Marius CHAPUIS

(Lyon, 1878-Champfromier, 1961)

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Marius Chapuis, Russie, 1897
© col. Jean-Claude Seguin

Jean-Claude SEGUIN

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Jean, André Chapuis (Ruy, 07/12/1845-Lyon 2e, 05/06/1907) épouse Marie, Lucie Martin (Champfromier, 22/06/1847-). Descendance :

  • Lucie Chapuis (Lyon 1er, 21/11/1874-Lyon 1er, 12/02/1900).
  • Narcis, Marius Chapuis (Lyon 1er, 30/05/1878-Champfromier, 16/11/1961) épouse (Lyon 1er, 26/09/1905) Marie-Clémentine Martin (Lyon 1er, 23/04/1878-Champfromier, 21/11/1965).
  • Pierre Chapuis (Lyon 1er25/07/1879-Lyon 1er23/03/1900).

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Saint-Pétersbourg (juin-août 1896)

C’est à l’âge de dix-huit ans que Marius Chapuis part, en équipe, pour le compte de la maison Lumière en Russie, pour un voyage qui va durer presque un an et demi. Dans un premier temps, l'équipe est composé d'au moins trois opérateurs : Marius Chapuis, Curtillet et Mathieu. L'équipe part de Lyon le 24 mai, passe par la Belgique (Charleroi), l'Allemagne (Cologne, Berlin) et la Pologne (Varsovie). L'absence du responsable local, M. Proner, rend impossible l'installation du poste du cinématographe. C'est finalement Camille Cerf, le concessionnaire pour la Russie qui prend les choses en main et envoie l'équipe directement à Saint-Pétersbourg :

Nous avons vu M. Cerf mercredi 10 juin-30 mai matin, il voit qu'il est impossible d'installer les postes dans cette ville, il nous fait partir le soir même pour Pétersbourg, nous nous embarquons le 10 juin-30 mai à 6 h du soir. 24 h de chemin de fer. Nous arrivons à Pétersbourg le 11 juin-31 mai à 6 h du soir. Nous nous faisons conduire au cinéma 46, perspective Newski et descendons hôtel de l'Ermitage.


CHAPUIS, 1896-1897.

Arrivée à  Saint-Pétersbourg, Marius Chapuis va parcourir les territoires autour du golfe de Finlande. Il fait surtout équipe avec Mathieu, avec lequel il se rend à Constadt, Pablosky (Pawlowsky) et Helsinfors (Helsinski) dans le but d'installer des postes cinématographiques. La Finlande est alors sous souveraineté russe.

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Paul Decorps, Carte de Russie (Fragment), 1897
© col. Jean-Claude Seguin

Des ennuis de santé conduisent Curtillet à rentrer à Lyon :

Le 9 juillet-27 juin arrive Decorps pour remplacer Curtillet malade qui est parti le lendemain 10 juillet- 28 juin pour Lyon.


CHAPUIS, 1896-1897.

L'arrivée de Paul Decorps constitue un changement majeur pour Marius Chapuis, car dès lors, ils vont être unis, la plupart du temps, dans les déplacements qu'ils effectuent dans le territoire russe. Les deux opérateurs font équipe pour s'occuper, avec d'autres, du poste du cinématographe Lumière (46, perspective Newsky) et prennent part à des séances exceptionnelles données comme celle organisée par le comte de Montebello, ambassadeur de France : "Pendant le mois d'août nous donnons plusieurs séances aux grands ducs, à l'ambassade de France." (ibid.). De cette présentation exceptionnelle, reste un extrait de presse dans Le Figaro (22 juillet 1896) et un étrange témoignage dans un récit de voyage Simple récit d’un rapide voyage, dont l'auteur est anonyme :

Pendant ce temps Ben Ory s’est fait conduire à l’ambassade française où l’ambassadeur, M. le comte de M…, l’a reçu avec la plus haute courtoisie, en l’invitant à dîner avec son fils et son ami pour le lendemain.
« Je vous remercie beaucoup, monsieur l’ambassadeur, et je regrette de ne pouvoir accepter votre aimable invitation, car notre départ est fixé à demain matin.
- Le regret est pour moi, monsieur le député, mais puisqu’il en est ainsi, faites-moi l’honneur d’assister aujourd’hui même à la première représentation des fêtes du couronnement de Moscou que j’offre aux ministres et aux membres du corps diplomatique. Soyez donc à trois heures au cinématographe français, Perspective Newsky, 46. »
On se garderait bien de manquer une si belle occasion, et à l’heure dite de nombreux équipages aux livrées éclatantes s’arrêtent devant l’entrée du cinématographe. Il en descend des grands-ducs en costume militaire, les ambassadeurs des puissances étrangères et des hauts personnages de l’Empire. Mme l’ambassadrice reçoit les invités avec une grâce toute française. M. l’ambassadeur français arrive le dernier au bras du ministre des Affaires étrangères, ce pauvre prince Lobanoff, cet ami de la France, qui devait hélas ! mourir si subitement quelques mois plus tard.
Aussitôt le spectacle commence et l’on voit se dérouler toutes les principales scènes du couronnement dont plusieurs sont redemandées, et les trois amis qui sortent de Moscou, reconnaissant avec plaisir le théâtre de ces fêtes somptueuses et inoubliables.


Anonyme, Simple récit d’un rapide voyage, Paris, Imprimerie générale Lahure, s.d., p. 228-229.

On peut supposer que cette séance a également été organisée par Camille Cerf, responsable de la représentation exceptionnelle devant le tsar et la tsarine quelques jours auparavant. Ce n'est finalement qu'à la mi-août que les deux compères quittent Saint-Pétersbourg pour Odessa.

L'Ukraine (août 1896-février1897)

Ce départ correspond sans doute à la réorganisation qui est en cours à ce moment-là. Camille Cerf vient de céder la concession aux frères Grünewaldt qui vont rédéployer les opérateurs sur le territoire. C'est ce qui explique, probablement, l'arrivée des deux opérateurs, Charles Klein et [Perruissaud], qui viennent de Riga. La première conséquence de cette redistribution, c'est évidemment le départ conjugué de Marius Chapuis et de Paul Decorps pour l'Ukraine, qui devient dès lors, leur principal espace géographique :

Deux de nous quatre doivent partir à Odessa. C'est Decorps et moi qui partons, le 15-3 août à 8 h du soir, deux jours de chemin de fer. Nous n'avons pas pu passer par Moscou, nous passons par Wilna, nous étions en compagnie de la belle Marguerite, avons fait bon voyage. Nous sommes arrivés le 17-5 août à 8 h du soir à Odessa, débarquons au Grand Hôtel, y restons 15 jours en attendant que le local soit installé. Nous étions dans l'incertitude, nous n'étions pas sûrs de rester, enfin le local est prêt le 5 septembre- 23 août. Pendant notre séjour à l'hôtel nous allions tous les soirs au concert, la journée nous nous baladions en ville ou à la petite Fontaine, nous prenions des bains dans la mer Noire. Nous donnons notre première séance au local le 6 septembre- 24 août, dimanche.
Nous quittons l'hôtel le 8 septembre-26 août pour nous installer définitivement au local. De cette époque jusqu'au 24-12 octobre nous ne sommes pas bougés d'Odessa, nous y avons mené une vie régulière, nous ne travaillions que le soir à la nuit. Nous y avons rencontré un Lyonnais, Edmond Breth, une connaissance de Decorps, qui habitait depuis 6 mois déjà à Odessa. Nous nous sommes amusés ensemble, il venait nous voir tous les jours. Le 20-8 septembre nous donnons notre première séance au théâtre russe. Beaucoup de succès, ce qui nous encourage à recommencer. Nous avons donné d'autres séances au théâtre russe et une matinée au Nouveau théâtre.


CHAPUIS, 1896-1897.

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Marius Chapuis et Paul Decorps, Odessa, 1896
© col. Jean-Claude Seguin

Comme nous pouvons le voir dans les mémoires de Marius ChapuisOdessa va accueillir des séances cinématographiques pendant de longues semaines, preuve évidente du succès. Deux théâtres, le Théâtre Russe et le Nouveau Théâtre, organisent également des séances où figure l'invention des frères Lumière.

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Odessa, Théâtre russe (c. 1910) [D.R.] Odessa, Nouveau Théâtre (≤1899) [D.R.]

Les jours que passe Marius Chapuis à Odessa semble plutôt agréables et l'opérateur, avec son complice Paul Decorps, coulent des jours paisibles comme l'indique Marius. C'est à fin du mois d'octobre que les choses vont singulièrement s'accélérer et les opérateurs semblent pris d'une soudaine frénésie. Pendant deux mois, ce ne sont que des aller-retour entre Odessa et les villes voisines :  Nicolaïev et Kherson. Avec l'arrivée de l'hiver les conditions climatiques compliquent singulièrement la situation. Le retour à Odessa, le 25 novembre, se fait dans des conditions très difficiles :

Le 25-13 novembre nous repartons à Odessa. Nous commençons à voir la neige, nous avons fait une traversée très mauvaise, nous avons dansé beaucoup. À Tcherkoff nous avons mis deux heures pour transborder, il faisait très froid, les amarres ont cassé, le petit bateau était tout éventré, un canot du grand a été enfoncé. En arrivant à Odessa avant d'entrer au port, le bateau dansait tellement que toute la vaisselle du buffet tombait ; nous sommes arrivés le soir à 6 h et demi avec un brouillard intense.


CHAPUIS, 1896-1897.

C'est finalement à la fin décembre que Marius Chapuis part pour Kiev où il fait équipe, un temps, avec Charles Klein. Contrairement à ce qu'il a raconté d'Odessa, Marius s'ennuie à Kiev et passe son temps comme il peut :

Je suis resté avec Klein et nous nous sommes ennuyés pendant les fêtes de Noël et du jour de l'An pendant lesquelles tous les magasins sont fermés. Nous avons trouvé des Neuville qui chantaient à Arcadia. Nous travaillons toujours au théâtre Solostzof, deux ou trois fois dans des clubs.


CHAPUIS, 1896-1897.

Le Caucase (février-mai 1897)

En février 1897, l'équipe à laquelle appartient Marius Chapuis, où se trouve Arthur Grünwaldt et Paul Decorps, entame un nouveau déplacement important, laissant derrière eux Kiev, puis Kharkov. Sur la route qui les conduit vers le Caucase, ils font un halte de plusieurs jours à Rostoff (Rostov-sur-le-Don), capitale de l'oblast du même nom. À plusieurs reprises, ils se rendent à Novotcherkask, une ville proche.

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Rostov, Théâtre Asmoloff, ≤ 1902 [D.R.]

C'est un nouveau long voyage qui attend l'équipe puisque les opérateurs se rendent à Tiflis (Tbilissi). Sur la carte de RussiePaul Decorps a pris soin de noter les distances : Rostov-Vladicaucase : 478 verstres et Vladicaucase-Tiflis (voiture) : 200 verstres. De ce déplacement, Marius Chapuis nous a laissé un témoignage détaillé :  

Le samedi 3 avril-22 mars nous quittons Rostoff, nous partons à 8 h pour Vladicaucase, toujours la même chose en chemin de fer, sauf que pendant ce voyage le paysage diffère des autres, on avait des montagnes, les villages sont moins rares, on voit aussi beaucoup de troupeaux, des chevaux, des bœufs, des buffles, des moutons. Le lendemain à 7 h du soir nous arrivons à Vladicaucase, ça fait 23 h de chemin de fer. Nous descendons hôtel d'Europe pour nous approprier un peu et manger et nous repartons le même soir pour Tiflis en voiture. À 9 h la voiture s'amène, on charge tous les bagages, en tout 19 colis, on attache les malles derrière, on installe le téléphone !!! On nous demande si nous étions bien armés !!! Enfin nous nous mettons en route à 10 h, 4 avril-23 mars, il faisait beaucoup d'orage, peu après notre départ la pluie commence à tomber. Nous tenions le téléphone chacun à notre tour. À peu près toutes les 2 heures il y avait des relais, on y changeait de chevaux et nous repartions de suite. Le lendemain matin au petit jour, 5 h, nous nous sommes trouvés dans la neige, la pluie cessait. Nous étions à Kazbek, nous prenions du thé. J'envoie une carte postale à Lyon. Après ça nous nous remettons en marche et continuons notre ascension avec 6 chevaux. Au plus nous montions, au plus nous trouvions de la neige. C'est tout des montagnes, terre verte ou jaune, mais pas beaucoup de rochers ou alors de la pierre qui tombe tout par feuilles. Nous rencontrons quelques haoules, 2 ou 3 baraques, des voitures toutes avec des conducteurs à cheval et armés. Bientôt la neige commence à tomber en abondance. Nous avons essayé de prendre quelques vues mais ça n'a rien fait de bon. Jusque vers 3 h nous avons monté, nous avons passé sous des espèces de tunnels, nous étions très haut, la route est juste sur la pente des montagnes et quand on regarde en bas, on éprouve une sensation surtout quand la voiture dans les tournants passe près du bord au galop. La descente s'opère vite et ça fait une sensation dans les coudes. À un relais on ne prend que 2 chevaux. Nous descendons jusqu'à 6 h à peu près. À cette même heure nous mangeons dans une station. Nous prenons 4 chevaux à un relais, plus loin nous en prenons encore 6, car nous montions encore un peu. À la descente la neige a cessé, nous la quittions, la pluie a recommencé. Nous arrivons à Tiflis dans la nuit à 3 h du matin le 25 mars mardi. Nous descendons hôtel d'Orient et nous couchons contents d'être arrivés. Ça nous a fait 29 h de voiture sans arrêt, qu'une demi-heure à Kazbec et 1 h où nous avons mangé le soir, nous avons eu 12 relais-43 chevaux. Tiflis n'a pas du tout la ressemblance d'une ville russe, elle est d'abord dans les montagnes et puis la population est toute différente. Les Caucasiens forment un peuple à part, il y a beaucoup d'Arméniens, des Géorgiens, etc. Les costumes ne sont pas les mêmes, tous les habitants sont armés. Il fait un temps splendide ici. Il y a des fleurs, on se croirait en été. Il fait déjà chaud, 20° en moyenne.


CHAPUIS, 1896-1897.

Malgré les activités cinématographiques qui occupent une partie de leur temps, Marius et Paul passent du bon temps. Le carnet de Marius trahit le plaisir que ces deux jeunes gens trouve dans ces contrées lointaines. Ils y font de nombreuses rencontres, parfois galantes. Ils n'hésitent pas non plus à se faire prendre en photo, habilées en cosaques.

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[opérateur] (recto) Tiflis (Caucase) Russie. Le 5 avril 1897. M. Chapuis. Lileutenant 1er Tcherkov (Verso) Paul Decorps
© col. Jean-Claude Seguin Vergara

Pendant leur séjour dans le Caucase, il semble que ce soit l'équipe [Perruisseau] et Charles Klein qui les aient remplacés en Ukraine. Il se trouve, pourtant, que le début du mois de mai 1897 marque un changement total de stratégie à la Société des Plaques et Papiers photographiques. Alors que le système qui prévaut jusqu'alors, celui des "concessionnaires" est en train de vivre ses dernières heures, la mise en vente officielle du cinématographe Lumière, le 1er mai 1897, va rebattre les cartes et modifier substantiellement la situation. De fait, [Perruisseau] et Charles Klein décident de se mettre à leur compte et laissent tomber le concessionnaire, en l'occurrence, Arthur Grünewaldt. Ce départ inattendu désorganise la concession :

Mais voilà que [Perruisseau] et Klein font leur blague, ne veulent plus travailler, alors Decorps est obligé de partir à Ekaterinoslav puis à Poltava. Il refait la route de Vladicaucase seul sur une sale carriole. À son départ, il se fiche par terre. C'était les débuts d'un pénible voyage, par la pluie et les mauvais chemins.


CHAPUIS, 1896-1897.

Le départ obligé de Paul Decorps laisse Marius seul avec Arthur Grünewaldt pour quelques  jours seulement, car ils quittent à leur tour Tiflis, le 21 mai 1897, après un séjour de sept semaines environ.

L'Ukraine (mai-juin 1897)

Le départ est fixé au 21 mai. C'est par Batoum, au bord de la Mer Noire, que Marius Chapuis revient en Ukraine. Il passe deux jours en Crimée avant d'arriver de nouveau à Odessa, le 25 mai. À peine le temps de croiser Paul Decorps qui rentre de Poltava, et c'est de nouveau le départ. C'est à ce moment-là qu'apparaït la figure d'un nouvel opérateur, Katarski, avec lequel Marius va faire équipe. Ce dernier ne parle pas un mot de français ce qui n'arrange guère Marius qui pouvait échanger davantage avec Paul. Pendant une quinzaine de jours, il participe à des séances de cinématographe, essentiellement en Crimée. Eet c'est un nouveau voyage vers la Sibérie...

La Russie  (juin-juillet 1897)

Il part ainsi, toujours en compagnie de Katarski, le 17 juin 1897 de Sébastopol pour rejoindre, puis Ekaterinbourg où il s'ennuie tant qu'il finit par se retrouver dans une maison de passes où il va attraper une blennoragie. Sans doute pour dissimuler sa vie aventureuse, Marius Chapuis réserve quelques paragraphes écrits en cyrillique, au cas où le carnet tombe entre des mains trop curieusees. Voici ce qu'il écrit :

En souvenir de cette ville, vendredi 13 juin. Après la séance, j'irai au bordel avec Katarski. Là nous avons bu beaucoup de bière, nous baisons et ensuite nous allons à la maison pour dormir. Dimanche matin 15 juin sont arrivés Decorps et Tutur. Lundi après le repas, Decorps nous réveille, nous chantons (ou) chahutons et je reçois un coup de poignard dans la jambe droite. Le lendemain je commence à couler. J'avais la chaude-pisse. Ni plus ni moins. Sympathie franco-russe. Pendant plusieurs jours, il m'est impossible de marcher. Le 23 juillet je quitte Ekaterinbourg. Je pars à 6 h avec Katarski pour Migui Taguil. Six heures de voyage. C'est une ville d'usine, c'est dégoûtant, sale, on ne voit personne par les rues. Seulement des vaches. Les maisons ne sont que des baraques en planches. Il faut se baisser pour rentrer. Il n'y a pas d'hôtel. Nous logeons chez des gens qui nous louent deux pièces et qui nous font à manger. Ce n'est pas cher et pas trop mauvais. Je m'ennuie. Je n'ai rien à faire qu'à me donner des injections. Si je pouvais marcher, je ferais des promenades. J'irais dans les environs, dans les sapins.


CHAPUIS, 1896-1897. (trad. M. Bourmeyster)

Les journées semblent longues avec Katarski, et c'est avec une joie non dissimulée que Marius Chapuis qu'il croise, à Migui Taguil, le 27 juin, Paul Decorps, avec lequel il fait de nouveau équipe, à Perme, à partir du 15 juillet 1897. Les longs et monotones voyages en train laissent parfois leur place à des déplacements plus agréables, comme celui qu'effectuent les deux amis sur la rivière Kama. À leur arrivée à Kazan, une bonne surprise lees attend :

Le 17-5 juillet à midi nous arrivons à Kazan. Là il y avait déjà un autre appareil qui y travaillait. C'était [Perruissaud] et Klein. Nous faisons bon ménage ensemble. Nous ne pouvions pas partir d'ici, ne sachant pas où aller, nous attendions les ordres d'Arthur. Nous attendions impatiemment même. Le dimanche en allant souper après le théâtre avec les types, Decorps m'appelle dans la rue. Il venait d'arriver avec Arthur et ils nous cherchaient (réception d'Arthur me voyant avec ses ennemis). Decorps et moi passons la nuit avec nos copains, car nous devions partir le lendemain sans savoir où.


CHAPUIS, 1896-1897.

Au-delà des contraintes imposées par le concessionnaire, des liens d'amitié se sont noués et, même si [Perruissaud] et Charles Klein ont déserté la concession, les relations restent toujours aussi bonnes entre les opérateurs. La réaction d'Arthur Grünewaldt est naturellement bien différente. On remarque d'ailleurs que les opérateurs ne sont guère associés aux décisions et qu'ils ignorent bien souvent de quoi est fait le lendemain. Après une simple halte à Moscou, Marius Chapuis et Paul Decorps reviennent en Ukraine où ils présentent à nouveau le cinématographe.

L'Ukraine (juillet-octobre 1897)

Le 23 juillet 1897, il arrive à Kharkov où il va rester une quinzaine de jours et présente le cinématographe au cirque Bavaria. C'est à ce moment-là qu'ont lieu à Saint-Pétersbourg les fêtes de l'Alliance franco-russe pour lesquelles s'est déplacé le Président de la République Française, Félix Faure. Marius Chapuis n'a pas la chance, contrairement à Paul Decorps, de pouvoir faire partie de l'équipe qui s'occupe du tournage des films qui figurent au catalogue Lumière. C'est depuis Kiev qu'il rapporte à ses parents ce que lui a expliqué Paul Decorps, mais également les rapports qu'il entretient avec Arthur Grünewaldt :

[...] pendant ce temps, moi je ne me bile pas trop à Kiew, mais pourtant j'aimerai[s] mieux ne pas trop y être avec Arthur, qui malgré ses gentillesses pour moi m'agace singulièrement, il fait tout ce qu'il peut pour me faire plaisir et je ne peux pas me sentir près de lui, c'est étonnant ça, hein !


Marius Chapuis, Lettre à ses parents, Kiew, 1er septembre 1897.

kievclubdesnegociants

Kiew, Club des négociants (c. 1910) [D.R.]

Après quelques temps passés à Odessa, Marius Chapuis parcourt la presqu'île de Crimée pendant une quinzaine de jours. C'est à Odessa que prend fin le Carnet de voyage et, sans doute, ce voyage exceptionnel.

Dernières années (octobre 1897-1961)

À son retour de Russie, Marius Chapuis reprend son métier d'ébéniste, avant d'accomplir ses obligations militaires, à partir de novembre 1899, au 12e régiment de cuirassiers. Il en est libéré le 20 septembre 1902. En 1905, il épouse Marie-Clémentine Martin. Au moment de la mobilisation générale du 1er août 1914, il est intégré au 1er régiment d'artillerie de montagne et est démobilisé le 25 février 1919. Le couple vit à Lyon jusqu'à la fin des années 1920. Il s'installe au début des années 1930, à Champfromier (Ain) dont Marius Chapuis devient le maire entre 1935 et 1944. Il décède à Champfromier, en 1961.

Bibliographie

CHAPUIS Marius, Souvenir de voyages en Russie commencés le 24 mai 1896 terminés le octobre 1897 (manuscrit).

CHAPUIS MariusLettre à ses parents, Kiew, 1er septembre 1897.

LANCEL Ghislain, Patrimoine et Histoire de Champfromier, "Marius Chapuis" [Dernière mise à jour de cette page, le 8 juillet 2009.]

RITTAUT-HUTINET Jacques, Le Cinéma des origines, Seyssel, Champ Vallon, 1985, 254 p.

3

11/06-13/07/1896  Russie Saint-Pétersbourg 46, perspective Newski
L'Aquarium
Folies Bergère
Cinématographe Lumière
13-22/06/1896 Russie Cronstadt Manège Cinématographe Lumière 
23-25/06/1896 Russie Pavlovsk   Cinématographe Lumière 
28/06-06/07/1896 Finlande Helsinki Hotel Societetshuset Cinématographe Lumière
07/07-15/08/1896 Russie Saint-Pétersbourg   Cinématographe Lumière
17/08-24/10/1896 Russie Odessa   Cinématographe Lumière
24-25/10/1896 Russie Nicolaïev Théâtre Cheffera  Cinématographe Lumière 
25-31/10/1896 Russie Odessa    Cinématographe Lumière 
31/10-05/11/1896 Russie Nicolaïev   Cinématographe Lumière 
05-07/11/1896 Russie Odessa   Cinématographe Lumière 
07-11/11/1896 Russie Kherson   Cinématographe Lumière 
11-21/11/1896 Russie Odessa   Cinématographe Lumière 
21-25/11/1896 Russie Kherson   Cinématographe Lumière 
25-27/11/1896 Russie Odessa   Cinématographe Lumière 
27/11-07/12/1896 Russie Nicolaïev    Cinématographe Lumière 
09-25/12/1896 Russie Odessa   Cinématographe Lumière 
25-26/12/1896 Russie Kitchinev   Cinématographe Lumière
27/12/1896-04/02/1897 Russie Kiev Théâtre Solostzof  Cinématographe Lumière
04-11/02/1897 Russie Chernikov   Cinématographe Lumière 
12-15/02/1897 Russie Kiev   Cinématographe Lumière 
17/02-11/03/1897 Russie Rostov Théâtre Asmoloff Cinématographe Lumière
11/03/1897 Russie Novotcherkassk   Cinématographe Lumière 
11-15/03/1897 Russie Rostov Théâtre Asmoloff  Cinématographe Lumière
15-16/03/1897 Russie Novotcherkassk   Cinématographe Lumière 
16-23/03/1897 Russie Rostov  Théâtre Asmoloff  Cinématographe Lumière 
24-27/03/1897 Russie Kharkov   Cinématographe Lumière 
28-29/03/1897 Russie Rostov  Théâtre Asmoloff Cinématographe Lumière 
29/03-01/04/1897 Russie Novotcherkassk   Cinématographe Lumière 
02-03/04/1897 Russie  Rostov Théâtre Asmoloff  Cinématographe Lumière 
06/04-21/05/1897 Russie Tiflis   Cinématographe Lumière
25-27/05/1897 Russie Odessa   Cinématographe Lumière
28/05-14/06/1897 Russie Simféropol Théâtre, jardin de la ville Cinématographe Lumière
14-17/06/1897 Russie Sébastopol   Cinématographe Lumière 
24/06-05/07/1897 Russie Ekaterinbourg   Cinématographe Lumière 
05/07/-14/07/1897 Russie Nijni Taguil   Cinématographe Lumière
15/07/1897 Russie Perm   Cinématographe Lumière
17-19/07/1897 Russie Kazan   Cinématographe Lumière
20-21/07/1897 Russie Nijni Novgorod   Cinématographe Lumière 
22-23/07/1897 Russie Moscou    Cinématographe Lumière
23/07-06/08/1897 Russie Kharkov Bavaria Cirque Cinématographe Lumière 
07/08-10/09/1897 Russie Kiev Club des négociants  Cinématographe Lumière
10-15/09/1897 Russie Odessa Théâtre russe  Cinématographe Lumière 
15-16/09/1897 Russie Kitchinev   Cinématographe Lumière 
16-21/09/1897 Russie Odessa   Cinématographe Lumière 
22/09/1897 Russie Sébastopol   Cinématographe Lumière
22-24/09/2897 Russie Simféropol   Cinématographe Lumière
24-25/09/1897 Russie Sébastopol   Cinématographe Lumière 
25-26/09/1897 Russie Simféropol   Cinématographe Lumière
26-27/09/1897  Russie Sébastopol   Cinématographe Lumière
27-29/09/1897 Russie Simféropol   Cinématographe Lumière
29-30/09/1897  Russie Sébastopol   Cinématographe Lumière
30/09-02/10/1897 Russie Théodosia   Cinématographe Lumière
03-05/10/1897 Russie Yalta   Cinématographe Lumière
06/10/1897-[10/1897] Russie Odessa   Cinématographe Lumière

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chapuis marius tiflis 1897
Marius Chapuis, Mes chers parents, Tiflis, 12 avril 1897
Source: collection Génard
chapuis marius 1897 09 01 kiev a chapuis marius 1897 09 01 kiev b chapuis marius 1897 09 01 kiev c chapuis marius 1897 09 01 kiev d
Marius Chapuis, Mes chers parents, Kiev, 1er septembre 1897
© col. Jean-Claude Seguin (copie)
    

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