Henri LEVESQUE
(Frère Basile-Joseph)

(Louveciennes, 1858-Chartres, 1932)

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© Librairie Générale de l'Enseignement Libre

 

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Henri, Eugène, Léopold Levesque (Louveciennes, 04/04/1858-Chartres, 26/03/1932), fils de Rémy, Émile Levesque ([1828]-) et d'Elisa, Augustine Hérault ([1836]-). 

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Jean-Claude SEGUIN VERGARA

Fils d'un marchand boulanger, Henri Levesque, après sa première communion (1869) rentre, comme interne, à la Pension Laugier (Versailles, 1869-1872). Par la suite, il prépare son volontariat au pensionnat Saint-Pierre de Dreux (1873-1876). Il part à Tours, pour un an, pour accomplir son service militaire (1876). Il rentre au Grand Noviciat de Paris (7 avril 1879). À partir de 1880, il devient enseignant à l'Institution Saint-Nicolas (Frères des Écoles chrétiennes), rue de Vaugirard, à Paris, avant d'accéder au poste de Pro-Directeur (1894).

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Saint-Nicolas, 92, rue de Vaugirard
© Anon., Henri Levesque (Frère Basile-Joseph) 1858-1932, p. 151.

Dans le cadre de ses activités pédagogiques, il organise des séances théâtrales et musicales qu'il considère comme des éléments essentiels à la formation des élèves. Voici ce qu'il en dit :

Est-il avantageux pour nous et pour nos élèves d'avoir des représentations théâtrales ?
[...]
Ces représentations ont l'avantage de défrayer les conversations des élèves pendant tout le temps que durent les répétitions, et même après. Rarement, en effet, leurs études les intéressent au point de devenir matière à conversations.
[...]
Ces séances bien comprises n'ont-elles pas une valeur éducative ? S'il y a une telle unanimité dans les maisons d'éducation, c'est que l'on a cru la pratique bonne et capable de contribuer à la formation intellectuelle et esthétique de la jeunesse. Chez nous ces séances ont une importance spéciale. Elles sont un excellent moyen de former nos enfants à la bonne tenue, à la distinction. Combien ont appris sur la scène à se présenter, à bien dire, à se comporter dignement ! La diction, la déclamation, auxquelles on attache de plus en plus d'importance dans nos Petits-Noviciats, doivent être en honneur dans nos Pensionnats. Et puis beaucoup d'âmes, fermées aux heures de classes, comprimées par le règlement, s'ouvrent, se révèlent dans cette demi-liberté où elles sont plus à même de manifester qualités et défauts...


Anon., p. 296-297

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"Un groupe photogénique"
© Anon., Henri Levesque (Frère Basile-Joseph) 1858-1932, p. 296

Parmi ses collaborations culturelles, Frère Basile-Joseph est sollicité par Mgr Delamaire, futur archevêque de Cambrai, pour organiser des représentations au profit de l'école libre. C'est ainsi qu'il va mettre en scène les tableaux vivants des Scènes de la Vie du Christ qui sont réprésentés, à partir du 28 mars 1897, dans le Bazar de la Charité de la rue Jean-Goujon :

LE CHRIST.-SCÈNES ÉVANGÉLIQUES
Pour couvrir les frais de construction d'une nouvelle évole libre, M. l'abbé Delamaire, curé de Notre-Dame des Champs a conçu et réalisé une idée à la fois pieuse, artistique et ingénieuse. Il a organisé dans la grande salle du nouveau bazar de la Charité (rue Jean-Goujon) aménagée en quelques jours, grâce à des prodiges d'activité, un concert spirituel et une ostension des principaux mystères de l'Évangile, en quatorze tableaux vivants.
Une assistance très nombreuse s'était rendue hier soir à l'appel du zélé pasteur. Aux premiers rangs avaient pris place beaucoup d'ecclésiastiques, parmi lesquels on remarquait Mgr Péchenard, recteur de l'Institut catholique, Mgr Freydier, ancien vicaire général du Puy, M. l'abbé de Cabanoux, curé de Saint-Thomas d'Aquin, etc.
Avec un intérêt qui ne s'est pas un instant démenti, les spectateurs ont vu passer sous leurs yeux une véritable reproduction des scènes de la vie et de la Passion de Notre-Seigneur, figurées, d'après les toiles des grands maîtres, par cent quarante jeunes gens de l'établissement Saint-Nicolas, rue de Vaugirard, desquels le Frère Basile-Joseph sait obtenir des merveilles de pose et d'expression.
De même qu'il n'est pas aisé de faire un choix dans une galerie de vraies oeuvres d'art, ainsi il nous est difficile de signaler tel tableau plutôt que tel autre parmi le programme exécuté hier. Nous tenons pourtant à citer le Repos de la sainte famille en Egypte, la Vie cachée à Nazareth, la Résurrection du fils de la veuve, la Cène et ce Laissez venir à moi les petits enfants, que M. le curé de Notre-Dame des Champs a commenté dans un appel plein d'esprit et d'émotion, demandant à la charité de lui fournir des écoles où on laisse aller vers le Christ l'âme des enfants de France.
À notre grand regret, nous ne pouvons que mentionner le concert spirituel qui accompagnait la séance et que dirigeait M. Michelot, maître de chapelle de Notre-Dame des Champs, avec le concours de MM. Auguez et Barreau, de Mmes de Montalant et Marsan. Les choeurs composés d'artistes des concerts Lamoureux et Colonne ont chanté avec un talent qui n'a pas besoin d'épithète, divers morceaux de Saint-Saëns, de Berlioz et de Gounod. Ceux de nos lecteurs parisiens qui n'ont pu assister à cette fête artistique, seront heureux d'apprendre qu'elle aura un lendemain et peut-être plusieurs. J. L.


L'Univers et le Monde, Paris, 30 mars 1897, p. 2. 

Sept représentations publiques sont organisées et le succès est considérable. C'est Albert Kirchner, ancien chef opérateur d'Eugène Pirou, qui est appelé pour prendre des vues cinématographiques. Le 4 mai, les tableaux vivants sont repris à l'Institut Saint-Nicolas, le jour même où va se dérouler le drame du Bazar de la Charité. 

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Un Christ idéal Jésus parmi les Docteurs
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La trahison de Judas Jésus bafoué
Frère Basile-Joseph, Scènes de la Vie du Christ, mars 1897
© Anon., Henri Levesque (Frère Basile-Joseph) 1858-1932, p. 299-302.

Les photos publiées dans l'ouvrage Henri Levesque (Frère Basile-Joseph) donnent une idée de la " mise en scène " opérée par Frère Basile et ont inspiré directement les tableaux du film tourrné par Albert Kirchner. Dans L'invention du cinéma, Georges Sadoul (307) publie une photographie de plateau d'une Passion qu'il attribue à Lear. Toutefois le décor - semblable à la vue Lumière L'Arrivée à Jérusalem - semble plutôt indiquer qu'il s'agit d'une autre Passion, tournée, en 1898, par Georges Hatot.

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Lumière, L'Arrivée à Jérusalem La Passion, de Léar [sic] : Entrée à Jérusalem
© 
Cinémathèque Française

Cette première expérience où Frère Basile fait preuve d'habilité conduit Léar à lui proposer de " composer des saynètes et de les réaliser avec ses apprentis " (Anon., 300). L'historien Guillaume-Michel Coissac, à plusieurs reprises, a raconté comment ces vues étaient réalisées. Dans La Vie catholique (cité dans Anon., 300-301), il évoque ces tournages :

Le Frère Basile y consentit. Il imagina de petites scènes très simples, qui étaient alors le dernier mot du cinéma. Les bandes n'avaient pas plus de 20 mètres. Les répétitions avaient lieu dans la cour et lorsque tous les artistes, sans exception, vivaient pleinement leur rôle, Lear enregistrait, de façon à donner l'illusion d'une scène réelle de l'existence quotidienne.
Pour créer l'ambiance, le Frère Basile usait de toutes les circonstances favorables. Des maçons exécutaient-ils des réparations dans la cour de l'école, ils devenaient les acteurs d'un petit film : Le Lecteur distrait. Tandis que les ouvriers gâchaient le mortier, un des acteurs du cher Frère passait, absorbé dans la lecture de son journal : les maçons se moquaient de lui, qui ne les voyait pas, et lui aspergeait d'eau son journal. Le distrait, rappelé subitement à la réalité, s'emportait tumultueusement et, de fureur, s'en allait trébucher en plein dans le mortier, tandis que les ouvriers se tordaient de rire.
Le Frère Basile composa ainsi pour Lear une douzaine de films, dont voici quelques titres : L'Aveugle, L'OrdonnanceLa Bataille d'oreillersToto aéronauteL'ApprentiL'Arroseur arrosé, réplique du fameux film de Lumière, mais en beaucoup mieux...


Anon., p. 300-301.

Le frère Basile ne consacre que quelques mois à ses activités cinématographiques avant d'y renoncer définitivement. Vers la fin de l'année 1897, Albert Kirchner dit Léar vend sa production à Léon Gaumont.

Le 7 juillet 1904, la loi interdisant aux congréganistes tout enseignement en France est votée à la Chambre des députés. Henri Levesque abandonne Saint-Nicolas, et devient directeur, en costume civil, du pensionnat de Buzenval (1904-1905). Grâce à la création d'un cours destiné à la formation des maîtres chrétiens laïques, les Petits-Novices sont remplacés, peu à peu, par les Normaliens. il reprend, dès 1905, l'établissement d'Issy (1905-1911). En 1911, il devient Directeur Général des quatre écoles de Saint-Nicolas, poste qu'il occupe jusqu'en 1930. En 1932, à la suite d'un accident de voiture, Henri Levesque (Frère Basile-Joseph) décède à l'Hôtel-Dieu de Chartres. Il est enterré au cimetière de Louveciennes.

Bibliographie

ANON., Henri Levesque (Frère Basile-Joseph) 1858-1933, Paris, Librairie Générale de l'Enseignement Libre, 1933, 382 p. 

SADOUL Georges, L'invention du cinéma, 1832-1897, Paris, Éditions Denoël, 1946, 364 p.

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