredi 12 juin 1896, p. 3.

Même si l'on peut penser que le cinématographe Lumière a prolongé son séjour, la presse n'en fait plus mention.

 

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