Julienne MATHIEU 

(Saint-Sauveur-en-Puisaye, 21/09/1874-Chieri, 01/12/1943) 

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François Mathieu (Treigny, 14/07/1846-Paris 16e, 02/02/1890) épouse (Saint-Sauveur-en-Puisaye, 27/10/1873) Léonie, Anaïse Monloup (Saint-Sauveur-en-Puisaye, 30/10/1850-). Descendance:

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Jean-Claude SEGUIN

Les origines (1873-1890)

Les origines de la famille Mathieu se trouvent dans l'Yonne. Le père, François Mathieu exerce la profession de maréchal à Saint-Sauveur-en-Puisaye où il épouse Léonie, Anaïse Monloup. Le couple a deux enfants, Julienne Alexandrine et Julien, Jules Mathieu, et décide d'aller s'installer à Paris où le père va travaille comme serrurier. Son épouse n'exerce aucune profession. De nouveaux enfants naissent avant le décès de François Mathieu, à l'âge de 44 ans.

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Anaïs Monloup
© Tharrats, 1988, 278
Geneviève Mathieu-Lutz [D.R.]

La mort du chef de famille marque un changement significatif dans la famille Mathieu, et explique, sans doute, que certains membres de la famille s'orientent vers des métiers artistiques.

Une vie d'artiste (1891-1906)

Julienne Mathieu commence probablement sa carrière artistique vers 1891. " Artiste lyrique ", comme cela figure sur l'acte de naissance de son fils Robert Chomón, elle apparaît dans divers ballets sous ses noms de scène Mlle Mercédès ou Mlle Suzanne (Tharrats, 1988, 57). C'est sans doute elle que l'on retrouve, en janvier 1901, aux Folies-Bergère :

Hier soir, aux Folies-Bergère, dans le ballet : Une répetition aux Folies-Bergère, Mlle Mercédès a remplacé, " au pied levé ", Mlle Corenti.
Mlle Mercédès s'est montrée, dans ce rôle travesti, pleine de grâce et de souplesse ; aussi l'a-t-on beaucoup applaudie.
Encore une étoile qui se lève à l'horizon.


La Presse, Paris, 1er janvier 1891, p. 3.

Julienne Mathieu n'a alors que dix-sept ans. Nous allons la retrouver dans différents music-halls parisiens pendant quelques années. Elle est, avant tout, danseuse de ballet, où elle semble exceller, si l'on en croit la presse. Elle joue dans ceux de Paul Meyan, Chansons (" ... Ont obtenu un réel succès de mime Mlle Mercédès en Vatli accomplie, il ne lui manque que... la parole... " , La Presse, Paris, 20 avril 1891, p. 3) et Les Perles (" Très remarquée aux Folies-Bergère, dans Les Perles, le nouveau ballet de M. Mayran, Mlle Mercédès. L'exquise danseuse obtient chaque soir un succès des plus mérités. " (La Revue diplomatique et le Moniteur des consulats, Paris, 26 septembre 1891, p. 10). Le nom " Mlle Mercédès " réapparaît entre 1892 et 1894 à l'Opéra de Paris où elle fait partie du corps de ballet : Salambô (août 1892), Robert le Diable (septembre 1893) et La Maladetta (décembre 1893), mais s'agit-il de Julienne Mathieu ? C'est pourtant sur les scènes de music-hall qu'elle fait surtout sa carrière : Émilienne aux Quat'z-Arts (Émile, Folies-Bergère, juin 1894, Le Journal, Paris, 12 juin 1894, p. 4), Paris-Trianon (Trianon-Concert, août 1894, Le Journal, Paris, 1 août 1894, p. 4), Ballet Les Merveilleuses (Mme Récamier, Folies-Bergère, janvier 1895, Le Journal, Paris, 15 janvier 1895, p. 4), Léda, opérette (Parisiana-Concert, Le Petit Parisien, Paris, 26 février 1896, p. 3)...

À partir de 1896, Julienne Mathieu va se produire de façon fréquente sur les planches de l'Olympia. La salle parisienne est une véritable plaque tournante où se croisent de multiples spectacles. Il faut, tout d'abord rappeler, que l'édifice a été construit par José Oller (Terrassa, 10/02/1839-Paris 17e, 20/04/1922), à la place des montagnes russes qu'il possède depuis 1888, sur le boulevard des Capucines. Cet Espagnol, naturalisé français, a un rôle essentiel dans le monde du spectacle et de la variété dans la capitale française. Même si Julienne Mathieu a pu intervenir antérieurement, en ce mois de septembre 1896, l'Olympia accueille, simultanément, un ballet japonais, Nousima, où l'on retrouve Mlle Mercédès, l'audacieuse Louise Willy, dans son célèbre Coucher de la mariée et, quelques jours plus tard, un appareil cinématographique. Une atmosphère propice aux rencontres, peut-être celle que Julienne Mathieu a dû avoir avec Segundo Chomón quelques mois auparavant, alors que ce dernière est mariée à Jeanne Ray. L'occasion également pour elle de tourner peut-être son premier film. En effet, Jacques Ducom, opérateur de la maison Gaumont, filme Ballet japonais nº 1 et Ballet  japonais nº 2, c'est-à-dire Nousima.  Le ballet est encore joué jusqu'à la mi-décembre... mais, peut-être a-t-elle renoncé depuis quelques temps, car elle est enceinte de son fils Robert Mathieu qui va voir le jour, à la fin du mois de janvier 1897. Dès le mois de mars, elle réapparaît à l'Olympia pour le spectacle Le Nouveau Régiment (La Lanterne, Paris, 16 mars 1897, p. 3), puis son nom disparaît de la presse jusqu'en 1901. Quatre ans au cours desquels nous ignorons tout d'elle. Segundo Chomón quitte Paris au début du mois de mai 1897 pour s'engager dans le conflit qui oppose l'Espagne et les indépendantistes cubains. Il n'est de retour de Cuba qu'à la fin de l'année 1899.

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"La Danse serpentine, Mercedes", Le Panorama, Paris s'amuseParís, Ludovic Baschet, 1898

Entre 1901 et 1903, Julienne Mathieu revient sur la scène de l'Olympia. La salle a été reprise, depuis 1898, par les frères Isola qui vont la relancer. Pour la saison 1901-1902, la réouverture a lieu en septembre et Julienne Mathieu va danser dans Paris-Cascades :  

PARIS LA NUIT.
THÉÂTRE DE L'OLYMPIA.-Réouverture.
-Paris-Cascades, ballet en deux tableaux d'Auguste Germain, musique de Louis Varney.
L'Olympia, plus pimpant, plus mondin que jamais, vient de se rouvrir, et c'est devant une chambrée incomparable qu'a été donnéele délicieux spectacle par lequel les frères Isola inaugurent brillamment la saison artistique.
[...]
Louise Willy donne au Parisien sa grâce mutine et rieuse. Mlle Lola Rimez dessine avec finesse la silhouette de la patrone, et Mlle Mercédès est une sémillante Risette, à laquelle les plus moroses sont obligés de faire... risette. Les ballerines sont exquises et le paraissent davantage encore sous les chapeaux de Lewis.


Gil Blas, Paris, 5 septembre 1901, p. 3. 

Elle y retrouve Louise Willy, mais également la Belle Otéro quelques semaines plus tard dans Un fête à Séville, le grand succès de la saison qui se prolonge semble-t-il jusqu'au 5 janvier 1902 (Le Figaro, Paris, 5 janvier 1902, p. 3). Dans le spectacle qui prend la relève, Cendrillon, où l'on retrouve Louise Willy, Julienne Mathieu n'apparaît pas.

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 Olympia Théâtre, 07 novembre 1901
© Tharrats, 1988, 309
 Mlle Mercedes [D.R.] Olympia Théâtre, 19 décembre 1901
© Musée McCord

On la retrouve aussi dans Nos petits marins, une Comical' Danse. Après le succès de Cendrillon, l'Olympia, quelques mois plus tard, propose En tournée, une nouvelle pantomime écrite par MM. Armand Silvestre et Emile Lutz et mise en musique par Emile Bonnamy. C'est le grand mime Séverin qui est à l'honneur dans le rôle de Pierrot et Mlle Mercédès intervient dans un rôle secondaire (Gil Blas, Paris, 5 avril 1902, p. 4). L'un des deux auteurs est Émile Lutz, or Geneviève Mathieu, la soeur de Julienne, a pour nom de scène Mathieu-Lutz. Nous ignorons s'il y a là une relation. Lors de la réouverture en septembre 1902, Julienne figure à nouveau dans une fantasmagorie, Frégolinette, où " La soubrette, c'est l'exquise Mlle Mercédès " (Gil Blas, Paris, 7 septembre 1902, p. 3). Enfin, c'est dans Olympia-Revue, en cinq tableaux, de MM. H. Blondeau et Monréal, dont la première a lieu le 30 janvier 1903 que son nom apparaît, semble-t-il,  pour la dernière fois, elle joue le rôle du " Chat de Belleville " (Le Temps, Paris, 30 janvier 1903, p. 3). Il reste encore bien des zones d'ombre sur les activités de Julienne Mathieu entre 1897 - naissance de son fils - et 1903. Si l'on en croit l'acte de naissance de Robert, la famille entretient des liens avec Héliodore Candelier, chevalier de la légion d'honneur, notaire de profession et proche de Paul Déroulède. Il est d'ailleurs à nouveau présent à l'enterrement de Segundo Chomón

Si Julienne Mathieu ne semble avoir tenu que des rôles secondaires dans les ballets où elle intervient, tel n'est pas le cas de sa soeur Geneviève Mathieu, connue comme Mathieu-Lutz dont le nom apparaît dans la presse pour la première fois en 1900, alors qu'elle n'est âgée que de 16 ans. Elle intervient dans Aphrodite (Opéra-Comique), d'après Pierre Louÿs : " Mlles Mathieu-Lutz et Demelier ont évoqué timidement les deux musiciennes à l'amitié inquiétante. " (Gil Blas, Paris, 28 mars 1900, p. 3). Lauréate des concours du Conservatoire, elle se fait un nom comme soprano et va faire une carrière remarquée, principalemente à l'Opéra Comique, pendant de nombreuses années. Elle débute brillamment dans le rôle de Rosine du Barbier de Séville :

Mlle Mathieu-Lutz est menue, fûtée, agile, malicieuse, et je ne suis pas sûr que ce soient-là les qualités essentielles rêvées par Beaumarchais pour sa Rosine. Rosine est, déjà, une gaillarde dont l'astuce n'exclut pas l'autorité. Et Mlle Mathieu-Lutz paraît avoir quinze ans à peine, et tout juste la malignité d'une fauvette. Mais cela admis, cette fauvette a la plus jolie voix du monde, et ses notes aiguës, ses roulades, ont une pureté délicieuse. [...] Mlle Mathieu-Lutz paraît avoir avalé une petite flûte, dont la virtuoisité ne craint, pour l'heure, aucune concurrence.


Gil Blas, Paris, 21 septembre 1905, p. 3.

Au cours de sa carrière, elle va accrocher de nombreux rôles à son répertoire : Carmen (Micaëla), les Contes d’Hoffmann (Olympia), Cendrillon (la Fée), Don Juan (Zerline), la Flûte enchantée (Papagéna), Fra Diavolo (Paméla), Lakmé (Lakmé), Mignon (Mignon), Mireille (Mireille), la Traviata (Violetta), et Werther (Sophie)... Elle continue à chanter, au moins, jusqu'en 1926 où elle apparaît, à Bordeaux (Comoedia, France, 3 octobre 1928, p. 3).

En ce qui concerne Julienne Mathieu, nous ne savons plus rien d'elle entre 1903 et 1905. A-t-elle rejoint Segundo Chomón à Barcelone ? Rien ne permet de l'affirmer. Elle apparaît finalement dans La Poule aux oeufs d'or tourné au cours des premiers mois de 1905, mais l'identification (Tharrats, 1988, 102) reste à confimer. À l'exception de ce film, elle n'apparaît dans aucun autre pour les années 1905-1906.

Et après (1906-1943)

Pendant les années d'activité de son compagnon Segundo Chomón, elle va tourner de nombreuses filims soit sous sa direction, soit filmés par d'autres cinéastes. Par la suite, elle ne fait plus parler d'elle. Elle décède en Italie en 1943.

Bibliographie

Tharrats Juan Gabriel, Les 500 films de Segundo de Chomón, Zaragoza, Universidad de Zaragoza, 1988, 316 p.

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